Chapitre 5 : Quels sont les répertoires de
l’action politique aujourd’hui ?
Nous étudierons dans un premier la diversité des répertoires de l’action
politique en distinguant l’acte électoral et son rituel, des autres formes de
participation politique.
Ensuite, nous verrons comment ont évolué les répertoires de l’action collective
dans un temps long et comment ils s’internationalisent et s’individualisent
aujourd'hui
Action politique :
manifestation concrète d’une opinion dans
un espace public politique. La
participation politique ne se réduit pas
aux choix exprimés lors des consultations
électorales. D'une part, la démocratie
autorise d'autres formes d'expression de
l'opinion; d'autre part, des actions
originales, voire spectaculaires, peuvent
être menées pour attirer l'attention et
peser sur les décisions politiques.
I) La diversité des répertoires de l’action politique
Le vote est au cœur des pratiques politiques dans une démocratie. Pourtant, cette pratique tend à être remise en
question.
A) Le vote, rituel politique ?
Manuel, DOC. 1 p. 70 : L’invention de l’électeur : quand le bulletin de vote remplace le fusil
(Tabernacle= meuble qui contient les osties)
1. La gravure illustre le ralliement des ouvriers au suffrage universel (1848). Le
bulletin de vote remplace le fusil comme « arme » du changement social et
délégitime l’usage politique de la violence.
2) Ce n’est pas la loi du plus fort, du plus violent dans la rue… C’est la loi du plus grand
nombre, mais avec un comptage très réglementé (ritualisé).
3) Dès son instauration, le suffrage universel fait l’objet d’une sacralisation républicaine.
• Principe ultime de légitimation du pouvoir! On attend les résultats électoraux comme
on attend la révélation de la volonté des dieux après l’examen des entrailles d’un
animal!
• Voter s’apparente à une cérémonie du devoir civique célébrant l’unité de la nation, la
matérialisation physique de l’égalité des citoyens: tout le monde vote, tout le monde
fait la queue… un peu comme à la communion! Le premier vote est une sorte de
baptême.
p. 70
1) Fonctions manifestes du vote : désigner des représentants, trancher une question, exprimer des préférences
politiques, protester contre le gouvernement…
2) Normes sociales : maîtrise des émotions (réserve, dignité), effectuer calmement
une séquence ordonnée de gestes, ne pas émettre publiquement ses préférences… et aussi manifester sa capacité
à choisir seul le bulletin, de façon autonome.
Dispositifs électoraux : listes électorales, bulletins, enveloppe, isoloir, urnes inviolables, scrutateurs…
3)Le rituel électoral, séparé des
activités profanes, s’inscrit dans un
espace chargé de symboles
(mairies, écoles).
Le citoyen doit s’isoler des regards
et réaliser une séquence d’actes
ritualisés pour exprimer un choix
exempt de toute pression sociale.
4) Le vote est un rite de pacification
et d’intégration nationales.
Il est aussi un moment de
légitimation du pouvoir qui sortira
des urnes, car participer implique
que l’on respectera le vainqueur.
Sacré dans le sens que l’on
reconnaît à des valeurs, des
principes un caractère supérieur,
indiscutable… auquel on se soumet.
On manifeste en public,
collectivement son adhésion à ces
valeurs, ce qui contribue à
renforcer ces valeurs.
Page 71
1) Pour la science économique, les individus font des arbitrages coûts/avantages:
 voter est coûteux (en temps sacrifié, efforts de recherche d’infos, en démarches administratives)
 Voter rapporte peu : une augmentation infime de la probabilité de voir son candidat gagner.
Tout individu rationnel devrait donc s’abstenir. Pourtant les électeurs votent… c’est que le vote procure
d’autres avantages..
2/3 Voter procure des gratifications symboliques et affectives : accomplir son devoir (socialisation),
affirmer sa loyauté au régime, son appartenance à un groupe
, exprimer ses valeurs, rechercher l’intérêt collectif…
Voter, c’est accomplir son devoir en public et réanimer le lien unissant les citoyens. Être vu au bureau
de vote permet la reconnaissance et l’estime, conforte le désir de passer pour un bon citoyen,
respectueux des normes, évite la stigmatisation liée à l’abstention.
Ces motivations peuvent souvent être non formulées…
4. Les expériences de vote menées récemment en Suisse (par courrier) ou en France (sur Internet) ont
entraîné une baisse de la participation. Censées faire baisser le « coût matériel » du vote, ces
innovations instaurent une logique plus individuelle et anonyme qui désacralise l’acte électoral, et lui
font perdre sa valeur sociale!
Cela prouve que si les citoyens votent, c’est pour participer à un rituel électoral!
B) La participation politique ne se réduit pas au vote
La participation politique ne se réduit pas aux choix exprimés lors des consultations
électorales. D'une part, la démocratie autorise d'autres formes d'expression de
l'opinion; d'autre part, des actions originales, voire spectaculaires, peuvent être
menées pour attirer l'attention et peser sur les décisions politiques.
1970 Albert O. Hirschman: Exit, Voice and Loyalty.
Ces trois mots ont marqué les esprits, dès la traduction de l'ouvrage d'Albert O. Hirschman. Comment expliquer ce succès ? En fait,
l'économiste américain offre une grille de lecture fort simple d'un problème quasi quotidien. Sa question de départ est la suivante :
comment réagir si un bien ou un service baisse, en qualité ? L'économiste répond habituellement : il suffit de faire défection (exit).
Par exemple, si le sirop à la menthe que j'ai coutume d'acheter habituellement est devenu trop sucré à mon goût, j'en achète un autre,
d'une marque concurrente. Et c'est parce qu'il existe un marché des sirops à la menthe que je peux faire défection sans problème.
Que se passe-t-il s'il n'existe qu'une seule marque de sirop mentholé, c'est-à-dire si l'entreprise productrice occupe une position de
monopole ? Nouvelle réponse de l'économiste : les consommateurs sont captifs, ils ne peuvent rien faire. Ils n'ont que leurs yeux pour
pleurer. Faux, soutient Hirschman : lorsqu'il y a monopole, les clients mécontents peuvent le faire savoir individuellement ou
collectivement (voice).
Il existe donc deux moyens pour lutter contre la défaillance d'une entreprise : la défection (exit) et la prise de parole (voice). Et si les
économistes ont systématiquement oublié le second, c'est parce qu'il appartient à la caisse à outils des politologues plus qu'à la leur.
Ici, Hirschman atteint son premier objectif : démontrer que l'exit n'est pas le seul moyen d'action contre la défaillance, la voice en est un
autre. Ceci est particulièrement vrai pour les entreprises en situation de monopole (comme la SNCF ou EDF-GDF), mais c'est aussi le cas
pour les biens durables. Supposons qu'un individu ait acquis une voiture qui fonctionne mal, il est fort improbable qu'il aille se précipiter
chez un concurrent pour acheter un nouveau véhicule (exit). Il ira plutôt se plaindre (voice). Conclusion : la prise de parole n'est pas un
épiphénomène, y compris dans la vie économique.
Hirschman poursuit sa démonstration : les deux outils, mélangés, peuvent se révéler d'une redoutable efficacité pour des individus
mécontents. A ce stade de sa réflexion, il examine le comportement de membres d'organisations telles que des associations ou des partis
politiques. Il constate que les entrées et les sorties n'y sont pas d'une fluidité extrême. Pourquoi ? C'est parce que les membres sont
loyaux (loyalty), explique-t-il. Comme ils sont attachés à leur organisation, ils préfèrent protester (voice) plutôt que prendre la
porte (exit) et ils vont renforcer le pouvoir de la voice en menaçant de claquer la porte. Ce comportement loyal a d'autant plus de chances
de porter ses fruits que l'organisation craint de voir partir ses membres.
En partant de cette grille, Hirschman parvient à une grande richesse d'interprétation. Aussi son ouvrage trouvera-t-il écho au-delà du
cercle des économistes, chez les politologues et les sociologues. Il sera aussi critiqué par ces derniers pour son économisme car être loyal,
protester, ces choix ne peuvent être réduits à un arbitrage coûts/avantages. C'est oublier le rôle des idéaux, des croyances et des affects
dans l'engagement.
Défection et prise de parole, Albert O. Hirschman, 1970, trad. fr. 1972, rééd. Fayard, coll. « L'espace du politique », 1995.
Evelyne Jardin, La Bibliothèque idéale des Sciences humaines. > Économie, Publié le 01/09/2003
Doc 2page 72 Exit, voice ou loyalty : quelle attitude adopter face au mécontentement
politique?
1.
Exit: (retrait, défection) : apathie politique, abstentionnisme passif, volatilité électorale
Voice (prise de parole) : abstentionnisme militant, vote blanc, vote protestataire, mobilisation pacifique,
violence politique… pour protester contre des mesures prises par un autre parti que celui pour lequel on
a voté… ou par celui pour lequel on a voté.
Être dans la prise de parole, c’est croire tout de même à l’efficacité de l’action politique en refusant de
sortir du jeu ou d’apporter son soutien aux dirigeants politiques des partis de gouvernement.
Loyalty (loyauté, légitimisme) : rituel électoral, soutien des partis de gouvernement et de leur politique,
stabilité du vote…
2. On peut exprimer son mécontentement en ne votant pas (abstentionnisme « dans le jeu », Muxel), en
votant blanc, en griffonnant son bulletin (vote nul), en votant pour un parti « hors système ».
3. On peut protester en dehors des élections par des moyens légaux ou illégaux, pacifiques ou violents :
pétitions, grèves, manifestations, boycott, désobéissance civile, blocage des routes, affrontements,
séquestrations, Attentats…
Hirschman développe en fait une critique des limites de la concurrence en montrant les limites des
stratégies « d’exit » face à des entreprises collectivement défaillantes … et il fait ensuite un parallèle
avec les limites du pluralisme politique… où les électeurs mécontents passent d’un parti à l’autre sans
pouvoir modifier le comportement des dirigeants de partis…
Manuel, DOC. 3 p. 71 : Protester, c’est participer
1. La protestation politique est une forme de participation politique qui correspond à des
actions contestant le pouvoir ou ses décisions, collectives, revendicatives et directes
(face-à-face entre des citoyens mobilisés et le pouvoir), autonomes et expressives :
légales ou non, elles permettent aux citoyens de reprendre la parole déléguée à leurs
représentants.
2. En manifestant, des citoyens s’expriment collectivement en dehors des élections (action
collective, autonome, expressive) pour affirmer publiquement un mécontentement et peser
directement sur la décision publique (contestataire, revendicative, directe).
3. Ces modes d’action protestataires sortent des voies habituelles de la démocratie
représentative et obéissent à une autre logique. Par légalisme, la science politique les a
longtemps ignorés. Les qualifier de « non conventionnels » revient à considérer les activités
électorales et partisanes comme les seules formes légitimes de participation.
4. La protestation est souvent l’arme des faibles, un registre d’action politique qui permet
aux groupes dominés et aux sans-voix de se faire entendre : classes populaires, femmes,
lesbiennes et gays, jeunes,chômeurs, précaires, sans-papiers, SDF, Indiens du Chiapas,
minorités…
Chapitre 5 répertoires de l'action politique (1)
Le vote La manifestation
Acceptation du principe majoritaire après comptage lors d’une
élection. Il serait paradoxal de voter puis de manifester contre le
résultat du vote.
Loi du plus nombreux dans la rue, sympathie mesurée par
sondage auprès du reste de la population.
Importance des « images de la manifestation du
Trocadéro »
Acceptation du principe de la délégation d’où découle la légitimité
des représentants politiques pour s’exprimer au nom du peuple.
Mise en scène des procédures de contrôle (pour empêcher qu’une
personne ne vote deux fois, que les urnes ne soient remplies…) et
du caractère équitable de la compétition électorale symbolisée par
la présence de représentants de chaque candidat
Contestation de la légitimité des représentants politiques
pour s’exprimer au nom du peuple.
Contestation de la politique menée par les représentants
élus.
(Contestation du fonctionnement du système judiciaire?)
Sanctuaire civique= sphère séparée dans laquelle la violence est
interdite (pas de policier dans et autour des bureaux de vote) pour
éviter d’influencer les électeurs, dans laquelle les débats sont
interdits, dans laquelle l’anonymat des opinions est garantie
(enveloppe opaque, possibilité de prendre tous les bulletins de
rendre secret celui que l’on choisit, caché dans l’isoloir).
Lieu de l’expression publique de son identité sociale, de
ses opinions politiques, interpellation du public croisé
pendant la manifestation, débats, échanges… On chercher
à convaincre, à trouver des moyens de faire basculer
l’opinion publique.
Passage ordonné, ritualisé, après avoir fait la queue, un à un, après
avoir donné son identité.
Foule dont on ne sait pas qui la compose exactement. Les
contrôles d’identités massifs dans les manifestations sont
impossibles. L’incident semble toujours possible, d’où la
présence quasi systématique de policiers, de cordons de
sécurité…
Moment au cours duquel la valeur des opinions s’égalise quels que
soient ceux qui les émettent.
Effacement des identités sociales spécifiques par le fait de faire tous
en même temps, dans les mêmes lieux, la même chose.
Le vote = la privatisation de l'opinion
Les personnes concernées (les infirmières, les profs par
exemple) s’expriment en tant qu’expertes (de leurs
situations, de leurs conditions de travail).
Lieu, moment de la construction d’identités sociales
particularistes. Ce sont avant tout des collectifs, des
groupes qui défilent!
C) Comment expliquer la protestation politique ?
Le paradoxe de l’action collective
1) La mobilisation collective, si elle couronnée de succès, permet le plus souvent
d’obtenir des changements qui profiteront à tous les individus (nouveaux droits),
sans que l’on puisse exclure ceux qui n’ont pas participé à l’action de la jouissance
de ces biens.
2) Passager clandestin: celui qui fait le choix de ne pas payer (le coût de la
mobilisation) mais qui espère profiter de la réussite de la mobilisation.
3) Rendre la participation obligatoire, punir ceux qui ne participent pas… ou donner
des avantages spécifiques à ceux qui participent.
4) C’est une approche trop utilitariste, il ne tient pas compte de la dimension
symbolique et rituelle qui poussent les individus às’engager dans une action
collective.
Document 4 page 75 : Agir conformément à ses valeurs
1) Les explications d’Olson sont parfois insuffisantes car bien souvent, ceux qui s’engagent le font librement, sans
avoir rien à gagner à s’engager et sans avoir rien à perdre à ne pas s’engager.
2) Exemples: les hétérosexuels qui manifestent pour le mariage homosexuel, les hommes qui manifestent dans les
mouvements féministes, les écologistes qui pensent aux générations futures… les humains qui s’inquiètent de la
souffrance animale…
3) Le besoin de sentir ses propres valeurs partagées par d’autres et le plaisir qu’il ressent dans les relations avec
ceux qui les partagent (recherche d’une sociabilité militante) et le besoin d’agir conformément à ses valeurs (effet
de la socialisation)
II) Comment les répertoires de l’action politique évoluent-ils ?
A) Le modèle des répertoires d’action politique de Tilly
Charles Tilly (1929-2008) est un historien et politologue américain, sociologue de
formation. Dans La France conteste de 1600 à nos jours (1986), il forge le concept de
« répertoire d'action collective », qui lui permet d'étudier les différentes formes d’actions
protestataires, d’analyser leur modification sur le long terme et de les comparer ainsi dans
l'espace et dans le temps. Sa perspective socio-historique et comparative a fortement
influencé l’étude de l’action collective et des mouvements sociaux.
Chapitre 5 répertoires de l'action politique (1)
Document D : L’évolution des répertoires de l’action politique à partir de la typologie de Tilly
local-patronné
(1650-1850)
national - autonome (1848-1980)
Transnational-solidariste (en gestation)
(depuis 1980)
Types
d'intérêts
défendus
Plutôt compétitifs, puis
réactifs,
Plutôt proactifs
Variés, portés par divers groupements :
association, syndicat, groupe d'intérêt, etc.
Plus universels et techniques
(environnement, lutte contre la
mondialisation néolibérale, etc.) :
ONG, association transnationale, etc.
Rapport aux autorités
Recours au soutien de
puissants « patrons »
(notables) : prêtre ou noble
local.
Organisation et porte-parole autonomes,
défi direct aux autorités.
Réticence à toute délégation politique,
aux récupérations partisanes : forum,
désobéissance civile, etc.
Cadre de la
protestation
Fête locale, rassemblement
autorisé : carnavals, etc.
Regroupement volontaire, organisation
nationale.
Du local au global : forums sociaux,
campements d'« Indignés », etc.
Formulation
des
revendications
Codée : détournement de
symboles (pendaison de
mannequins, etc).
Explicite : programme, mot d'ordre national,
slogan, pétition, tract, manifeste, etc.
Militantisme d'expertise, rôle accru du
droit et des médias : manifestation «
de papier ».
Lieux des
mobilisations
Les sites mêmes de l'injustice. Lieux les plus visibles, sites du pouvoir :
cortèges parisiens, etc.
Lieux symbolisant la mondialisation
néolibérale : contre-sommet
altermondialiste, etc.
Niveau de violence Fort. Confrontation brutale. Réduit. Protestation ritualisée. Faible. Recul de la violence politique.
B) Des répertoires qui s’internationalisent et qui s’individualisent
Page 77
1. Nébuleuse protestataire apparue à la fin des années 1990 et formée d’une multitude d’associations,
mouvements et ONG organisés en réseaux internationaux, elle marque l’émergence d’une société civile
organisée à l’échelle mondiale. Face à la mondialisation néolibérale, elle revendique un autre modèle de
développement, maîtrisé et solidaire, fondé sur certaines valeurs : démocratie, service public, justice
sociale mondiale, respect de l’environnement, droits fondamentaux, critique des marchés financiers…
L’objectif est de créer un contre-pouvoir – Seattle (1999), Gênes (2001), Cancun (2003), etc. – et un lieu
de rencontre de toutes les résistances : Forum social mondial de Porto Alegre vs Forum économique
mondial de Davos.
2. Né avec les campements sur la Puerta del Sol à Madrid, il s’est répandu dans de nombreux pays,
d’Athènes à New York (Occupy Wall Street). Il incarne un certain renouvellement de la participation
politique et repose sur quatre grandes caractéristiques :
– diversité des objectifs (indignation contre l’injustice sociale, l’inégale répartition des richesses, la crise
financière) et des acteurs (jeunes, retraités, chômeurs, salariés, etc.) ;
– combinaison de différents éléments du répertoire d’action politique : des actions traditionnelles
(manifestations), d’autres plus novatrices (campements dans des lieux symboliques, sit-in, actions
festives et ludiques, etc.)
– spontanéité et non-organisation ; il fonctionne en réseaux, dans un cadre supranational, et repose sur
l’adhésion volontaire, illustrant l’individualisation de la participation politique ;
– rupture avec la participation conventionnelle et inscription dans le registre de la protestation
internationale non violente (défiance vis-à-vis des partis et des institutions représentatives).
3. – Proximité des valeurs et des « cibles » : contestation du système économique dominant à l’échelle
globale, aspiration à un autre monde, plus juste ; dénonciation de la montée des inégalités, critique des
politiques d’austérité, de l’impuissance du pouvoir politique face aux marchés et aux institutions
financières, dénonciation du fonctionnement d’une démocratie représentative devenue l’arme des «
puissants », de la cupidité, de la corruption et de l’oligarchie (pour une « démocratie réelle », appel à une
« révolution éthique »).
– Répertoire d’action commun : nouvelles technologies, occupation de lieux symboliques, utilisation des
réseaux mondiaux.
4. Echec? : Les dernières grandes mobilisations ayant eu une dimension internationale (printemps arabe,
mouvements des indignés…) n’ont pas été initiés par la mouvance altermondialiste… et les contre-sommets, s’ils
entretiennent la sociabilité militante, n’ont pas véritablement permis modifier le cours de la mondialisation…
De plus, ces mobilisations ont donné lieu à la création de forces politiques (Podemos, Syriza en europe… ) qui
utilisent des moyens plus classiques pour réformer la société… des candidats à des élections!)
Toutefois, la diffusion des critiques de la mondialisation peut en partie expliquer le succès des discours
protectionnistes ou antieuropéen (Trump, Brexit…)… et dire qu’elle n’a plus d’effet est sans doute très réducteur.
Manuel, DOC. 2 p. 76 : L’essor du cyberactivisme
C) Le cyberactivisme
2) Le « cybermilitantisme » consiste à utiliser Internet comme outil de protestation. Son
développement marque la naissance d’un réseau militant interconnecté, d’un espace de
participation élargi, de dispositifs de prise de parole auto-organisés, interactifs, et l’émergence
de mobilisations mondiales ou décentralisées et réactives…
Visant une mobilisation citoyenne massive au moyen d’Internet, le cybermilitantisme s’appuie
sur un répertoire d’actions spécifique : hacking, médias alternatifs, diffusion de vidéos, blogs,
réseaux militants mondiaux, campagnes médiatiques, organisation de mobilisations (flashmobs,
happenings, journées mondiales d’action, manifestations non violentes, boycotts…), pétitions
électroniques, campagnes de mailing, « harcèlement citoyen », détournement parodique…
3) Liste infinie
1) Avaaz signifie « voix » dans plusieurs langues d’Asie, du Moyen-
Orient et d’Europe orientale. Avaaz.org est une ONG fondée en
2007, championne mondiale des pétitions en ligne. Géant du
cybermilitantisme,
elle est active dans 17 langues et revendique, fin 2013, près de 30
millions de pétitionnaires ou membres répartis dans 194 pays. Elle
est aujourd’hui le plus puissant mouvement citoyen mondial en
ligne, capable de mobiliser rapidement des millions de soutiens sur
diverses questions internationales (environnement, droits de
l’homme, pauvreté, corruption, etc.) pour peser sur les décisions
des responsables politiques.
https://secure.avaaz.org/page/fr/
Chapitre 5 répertoires de l'action politique (1)
Conclusion :
L’individualisation de l’engagement est la marque de l’individualisme, entendu sociologiquement.
Il s’agit d’un engagement à géométrie variable dans le temps et dans l’espace, qui consiste à limiter le face à face
conflictuel, la perte de soi dans le groupe, à composer avec la diversité et la complexité des rôles sociaux. La hausse
du niveau de vie, la scolarisation croissante et les innovations technologiques favorisent l’engagement et le retrait,
la distance et l’implication. La signature des pétitions par internet en est un exemple.
L’anti-professionnalisation
La professionnalisation-bureaucratisation de la politique est contestée dans le sens où la démocratie représentative
est confisquée parce que « oligarchisée ». D’où la démocratie dite « participative », les conseils de quartiers, les
referendums d’initiative locale, etc.
 Il peut y avoir une expertise plus grande chez les citoyens que chez les professionnels de la politique, d’où la
légitimité à agir.

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Chapitre 5 répertoires de l'action politique (1)

  • 1. Chapitre 5 : Quels sont les répertoires de l’action politique aujourd’hui ? Nous étudierons dans un premier la diversité des répertoires de l’action politique en distinguant l’acte électoral et son rituel, des autres formes de participation politique. Ensuite, nous verrons comment ont évolué les répertoires de l’action collective dans un temps long et comment ils s’internationalisent et s’individualisent aujourd'hui Action politique : manifestation concrète d’une opinion dans un espace public politique. La participation politique ne se réduit pas aux choix exprimés lors des consultations électorales. D'une part, la démocratie autorise d'autres formes d'expression de l'opinion; d'autre part, des actions originales, voire spectaculaires, peuvent être menées pour attirer l'attention et peser sur les décisions politiques.
  • 2. I) La diversité des répertoires de l’action politique Le vote est au cœur des pratiques politiques dans une démocratie. Pourtant, cette pratique tend à être remise en question. A) Le vote, rituel politique ? Manuel, DOC. 1 p. 70 : L’invention de l’électeur : quand le bulletin de vote remplace le fusil (Tabernacle= meuble qui contient les osties)
  • 3. 1. La gravure illustre le ralliement des ouvriers au suffrage universel (1848). Le bulletin de vote remplace le fusil comme « arme » du changement social et délégitime l’usage politique de la violence. 2) Ce n’est pas la loi du plus fort, du plus violent dans la rue… C’est la loi du plus grand nombre, mais avec un comptage très réglementé (ritualisé). 3) Dès son instauration, le suffrage universel fait l’objet d’une sacralisation républicaine. • Principe ultime de légitimation du pouvoir! On attend les résultats électoraux comme on attend la révélation de la volonté des dieux après l’examen des entrailles d’un animal! • Voter s’apparente à une cérémonie du devoir civique célébrant l’unité de la nation, la matérialisation physique de l’égalité des citoyens: tout le monde vote, tout le monde fait la queue… un peu comme à la communion! Le premier vote est une sorte de baptême.
  • 4. p. 70 1) Fonctions manifestes du vote : désigner des représentants, trancher une question, exprimer des préférences politiques, protester contre le gouvernement… 2) Normes sociales : maîtrise des émotions (réserve, dignité), effectuer calmement une séquence ordonnée de gestes, ne pas émettre publiquement ses préférences… et aussi manifester sa capacité à choisir seul le bulletin, de façon autonome. Dispositifs électoraux : listes électorales, bulletins, enveloppe, isoloir, urnes inviolables, scrutateurs…
  • 5. 3)Le rituel électoral, séparé des activités profanes, s’inscrit dans un espace chargé de symboles (mairies, écoles). Le citoyen doit s’isoler des regards et réaliser une séquence d’actes ritualisés pour exprimer un choix exempt de toute pression sociale. 4) Le vote est un rite de pacification et d’intégration nationales. Il est aussi un moment de légitimation du pouvoir qui sortira des urnes, car participer implique que l’on respectera le vainqueur. Sacré dans le sens que l’on reconnaît à des valeurs, des principes un caractère supérieur, indiscutable… auquel on se soumet. On manifeste en public, collectivement son adhésion à ces valeurs, ce qui contribue à renforcer ces valeurs.
  • 7. 1) Pour la science économique, les individus font des arbitrages coûts/avantages:  voter est coûteux (en temps sacrifié, efforts de recherche d’infos, en démarches administratives)  Voter rapporte peu : une augmentation infime de la probabilité de voir son candidat gagner. Tout individu rationnel devrait donc s’abstenir. Pourtant les électeurs votent… c’est que le vote procure d’autres avantages.. 2/3 Voter procure des gratifications symboliques et affectives : accomplir son devoir (socialisation), affirmer sa loyauté au régime, son appartenance à un groupe , exprimer ses valeurs, rechercher l’intérêt collectif… Voter, c’est accomplir son devoir en public et réanimer le lien unissant les citoyens. Être vu au bureau de vote permet la reconnaissance et l’estime, conforte le désir de passer pour un bon citoyen, respectueux des normes, évite la stigmatisation liée à l’abstention. Ces motivations peuvent souvent être non formulées… 4. Les expériences de vote menées récemment en Suisse (par courrier) ou en France (sur Internet) ont entraîné une baisse de la participation. Censées faire baisser le « coût matériel » du vote, ces innovations instaurent une logique plus individuelle et anonyme qui désacralise l’acte électoral, et lui font perdre sa valeur sociale! Cela prouve que si les citoyens votent, c’est pour participer à un rituel électoral!
  • 8. B) La participation politique ne se réduit pas au vote La participation politique ne se réduit pas aux choix exprimés lors des consultations électorales. D'une part, la démocratie autorise d'autres formes d'expression de l'opinion; d'autre part, des actions originales, voire spectaculaires, peuvent être menées pour attirer l'attention et peser sur les décisions politiques.
  • 9. 1970 Albert O. Hirschman: Exit, Voice and Loyalty. Ces trois mots ont marqué les esprits, dès la traduction de l'ouvrage d'Albert O. Hirschman. Comment expliquer ce succès ? En fait, l'économiste américain offre une grille de lecture fort simple d'un problème quasi quotidien. Sa question de départ est la suivante : comment réagir si un bien ou un service baisse, en qualité ? L'économiste répond habituellement : il suffit de faire défection (exit). Par exemple, si le sirop à la menthe que j'ai coutume d'acheter habituellement est devenu trop sucré à mon goût, j'en achète un autre, d'une marque concurrente. Et c'est parce qu'il existe un marché des sirops à la menthe que je peux faire défection sans problème. Que se passe-t-il s'il n'existe qu'une seule marque de sirop mentholé, c'est-à-dire si l'entreprise productrice occupe une position de monopole ? Nouvelle réponse de l'économiste : les consommateurs sont captifs, ils ne peuvent rien faire. Ils n'ont que leurs yeux pour pleurer. Faux, soutient Hirschman : lorsqu'il y a monopole, les clients mécontents peuvent le faire savoir individuellement ou collectivement (voice). Il existe donc deux moyens pour lutter contre la défaillance d'une entreprise : la défection (exit) et la prise de parole (voice). Et si les économistes ont systématiquement oublié le second, c'est parce qu'il appartient à la caisse à outils des politologues plus qu'à la leur. Ici, Hirschman atteint son premier objectif : démontrer que l'exit n'est pas le seul moyen d'action contre la défaillance, la voice en est un autre. Ceci est particulièrement vrai pour les entreprises en situation de monopole (comme la SNCF ou EDF-GDF), mais c'est aussi le cas pour les biens durables. Supposons qu'un individu ait acquis une voiture qui fonctionne mal, il est fort improbable qu'il aille se précipiter chez un concurrent pour acheter un nouveau véhicule (exit). Il ira plutôt se plaindre (voice). Conclusion : la prise de parole n'est pas un épiphénomène, y compris dans la vie économique. Hirschman poursuit sa démonstration : les deux outils, mélangés, peuvent se révéler d'une redoutable efficacité pour des individus mécontents. A ce stade de sa réflexion, il examine le comportement de membres d'organisations telles que des associations ou des partis politiques. Il constate que les entrées et les sorties n'y sont pas d'une fluidité extrême. Pourquoi ? C'est parce que les membres sont loyaux (loyalty), explique-t-il. Comme ils sont attachés à leur organisation, ils préfèrent protester (voice) plutôt que prendre la porte (exit) et ils vont renforcer le pouvoir de la voice en menaçant de claquer la porte. Ce comportement loyal a d'autant plus de chances de porter ses fruits que l'organisation craint de voir partir ses membres. En partant de cette grille, Hirschman parvient à une grande richesse d'interprétation. Aussi son ouvrage trouvera-t-il écho au-delà du cercle des économistes, chez les politologues et les sociologues. Il sera aussi critiqué par ces derniers pour son économisme car être loyal, protester, ces choix ne peuvent être réduits à un arbitrage coûts/avantages. C'est oublier le rôle des idéaux, des croyances et des affects dans l'engagement. Défection et prise de parole, Albert O. Hirschman, 1970, trad. fr. 1972, rééd. Fayard, coll. « L'espace du politique », 1995. Evelyne Jardin, La Bibliothèque idéale des Sciences humaines. > Économie, Publié le 01/09/2003
  • 10. Doc 2page 72 Exit, voice ou loyalty : quelle attitude adopter face au mécontentement politique? 1. Exit: (retrait, défection) : apathie politique, abstentionnisme passif, volatilité électorale Voice (prise de parole) : abstentionnisme militant, vote blanc, vote protestataire, mobilisation pacifique, violence politique… pour protester contre des mesures prises par un autre parti que celui pour lequel on a voté… ou par celui pour lequel on a voté. Être dans la prise de parole, c’est croire tout de même à l’efficacité de l’action politique en refusant de sortir du jeu ou d’apporter son soutien aux dirigeants politiques des partis de gouvernement. Loyalty (loyauté, légitimisme) : rituel électoral, soutien des partis de gouvernement et de leur politique, stabilité du vote… 2. On peut exprimer son mécontentement en ne votant pas (abstentionnisme « dans le jeu », Muxel), en votant blanc, en griffonnant son bulletin (vote nul), en votant pour un parti « hors système ». 3. On peut protester en dehors des élections par des moyens légaux ou illégaux, pacifiques ou violents : pétitions, grèves, manifestations, boycott, désobéissance civile, blocage des routes, affrontements, séquestrations, Attentats… Hirschman développe en fait une critique des limites de la concurrence en montrant les limites des stratégies « d’exit » face à des entreprises collectivement défaillantes … et il fait ensuite un parallèle avec les limites du pluralisme politique… où les électeurs mécontents passent d’un parti à l’autre sans pouvoir modifier le comportement des dirigeants de partis…
  • 11. Manuel, DOC. 3 p. 71 : Protester, c’est participer
  • 12. 1. La protestation politique est une forme de participation politique qui correspond à des actions contestant le pouvoir ou ses décisions, collectives, revendicatives et directes (face-à-face entre des citoyens mobilisés et le pouvoir), autonomes et expressives : légales ou non, elles permettent aux citoyens de reprendre la parole déléguée à leurs représentants. 2. En manifestant, des citoyens s’expriment collectivement en dehors des élections (action collective, autonome, expressive) pour affirmer publiquement un mécontentement et peser directement sur la décision publique (contestataire, revendicative, directe). 3. Ces modes d’action protestataires sortent des voies habituelles de la démocratie représentative et obéissent à une autre logique. Par légalisme, la science politique les a longtemps ignorés. Les qualifier de « non conventionnels » revient à considérer les activités électorales et partisanes comme les seules formes légitimes de participation. 4. La protestation est souvent l’arme des faibles, un registre d’action politique qui permet aux groupes dominés et aux sans-voix de se faire entendre : classes populaires, femmes, lesbiennes et gays, jeunes,chômeurs, précaires, sans-papiers, SDF, Indiens du Chiapas, minorités…
  • 14. Le vote La manifestation Acceptation du principe majoritaire après comptage lors d’une élection. Il serait paradoxal de voter puis de manifester contre le résultat du vote. Loi du plus nombreux dans la rue, sympathie mesurée par sondage auprès du reste de la population. Importance des « images de la manifestation du Trocadéro » Acceptation du principe de la délégation d’où découle la légitimité des représentants politiques pour s’exprimer au nom du peuple. Mise en scène des procédures de contrôle (pour empêcher qu’une personne ne vote deux fois, que les urnes ne soient remplies…) et du caractère équitable de la compétition électorale symbolisée par la présence de représentants de chaque candidat Contestation de la légitimité des représentants politiques pour s’exprimer au nom du peuple. Contestation de la politique menée par les représentants élus. (Contestation du fonctionnement du système judiciaire?) Sanctuaire civique= sphère séparée dans laquelle la violence est interdite (pas de policier dans et autour des bureaux de vote) pour éviter d’influencer les électeurs, dans laquelle les débats sont interdits, dans laquelle l’anonymat des opinions est garantie (enveloppe opaque, possibilité de prendre tous les bulletins de rendre secret celui que l’on choisit, caché dans l’isoloir). Lieu de l’expression publique de son identité sociale, de ses opinions politiques, interpellation du public croisé pendant la manifestation, débats, échanges… On chercher à convaincre, à trouver des moyens de faire basculer l’opinion publique. Passage ordonné, ritualisé, après avoir fait la queue, un à un, après avoir donné son identité. Foule dont on ne sait pas qui la compose exactement. Les contrôles d’identités massifs dans les manifestations sont impossibles. L’incident semble toujours possible, d’où la présence quasi systématique de policiers, de cordons de sécurité… Moment au cours duquel la valeur des opinions s’égalise quels que soient ceux qui les émettent. Effacement des identités sociales spécifiques par le fait de faire tous en même temps, dans les mêmes lieux, la même chose. Le vote = la privatisation de l'opinion Les personnes concernées (les infirmières, les profs par exemple) s’expriment en tant qu’expertes (de leurs situations, de leurs conditions de travail). Lieu, moment de la construction d’identités sociales particularistes. Ce sont avant tout des collectifs, des groupes qui défilent!
  • 15. C) Comment expliquer la protestation politique ?
  • 16. Le paradoxe de l’action collective 1) La mobilisation collective, si elle couronnée de succès, permet le plus souvent d’obtenir des changements qui profiteront à tous les individus (nouveaux droits), sans que l’on puisse exclure ceux qui n’ont pas participé à l’action de la jouissance de ces biens. 2) Passager clandestin: celui qui fait le choix de ne pas payer (le coût de la mobilisation) mais qui espère profiter de la réussite de la mobilisation. 3) Rendre la participation obligatoire, punir ceux qui ne participent pas… ou donner des avantages spécifiques à ceux qui participent. 4) C’est une approche trop utilitariste, il ne tient pas compte de la dimension symbolique et rituelle qui poussent les individus às’engager dans une action collective.
  • 17. Document 4 page 75 : Agir conformément à ses valeurs 1) Les explications d’Olson sont parfois insuffisantes car bien souvent, ceux qui s’engagent le font librement, sans avoir rien à gagner à s’engager et sans avoir rien à perdre à ne pas s’engager. 2) Exemples: les hétérosexuels qui manifestent pour le mariage homosexuel, les hommes qui manifestent dans les mouvements féministes, les écologistes qui pensent aux générations futures… les humains qui s’inquiètent de la souffrance animale… 3) Le besoin de sentir ses propres valeurs partagées par d’autres et le plaisir qu’il ressent dans les relations avec ceux qui les partagent (recherche d’une sociabilité militante) et le besoin d’agir conformément à ses valeurs (effet de la socialisation)
  • 18. II) Comment les répertoires de l’action politique évoluent-ils ? A) Le modèle des répertoires d’action politique de Tilly Charles Tilly (1929-2008) est un historien et politologue américain, sociologue de formation. Dans La France conteste de 1600 à nos jours (1986), il forge le concept de « répertoire d'action collective », qui lui permet d'étudier les différentes formes d’actions protestataires, d’analyser leur modification sur le long terme et de les comparer ainsi dans l'espace et dans le temps. Sa perspective socio-historique et comparative a fortement influencé l’étude de l’action collective et des mouvements sociaux.
  • 20. Document D : L’évolution des répertoires de l’action politique à partir de la typologie de Tilly local-patronné (1650-1850) national - autonome (1848-1980) Transnational-solidariste (en gestation) (depuis 1980) Types d'intérêts défendus Plutôt compétitifs, puis réactifs, Plutôt proactifs Variés, portés par divers groupements : association, syndicat, groupe d'intérêt, etc. Plus universels et techniques (environnement, lutte contre la mondialisation néolibérale, etc.) : ONG, association transnationale, etc. Rapport aux autorités Recours au soutien de puissants « patrons » (notables) : prêtre ou noble local. Organisation et porte-parole autonomes, défi direct aux autorités. Réticence à toute délégation politique, aux récupérations partisanes : forum, désobéissance civile, etc. Cadre de la protestation Fête locale, rassemblement autorisé : carnavals, etc. Regroupement volontaire, organisation nationale. Du local au global : forums sociaux, campements d'« Indignés », etc. Formulation des revendications Codée : détournement de symboles (pendaison de mannequins, etc). Explicite : programme, mot d'ordre national, slogan, pétition, tract, manifeste, etc. Militantisme d'expertise, rôle accru du droit et des médias : manifestation « de papier ». Lieux des mobilisations Les sites mêmes de l'injustice. Lieux les plus visibles, sites du pouvoir : cortèges parisiens, etc. Lieux symbolisant la mondialisation néolibérale : contre-sommet altermondialiste, etc. Niveau de violence Fort. Confrontation brutale. Réduit. Protestation ritualisée. Faible. Recul de la violence politique.
  • 21. B) Des répertoires qui s’internationalisent et qui s’individualisent Page 77
  • 22. 1. Nébuleuse protestataire apparue à la fin des années 1990 et formée d’une multitude d’associations, mouvements et ONG organisés en réseaux internationaux, elle marque l’émergence d’une société civile organisée à l’échelle mondiale. Face à la mondialisation néolibérale, elle revendique un autre modèle de développement, maîtrisé et solidaire, fondé sur certaines valeurs : démocratie, service public, justice sociale mondiale, respect de l’environnement, droits fondamentaux, critique des marchés financiers… L’objectif est de créer un contre-pouvoir – Seattle (1999), Gênes (2001), Cancun (2003), etc. – et un lieu de rencontre de toutes les résistances : Forum social mondial de Porto Alegre vs Forum économique mondial de Davos. 2. Né avec les campements sur la Puerta del Sol à Madrid, il s’est répandu dans de nombreux pays, d’Athènes à New York (Occupy Wall Street). Il incarne un certain renouvellement de la participation politique et repose sur quatre grandes caractéristiques : – diversité des objectifs (indignation contre l’injustice sociale, l’inégale répartition des richesses, la crise financière) et des acteurs (jeunes, retraités, chômeurs, salariés, etc.) ; – combinaison de différents éléments du répertoire d’action politique : des actions traditionnelles (manifestations), d’autres plus novatrices (campements dans des lieux symboliques, sit-in, actions festives et ludiques, etc.) – spontanéité et non-organisation ; il fonctionne en réseaux, dans un cadre supranational, et repose sur l’adhésion volontaire, illustrant l’individualisation de la participation politique ; – rupture avec la participation conventionnelle et inscription dans le registre de la protestation internationale non violente (défiance vis-à-vis des partis et des institutions représentatives).
  • 23. 3. – Proximité des valeurs et des « cibles » : contestation du système économique dominant à l’échelle globale, aspiration à un autre monde, plus juste ; dénonciation de la montée des inégalités, critique des politiques d’austérité, de l’impuissance du pouvoir politique face aux marchés et aux institutions financières, dénonciation du fonctionnement d’une démocratie représentative devenue l’arme des « puissants », de la cupidité, de la corruption et de l’oligarchie (pour une « démocratie réelle », appel à une « révolution éthique »). – Répertoire d’action commun : nouvelles technologies, occupation de lieux symboliques, utilisation des réseaux mondiaux. 4. Echec? : Les dernières grandes mobilisations ayant eu une dimension internationale (printemps arabe, mouvements des indignés…) n’ont pas été initiés par la mouvance altermondialiste… et les contre-sommets, s’ils entretiennent la sociabilité militante, n’ont pas véritablement permis modifier le cours de la mondialisation… De plus, ces mobilisations ont donné lieu à la création de forces politiques (Podemos, Syriza en europe… ) qui utilisent des moyens plus classiques pour réformer la société… des candidats à des élections!) Toutefois, la diffusion des critiques de la mondialisation peut en partie expliquer le succès des discours protectionnistes ou antieuropéen (Trump, Brexit…)… et dire qu’elle n’a plus d’effet est sans doute très réducteur.
  • 24. Manuel, DOC. 2 p. 76 : L’essor du cyberactivisme C) Le cyberactivisme
  • 25. 2) Le « cybermilitantisme » consiste à utiliser Internet comme outil de protestation. Son développement marque la naissance d’un réseau militant interconnecté, d’un espace de participation élargi, de dispositifs de prise de parole auto-organisés, interactifs, et l’émergence de mobilisations mondiales ou décentralisées et réactives… Visant une mobilisation citoyenne massive au moyen d’Internet, le cybermilitantisme s’appuie sur un répertoire d’actions spécifique : hacking, médias alternatifs, diffusion de vidéos, blogs, réseaux militants mondiaux, campagnes médiatiques, organisation de mobilisations (flashmobs, happenings, journées mondiales d’action, manifestations non violentes, boycotts…), pétitions électroniques, campagnes de mailing, « harcèlement citoyen », détournement parodique… 3) Liste infinie 1) Avaaz signifie « voix » dans plusieurs langues d’Asie, du Moyen- Orient et d’Europe orientale. Avaaz.org est une ONG fondée en 2007, championne mondiale des pétitions en ligne. Géant du cybermilitantisme, elle est active dans 17 langues et revendique, fin 2013, près de 30 millions de pétitionnaires ou membres répartis dans 194 pays. Elle est aujourd’hui le plus puissant mouvement citoyen mondial en ligne, capable de mobiliser rapidement des millions de soutiens sur diverses questions internationales (environnement, droits de l’homme, pauvreté, corruption, etc.) pour peser sur les décisions des responsables politiques. https://secure.avaaz.org/page/fr/
  • 27. Conclusion : L’individualisation de l’engagement est la marque de l’individualisme, entendu sociologiquement. Il s’agit d’un engagement à géométrie variable dans le temps et dans l’espace, qui consiste à limiter le face à face conflictuel, la perte de soi dans le groupe, à composer avec la diversité et la complexité des rôles sociaux. La hausse du niveau de vie, la scolarisation croissante et les innovations technologiques favorisent l’engagement et le retrait, la distance et l’implication. La signature des pétitions par internet en est un exemple. L’anti-professionnalisation La professionnalisation-bureaucratisation de la politique est contestée dans le sens où la démocratie représentative est confisquée parce que « oligarchisée ». D’où la démocratie dite « participative », les conseils de quartiers, les referendums d’initiative locale, etc.  Il peut y avoir une expertise plus grande chez les citoyens que chez les professionnels de la politique, d’où la légitimité à agir.