Le Jour d'Après
2024 a vu un nombre record de la population mondiale se rendre aux urnes. L’une des élections les plus décisive a été l'élection présidentielle américaine. Le peuple américain a maintenant fait son choix. Donald Trump a remporté la Maison Blanche et le Parti Républicain a pris le Sénat en gagnant un certain nombre de « Swing States » considérés comme États clés. Au moment de la rédaction, les perspectives pour la Chambre des Représentants restent incertaines mais penchent vers les républicains, ce qui signifie que l'élection américaine est susceptible de donner lieu à ce qu'on appelle une 'vague rouge'.
Premières réflexions sur le raz-de-marée républicain
Une vague rouge permettrait au Président élu Donald Trump de faire passer une grande partie de son agenda au Congrès. Notre point de vue ci-dessous est divisé en deux grandes catégories : les politiques qui nécessitent l'approbation du Congrès et celles que le Président peut faire avancer unilatéralement avec son autorité exécutive.[1]
Décisions nécessitant l'approbation du Congrès
La politique budgétaire nécessite l'approbation du Congrès. Cependant, avec un raz-de-marée républicain, le Président élu Trump aura en grande partie une capacité plus facile à mettre en œuvre la politique budgétaire comme il l'entend. Trump a, en effet, promis un assouplissement fiscal significatif avec notamment la prolongation des réductions d'impôts adoptées en 2017, qui devaient expirer à fin 2025.
D'importantes réductions d'impôts, y compris l'impôt sur les sociétés, devraient augmenter le déficit budgétaire, bien que cela soit partiellement compensé par les revenus générés par l'augmentation des droits de douanes. Elon Musk est pressenti pour diriger une nouvelle agence visant à apporter des gains d'efficacité au gouvernement et a proposé de réduire considérablement les dépenses, mais cela apparaît comme un véritable défi. Les déficits budgétaires, qui sont déjà importants, devraient s'aggraver au cours des prochaines années. Un effet de courbe de Laffer[1] sur les recettes fiscales devrait être modeste, bien qu'il y ait un potentiel d'augmentation des revenus fiscaux si l'IA stimule considérablement la croissance (PIB).
Le Président élu Trump a également exprimé le souhait de révoquer certaines parties de la loi sur la réduction de l'inflation (IRA) du président en exercice Joe Biden. Cependant, les États Républicains ont bénéficié des programmes budgétaires de l'IRA, ce qui pourrait signifier que les changements de politique devraient être marginaux. Trump a également promis de réduire le poids de la réglementation en générale, ce qui qui lui sera normalement possible avec le contrôle de la Chambre des Représentants et le Sénat, par les Républicains.
Décisions ne nécessitant pas l'approbation du Congrès
Le président élu a de larges marges de manœuvre pour imposer de nouveaux droits de douane, bien que cela pourrait nécessiter un processus long, notamment entre la prise de décision et la mise en œuvre. Trump peut donc annoncer son intention d'imposer des droits de douane tout en cherchant à obtenir un meilleur accord, ce qui pourrait entraîner l'annulation de certains droits si les négociations sont fructueuses, selon lui. Le schéma ci-dessous montre que les droits de douane proposés par Trump sont beaucoup plus élevés que ceux imposés lors de sa première présidence.
Lors de sa campagne, Donald Trump a promis de réduire l'immigration, y compris le déplacement de millions de migrants illégaux. Ces déplacements à grande échelle sont difficiles pour des raisons légales et pratiques. Cependant, le taux global d'immigration devrait légèrement diminuer. L'immigration, qui avait fortement augmenté en 2022 et 2023, a déjà chuté de manière significative cette année.
Par ailleurs, le président élu a exprimé son souhait d'être impliqué dans la politique monétaire, ce qui aurait un impact sur la capacité de la Réserve Fédérale (Fed) à agir de manière indépendante. Son intention n'est à ce stade pas claire et sa marge de manœuvre est probablement limitée. Il a également déclaré qu'il souhaitait un dollar américain plus faible. Étant donné que la mise en place de droits de douane peut produire l'effet inverse, il est incertain de savoir ce que cet objectif signifiera en pratique.
Taux moyen de droits de douane des États-Unis sur l'ensemble des importations
Source : Barclays Research. En date de novembre 2024. Remarque : Supposant la nouvelle proposition de tarifs douaniers de 60 % du président élu Trump sur toutes les importations chinoises et de 10 % sur toutes les importations du reste du monde.
Qu'est-ce que cela signifie pour la croissance américaine et les marchés financiers ?
Pour la croissance du PIB, l'incertitude règne. Les dépenses fiscales et une réglementation allégée sont globalement bénéfiques pour la croissance, bien que des déficits plus importants et possiblement des rendements plus élevés puissent évincer l'investissement du secteur privé, compensant ainsi le coup de pouce provenant des dépenses supplémentaires. Les droits de douane, en revanche, sont matériellement négatifs pour la croissance et perturbent les entreprises. Nous pensons que cela pourrait affecter la croissance, tant aux États-Unis qu'ailleurs, bien que l'erreur de prévision à ce sujet soit probablement élevée. De plus, nous ne pouvons pas être certains que tous les droits de douane proposés seront effectivement mis en œuvre ou s'ils seront simplement annoncés puis retirés. La mise en place des droits de douane ne sont pas susceptibles d'améliorer la compétitivité des États-Unis, car le dollar américain augmenterait pour compenser ce qui semble, à première vue, être un coup de pouce protectionniste.
Des droits de douanes plus élevés et des déficits plus larges sont inflationnistes l'année où les changements sont effectués, mais pas nécessairement par la suite. Si les attentes d'inflation restent ancrées et que la politique monétaire guide bien l'économie, alors l'inflation pourrait revenir à l'objectif.
À court terme, la Fed est susceptible de continuer à baisser les taux d'intérêt directeurs et ne voudra pas être perçue comme trop politique. De nombreux membres du FOMC (Comité Fédéral de l'Open Market) estimeront que le taux d’intérêt neutre est bien en dessous de son niveau actuel, donc d'autres baisses restent une voie d'action envisagée. La Fed voudra par ailleurs éviter de préempter des politiques qui pourraient ne pas se matérialiser, comme les droits de douane. Une augmentation des pressions inflationnistes pourrait néanmoins entraîner des changements dans l’évolution de la politique monétaire et le niveau final des baisses de taux en 2025 et au-delà.
Impact immédiat sur les marchés financiers
Les attentes d'une politique budgétaire plus souple et de déréglementation ont été bien accueillies par les marchés boursiers, le S&P 500 continuant sur une forte performance depuis le début de l'année et atteignant un niveau record. Les actions des petites capitalisations, bénéficiaires du précédent mandat présidentiel de Trump, affichent des performances encore meilleures. Les actions des marchés émergents ont, quant à eux, globalement sous-performé.
Les attentes d'un déficit budgétaire plus élevé et de politiques favorisant la croissance ont déclenché une vente massive d'obligations d'État, ce qui, en plus des mouvements à la hausse considérables que nous avons observés au cours des deux derniers mois, voit maintenant le rendement des obligations américaines à 10 ans se négocier autour de 4,45 % (le point bas de septembre s’établissait autour de 3,61 %). Nous avons également observé une pentification de la courbe des taux US. Les breakevens d'inflation ont augmenté, mais nous ne voyons, à ce stade, aucune preuve que les attentes d'inflation deviennent désancrées.
Des rendements obligataires plus élevés, associés à des attentes élevées concernant les droits de douane, ont provoqués un vent contraire significatif pour le dollar américain, celui-ci (plus précisément l'indice du dollar américain pondéré en fonction des échanges) ayant augmenté d'environ 2 % en une nuit, s'appuyant sur les gains des derniers mois.
Aperçu des marchés financiers
Source : Bloomberg au 6 Novembre 2024
Notre vision
Notre vision macroéconomique générale au cours des derniers mois était un retour à la normale. Une normalité en termes de croissance économique, d'inflation, de croissance des salaires et de politique monétaire. Cela soutiendrait légèrement les actifs risqués. Cependant, les résultats des élections augmentent considérablement les risques extrêmes. Il existe des risques de surchauffe de la croissance liés aux réductions d'impôts et à la dérégulation, et des risques de décélération liés à la mise en place de tarifs douaniers et aux guerres commerciales.
Un certain nombre d'actions importantes (en particulier les droits de douane) ont des impacts difficiles à prévoir ; la réaction de la Chine et des autres pays est, par ailleurs, largement inconnue à ce stade. Avec cela à l'esprit, et avec les marchés actions à des niveaux record, nous sommes susceptibles de rester neutres (après avoir été surpondérés d'octobre 2023 à octobre 2024).
Le dollar américain devrait, sans ambiguïté, se renforcer davantage en raison de la perspective de droits de douane supplémentaires, en particulier par rapport au renminbi chinois – qui pourrait être dévalué de 20 à 30 % par rapport au dollar américain – si des tarifs douaniers de 60 % sont appliqués. Pour la Chine, une administration Trump est sans équivoque défavorable, tant pour les exportations vers les États-Unis que pour les investissements entrants. Les marchés pourraient bien se concentrer sur cela à court terme.
Cependant, il est possible que la Chine assouplisse notablement sa politique budgétaire et fournisse un soutien au marché immobilier. Une consommation et des marché immobilier plus forts, associés à des exportations plus faibles (vers les États-Unis, mais pas vers le reste du monde), pourraient constituer un changement globalement positif pour la Chine. Les droits de douane sur la Chine sont d’ailleurs probablement positifs pour les marchés émergents hors Chine.
Les rendements obligataires pourraient quant à eux subir une pression haussière même si, compte tenu de la hausse des derniers mois, celle-ci pourrait être vite limitée. Bien que nous croyions qu'une « crise » budgétaire présente un faible risque, cela reste plausible si la politique de commerce extérieur entraîne une guerre commerciale intense, une inflation plus élevée et persistante, une croissance plus faible et un déséquilibre budgétaire.
Les auteurs
Rupert Watson - London Global Head of Economics & Dynamic Asset Allocation
Max Becker – New York Economics & Dynamic Asset Allocation Specialist
Julius Bendikas, CFA - London European Head of Economics & Dynamic Asset Allocation
Fahad Badar - London Senior Multi Asset Analyst
Pour plus d'informations, n'hésitez pas à visiter notre site web https://www.mercer.com/fr-fr/insights/investments/, ou à contacter nos experts en France.
Boutros Thiery - Directeur des Investissements
Maxime Ricomes, CFA, CAIA, CIPM - Directeur Allocation & Sélection
Maud-Kelly C - Analyste senior en investissement
Adrien DUTREVIS, MBA, CAIA - Analyste senior en investissement
Important notices
Les références à Mercer doivent être interprétées comme incluant Mercer (US) LLC et/ou ses sociétés associées.
© 2024 Mercer (US) LLC. Tous droits réservés. Consultez nos informations importantes.
[1] La courbe de Laffer illustre la relation théorique entre les taux d'imposition et les recettes fiscales, suggérant qu'il existe un taux d'imposition optimal qui maximise les revenus, les taux d'imposition trop bas ou trop élevés entraînant une diminution des recettes gouvernementales.
[2] La courbe de Laffer illustre la relation théorique entre les taux d'imposition et les recettes fiscales, suggérant qu'il existe un taux d'imposition optimal qui maximise les revenus, les taux d'imposition trop bas ou trop élevés entraînant une diminution des recettes gouvernementales.