Les fondements d'un multilatéralisme rénové : restructurer et dynamiser les partenariats entre l'Union européenne, l'Union africaine et l'ONU

Les fondements d'un multilatéralisme rénové : restructurer et dynamiser les partenariats entre l'Union européenne, l'Union africaine et l'ONU

Je partage dans cet article le texte de mon intervention prononcée le jeudi 19 mai au Collège des Hautes Etudes de Stratégie et de Défense #CHESD de Kinshasa dans le cadre d'un séminaire organisé par l'Observatoire Boutros-Ghali du maintien de la paix sur les nouveaux défis des opérations de paix. J'ai eu le plaisir d'y intervenir aux côtés de Michelle Ndiaye, représentante de l'Union africaine en République démocratique du Congo, et de Mahamat Saleh Annadif, Chef du Bureau des Nations Unies pour l'Afrique de l'Ouest et le Sahel (UNOWAS).

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Les fondements d'un multilatéralisme rénové : restructurer et dynamiser les partenariats entre l'Union européenne, l'Union africaine et l'ONU

1.    Acteurs globaux – Partenariats Globaux

Ces partenariats sont souvent perçus comme avant tout axés sur les questions de paix et sécurité. C’est une idée biaisée. Le partenariat stratégique va bien au-delà des seules questions sécuritaires : il s’inscrit dans un agenda commun de valeurs et de promotion d’intérêts convergents en faveur du multilatéralisme, du dialogue et de la coopération.

Le partenariat entre l’Union européenne (UE) et les Nations Unies (ONU) se base sur des valeurs communes partagées par les deux organisations qui sont ensemble les premiers défenseurs d’une gouvernance mondiale basée sur le respect du droit et les valeurs du multilatéralisme. Cela se traduit par des actions concrètes, portées mutuellement, pour :

o   Répondre aux besoins des personnes affectées par les crises, qu’elles soient d’origine naturelle ou générée par le conflit ; 

o   Combattre les effets du changement climatique et prévenir de plus graves dérèglements en favorisant l’adaptation des populations vulnérables ;

o   Renforcer l’adhésion de tous aux règles internationales, seules à même de préserver la souveraineté de tous les pays, indépendamment de leur taille ou puissance, et de défendre les intérêts de toutes nos populations.

o   Agir ensemble au service de la paix et de la sécurité.

Le partenariat entre l’UE et l’Union africaine (UA), renouvelé quant à lui à l’occasion du Sommet Europe-Afrique de Bruxelles de février 2022, est lui aussi multidimensionnel. C’est un partenariat centré sur les notions de respect mutuel et de réciprocité. Ce partenariat est fondé sur des valeurs de dignité, de solidarité et de liberté. 

Il s’agit d’un partenariat pour :

o   La prospérité qui passe par des échanges renforcés et par un appui européen au développement de capacités africaines. De mise en valeur des ressources du continent, notamment de sa jeunesse.

o   Le développement durable et la préservation du climat, avec un accent mis en particulier sur le renforcement des capacités africaines en matière de santé. Nous ne pourrons pas répondre aux grands défis mondiaux si nous ne nous inscrivons pas dans une logique de partenariat et de solidarité. Le chacun pour soi « nationaliste » ne peut aboutir qu’à un affaiblissement généralisé.

o   Et c’est bien entendu, aussi, un partenariat pour la paix et la stabilité, avec en son cœur, là aussi, la volonté de soutenir le renforcement des capacités africaines de réponse aux crises, au travers notamment de l’appui à la mise en œuvre de l’Architecture de Paix et Sécurité en Afrique (APSA).

Ce rappel préliminaire est important pour démontrer l’étendu de notre travail conjoint qui s’inscrit dans une approche plus globale de développement et de sécurité. Mais j’en viens au cœur du sujet.  Qui est celui du renforcement de l’intégration de nos organisations pour mieux travailler ensemble à la réponse aux crises et aux conflits armés en Afrique en particulier.

2.    Comment renforcer l’approche intégrée en matière de paix et sécurité entre nos trois organisations ? Quelle place pour l’Union européenne aux cotés de l’Union africaine et de l’ONU ?

Nos trois organisations se sont engagées à accroître leurs coordination et coopération aux niveaux politique, économique et opérationnel sur tout un ensemble de questions, en particulier dans les domaines de la Paix et de la Sécurité. Cela se fait sur base d’une logique de subsidiarité et d’avantages comparatifs et à travers une méthodologie impliquant des échanges réguliers à tous les niveaux : politique et stratégique entre nos sièges respectifs notamment, mais aussi sur le terrain par des échanges réguliers entre chefs de missions et, le cas échéant par le canal des envoyés spéciaux. 

L’UA a développé une approche autour du concept d’opération de soutien à la paix qui se décline en des actions robustes, mobilisant des forces africaines bien formées pour engager les forces négatives et qui permet au continent africain de bénéficier de capacité « d’entrer en premier » et de « répondre en premier » à un confit. Cette approche prend différentes formes en fonction du contexte régionale et locale ; la force conjointe du G5 Sahel (le retrait récent du Mali pose la question de l’évolution possible de cette organisation), l’AMISOM, la force mixte multilatérale autour du Lac Tchad ou plus près de nous la Force Régionale contre la LRA en sont des exemples. La mise en place d’une force régionale dans le cadre du processus de Nairobi lancé par la RDC et le Kenya pour ramener la stabilité et la paix dans l’Est du Congo pourrait en constituer une prochaine illustration.

L'ONU a pour sa part progressivement fait évoluer le concept d’opérations de maintien de la paix à opérations de paix pour refléter la capacité d’agir plus en amont et aussi de manière plus robuste, à l’image du mandat de la brigade d’Intervention (FIB) au sein de la MONUSCO (elle-même trait d’union entre une opérations plus traditionnelles de maintien de la paix et la montée en puissance des capacités africaines que je viens de mentionner). Ailleurs sur le continent, et en particulier dans des contexte de menaces terroriste ou face à des acteurs non conventionnels, les Nations Unies ont su adapter leur mandat de telle sorte à ce qu’il puisse compléter et intervenir de manière séquencée, en parallèle ou juste après une première intervention africaine pour déployer des outils d’interposition, et de consolidation de la paix notamment à travers des programmes de stabilisation et la mise en œuvre d’une approche nexus, associant opération onusienne et agences. 

Alors quelle place pour l’Union européenne, à quand une nouvelle ARTEMIS comme on me le demande souvent ici, ou un nouvel EUFOR ? Il y a quasiment deux mois jour pour jour, l’Union européenne a adopté sa nouvelle boussole stratégique qui a pour objectif de faire de l'UE une garante de la sécurité plus forte et aux capacités renforcées. L'UE doit être en mesure de protéger ses citoyens et de contribuer à la paix et à la sécurité internationales. Ce nouveau cadre stratégique doit nous permettre de mieux agir et de mieux soutenir nos partenaires.

Mieux agir à travers :

o   une capacité de déploiement rapide de 5000 personnes adaptable en fonction des phases et des scenarios de crise dans lesquels elle doit intervenir ;

o   une réserve d’experts pouvant constituer un déploiement ou un renforcement de type mission PSDC (conseil, assistance, formation)

o   un renforcement des mission existantes

o   une pleine utilisation de la nouvelle facilité européenne de paix pour notamment renforcer les capacités de nos partenaires à travers des financements ou du soutien opérationnel. En particulier en soutenant l’Union Africaine comme en témoigne la mesure d’assistance adoptée le mois dernier pour un montant de 600 millions d’euros.

Concrètement, le positionnement européen est donc amené à évoluer en fonction de ces nouvelles orientations. Donc, oui davantage de moyens pour financer et soutenir la capacité à intervenir en cas de besoin et en particulier des opérations régionales africaines. Davantage aussi de moyens pour des mécanismes de formations, à travers les missions de type EUTM notamment mais aussi les actions bilatérales. Prenons ici le cas de la Somalie et l’AMISOM par exemple où nous avons une mission Africaine mandatée et mise en œuvre par l’Union africaine, avec un soutien financier important européen ; des pays contributeurs de troupes qui pour certains d’entre eux bénéficient de la coopération de nos Etats membres dans leur préparation opérationnelle ; des forces nationales (armée et police) qui bénéficient des programmes de formations européens (EUTM ou EUCAP). Schéma repris, toute chose égale par ailleurs, au Mozambique, en RCA ou dans le Sahel. 

De surcroit, suite à l’adoption de la boussole stratégique, l’UE travaille à l'élaboration d'un nouveau concept pour ses missions militaires visant à (1) permettre une posture plus robuste, au sens d'être plus à même de répondre aux attentes de nos partenaires en étant capable de déployer plus rapidement des structures plus légères et réversibles avec un encombrement réduit, et (2) créer les conditions d'une plus grande flexibilité afin de pouvoir mener des activités de mentorat et de conseil sur un spectre plus large, non seulement dans un contexte de réponse/gestion de crise, mais aussi dans le cadre de la prévention de crise, lorsqu'un risque surgit ou afin de renforcer les partenariats existants.

3.    Dans quel cadre stratégique inscrire notre action/coopération trilatérale ?

Différentes pistes d’action peuvent à mon sens être renforcées et intensifiées :

·      La prise en compte de la thématique « femmes, paix et sécurité » pour renforcer la cohérence et l'intégration des perspectives de genre tout au long de notre coopération ;

·      Le renforcement de la coopération entre missions et opérations sur le terrain en vue d'assurer une réciprocité accrue dans le partage des moyens, la cohérence et la continuité ;

·      La recherche systématique de la complémentarité lors de la planification et de l'exécution des transitions de missions et opérations, compte tenu de l'élaboration de lignes directrices communes ;

·      L’investissement plus systématique et partagé dans la prévention des conflits et des processus et solutions politiques ; un travail commun pour mieux identifier, mobiliser et utiliser les outils de médiation, d’alerte précoce et réforme du secteur de la sécurité (RSS) et de coordination des messages politiques ;

·      Ce qui va évidemment de pair avec le développement d’une communication stratégique en réponse aux premiers signes de conflit ;

·      L’intensification de la coopération en matière de maintien de l'ordre, d'État de droit et de RSS pour inclure également la justice et les structures pénitentiaires; et évaluer les possibilités de coopération en matière d'intervention civile rapide.

·      Un soutien encore plus systématique aux opérations de paix sous conduite africaine.

Je crois avoir démontré ici, pour répondre à votre question, que nous ne sommes pas dans une tendance à la réduction de notre action, nous sommes plutôt dans sa transformation et un renforcement de cette dernière, à travers des formes qui s’adaptent aussi à la montée en puissance de nos partenaires et qui permettent à l’UE d’être plus agile, plus efficace, plus crédible et donc plus à même d’agir et de renforcer les moyens d’agir. 

Saâdi AREZKI

Consultant Founding Member & NE Executive Director of the Pan African Chamber of Commerce. General Secretary of the African Parliament of the Civil Society

10 mois

En Iran des mollah UN ACTE DE COURAGE UN ACTE DE LIBERTÉ qui risque de coûter la vie à cette femme! L’ONU, Human RIGHTS Watch, le Monde Libre doit se mobiliser pour faire libérer cette femme et prendre les dispositions pour assurer sa sécurité en lui accordant un asile humanitaire dans un pays de son choix . Que les « médias libres » se mobilisent !!! https://www.linkedin.com/posts/sadi-areski-b1430343_womanlifefreedom-iran-activity-7258812689194389505-fTE-?utm_source=share&utm_medium=member_ios

Jean-Marc Sinnassamy

Regional Program Manager at GEF/World Bank

3 ans

Le multilateralisme contribue à une certaine idée du monde. Oui, c’est compliqué, oui, c’est plus compliqué que le bilateralisme. Mais le multilatéralisme implique des échanges constants entre plusieurs pays, donateurs et récipiendaires, souvent aussi avec des partenaires de la société civile et le secteur privé. Particulièrement en période de tensions internationales, le multilatéralisme a un rôle afin de maintenir le dialogue et d’avancer sur des sujets variés, l’environnement en ce qui me concerne et la génération de bénéfices pour la planète (carbone, biodiversité, services rendus par la nature…).

Yvon Somse

Driving Risk Management, Compliance & Continuous Improvement.

3 ans

Monsieur l Ambassadeur. Alors que je me réjouis de ce nouveau cadre de partenariat, je ne peux m empêcher de poser la question du droit d inventaire. Avant même de parler des fondéments d un multilateralisme rénové, quel inventaire faites vous des cadres stratégiques ou de la politique du maintien de la paix jusqu alors en place ? Pour quels impact ? Pourquoi rénové ? Est ce un aveu d échec des cadres antérieurs ? Le cas échéant, qu' avez vous tiré des échecs antérieurs pour proposer aujoudhui ce nouveau cadre ? Quels impacts attendre du nouveau cadre ? Comment comptez vous impliquer les peuples d Afrique dans sa mise en œuvre... Brefs, autant de questions qui me semblent sans réponses dans votre adresse à l heure ou vous nous proposez d aller à l étape suivante. Il est difficile dans ces conditions de construites de la confiance à long terme. Le terme "maintien de la paix" me semble inapproprié dans des territoires déjà en conflit (RDC, Mali...). Peut être que la notion d "opération pour la restauration de la paix" conviendrait davantage. Au delà des notions, la présence quasi permanente des soldats de l ONU et de l Armée Française dans certains pays laisse l impression d une invasion plus qu une interposition.

Nelly-Françoise Comte

Coordonnatrice chez CERPAC

3 ans

Que d'enjeux, que d'intérêts, que des nouveaux défis qui doivent briser les anciens schémas pour rechercher le meilleur voulu pour tous. La restauration et la dynamisation d'un nouveau partenariat gagnant-gagnant l'exige face à un monde en pleine mutation

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