PLU bioclimatique de Paris, à l’épreuve de la réalité économique

PLU bioclimatique de Paris, à l’épreuve de la réalité économique

Je me souviens avoir diffusé mes premiers commentaires sur cette question cruciale pour Paris dans une newsletter du 8 février 2024. Voir : https://www.linkedin.com/pulse/quelques-r%25C3%25A9flexions-personnelles-sur-le-projet-de-plan-bernard-michel-j768e/?trackingId=CIRjIClYSGy4MuzFtIuq0g%3D%3D

Le dossier a un peu évolué ces derniers mois, notamment grâce aux remarques souvent pertinentes de la commission d’enquête et il a fini par être adopté par le @Conseil de Paris le 20 novembre 2024. Ainsi :  

  • Les objectifs sont clairement identifiés : atteindre la neutralité carbone en 2050, rééquilibrer l'Est et l'Ouest de Paris dans une logique utopique du «quartier du quart d'heure» et favoriser l'accès à un logement décent et abordable (40% de logements publics, c’est-à-dire sociaux et intermédiaires), avec de nombreuses conséquences : interdiction des tours de grande hauteur, obligation de logement social dans les zones en hyper-déficit, sanctuarisation et création de 300 ha d’espaces verts, «désimperméabilisation» de 40% de l’espace public, etc.

  • L''enquête publique avait donné un avis favorable avec 20 recommandations et une réserve, concernant le pastillage «logement social» et préconisé quelques améliorations.
  • L'’entrée en vigueur du PLUb est prévue début 2025, pour une période de 15 ans. Après son adoption, des dispositifs de «service après-vote» seront annoncés, incluant un appel à projets pour des démonstrateurs d’innovations, prévu en juin 2025.

Ce contexte me conduit à partager mes nouvelles réflexions personnelles sur le PLUb :

1.    Sur le «polycentrisme» : à mon avis, il serait beaucoup plus ingénieux et vertueux de ne pas limiter cette réflexion à Paris intra-muros, c’est-à-dire de :

  •  Prendre en compte et se recentrer sur une vision polycentrique et francilienne, en intégrant notamment les nouvelles infrastructures de transport du Grand Paris express et en analysant précisément voire cliniquement les impacts sur les territoires limitrophes de la ville de Paris.
  • Vérifier la compatibilité avec le SDRIF et le SCOT métropolitain qui définissent des contraintes au niveau métropolitain et régional.
  • Et transposer le principe de polycentrisme francilien à l'intérieur de la capitale, à savoir rééquilibrer au niveau des quartiers et des arrondissements, en s’efforçant d’éviter l’opposition idéologique entre les arrondissements de l’Ouest ou du centre de Paris et les arrondissements de l’Est parisien.

 2.       Sur les berges et le périphérique : le projet introduit une OAP intitulée «lien métropolitain», axée sur la protection et la continuité des berges et des canaux, ainsi que par un aménagement vert des abords des portes de Paris et le long du périphérique selon les modalités suivantes :

  •  S’agissant des berges, il convient impérativement de conserver la pluralité des usages, avec des tronçons dédiés aux services urbains et aux ports.
  •  S’agissant du boulevard périphérique, à savoir, laisser une bande de 25 mètres inconstructible, un compromis doit nécessairement être trouvé entre constructions nouvelles, activités et protection de la santé des habitants (ceinture verte et sportive).

Cela signifie, faire preuve de flexibilité et moduler le dimensionnement de cette bande selon les caractéristiques de chaque quartier, afin de créer de nouvelles polarités avec des activités économiques non polluantes telles que l’artisanat par exemple.

 3.  Sur le «pastillage» : à noter que les acteurs économique concernés ont vivement réagi et que plus de 300 immeubles de bureaux pastillés ont fait d’ores et déjà l'objet de contestations et d'un précontentieux.

Une tentative de diagnostic : les immeubles pastillés sont fortement concentrés dans les arrondissements centraux, notamment le 8ème arrondissement de Paris. Or, le pastillage peut à l’évidence rendre un immeuble invendable et, par suite, empêcher toute opération de transformation.

 4. Les solutions envisageables à ce titre :

 Il faudrait assouplir la contrainte de logement social, en ajoutant le logement intermédiaire (ce point semble a priori avoir été pris en compte), mais également le logement «libre» !

  •  A surveiller également : même si les ambitions ont été revues à la baisse, la commission d'enquête s’est interrogée sur la réalisation opportune de logements sociaux et de BRS sur les maisons individuelles, presbytères, lieux de culte et établissements scolaires privés et même un centre d'addictologie, ainsi qu'une centaine d'immeubles de bureaux qui avait déjà fait l'objet de contestations, car jugés inadaptés au logement.

 5.  Sur l’activité économique : le vrai parent pauvre du PLUb ! De ce point de vue, il est évidemment nécessaire de sortir de la mono-activité dans certains arrondissements et de développer notamment des emplois dans l'est parisien. Mais il ne faut pas pour autant se résoudre à opposer les arrondissements de @Paris et au contraire, il est nécessaire de favoriser la mixité fonctionnelle et le dynamisme économique dans tous les arrondissements des bureaux ! Dans tous les cas, ne surtout pas brider le secteur immobilier d’entreprises du quartier central des affaires en empêchant sa modernisation par des contraintes impossibles à gérer et à financer !

 6.  Servitudes de mixité fonctionnelle : il faut absolument éviter qu'elles ne s'appliquent aux opérations de restructuration lourde qui ne s'accompagnent pas d'une extension de surface ou d'un changement d'activité. En d’autres termes, sacrifier une partie des surfaces économiques au profit de logements peut remettre en cause l'équilibre économique des projets d'investissement et ferait disparaître les opérations de transformation/rénovation de bâtiments tertiaires.

 7.  Restructurations lourdes, une clarification bienvenue : la surface dédiée à l’habitation (SPH) doit être supérieure de 11% à la surface dédiée à l’activité économique (SPE), pour les projets de plus de 500 m², calculés sur la surface des travaux.

 8. Surface de plancher à vocation économique : dans les secteurs de développement de l'habitat définis par le PLUb, la SPE finale ne doit pas excéder la SPE initiale. Toutefois La ville de @Paris a réintroduit la possibilité de réaliser 10% de surface de SPE supplémentaire, lorsque l'opération comporte la création de locaux destinés à l'habitation sur le même terrain avec un minimum de 500 m².

 9. Point positif : la protection des linéaires commerciaux, à savoir les surfaces de commerce et d’artisanat, mais aussi et heureusement les commerces culturels. A comparer, hélas, avec l’absence de protection des bureaux en rez-de-chaussée, seuls les tiers lieux ESS seraient désormais protégés.

 9. Logistique : elle pourra être installée, sans limitation de surface, dans les immeubles sans habitation. Dans les immeubles avec habitation, la logistique est limitée à 800 m² de surface de plancher, sous réserve d’une bonne insertion urbaine. La répartition de la logistique entre les arrondissements centraux et périphériques est jugée équilibrée, avec un renforcement le long de la Seine. La définition de la «pleine terre» permet la réalisation d’infrastructures en sous-sol.

 10. Sur les contraintes environnementales :

 Les Espaces Libres Inconstructibles en cœur d’îlot : ce dispositif vise à lutter contre les grandes chaleurs, avec des exceptions pour certains services urbains. Attention toutefois : la végétalisation obligatoire risque de compliquer sérieusement les projets d’investissement.

 Modes de Construction : le critère de surperformance par rapport à la RE 2020 (performance supérieure de 10% pour le logement et 20% pour le bureau ) n’a pas été modifié, en dépit de ses excès de contrainte.

 Végétalisation du Bâti : des assouplissements devraient être prévus, avec des taux modulables selon les projets.

 11.   L’Urbascore : la délivrance du PC reste subordonnée à la satisfaction d’au moins 3 critères dans 2 thématiques (sur 9 thématiques X 4 critères). Si le porteur du projet souhaite aller plus loin, il pourra bénéficier d’un «label».

Mais comment aller encore plus loin, compte-tenu de coût des projets en zone dense ? Cette grille de scoring des projets promet de belles négociations avec la ville de Paris…

En conclusion : le développement économique est le grand absent de ce PLUb . Les futures négociations pour obtenir des permis de construire seront encore plus compliquées. Les nouvelles règles s’appuient sur des objectifs louables, mais elles s’ajoutent aux précédentes, sont anti-économiques et risquent de détourner les investisseurs immobiliers des projets de transformation.

PAUL VERMEYLEN

Ménageur de territoires, conférencier international, essayiste

9 mois

Excellent, je partage avec quelques nuances..

Guy Le Péchon

CEO PARTNER at GOUVERNANCE ET STRUCTURES

9 mois

Merci "Post" très riche en particulier j'imagine pour tous les spécialistes de ce domaine capables d'en comprendre tout le contenu. Il mériterait, ci ce n'est déjà fait, une publication dans des médias traditionnels.

J’ai mal à comprendre comment la ville de Paris entend atteindre son objectif de neutralité carbone en 2050! Elle n’a aucun pouvoir d’action sur les 90% de bâtiments existants concernés!

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