Retour sur une carrière inattendue ….
La réussite d’un parcours professionnel tient souvent à la combinaison de plusieurs facteurs : capacité individuelle, diplômes obtenus, situation économique du moment, opportunités, succès, chance, …
Issu d’une fratrie de 4 enfants, deux garçons et deux filles, mes parents m’avaient destiné à reprendre leur exploitation agricole. Par conséquent j’étais dispensé d’une rentrée en 6° à l’âge de 11 ans au lycée Monteil de Rodez comme les autres. J’ai poursuivi donc ma scolarité à l’école primaire du village jusqu’à 14 ans, la loi oblige. Au terme de ces 14 ans, une classe de 4° adaptation s’ouvre à Monteil pour des jeunes « oubliés », afin de tenter l’obtention du BEPC (brevet des collèges). Sous l’influence de mon instituteur, je fais donc ma 4° et 3° adaptation avec 6 h de langue par semaine entre autres, et passe le BEPC. Résultat : 6 de reçus sur 35. Le lycée décide alors de stopper rapidement cette initiative peu efficace.
Fort de cette réussite à ce brevet, mon instituteur conseille à mes parents que je poursuive mes études jusqu’au baccalauréat, ce qui pouvait constituer un atout supplémentaire pour rester à la ferme. Le lycée m’intègre alors à la classe de seconde issue du parcours long (provenance 6°).
Année un peu difficile, je redouble ma seconde en 1968, toujours sur les conseils de mon instituteur, pour accéder au prestigieux bac E (mathématiques et techniques) deux ans après.
Quelques jours avant de passer le baccalauréat, trois copains me persuadent de venir avec eux à Toulouse passer un concours d’entrée à l’Ecole Nationale d’Ingénieurs de Tarbes comme entraînement pour le bac. A ma grande surprise, je réussis le concours. Fort de cette réussite, ma mère bonne visionnaire, considérait finalement qu’il valait mieux que je poursuive mes études, estimant que la ferme était en fait un peu trop petite pour bien vivre. Je pense qu’elle éprouvait aussi une certaine fierté de me voir intégrer une Ecole d’Ingénieurs. J’intègre alors cette école à Tarbes, avec le statut de sursitaire vis-à-vis de mes obligations militaires.
Après 5 ans d’études supérieures, j’obtiens mon Diplôme d’Ingénieur de production en construction mécanique.
Quelques mois avant ma sortie de cette école, j’apprends que ma situation militaire de sursitaire se transforme en statut d’exempté pour cause de réforme du service militaire. À la suite de cette information, je décide alors de poursuivre mes études en optant pour une spécialité. Après une grande hésitation, je choisis l’Ecole Supérieure du Soudage et de ses Applications à Paris (ESSA), et après un an de travail intensif j’obtiens mon diplôme d’Ingénieur International en Soudage avec mention bien.
Chassé par les industriels avant la sortie de l’école ESSA, je suis recruté dans l’industrie lourde au Creusot en Saône et Loire, division mécano soudure de biens d’équipements, où c’était encore la fin des trente glorieuses, et où les projets foisonnaient. Je me suis éclaté d’abord comme ingénieur en recherche et développement, puis très vite nommé responsable des méthodes, responsable de projet, et ensuite responsable de fabrication. Ma carrière s’est déroulée ensuite dans d’autres usines à Lyon et à Nantes où j’ai exercé la fonction de directeur d’usine pendant les 13 dernières années, avant de bercer dans une semi-retraite. Semi-retraite car je continue d’exercer dans cette discipline, en dispensant de la formation, en faisant des expertises et du conseil en entreprise, et même comme expert près des tribunaux. Quand on aime on ne compte pas !
Je suis un passionné de la construction soudée pour ses multiples facettes : mécanique, électrique, métallurgique, manutention, contrôle non destructifs, règlementation. C’est une technique d’assemblage qui allie construction esthétique, économique, et légère : le pont de Millau en est un exemple !
Le métier nécessite un contact étroit avec le soudeur, celui qui pilote ou qui tient la torche sur la pièce. Celui qui peut intervenir en atelier industriel ou sur un chantier de construction, qui peut effectuer un travail répétitif ou extrêmement varié, et travailler sur différents matériaux en respectant des consignes très strictes de fabrication. Doué d’une parfaite habileté dans le maniement des outils, des torches, il est responsable et consciencieux, la soudure doit être parfaite. Protégé par un masque cagoule et des gants, penché sur l’ensemble à souder, parfois en position inconfortable, immobile et éclairé par une forte source lumineuse, le soudeur réalise un travail précis d’assemblage dont la valeur influe directement sur la qualité et la sécurité des produits réalisés.
Le métier évolue maintenant vers des technologies toujours plus performantes et complexes comme les procédés de soudage : laser, faisceau d’électrons, friction, explosion, malaxage, étincelage…, et le développement de la mécanisation et de la robotisation.
Nul ne peut imaginer l’étendue des connaissances qu’exige désormais la construction soudée dans une entreprise, de sorte qu’il règne dans cette profession une sorte d’élitisme. Choix des matériaux, conception, procédés de soudage adaptés, techniques d’assemblages, analyses métallurgiques, contrôles, règlementation, traçabilité, chantier, mise en service, sont les tâches quotidiennes qu’il faut accomplir pour mener à bien la construction d’un bien d’équipement. Beaucoup d’industriels hésitent à se lancer dans cette profession car lors du soudage, les caractéristiques métallurgiques du matériau sont modifiées et ses propriétés mécaniques altérées par les températures atteintes et le tes temps d’exposition. C’est pour cela que de récentes normes imposent aux constructeurs d’avoir un coordinateur soudage, c’est-à-dire une personne qui a suivi une formation lourde de plus de 700 h en soudage sanctionnée par un diplôme international.
Différents contrôles jalonnent la réalisation des produits mécanosoudées, avant soudage, pendant et après. Parmi ceux-ci on peut citer le contrôle visuel et dimensionnel, le ressuage, la magnétoscopie, la radiographie et les ultrasons qui consistent à ausculter les soudures, comme en médecine. Tous ces contrôles permettent de s’assurer de la compacité des soudures pour une garantie de tenue en service.
De fait, le soudage nécessite plus que toute autre technique un haut niveau de qualité. Il faut que les choses soient écrites, vérifiées et appliquées, c’est ce qui est fait entre autres au travers du cahier de soudage qui indique pour chaque joint soudé ce qu’il y a lieu de faire, avec les qualifications de mode opératoires associées et les qualifications de soudeur, réalisées suivant des normes très précises.
Sans ces connaissances larges et approfondies du soudage, notre monde moderne ne serait pas ce qu’il est : sans soudage les avions géants ne voleraient pas en toute sécurité, les grands navires ne feraient pas le plaisir des touristes ou ne satisferaient pas les transports maritimes, les trains ne seraient pas aussi rapides, la conquête spatiale n’aurait pas débouché…l’automobile ne serait pas devenue un objet courant de consommation.
Ma carrière a été exaltante, sur le plan technique, organisationnel, relationnel, avec constamment de nouveaux défis à relever. J’ai eu plaisir de participer à la réalisation de nombreux composants pour l’énergie nucléaire, pour l’énergie hydraulique, l’off-shore, le transport ferroviaire, le levage, l’armement, l’aéronautique, la pétrochimie, en réalisant des pièces de quelques centaines de kilos à plusieurs centaines de tonnes, de quelques millimètres d’épaisseur à 350 mm d’épaisseur soudée, sur toutes sortes d’aciers, ou d’alliages non ferreux….
Une carrière inattendue qui fait suite à un parcours sinueux, jalonné d’opportunités, de réussites, de chance. Tout cela pour découvrir une technologie passionnante et méconnue qu’est la construction soudée dont le monde ne pourrait se passer.
BRALEY Roger
Ingénieur ENIT/ICG
Ingénieur International en Soudage IWE
Expert judiciaire près des tribunaux
Inspecteur soudage IWT
6 moisJ’ai eu la chance de passer mon IWS/T accompagné de Roger, une des rencontres les plus inspirantes de ma vie, un homme d’une gentillesse rare et doté d’un savoir inspirant. Merci et bravo pour votre parcours.
Bonjour Roger, bel exemple de carrière prouvant que les capacités d'une personnes à long terme ne se dévoilent pas nécessairement lors de notre scolarité. On peut très bien être très moyen à l'école, au collège, au lycée... et se révéler ensuite ; tout comme l'inverse est également possible. Content d'avoir pu entendre tes nombreuses anecdotes lors de tes cours dispensés lors de ma formation IWT au printemps dernier, on sent dans tes interventions la passion du métier. Bonne continuation
Gérant ATCE Industrie-Formateur- Technologie Européen en Soudage
9 moisBonsoir Rogers, Superbe carrière qui donne envie.... Un réel plaisir de travailler avec vous, mais aussi d'avoir eu la chance de vous croiser en formation...👍 Bravo et au plaisir de se revoir
Chargée de missions Qualité Santé Sécurité Environnement Spécialiste International en Soudage (IWS) Secrétaire de l’Association SRE 84 (@SRE AVIGNON) Sécurité Routière
9 moisBravo Roger, Quel beau parcours!
Je vous accompagne pour la fabrication, du prototype à la série de vos pièces usinées et mécanosoudées.
9 moisMerci d’avoir partagé votre expérience avec les étudiants de l’Institut de Soudure (promotion 2012-2013). Vous restez, pour moi, l’un des meilleurs professeurs que nous avons eus, celui qui nous a donné l’envie d’approfondir nos connaissances en soudure et dans les procédés de soudage. Vous avez surtout su nous montrer l’importance de faire le lien entre les quatre modules de l’IWT. Merci à vous, Philippe