Digitalisation et Big Data : Impacts sur les
Ressources Humaines de l’entreprise
Audrey WOZNIAK
CESI – Promotion 2015/2016
Titre I : Manager du développement des Ressources Humaines
Thèse professionnelle
Thèse professionnelle Audrey Wozniak
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
Audrey WOZNIAK – 2015/2016
1
Table des matières
Remerciements............................................................................................................... 3
Introduction.................................................................................................................... 4
Partie 1 : Contexte et problématique.............................................................................. 5
a. L’évolution des entreprises.................................................................................. 5
b. La digitalisation et le Big Data ............................................................................8
c. Les questionnements engendrés ........................................................................13
d. Hypothèses .........................................................................................................14
e. Démarche proposée............................................................................................14
Partie 2 : Etat des connaissances et des réflexions .......................................................16
a. Le Big Data, l’état actuel des connaissances ......................................................16
b. La notion de consom’acteur ...............................................................................17
c. Analytique appliquée aux Ressources Humaines ............................................. 18
d. L’analytique RH en matière de recrutement......................................................21
e. L’analytique RH en matière de gestion des compétences ................................ 25
f. Les limites réglementaires................................................................................. 29
g. Opportunités et menaces de l’analytique RH ...................................................30
h. Des besoins en évolution................................................................................... 36
i. Une mutation des métiers .................................................................................48
j. Digitalisation, Big Data et fonction RH ............................................................ 56
Partie 3 : Résultats concrets et enquêtes......................................................................64
a. Analytique RH : résultats et état des lieux........................................................64
b. Les salariés, l’analytique RH et la digitalisation ............................................... 70
Partie 4 : Analyse critique et positionnement.............................................................. 73
a. Réponse aux questionnements.......................................................................... 73
b. Réponse à l’hypothèse ....................................................................................... 79
c. Préconisations ................................................................................................... 81
Partie 5 : Application possible en entreprise ...............................................................83
a. Organisation des RH .........................................................................................83
b. Etat des lieux .....................................................................................................84
c. Quid du digital chez GSF................................................................................... 87
Conclusion .....................................................................................................................91
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Annexe .......................................................................................................................... 92
Glossaire ....................................................................................................................... 93
Bibliographie.................................................................................................................94
Résumé .........................................................................................................................98
Abstract.........................................................................................................................98
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Remerciements
Cette thèse professionnelle représente l’aboutissement de trois années d’alternance.
Ce choix d’une reconversion dans les ressources humaines était une prise de risque et
un pari pour l’avenir.
Je souhaitais avant tout remercier toutes les personnes qui m’ont permises de
progresser et d’avancer au fil de mon parcours. Thomas LE MIERE, Coordinateur
QSE, pour son enthousiasme dans les divers projets et l’intérêt qu’il a su porter aux
démarches que je pouvais proposer. Laurent BOITELLE, pour m’avoir fait confiance
en m’intégrant deux ans de suite au sein de GSF AURIGA. Marie-Odile AGUESSE,
Responsable Pédagogique CESI, pour son regard toujours très juste et avisé sur mon
travail.
Je souhaitais également remercier la petite équipe de la Direction Régionale, pour
l’ambiance conviviale « petite entreprise » qu’ils ont su faire passer. Nicole
DELAUNAY, Assistante de Direction Régionale, Pierre FRAPPIER, mon acolyte
alternant en QSE, Charline LACROUTS et Olivier COURAUD, Ingénieurs R&D.
Je n’oublie également pas les chefs d’établissement, les assistantes et les inspecteurs
pour leurs conseils, leur écoute, leur confiance et la collaboration constructive que
nous avons pu établir pendant ces deux ans chez GSF AURIGA.
Enfin, je remercie Sébastien MALHEIRO, mon compagnon de vie, qui a su supporter
la fatigue, le stress, les doutes. Il a été un véritable soutien du début à la fin de mon
parcours et c’est ce qui m’a permis d’aller aussi loin et de tenir le cap que je m’étais
fixé.
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Introduction
Cette thèse professionnelle a pour vocation d’achever trois années d’alternance dans
le domaine des Ressources Humaines. Aussi, lorsque la question du sujet s’est posée
en début d’année, j’ai eu à cœur de choisir un thème qui me corresponde et me
permette d’exprimer à la fois ma personnalité et ce que j’aime dans le métier des
Ressources Humaines, qui je pense, n’a pas encore complètement terminé de
développer son potentiel.
Pourquoi avoir choisi le sujet de la Digitalisation et du Big Data ? Parce que je me
définis moi-même comme une technophile RH. Je suis particulièrement intéressée
par les nouvelles technologies et ce qu’elles peuvent nous apporter.
Nous constatons un développement exponentiel des technologies, ce qui modifie
profondément la société telle que nous la connaissons aujourd’hui. Historiquement,
nous n’avions pas encore connu de progression aussi rapide. La digitalisation et le Big
Data en sont les raisons principales. Cela fera l’objet d’une première partie. Le terme
de Big Data est un « Buzzword » (mot à la mode), un concept encore un peu obscur
qui pourtant risque de se transformer en incontournable.
J’ai pour ambition dans cet écrit d’apporter un peu de clarté dans cette obscurité et de
montrer ce que cela pourrait apporter aux ressources humaines de l’entreprise au
sens large.
Dans une seconde partie, je m’appuierai sur différentes études et écrits pour définir le
concept et le transposer au domaine des ressources humaines. Puis, j’aborderai la
place des Hommes dans cette digitalisation, afin de comprendre les enjeux de chacun
et l’importance d’aborder le sujet de la bonne manière. J’évaluerai enfin les impacts
sur les métiers et sur la fonction ressources humaines.
Dans la troisième partie, je reviendrai sur des résultats concrets obtenus par les
entreprises utilisant les technologies Big Data. Je ferai également un état des lieux sur
le niveau de développement et de maturité du sujet de par les différentes études
menées.
Ma quatrième partie sera plus personnelle et me permettra de vous donner ma
propre vision sur les différents sujets qui seront abordés dans cet écrit. Je reviendrai
sur les questions posées dans l’hypothèse et répondrai à la problématique pour
ensuite poser quelques préconisations.
Enfin, dans une cinquième et dernière partie, je transposerai le Big Data et
l’analytique RH à mon entreprise pour déterminer quels avantages cette dernière
pourrait tirer à se lancer dans l’aventure.
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Partie 1 : Contexte et problématique
a. L’évolution des entreprises
De tout temps, l’entreprise et l’univers du travail ont su et a dû s’adapter aux
évolutions industrielles, technologiques et culturelles. Les modèles économiques et
d’organisation ont ainsi été régulièrement modifiés avec un impact sociétal
important. Dans le monde que nous sommes en train de construire, il est fort possible
que ce soit la société qui crée le nouveau modèle économique et d’organisation de
demain. L’entreprise devra alors s’adapter aux hommes qui la compose.
Pour comprendre la fulgurance de la révolution que nous sommes en train de vivre, je
pense qu’il est important d’aborder succinctement le passé et les phases qui ont
marqué l’histoire de l’entreprise.
« Pour prévoir l’avenir, il faut connaître le passé, car les événements de ce monde ont en
tout temps des liens aux temps qui les ont précédés. »
Nicolas Machiavel.
La création de l’entreprise
Avant que la notion d’entreprise apparaisse, telle que nous la définissons dans sa
version moderne, nous étions sur un système marchand dirigé par des entrepreneurs.
De ces entrepreneurs est né le principe du capitalisme et de la notion de capitaliste :
« Quelqu’un qui investit du capital pour le profit, principalement quelqu’un dont le
principal revenu vient du profit ». 1A cette époque, les innovations étaient alors mal
perçues et peu développées puisque risquées. Nous étions plus dans une logique
d’épargnant plutôt que d’investisseur, puisque l’investissement constitue un risque
qu’il était alors difficile de prendre. Les investisseurs dépensaient leurs capitaux
propres avec le risque de tout perdre.
Pour limiter ce risque, les banques sont apparues et ont été développées en réponse à
un besoin créé par l’essor du commerce. C’est au XVème siècle que ce mot apparait
dans la langue française, puisque c’est à cette période que le système bancaire se
développe en proposant de nouveaux services. Cette évolution a permis à l’activité
commerciale de poursuivre son essor en Europe.
De cet essor du commerce et de l’augmentation de l’offre et de la demande (économie
de marché) sont nées les premières « corporations ». Il s’agit véritablement du
premier concept d’entreprise tel qu’on l’entend aujourd’hui. La corporation (terme
1 Economix – M. Goodwin – 2012 – Edition Les Arènes
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surtout usité dans les pays anglophones), est une entité considérée comme une
personne morale et ayant pour possibilité d’emprunter, employer des salariés,
conclure des contrats, payer des impôts. C’est une société à responsabilité limitée,
constituée d’actionnaires n’engageant que leurs propres investissements.
Les révolutions industrielles
Ces entreprises, ont connu divers bouleversements, nommés « révolutions
industrielles ».
Je souhaite commencer cette partie par cet extrait du Manifeste du parti communiste,
de Karl Marx, qui au-delà de son aspect très orienté (lutte des classes, bourgeoisie
contre prolétariat), montre les limites sur l’aspect humain de l’industrialisation.
« La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de
production, ce qui veut dire les rapports de production, c'est-à-dire l'ensemble des rapports
sociaux. […] Le développement du machinisme et la division du travail, en faisant perdre au
travail de l'ouvrier tout caractère d'autonomie, lui ont fait perdre tout attrait. Le
producteur devient un simple accessoire de la machine, on n'exige de lui que l'opération la
plus simple, la plus monotone, la plus vite apprise. […] Plus le travail devient répugnant,
plus les salaires baissent. Bien plus, la somme de labeur s'accroît avec le développement du
machinisme et de la division du travail, soit par l'augmentation des heures ouvrables, soit
par l'augmentation du travail exigé dans un temps donné, l'accélération du mouvement
des machines, etc. ».2
Karl Marx.
La révolution industrielle se caractérise par une période ayant démarré selon les pays
entre le XVIIème et XVIIIème siècle avec le développement des machines, accélérée
par la thermodynamique, autrement dit, l’apparition des machines à vapeur. Celle-ci
a été suivie par la seconde révolution industrielle générée par le développement de la
mécanique et de la chimie grâce à l’électricité et au pétrole. Ces révolutions ont
modifié considérablement le rapport au travail, la société et a marqué de façon
significative le passage d’une société agricole à une société industrielle.
L’entreprise ne doit alors plus seulement générer du profit mais être compétitive et
diminuer ses coûts de production. Cela donne naissance à des nouvelles formes de
travail et à de nouveaux schémas de pensée tels que le socialisme et le communisme :
« il faut partager les richesses ». Les deux mouvements sont idéologiquement
similaires à cette époque et font le constat des problèmes engendrés par cette
révolution industrielle : il y a besoin de moins d’ouvriers pour réaliser la même tâche
et ces derniers produisent plus. Il n’y a plus assez de travail pour tout le monde et
c’est d’ailleurs au XIXème siècle que naîtra la notion de « chômage ».
2 Manifeste du parti communiste, 1847 – Karl Marx
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De nouvelles organisations dites « scientifiques » du travail naissent, dont le
Taylorisme induit par Frederic Winslow Taylor (1880). Son principe repose sur deux
dimensions :
 La dimension verticale : Il y a deux catégories de travailleurs, les « cols
blancs » qui sont les ingénieurs en charge de réfléchir au fonctionnement du
travail et les « cols bleus » qui l’exécutent selon les instructions qui leur sont
communiquées.
 La dimension horizontale : Il s’agit d’optimiser le processus de production en
le découpant selon une suite de tâches simples et efficaces. Cette efficacité est
mesurée par des ingénieurs, qui ont pour rôle de mesurer le temps nécessaire
pour chaque action, éliminer le superflu, rechercher les meilleurs outils et
méthodes de fabrication.
Des évolutions de ce mode de fonctionnement ont ensuite vu le jour, notamment le
Fordisme du nom d’Henri Ford. La Ford T en est l’emblème, puisqu’il s’agit du
premier produit créé sur ce principe. Ce modèle a été créé en 1908 et a été largement
déployé lors de la 1ère et 2nde guerre mondiale. Au-delà des deux dimensions
présentées précédemment, le Fordisme repose sur le concept que les gains de
productivité doivent être en partie redistribués aux travailleurs, pour augmenter leur
pouvoir d’achat et soutenir la productivité. En effet, si les travailleurs gagnent
suffisamment leur vie, ils peuvent acheter une voiture et participer au développement
de l’entreprise. Le but était également de proposer aux salariés une rémunération
incitative, pour éviter leurs départs, les conditions de « travail à la chaîne » étant
particulièrement éprouvantes à cette époque.
L’entreprise moderne
Ces modèles, ont dû s’adapter et évoluer pour faire face à la concurrence, à l’évolution
de la société, des technologies mais aussi à leurs propres limites.
Aujourd’hui, au niveau industriel, nous sommes sur des logiques de Lean
Management et de 5S. Ce sont également des évolutions de la façon de penser le
travail et d’organiser la production. Le principe reposant sur l’amélioration de la
qualité de la production et de l’efficience. C’est d’ailleurs Toyota, et donc l’industrie
automobile, qui est à nouveau à l’origine de ces théories.
Notre société actuelle est par ailleurs marquée par l’évolution exponentielle des
technologies sur les 60 dernières années, à commencer par la création de l’ordinateur
qui à son commencement pesait 50 tonnes, occupait la taille d’une pièce entière et ne
pouvait réaliser que quelques centaines d’opérations à la seconde (100 FLOPS3). Là
où aujourd’hui des micro-processeurs de quelques grammes et de la taille d’un ongle
3 FLOPS : floating-point operation per second (opérations en virgule flottante) – Unité de mesure,
utilisée dans le domaine scientifique, de la vitesse d’un système informatique.
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peuvent obtenir des résultats qui dépassent les 100 millions d’opérations à la seconde
(1 Giga FLOPS). Sans parler des supers calculateurs qui dépassent très largement les
30 billiards (33.3 Péta FLOPS) d’opérations à la seconde.
L’informatique, les progrès en matière d’électronique et de miniaturisation des
composants ont apporté une révolution culturelle mais également économique,
relayés par l’apparition d’internet, des téléphones mobiles, des réseaux sociaux et
maintenant des objets connectés. Le développement des nouvelles technologies de
l’information et de la communication a marqué ce qui est maintenant désigné comme
la 3ème révolution industrielle.
Ces technologies ont apporté de nouveaux besoins et ont créé de nouveaux métiers.
Cela a notamment permis de développer les sociétés de services qui ont pris leur
essor dans les domaines de l’informatique (ESN : entreprise de service du numérique,
anciennement appelées SSII : société de service en ingénierie informatique) ou du
conseil aux entreprises. Ces sociétés « vendent des compétences » selon les besoins
réels des organisations.
Les entreprises ont aujourd’hui besoin de stocker leurs données, externalisent parfois
certaines de leurs activités (paie, comptabilité, informatique…) et se dotent d’experts
externes à l’entreprise. Ces dernières peuvent ainsi également se recentrer sur leur
cœur de métier. La notion de « réseau » au sens large prend ici tout son sens.
La citation qui illustre le mieux, selon moi, l’émergence et l’importance qu’ont pris les
données dans la société actuelle est celle de Peter Sondegaarde, Senior Vice President
de Gartner Research : « L’information [la donnée] est le pétrole du 21ème siècle et
l’analytique en est le moteur à combustion ». Cette citation réalise également un
parallèle intéressant avec le pétrole, source de la 2nd révolution industrielle.
Nous sommes aujourd’hui dans l’ère du numérique, de la digitalisation et au cœur de
la 4ème révolution industrielle. Cela risque de bousculer encore davantage le
fonctionnement des entreprises tel qu’on le connait aujourd’hui. De quoi parle-ton
quand on évoque la digitalisation ? Qu’est-ce qui en découle et quelles évolutions cela
peut engendrer pour l’entreprise ?
Par ailleurs, cette révolution numérique ne fait pas que bousculer le monde du travail
mais fait également évoluer les mentalités et les comportements. La façon de voir,
penser et vivre le travail change également.
b. La digitalisation et le Big Data
Le Big Data, de quoi s’agit-il et quels sont les impacts ou les conséquences de cette
digitalisation sur l’entreprise ? Dans cette partie, je vais m’atteler à définir ce qu’est la
digitalisation et le Big Data pour en déduire l’utilisation qui peut en être faite en
entreprise.
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Qu’est-ce que la digitalisation ?
Tout d’abord, il me semble important de définir ce que l’on entend par
« digitalisation ».
Selon le dictionnaire Larousse, la digitalisation est « synonyme de numérisation »
soit de « l’action de numériser » c’est-à-dire « convertir une information analogique
en information numérique ».
Cette définition est, selon moi, bien loin de refléter ce qu’est réellement la
digitalisation. Il s’agit certes du principe de conversion de l’information en
numérique. Toutefois, ce terme est plutôt aujourd’hui utilisé pour définir un concept.
Il existe bien de ce fait une différence entre la numérisation et la digitalisation.
Digitalisation, vient du terme anglais « Digitalization » qui vient lui-même de
« Digitizing », qui est le procédé de conversion dans un format digital.
« Digitalization » est défini dans le Business Dictionnary comme étant l’intégration
de la technologie digitale dans la vie de tous les jours par la numérisation de tout ce
qui peut être numérisé.
Il s’agit à mon sens d’une définition qui est plus représentative de l’utilisation actuelle
de ce concept, le mot « intégration » y étant particulièrement important.
Le phénomène Big Data
L’émergence des NTIC et le développement du numérique ont créé le besoin de
stocker et traiter l’ensemble des données générées par ces outils. Le volume que
représentent ces données connaît une croissance exponentielle. Selon IBM, qui est
actuellement un acteur majeur sur le sujet : « nous générons [chaque jour] 2,5
trillions d’octets de données. A tel point que 90% des données dans le monde ont été
créées au cours des deux dernières années seulement. »4.
Big Data, de quoi parlons-nous ?
La notion de « Big Data » peut être traduite de l’anglais par « Mégadonnées ». Cette
expression serait apparue pour la première fois en 1997 pour définir les grands
ensembles de données5.
4 Citation issue de la définition du Big Data proposée par IBM.
5 PRESS, G. (Mai 2013). « A Very Short History Of Big Data », Forbes.
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Figure 1 : 6 Traduction : Big Data décrit la croissance et la disponibilité exponentielle des données,
à la fois structurées et non structurées. Ces données proviennent de partout : capteurs de climat,
messages sur les médias sociaux, données digitales, enregistrement des transactions
d’achats/ventes, signaux GPS des téléphones et autres.
Cependant, le Big Data, ne se définit pas par la capacité de stocker ou d’analyser un
grand volume de données. Ce qui le définit réellement, c’est le traitement de ce
volume de données.
Le Big Data, c’est la combinaison d’informations structurées (bases de données),
semi-structurées (historiques, logs…) et non structurées (contenus de vidéos,
conversations téléphoniques…) afin d’en tirer des actions en temps réel. Cela va au-
delà, de l’analyse simple de données puisque le Big Data les corrèle entre elles.
Le Big Data est caractérisé par les 3V : volume, vélocité, variété. Ces 3V sont à présent
complétés par la véracité et la valeur. On parle de plus en plus, chez la plupart des
acteurs du Big Data, des 5V.
Que met-on derrière ce concept ? Je vous propose de donner succinctement la
signification de ces éléments.
6 Source : http://fr.slideshare.net/SumanSaurabh9/big-data-analytics-with-apache-hadoop
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Figure 2 : 7 Les 5V du Big Data : Volume, vélocité, variété, véracité, valeur
 Volume : Volume de données généré au travers de la datatification
(transformation des données informatisées en source de valeur) ou
digitalisation de l’information.
 Vélocité : Vitesse à laquelle la donnée est générée et analysée.
 Variété : Utilisation de différent type et formes de données (structurée, semi-
structurée, non structurée).
 Véracité : Niveau de qualité, de précision et d’incertitude de la donnée et de
ses sources.
 Valeur : Potentiel socio-économique de développement du Big Data.
Le Big Data en entreprise
Les notions de performance, d’agilité et d’innovation sont devenues d’une grande
importance au sein des entreprises. C’est ce qui leur permet de rester compétitives et
de s’adapter au marché.
Le Big Data pourrait être l’outil idéal pour répondre à ces besoins. En effet, il ouvre le
champ des possibles pour l’entreprise sur différents aspects notamment au travers
d’outils permettant de réaliser des analyses prédictives. Ces derniers, pouvant utiliser
à la fois les données accessibles dans l’entreprise, mais aussi celles disponibles en
externe.
7 Source : http://www.patrickcheesman.com/how-big-data-can-transform-your-understanding-of-
your-customers/
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L’utilisation de ces outils, peut permettre à l’entreprise des gains en performance
et/ou en efficacité dans de nombreux domaines tels que le marketing, la production,
la gestion des risques, les ressources humaines.
En marketing, vous entendrez d’ailleurs souvent parler de CRM8 ou GRC (Customer
Relationship Management/Gestion de la Relation Client), qui est une solution Big
Data permettant de mieux appréhender les besoins des clients, pour leur offrir un
meilleur service et les fidéliser. C’est d’ailleurs souvent d’abord par le biais de la
relation client et de l’amélioration de cette dernière que les outils Big Data se font une
place en entreprise, puisque cela représente un gain en performance presque visible
et immédiat.
Néanmoins, l’exploitation du Big Data en entreprise nécessite des ressources :
1. Les données, quelque soit la source interne ou externe à l’entreprise,
2. La compétence pour extraire de la valeur,
3. Une méthode de gestion des idées créatives pour le transformer en produits ou
en services. 9
Ce qui veut dire que cela nécessite également des compétences en interne pour créer
les données ou les exploiter. Le Big Data peut ainsi être amené à modifier la structure
des emplois au sein des entreprises en créant de nouveaux besoins et en supprimant
d’autres.
Le Big Data et l’analytique RH
La gestion des ressources humaines de l’entreprise fait partie des domaines pour
lesquels le Big Data peut avoir un impact et pourrait permettre aux services RH de
renforcer leur position de partenaire stratégique de l’entreprise, en participant
activement et de manière visible à la performance de cette dernière. C’est ce que l’on
appelle l’analytique RH.
L’analytique RH, est un terme générique que je vais utiliser pour désigner
l’application des Big Data dans le domaine des Ressources Humaines. C’est un terme
qui selon les disciplines dans lequel l’analytique intervient, peut être remplacé par
exemple par « Recrutement prédictif », « Business Intelligence », ou encore « People
analytics », je reviendrai plus précisément sur la définition de ces points, leurs
descriptions et sur l’application que l’on peut en faire dans les Ressources Humaines
dans la seconde partie.
8 CRM : Customer Relationship Management (gestion de la relation client). Il s’agit d’un outil
marketing permettant de fidéliser le client ou attirer les prospects, par l’amélioration du service
proposé, au travers d’outils et d’analyses de données
9 La révolution Big Data – J.-C Cointot, Y. Eychenne – Editions Dunod
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Le Big Data, la digitalisation et donc l’analytique RH s’appliquent, dans le domaine
des Ressources Humaines, à un grand nombre de sujets : la formation, le télétravail
et les différents modèles d’organisation, les SIRH (systèmes d’information des
ressources humaines), le recrutement, la gestion des compétences, la gestion de la
marque employeur… Et pourrait bien apporter une révolution dans notre gestion des
ressources humaines.
Afin de ne pas trop élargir le champ de recherche sur ce domaine, je vous propose de
nous concentrer essentiellement sur ce que peut apporter l’analytique RH sur la
partie recrutement et gestion des compétences et de se questionner également sur
l’impact que cela peut avoir sur les « ressources humaines » de l’entreprise. Au sens
des Hommes mais également de la fonction.
c. Les questionnements engendrés
Devant cette digitalisation exponentielle et le développement du Big Data, beaucoup
de questions émergent, notamment sur l’avenir du travail, sur l’entreprise de demain,
sur les différents comportements que cela crée ou modifie.
Toutefois, qu’en est-il de la ressource humaine en entreprise au sens littéral du
terme ?
Où en est-on aujourd’hui sur le sujet du Big Data et de l’analytique RH ? Et en
particulier dans les domaines du recrutement et de la gestion des compétences ?
De cette question, d’autres interrogations surviennent. Les emplois seront amenés à
évoluer en entreprise mais aussi à se conformer aux besoins générés par ces
technologies, il faudra de ce fait gérer les compétences en fonction de ces derniers.
Que faire des salariés qui ne sont pas en mesure de suivre ces évolutions et qui
resteront à la marge ?
Les technologies évoluent et la société suit le mouvement, s’adapte. Les écarts
générationnels, de par les transformations fulgurantes connues ces dernières années,
se creusent davantage. Comment éviter de créer un fossé générationnel ?
Devant l’automatisation de plus en plus sophistiquée grâce à l’analytique et au Big
Data de nos outils de travail, ne risque-t-on pas de voir se développer des métiers à
faible valeur ajoutée ?
L’analytique RH appliquée aux recrutements et à la gestion des compétences, va
permettre d’identifier des profils types pouvant réussir et s’intégrer efficacement dans
l’entreprise. Les carrières seront peut-être potentiellement déjà toutes tracées avant
même qu’un salarié ait franchi la porte de l’entreprise.
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Y aura-t-il toujours une place pour le libre arbitre ? Se dirige-t-on vers une
harmonisation en mode « copier (ou couper)/coller » des profils selon la typologie du
poste à pourvoir ? Au risque de lever une armée de clones. Ceci dit, n’est-ce pas déjà
le cas ?
Tous ces questionnements peuvent se résumer à cette problématique :
Digitalisation et Big Data – Opportunité ou menace pour les Ressources
Humaines de l’entreprise ?
d. Hypothèses
La réponse à cette question doit être selon moi la suivante : « les deux mon
capitaine ! ». Cela ne peut pas être que tout l’un ou que tout l’autre. Comme toute
situation de mutation ou de changement en entreprise, il est nécessaire de prendre
conscience des enjeux, des menaces et des opportunités.
Cela peut devenir une menace à part entière si l’entreprise ne prend pas soin
d’anticiper et de mettre en adéquation les compétences de ses ressources aux
nouveaux besoins. Non seulement les collaborateurs ne seront plus à même de mettre
à profit leurs compétences au sein de leur entreprise mais ils ne le seront plus non
plus pour d’autres (perte d’employabilité).
L’entreprise va aussi devoir s’adapter aux besoins et au mode de fonctionnement de
ses collaborateurs. Certaines entreprises risquent de devenir inadaptées pour les
nouvelles générations (et non pas l’inverse). Je suis convaincue que le schéma doit
s’inverser et que c’est aux entreprises de devenir attractives, de modifier leur mode
d’organisation.
Cela peut toutefois également être une opportunité pour les collaborateurs de
réellement progresser dans l’entreprise, d’évoluer et de gagner de nouvelles
compétences, d’améliorer leur performance.
Le Big Data et l’analytique RH permettant d’analyser les attentes des salariés, les
entreprises pourront tenter de les rendre plus « engagés », comprendre leur
motivation profonde et ainsi améliorer le bien-être au travail.
e. Démarche proposée
Pour répondre à ces questions et vérifier mon hypothèse, je vais exposer ce qui existe
en la matière, du point de vue des recherches existantes. Les possibilités et les
résultats promis.
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Il me semble également important d’aborder l’état de la société moderne et les
différences générationnelles dans la mesure où cela peut générer certaines
problématiques liées à l’émergence du numérique.
Ensuite, je vous exposerai les études menées sur les projections du travail de demain
en termes de compétences et de métiers. J’en viendrai, par ce biais à aborder le futur
de la fonction RH.
De cet état des lieux des recherches sur ces sujets, je vous proposerai des exemples
d’entreprise ayant lancé des démarches de recrutement prédictifs et d’analytique RH.
Je vous proposerai également les résultats des études sur les comportements des
entreprises sur le sujet dans l’état actuel des connaissances.
Je répondrai ensuite aux questions posées dans ma problématique et vous exposerai
mon avis sur le sujet et reviendrai sur l’hypothèse de départ.
Enfin et avant de conclure je vous exposerai une application possible de ces sujets
dans mon entreprise.
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Partie 2 : Etat des connaissances et des réflexions
a. Le Big Data, l’état actuel des connaissances
Il est difficile d’établir l’état des connaissances réelles aujourd’hui sur le sujet,
puisque les évolutions sur ces domaines sont tellement rapides que je serai
probablement déjà bien loin du compte à l’heure où mon écrit sera lu.
Il existe toutefois un panel d’ouvrages et d’articles relativement large autour du « Big
Data ». Je note toutefois que la plupart de ces contenus ont été créés à partir de 2012,
avec une nette accélération depuis 2014/2015. En 2013, Kenneth Cukier éditait « Big
Data: A Revolution That Will Transform How We Live, Work and Think » (Big Data :
Une révolution qui va transformer comment nous vivons, travaillons et pensons)
dans lequel il présente les enjeux que représentent cette technologie, cité comme
référence sur le sujet. En 2014, on parle de « Révolution Big Data : Les données au
cœur de la transformation de l’entreprise » dans le livre de Jean-Charles Cointot et
Yves Eychenne dans lequel ils définissent le Big Data, pourquoi le maîtriser et
comment. Aujourd’hui, et en l’espace d’à peine 3 ans depuis le premier ouvrage de
référence sur le sujet où le Big Data été désigné comme une révolution au futur, nous
sommes déjà dans ce futur qui révolutionne comment nous vivons, travaillons et
pensons, que l’on en soit conscient ou non.
Le fait est que le Big Data est partout, lorsque nous utilisons une application sur notre
smartphone, effectuons une recherche sur internet, réalisons une connexion sur les
réseaux sociaux, utilisons notre carte de fidélité au supermarché, ou encore notre
bracelet connecté.
Les données que nous émettons sont analysées, corrélées et notamment utilisées à
des fins marketings. Google est un des pionniers de ces exploitations de données et
l’une de ses « expérimentations » a été de tenter de prédire les épidémies par ce biais,
ce qui montre que l’utilisation est possible pour de vastes sujets.
Toutefois, ces outils d’analyse ne sont pas toujours complètement fiables. En 2008,
Google estimait pouvoir prévoir les épidémies de grippe grâce à leur outil « Google flu
trends » (tendances de la grippe) et, signe qu’à cette époque la technologie n’était pas
infaillible, ils ont avoué s’être trompés et avoir surestimé de 50% les données
réellement observées par le centre américain de contrôle et de prévention de la
maladie10. Ils ont depuis corrigé leur algorithme11 en améliorant/ajoutant des
corrélations.
10 De Matharel, L. (Mars 2014). Quand les Big Data de Google se trompent pour prédire l’épidémie de
grippe, L’Usine Digitale.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
Audrey WOZNIAK – 2015/2016
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L’analytique, via les Big Data, nécessite de ce fait des algorithmes adaptés, des
données d’entrée fiables (et bien choisies), afin de produire la bonne donnée de
sortie.
b. La notion de consom’acteur
Les technologies digitales et le Big Data ont aussi révolutionné la société et notre
mode de vie au quotidien. Nous étions des consommateurs, nous sommes devenus
des consom’acteurs. Il me semble important de détailler ce concept, puisqu’il
correspond au mode de fonctionnement de la société, et donc des individus,
d’aujourd’hui.
Définition du consom’acteur
Consom’acteur est un « Mot-valise » constitué à partir des mots « consommateur » et
« acteur » pour désigner un consommateur qui n’accepte plus passivement les biens
et les services qu’on lui propose»12. Le consom’acteur est par définition connecté.
Il s’agit d’un concept étroitement lié à celui du développement durable, puisque le
consom’acteur se responsabilise sur ses achats et en déduit des choix comme par
exemple manger bio, des produits frais, privilégier le commerce équitable ou les
produis français.
Ce que cela change
Bien que cela soit une notion marketing, cela change notre façon d’agir et de réagir au
quotidien. Nous consommons de la donnée, elle est à portée de nos mains ou de nos
smartphones. Nous n’hésitons plus à partager nos avis, à lire ceux des autres et à se
renseigner sur les produits. Cette définition est transférable dans d’autres domaines
que ceux liés à la consommation pure, on peut assez facilement faire le parallèle avec
le recrutement et l’image des entreprises via notamment des sites comme Glassdoor
ou Linkedin. Il y est très facile de donner son avis sur son employeur, ouvertement et
anonymement. Les marques et les entreprises ont un nouveau défi : la maîtrise de
leur image.
11 Algorithme = Suite finie et non ambiguë d’opérations ou d'instructions permettant de résoudre un
problème ou d'obtenir un résultat - Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Algorithme
12Source :http://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Consommacteur-ou-consom-acteur--
241053.htm
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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c. Analytique appliquée aux Ressources Humaines
Comme précisé dans la première partie, j’ai choisi de centrer mes recherches sur
l’analytique RH appliquée aux domaines du recrutement et de la gestion des
compétences. Domaines qui influent directement sur les ressources humaines de
l’entreprise, au sens des Hommes.
Définition de l’analytique RH
Selon la définition de Techopedia13, l’analytique RH est un champ d’action de
l’analytique qui permet d’appliquer ces méthodes aux processus RH de l’organisation
avec pour but d’améliorer la performance des salariés et obtenir un meilleur retour
sur investissement (ROI). L’analytique RH ne se limite pas à la collecte des données
de productivité ou d’efficacité des salariés. Le but recherché est d’apporter un aperçu
de chaque processus en récupérant les données et en les utilisant pour prendre des
décisions pertinentes sur la façon de les améliorer.
Figure 3 : 14 Domaines d’application de l’analytique RH (administration du personnel,
absences, paie, recrutement, turnover, performance, formation, plan de succession)
« People analytics » (analytique des personnes) est parfois préféré à Analytique RH
(HR analytics), particulièrement dans les écrits anglo-américains il s’agit toutefois
bien du même sujet.
13 https://www.techopedia.com/definition/28334/human-resources-analytics-hr-analytics
14 Source : http://www.intellika.in/blogs/post/making-your-hr-analytics-enabled-from-data-enabled
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
Audrey WOZNIAK – 2015/2016
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Tendances en termes d’utilisation
L’analytique RH est une tendance qui tend à se développer. Selon une étude de
Deloitte15, le pourcentage d’entreprise pensant être entièrement capable de
développer des modèles d’analyse prédictive en matière de RH a doublé cette année,
de 4% en 2015 à 8% en 2016. En 2015, seulement 24% des entreprises se sentaient
prêtes ou quasiment prêtes pour l’analytique, cette année ce chiffre a augmenté d’un
tiers pour atteindre les 32%.
Figure 4 : 16 Proportion de répondants jugeant la tendance d’utilisation de l’analytique RH comme
importante à très importante.
On peut noter sur cette infographie, que la France se place parmi les pays considérant
le moins l’analytique RH comme étant une tendance importante ou très importante
pour leur organisation.
Je vais vous partager la vision de Josh Bersin, consultant et fondateur de Bersin by
Deloitte, sur l’état d’avancement de l’analytique RH. Il illustre très bien, il me semble,
plusieurs aspects importants sur ce sujet.
15 Deloitte. (2015). Global Human Capital Trends 2015 – Leading in the new world of work
16 Source : http://www2.deloitte.com/us/en/pages/human-capital/articles/introduction-human-
capital-trends.html
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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Il s’agit d’une science qui n’en est qu’à son commencement, qui présente un gros
potentiel mais que l’on doit maîtriser sur différents aspects.
Selon Josh Bersin17, « un nombre grandissant d’organisations reconnaissent
l’importance de mettre en place l’analytique RH et de déterminer quels problèmes
cela peut aider à résoudre. Bien que nous en sommes encore qu’au commencement, il
s’agit d’une discipline en plein essor ».
Il définit ainsi une analyse en 10 points qui fait état de l’avancement des réflexions
sur le sujet :
1. L’analytique RH répond à un besoin plus important que l’on ne
pense. Plus de 85% des dirigeants sont confrontés à des problématiques de
management, de compétences, d’engagement et de marque employeur. Les
entreprises ont besoin de les comprendre et de récupérer de la donnée pour
déterminer ce qui crée ces problématiques, ce à quoi l’analytique RH peut
apporter une solution.
2. L’analytique RH va se développer de façon exponentielle. Pour le
moment il s’agit d’un domaine peu mature et peu développé mais son
utilisation tend à s’accélérer. Ce développement devrait rapidement doubler
pour devenir d’ici 10 ans un mode de fonctionnement standard des RH.
3. La plupart des entreprises ne savent pas encore vraiment ce dont il
s’agit. Puisque c’est assez nouveau, la plupart des représentants RH sont
encore assez perdus sur le sujet et n’ont pas encore conscience des possibilités
que ça peut leur offrir.
4. La gestion des données est le plus grand obstacle des entreprises.
80% des entreprises rencontrent des problèmes de reporting et d’intégration
des données. Certaines données RH ne sont pas fiables car incorrectes, passées
de date ou localisées à différents endroits ce qui rend leur exploitation plus
difficile. Ce qui nécessite de travailler sur ce point avant de passer à l’étape
supérieure.
5. Créer des modèles (algorithmes prédictifs) est intéressant, mais
l’essentiel est de les implémenter. L’analytique propose des
recommandations ou des modèles à appliquer mais la difficulté majeure
repose sur l’implémentation des changements recommandés. Ce qui peut en
l’occurrence demander des changements des pratiques managériales
(modifications sur le recrutement, la rémunération…).
17 Bersin, J. (Décembre 2015). 10 Things We Know About People Analytics. The Wall Street Journal
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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6. Les outils et plateformes existent mais le marché n’est pas encore
très développé. Puisqu’il s’agit d’un marché émergent, de nouveaux outils
sont créés pour analyser les données. Tous les créateurs majeurs d’ERP
investissent dans l’analytique RH et des dizaines de petites entreprises se
penchent sur le sujet. L’offre n’est pas encore très importante mais cela tend à
évoluer rapidement.
7. Les Geeks vont diriger le monde mais ils ne peuvent pas le faire
seuls. Nous avons besoin de statisticiens et d’analystes de données pour créer
et analyser les modèles. Toutefois, l’analytique RH est multidisciplinaire. En
plus de l’aspect technique, cela nécessite des experts en développement
organisationnel, en processus, des psychologues en industrie et organisation,
des designers…
8. De nouvelles données à gérer et de nouvelles méthodes pour les
analyser. Analyser exclusivement les bulletins de paie, les systèmes de
management RH, les données sur le temps de travail et l’assiduité, ne sera
bientôt plus suffisant. Nous allons devoir nous habituer à utiliser de nouvelles
données, comme par exemple les données sociométriques.
9. Sécurité et anonymat seront une priorité. Les RH vont devoir accorder
une importance particulière à la sécurité des données, au respect de la vie
privée et à la protection de l’identité des individus. En effet, des failles de
sécurité peuvent se produire, les employés et les services juridiques seront très
attentifs à la façon dont les RH vont collecter et analyser la donnée.
10. Nous sommes tous en phase d’apprentissage et cet apprentissage
doit être commun. Afin que l’analytique RH passe de la phase « passe-
temps » à la phase « échelle industrielle », il est nécessaire que les entreprises
communiquent sur ce qu’elles en apprennent. Ce n’est pas les résultats qui
rendent les entreprises qui pratiquent l’analytique RH uniques, ce sont ce
qu’elles en font.
d. L’analytique RH en matière de recrutement
Comme nous l’avons vu précédemment, l’analytique RH peut analyser un panel très
large et transversal de données et peut ainsi permettre d’apporter un autre regard sur
différents domaines des ressources humaines.
Quels sont les apports possibles en matière de recrutement et de gestion des
compétences ? L’analytique RH sera peut-être en mesure de suivre et influencer le
début de la vie d’un salarié en entreprise (recrutement), son évolution (gestion des
carrières, développement des compétences), jusqu’à sa sortie.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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Concrètement, que permet actuellement de faire l’analytique RH en la matière ?
Le recrutement
L’analytique RH appliquée au recrutement permet aujourd’hui de définir, de par
l’analyse de données internes et externes à l’entreprise les besoins (ressources) et les
meilleurs candidats. C’est ce que l’on appelle le recrutement prédictif.
Pour reprendre la définition du « Blog du modérateur » : « Le recrutement prédictif
c’est la capacité à identifier des variables qualitatives ou quantitatives qui permettent
une projection et une extrapolation sur un résultat attendu. ». Ce que l’on cherche à
déterminer de par cet outil est la réponse à un certain nombre de questions que l’on
peut se poser lorsque l’on réalise un recrutement et lorsque l’on cherche à établir le
profil du candidat idéal.
Un article du journal l’Express titrait en juillet 2015 « Big Data : serez-vous bientôt
recruté par des algorithmes ?18 » en s’interrogeant sur la capacité des machines à
pouvoir « mieux recruter » que les recruteurs eux-mêmes. En effet, lorsque nous
recrutons, même si nous essayons de nous convaincre que nous nous basons sur des
données objectives, dans les faits nous faisons souvent appel à notre intuition. Cette
intuition, exclusivement subjective, peut nous amener à prendre la mauvaise
décision. Or, les algorithmes utilisent quant à eux des critères objectifs issus d’un
croisement de données. Des études menées par la Harvard Business Review19 ont
d’ailleurs démontré qu’une simple équation, en matière de recrutement, obtient en
moyenne une performance supérieure de 25% à une décision humaine.
Figure 5 : Les barres ci-dessus montrent le pourcentage de salariés recrutés jugés au-dessus de la
moyenne (sur 3 mesures différentes) recrutés par un système analytique (barres en pointillés)
contre un recrutement mené par un jugement humain (barres pleines). Les chiffres montrent les
probabilités d’obtenir de meilleurs résultats.
18Eychenne, A. (Juillet 2015). Big Data : Serez-vous bientôt recruté par des algorithmes, L’Express.
19 Kuncel, N, Ones , D, Klieger D. (Mai 2014). In Hiring, Algorithms Beat Instinct, Harvard Business
Review.
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Sur ces faits, le recrutement prédictif vise à répondre plus efficacement aux besoins
suivants :
 Identifier rapidement les profils adaptés (performants dans la structure),
 Recruter les meilleurs candidats,
 Pérenniser les talents,
 Limiter les erreurs de recrutements, ce qui coûte cher à l’entreprise.
Selon AssessFirst20, solution spécialisée dans le recrutement prédictif : « Le
recrutement prédictif permet de sélectionner des personnes qui ont des probabilités
particulièrement élevées d’être performantes et de démontrer un haut niveau
d’engagement vis-à-vis de leur entreprise ».
Le but étant pour toute entreprise de recruter le candidat idéal :
Figure 6 : En abscisse la longévité du candidat en entreprise et en ordonnée la performance du
candidat.
Comment le recrutement prédictif fonctionne-t-il ?
Les modèles de recrutement prédictifs corrèlent différentes données dans l’entreprise
telles que les entretiens d’évaluation, l’historique professionnelle des salariés de
l’entreprise (diplômes, anciens employeurs), la personnalité, la localisation. Ces
dernières permettent de croiser le modèle obtenu aux profils des candidats potentiels
et de réaliser une présélection selon ces critères.
20 AssessFirst est une société spécialisée et leader des solutions de recrutement prédictif.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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Les 3 étapes suivies par AssessFirst :
Quels sont les résultats promis ?
Les avis, concernant l’efficacité de ces méthodes, est contrasté entre les éditeurs de
ces solutions innovantes, les cabinets d’audit et la recherche sur le sujet.
Selon David BERNARD, CEO d’AssessFirst les résultats obtenus par ces méthodes
sont les suivants :
 Diminution moyenne des délais liés à la présélection de l'ordre de 50 à
75%.
 Diminution du nombre de candidats vus en entretien de 30 à 50%.
 Augmentation de la performance des nouveaux recrutés de 15% en
moyenne (en comparaison avec les personnes recrutées au travers de
processus de recrutement classiques).
 Diminution du turnover à 1 an pouvant aller jusqu'à -50%.
 Diminution moyenne des coûts liés au recrutement de 20%
La Harvard Business Review, qui est un magazine de référence sur le monde de
l’entreprise et le management fait part d’une amélioration des performances de 25%.
Toutefois pour Cade Massey21, professeur de la Wharton School’s Operation ayant
mené un groupe de recherche sur l’analytique RH, « la promesse n’est pas encore
tenue ». Selon lui, il s’agit d’un outil très prometteur mais pas encore suffisamment
21 Massey, C. (Avril 2015). Can People Analytics Help Firms Manage People Better?, Wharton People
Analytics Conference 2015.
Figure 7 : Modèle de recrutement prédictif d'AssessFirst
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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efficace. Il est plus intéressant aujourd’hui de s’y intéresser pour le potentiel que cela
peut avoir que pour les résultats que cela apporte réellement.
Le recrutement prédictif permet ainsi d’analyser les profils des candidats et
sélectionner ceux qui répondent le mieux au poste proposé en entreprise.
L’entreprise est ensuite libre de choisir un des candidats présélectionnés par l’outil ou
non.
e. L’analytique RH en matière de gestion des compétences
Lorsque ces salariés sont recrutés et intégrés dans l’entreprise, il faut ensuite suivre
leur carrière, répondre à leur besoin d’évolution, faire évoluer leurs compétences avec
celles attendues par l’entreprise au fil changements organisationnels nécessaires pour
cette dernière.
Là encore, l’analytique RH peut y apporter son support.
La « Business Intelligence »
L’analytique RH est encore peu appliquée dans le domaine de la gestion des
compétences, il est de ce fait assez difficile de trouver de la documentation sur le
sujet. Force est de constater que nous en sommes encore à un état embryonnaire.
Toutefois, des études, dont celle du cabinet KPMG, que je développerai dans le
prochain chapitre, montrent que la réflexion est réelle et que de plus en plus
d’entreprises souhaitent sauter le pas et commencer à initier ce type de démarche.
Comme l’indique Cade Massey, l’analytique qui jusqu’alors était réservée aux
domaines technologiques, financiers ou marketing, est en plein essor dans les
Ressources Humaines et dispose d’un potentiel énorme.
La raison étant que cela peut permettre d’apporter une réelle valeur ajoutée à la
fonction Ressources Humaines de l’entreprise en la plaçant en acteur de la
performance de l’organisation. En effet, l’analytique RH permet de croiser les
données financières avec les données RH dans le but de définir une stratégie RH en
accord avec les enjeux business de l’entreprise. C’est d’ailleurs pourquoi l’analytique
RH dans ce domaine est aussi appelée « Business Intelligence ». On peut également
la retrouver sous le terme de « People Analytics » notamment lorsque l’on en vient
plus précisément à la gestion des compétences.
Le fait est que l’on ne peut pas considérer l’analytique RH comme une gestion des
compétences seule, ce qui serait trop réducteur.
Dans le domaine des Ressources Humaines cela permet de réaliser des simulations et
des prédictions sur les évolutions d’effectifs, le turnover de l’entreprise, l’état des
compétences, la masse salariale et l’influence de la rémunération comme facteur de
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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motivation ou encore sur l’engagement et la fidélisation des salariés. Cela permet
aussi de pouvoir simuler et observer l’impact de certaines décisions afin de choisir les
meilleures et orienter sa stratégie RH.
Croiser les données, analyser le passé ainsi que le présent pour prédire le futur et agir
sur les écarts, cela vous rappelle quelque chose ? Cette analyse de données en temps
réel a également cette faculté de répondre au besoin d’agilité des entreprises.
L’automatisation des reporting de données qu’apportent ces solutions, représente
également un gain de temps considérable permettant de réaliser d’autres tâches à
plus forte valeur ajoutée, à condition que les données d’entrée saisies soient fiables.
Figure 8 : Ce qu'est l'analytique RH - Utilisation des données RH, Business et externes pour
permettre aux managers de prendre de meilleures décisions
L’une des valeurs principales reconnue est l’utilisation de l’analytique pour la
connaissance des collaborateurs et leur fidélisation. Pour réaliser ces analyses, un
ensemble de données non structurées sont utilisées, comme par exemple les
évaluations, entretiens professionnels, enquêtes de satisfactions, demandes de
formation, souhaits d’évolution, comptes rendus de réunions.
Selon Amélie Albin, consultante RH chez SAS, « les Big Data et l’analytique aident à
mieux connaitre les employés et à mieux les servir, en les considérant comme de
véritables clients et en offrant une meilleure écoute (grâce au temps gagné par
l’automatisation des process et à une vue centralisée, agrégée, nettoyée des données
employés). C’est un véritable ERM (Employee Relationship Management, c’est-à-dire
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
Audrey WOZNIAK – 2015/2016
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un « CRM Employés ») qui est mis en place afin d’offrir une vision à 360° des
employés. […] Le suivi du plan de carrière des employés entre directement dans
l’analyse de satisfaction qui contribue elle-même au programme de fidélisation
employés. »22
Exemples d’utilisation
Afin de mieux pouvoir visualiser la façon dont ce concept peut être appliqué en
entreprise, voici un exemple de tableau de bord de « People Analytics » :
Sur le tableau de bord ci-dessus, on dispose d’un visuel très simple pour identifier les
profils à risques. Comme on peut le constater, ce tableau regroupe un certain nombre
de données telles que l’ancienneté, le coût de remplacement, la performance et
permet ainsi de définir le risque selon les critères qui ont été établis lors de la création
de l’algorithme. Cela peut être l’une des utilisations du Big Data et de l’analytique RH
dans la gestion des compétences en interne.
Cela peut également permettre de réaliser des plans d’évolution pour les salariés,
déterminer à quel moment ils seront au meilleur de leur performance et à quel
moment il faudra songer à les changer de poste, selon différents critères (âge,
22 Albin, A. (Juillet 2015). RH et analytique : tour d’horizon, BusinessAnalyticsInfo.fr.
Figure 9 : Ce type de tableau de bord permet notamment de prendre conscience des forces et faiblesses de
l’organisation en matière de fidélisation, gestion des « top performers ».
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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génération, niveau de diplôme…). Ce qui peut permettre de commencer à les former
sur l’évolution choisie par eux ou pour eux.
Gestion des équipes et mesure de la performance
Une étude analytique réalisée par Christopher Chabris23, a permis de mettre en
évidence les éléments clés de la constitution d’une équipe performante. Sur un panel
d’individus, il est assez facile de penser qu’en regroupant les meilleurs ensembles ils
seront plus performants que les autres. Or, ce n’est pas toujours le cas et il est
nécessaire de prendre en compte davantage de critères, autres que la performance
individuelle, lors de la constitution d’un groupe. En réalité, il s’agit plutôt de tabler
sur l’intelligence collective.
En effet, selon l’activité de l’entreprise ou son secteur, une équipe performante peut
avoir besoin de mettre en relation des profils similaires ou alors complètements
différents. De la même façon, la personnalité des membres qui constituent l’équipe
est également importante pour créer une synergie. Trouver la bonne proportion
d’extravertis, d’introvertis et faire travailler ensemble des profils compatibles.
On peut imaginer que l’analytique puisse aider les entreprises à constituer leurs
groupes de travail sur la base de ces critères et ainsi améliorer la performance globale
d’une équipe. L’analytique peut donc également se baser sur des études
psychologiques.
Lorsque l’on parle de performance, il y a un parallèle assez simple à réaliser avec le
sport. Il est intéressant de noter que les études analytiques sont déjà utilisées pour le
sport de haut niveau pour améliorer la performance globale des athlètes.
On peut imaginer une utilisation de ce type d’outils beaucoup plus vaste, comme pour
déterminer le cycle de rotation de poste idéal des salariés sur les machines afin
d’éviter les TMS (troubles musculo squelettiques) en fonction de leur ancienneté, de
leur âge ou d’autres critères liées aux conditions de travail (températures,
vibrations…).
Pour certains sujets, l’utilisation de ce type d’outils implique toutefois un changement
de culture d’entreprise et d’organisation.
Pour donner un exemple encore un peu plus concret de la façon dont l’analytique RH
peut être utilisée, je vais reprendre l’exemple de l’absentéisme décrit par François
Geuze24. Comme l’indique ce dernier : « Il n’est pas rare de travailler avec plus d’une
vingtaine de variables liées aux caractéristiques des individus et des organisations, et
23 Etude menée en 2010 “Evidence for a Collective Intelligence Factor in the Performance of Human
Groups”. Christopher Chabris est chercheur en psychologie et co-directeur d’un programme de
neurosciences.
24 Geuze, F. (Novembre 2015). La fonction RH est-elle moutonnière ?,Parlons RH.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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les plus significatives ne sont pas toujours celles qu’on croit. ». Sur le sujet de
l’absentéisme, il sera possible de croiser différentes données qui actuellement sont
utilisées indépendamment les unes des autres.
En entreprise, nous suivons les arrêts de travail, les absences diverses et nous
définissons un taux d’absentéisme. Le taux d’absentéisme est alors utilisé comme
indicateur, sujet à interprétation, pouvant parfois laisser transparaître par exemple
une possible dégradation du climat social. Et s’il était possible d’expliquer ce qui a un
réel impact sur l’absentéisme et de mettre en place des plans d’actions permettant de
directement agir sur son l’amélioration ?
Selon François Geuze : « On pourra travailler avec l’ensemble des arrêts de travail à
l’intérieur d’une organisation en tenant compte, pour chacun d’eux, d’un ensemble de
variables liées aux contextes professionnels et personnels (métier, poste, rythmes de
travail, temps de trajet, subrogation, âge, nombre d’enfants, etc.). En analysant en
profondeur ces données, il sera alors possible d’identifier les variables qui ont un
impact sur la survenance de l’événement « est absent » et celles qui n’en ont pas. ».
Cela laisse entrevoir un potentiel certain.
f. Les limites réglementaires
La collecte et le traitement des données par informatique sont réglementés par la
Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL). L’analytique RH entre
directement dans les domaines sur lesquels elle se penche.
Pour le moment, ce sont toujours les articles de la Loi du 6 janvier 1978 qui sont
applicables.
Le recrutement est par ailleurs déjà relativement encadré et oblige les entreprises à
une collecte des données « pertinentes » excluant les éléments relatifs à la vie privée
du candidat tels que sa situation familiale, ses origines, son état de santé ou encore
son poids.
Selon la recommandation de la CNIL, le candidat doit par ailleurs être informé des
« méthodes et techniques d’aide au recrutement utilisées à son égard »25. Le candidat
possède par ailleurs un droit d’accès aux méthodes d’aide au recrutement utilisées
pour sélectionner ou non sa candidature.
La CNIL pourrait très bien à termes, limiter le type de données utilisables et/ou
obliger les entreprises à communiquer les algorithmes utilisés afin d’apporter
davantage de transparence aux candidats.
25 Source : https://www.cnil.fr/fr/les-operations-de-recrutement
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En ce qui concerne le traitement des données des salariés dans le cadre de
l’analytique, les instances représentatives du personnel doivent être informées des
modalités de sa mise en œuvre. Les salariés possèdent, de la même façon, un droit de
regard sur les éléments les concernant. Comme le précise la CNIL : « Les valeurs de
classement annuel ou de potentiel de carrière sont communicables lorsqu’elles ont
servi à prendre une décision. L’employeur n’est pas tenu de les communiquer
lorsqu’elles sont encore prévisionnelles. ».
Il reste maintenant à savoir si, au regard du développement de l’analytique RH dans
les entreprises, la CNIL décidera ou non d’ajouter des dispositions réglementaires
correspondantes.
g. Opportunités et menaces de l’analytique RH
Dans cette partie, je vais aborder les différents points de vue recensés à propos du
recrutement prédictif et de l’analytique RH, des craintes que cela peut générer et des
quelques réponses apportées à celles-ci.
Un recrutement plus spécialisé ou la disparition des recruteurs
L’arrivée du recrutement prédictif, qui n’en est encore qu’à son commencement mais
dont l’efficacité commence à faire ses preuves, risque de bouleverser le recrutement
tel qu’on l’entend aujourd’hui.
La valeur ajoutée du recruteur est d’être en capacité de dénicher la perle rare, le futur
salarié qui sera engagé de façon pérenne dans l’entreprise, le fameux « mouton à cinq
pattes ». Pour cela, il réceptionne et analyse les CV, présélectionne les candidats,
évalue leur potentiel ainsi que leur personnalité au travers d’entretiens et, comme je
l’ai évoqué précédemment, se base sur son intuition.
Or, si le recrutement prédictif réalise toutes ces étapes, quel est le futur du recruteur ?
S’agit-il d’une menace pour le métier ou d’une opportunité de le transformer ?
Les différents propos recueillis sur le sujet restent assez optimistes. Il n’existe pas
réellement de positions estimant que le métier de recruteur est voué à disparaître au
profit du recrutement prédictif. Toutefois, toutes les sources sont d’accord pour dire
que le métier est amené à évoluer et de façon positive.
En effet, même si un outil est capable d’analyser plus vite les besoins et d’obtenir plus
facilement des résultats satisfaisants, l’analyse prédictive des recrutements reste un
outil au service des recruteurs. Ils restent en capacité de prendre la décision finale et
au-delà de ça, il ne s’agit pas de leur seul rôle. Réduire le recrutement à une analyse
de profils serait réducteur dans la mesure où l’on a affaire à des êtres humains et
qu’un recrutement réussi ne joue pas que sur ces aspects.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
Audrey WOZNIAK – 2015/2016
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Comme le précise David Bernard : « A chaque fois qu'il s'agit de prendre une décision
complexe impliquant des aspects émotionnels ou des rapports d'influence, l'être
humain surpasse la machine, et de loin »26. Le recrutement c’est aussi attirer un
candidat et lui donner envie d’accepter le poste qu’on lui propose, négocier et créer
un véritable échange avec le candidat, ce que la machine n’est pas (encore ?) en
mesure de faire.
Selon David Bernard, le recruteur va ainsi pouvoir davantage se concentrer sur la
relation avec le candidat plutôt que sur des tâches qui auparavant étaient
chronophages pour lui. L’enjeu étant de s’approprier l’outil et de « prendre le train en
marche ».
Profils atypiques, discriminations ou égalité des chances
Au-delà du recruteur, la variable la plus importante dans un recrutement est le
candidat lui-même. Le fait d’avoir recours à des outils utilisant des modèles pour
analyser les candidatures et en faire ressortir les meilleurs profils, peut amener des
craintes sur différents aspects. On peut penser que ce type de méthode de
recrutement peut jouer en la défaveur des candidats « qui ne rentrent pas dans les
cases », la menace étant accentuer les discriminations à l’embauche. Il y a peut-être
cependant une opportunité de créer de la diversité et de recruter des profils que l’on
n’aurait pas envisagés en premier lieu.
Selon François GEUZE, le risque d’accentuer les discriminations est bien présent,
« […] nombre de candidats rejetés pourraient légitimement arguer du fait qu’ils ont
été exclus du processus de recrutement sur la base de considérations non directement
liées aux compétences et aptitudes nécessaires à la tenue du poste proposé ». Ces
candidats pourraient mettre en avant l’article 3 de la loi du 6 janvier 1978 demandant
à l’employeur de communiquer les raisonnements utilisés pour sélectionner les
candidats, y compris dans le cadre de sélections automatisées.
Pour Jean Pralong, responsable de la Chaire nouvelles carrières de Neoma Business
School, la menace du recrutement prédictif réside également dans le fait « d’écarter
les profils atypiques, les râleurs, les pinailleurs, les individualistes ou encore les
rebelles. », alors que ces derniers peuvent être indispensables à l’entreprise.
Toutefois, pour David Bernard27, qui certes prêche pour sa propre paroisse, laisse
entrevoir d’autres possibilités. Selon lui, le recrutement prédictif permettrait aux
profils manquant de qualifications, d’expérience ou encore les populations souvent
victimes de discriminations à l’embauche sur l’origine, l’âge, le sexe d’être recrutés.
L’argument retenu étant que cette nouvelle manière de recruter permettrait de se
26 Bernard, D. (Décembre 2015). Recrutement prédictif : avons-nous encore besoin des recruteurs ?,
LinkedIn.
27 Bernard, D. (Mars 2016). Le recrutement prédictif, une arme contre la discrimination à l'emploi, La
tribune.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
Audrey WOZNIAK – 2015/2016
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focaliser sur des critères objectifs, retenus comme facteurs de performance. Il ne
s’agit plus de recruter sur un nombre d’années d’expérience dans le métier ou sur un
parcours « grandes écoles » validé avec succès mais sur des critères liés à la
personnalité du candidat.
« Dans plus de 80 % des cas, ces critères [d’expérience et de formation] n'ont qu'un
impact limité sur les probabilités de réussite dans le poste. Désormais, c'est sur leurs
aptitudes, leurs motivations réelles et leur personnalité que les candidats sont
sélectionnés. La personnalité, rien qu'à elle seule, explique en effet près de 25 % des
différences entre les plus et les moins performants dans certaines fonctions. »
Toutefois pour contrebalancer cette affirmation, Laurent Hyzy, fondateur du cabinet
de recrutement Alterconsult déclare28 : « Ces logiciels [de recrutement prédictif] ne
peuvent pas détecter la motivation, le savoir-être, ni les accidents de vie d’un
candidat ». Ce qu’un humain peut a priori faire.
Qui a raison et qui a tort ?
Quoiqu’il en soit, ce qui est certain c’est que cela donne une ouverture potentielle sur
des profils atypiques. On ne cherche plus un parcours type mais un « potentiel ».
Figure 10 : 29 Illustration d’Etienne Issartial – Une nouvelle vision du sourcing
28 Auteur inconnu. (Mai 2016). Le recrutement prédictif, RH&COMM’ENDER.
29 Source : http://rmsnews.com/recrutement-du-papier-au-robot/
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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L’attaque des clones
Si le Big Data et le recrutement prédictif présentent l’opportunité de définir et
recruter les profils idéaux pour l’entreprise, n’y a-t-il pas une menace sous-jacente
d’une uniformisation du recrutement vers une fabrique de clones, tous voués à
atteindre le même but ?
C’est ce que pense François GEUZE, consultant en RH30, « la généralisation de ce
type de recrutement amène mécaniquement à une standardisation des profils
recrutés. Exit la diversité, la complémentarité et toutes choses qui font qu’une équipe
gagne par la cohérence de son collectif, et pas nécessairement avec une somme
d’individualités performantes. Certes, cette standardisation sera moins visible que le
recrutement massif de « jeunes » sortant tous de la même école, ou d’hommes de 35 à
45 ans. Elle n’en portera pas moins les gènes de l’appauvrissement du collectif. »
Cette vision du clonage est plus modérée dans les propos de Nicolas Galita, Expert en
sourcing et recrutement chez Link Humans31. Il admet que le recrutement prédictif
risque de créer des clones tout en pointant du doigt que c’est déjà ce que les
recruteurs font aujourd’hui avec les techniques de recrutement traditionnelles. Et il
est vrai que lorsque l’on étudie les annonces de recrutement, il n’est pas rare de voir
pour certains postes un schéma qui semble préétabli : années d’expériences requises
dans un secteur donné, formation dans une grande école de renom. « En utilisant
cette démarche [de recrutement prédictif], Google a découvert que le niveau de
performance de ses recrues n’était que très peu corrélé avec le niveau de leur
université. Et c’est en ce sens que le recrutement prédictif vous prévient du clonage. Il
clone, certes. Mais probablement moins qu’un humain moyen et sur la base de
critères bien plus objectifs. »
Une déshumanisation annoncée
Si des algorithmes peuvent déterminer pour nous notre parcours professionnel idéal
et déterminer à l’avance notre progression, notre libre arbitre n’est-il pas menacé ? Si
ces mêmes algorithmes déterminent les facteurs de performance et d’engagement,
nous établissent en tant que potentiel, est-ce que cela ne peut pas être générateur de
stress et de pression supplémentaire ?
Cela fait semble-t-il peu parti des débats menés sur le sujet de l’analytique à l’heure
actuelle. La préoccupation majeure, semble toutefois de dire que la menace principale
générée par ces outils, est la déshumanisation de la gestion des ressources humaines
en entreprise.
30 Geuze, F. (Octobre 2014).Vous avez dit recrutement prédictif ? Parlons RH.
31 Galita, N. (Novembre 2014). AssessFirst présente : Le recrutement prédictif, rmsnews.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
Audrey WOZNIAK – 2015/2016
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C’est ce que pointe Christopher Mims, journaliste du Wall Street Journal32. Selon lui,
le capital humain de l’entreprise pourrait devenir une simple donnée pouvant être
surveillée, analysée et corrigée en temps réel. Les humains s’avérant des êtres aux
comportements tout à fait prévisibles. Il imagine, dans sa vision, un directeur
exécutif, qui, au lieu de consulter les membres de son équipe, consulte les tableaux de
bord digitaux à sa disposition pour connaître tout ce qu’il a besoin de savoir. Sur ce
tableau de bord, il peut ainsi voir apparaître en rouge tout ce qui nécessite une action
concrète, du niveau d’engagement de ses salariés à la gestion de ses effectifs. L’auteur
de cet article admet lui-même que cette une vision semble quelque peu farfelue,
toutefois cette dernière reflète selon lui les services analytiques proposés par un
nombre grandissant d’entreprises.
D’un autre côté, le Big Data et l’analytique RH peuvent donner la possibilité aux
salariés de développer leur potentiel, d’obtenir plus d’engagement, ce qui semble
plutôt positif. Il s’agit peut-être même d’une opportunité de travailler sur les champs
du bien-être au travail, sur les parcours professionnels (le potentiel réel), sur les
mécanismes de la performance. Ce qui pourra peut-être amener des conclusions
différentes et modifier la façon d’appréhender le travail au sens global du terme.
Selon les travaux de Sandy Pentland, Directeur des recherches au MIT Human
Dynamics Laboratory33, le Big Data pourrait au contraire humaniser l’industrie. En
effet, le Taylorisme et les autres systèmes similaires ont toujours essayé de
transformer l’être humain en machine en tentant de le rendre de plus en plus
productif, en optimisant ses moindres gestes. Mais les êtres humains ne sont pas des
machines et ne sont pas faits pour ce type d’organisation du travail. L’analytique
pourrait permettre de trouver quels sont les véritables clés de la performance, de
pouvoir le prouver par des données concrètes et ainsi rendre la vie au travail des
salariés plus agréable.
Big Data = Big Brother
Big Brother34, celui qui voit tout et qui sait tout de vous. C’est l’expression souvent
utilisée pour désigner l’atteinte aux libertés individuelles. Doit-on craindre que
l’analytique RH devienne le Big Brother de l’entreprise ?
Récupérer des données sur les salariés peut porter atteinte à leur vie privée, nous
avons vu que dans ce domaine, la CNIL apportait un cadre réglementaire. Toutefois,
peut-on craindre que l’entreprise, avec l’utilisation de ces technologies, franchisse la
limite vie privée/vie professionnelle ?
32 Mims, C (Février 2016). In ‘People Analytics,’ You’re Not a Human, You’re a Data Point, The Wall
Street Journal.
33Pentland, S. (Mai 2016). MIT’s Sandy Pentland: Big Data Can Be a Profoundly Humanizing Force in
Industry, SingularityHub.
34 Expression signifiant « grand frère » tirée du roman « 1984 » de George Orwell.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
Audrey WOZNIAK – 2015/2016
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David Bernard s’est en tout cas posé la question35 et part du principe que nos vies
sont déjà entièrement diffusées sur internet (photos, centre d’intérêts, amis…). Ces
éléments sont accessibles dans le cadre de recrutements. Il pose ainsi l’interrogation
suivante : « lorsque l’on recrute, est-il envisageable/raisonnable/éthique d’accéder
aux données publiques d’un profil Facebook un peu open, de checker les tweets d’un
candidat, de trainer sur l'Instagram de la future stagiaire ». Selon ses propos, il faut
cesser de se voiler la face, c’est ce que font les recruteurs parce que c’est dans la
nature humaine de vouloir se rassurer. Le problème dans tout ça étant le « poids »
accordé aux éléments récupérés sur la toile et de l’influence que cela peut produire
dans la prise de décision. L’humain se laisse influencer par ce qu’il voit,
contrairement à la machine (l’algorithme) qui est capable de rester objective.
Les algorithmes seraient donc meilleurs juges que nous le sommes quand il s’agit de
faire la part des choses ?
Préféreriez-vous recruter un candidat/accorder une promotion au salarié qui a l’air
raisonnable et sérieux sur son profil facebook, ou celui qui fait la bringue, déguisé en
Bob l’Eponge ?
L’exploitation des données par les entreprises, est à mon sens, au-delà même des
préoccupations réglementaires, une question d’éthique. Il s’agit pour l’entreprise de
savoir fixer les limites.
Sans maîtrise, la puissance n’est rien
Le Big Data et l’analytique RH sont des outils. Comme tous les outils, ils doivent être
maîtrisés afin de pouvoir en tirer leurs potentiels. Ils présentent certes l’opportunité
d’apporter des réponses concrètes via l’analyse et le croisement des données.
Cependant, la plus grande menace réside dans l’absence de maîtrise des outils
exploités.
Comme l’indique Jan Begine, sociologue,36 notre compréhension du Big Data repose
sur la qualité et la véracité des données sous-jacentes. Une mauvaise qualité des
données d’entrée conduit à de mauvaises décisions.
Par ailleurs, dans leur article de la Harvard Business Review37, Jon Kleinberg,
Michael Luca et Sendhil Mullainathan mettent en garde contre les risques associés à
l’usage d’algorithmes. Les algorithmes réalisent sans aucuns problèmes les actions
qu’ils leur sont commandées, ils ne commettent pas d’erreur. Là où l’erreur peut se
produire c’est dans l’interprétation des réponses qu’ils peuvent nous apporter.
35Bernard, D. (Juin 2016). RH vs machine : Et l’humain dans tout ça ? FocusRH.
36 Begine, J. (Août 2012). Is decision-making based on pure data dehumanizing? Quora.
37 Kleinberg, J, Luca, M, Mullainathan, S. (Aout-Septembre 2016). Les algorithmes ont eux aussi
besoin de managers, Harvard Business Review (Edition papier).
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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Je vais reprendre leur exemple, qui est je pense assez parlant : « Dans […] « Iron Man
», Tony Stark (alias Iron Man) crée Ultron, un système de défense doté d’intelligence
artificielle chargé de protéger la Terre. Mais Ultron interprète cette mission de façon
littérale, en concluant que la meilleure façon de sauver la planète est de détruire tous
les humains. ». Les algorithmes ne « raisonnent » pas de la même façon qu’un être
humain et exécutent littéralement les consignes. Ce qui veut dire qu’il est nécessaire
de pouvoir « penser comme un algorithme » et de comprendre leurs rouages pour les
paramétrer au mieux.
Il est par ailleurs nécessaire de prendre du recul sur les prédictions émises,
puisqu’elles peuvent être incomplètes. Comme ils le précisent également : « Un
algorithme peut vous dire quels sont les employés les plus susceptibles de réussir,
sans identifier les compétences qui sont les plus importantes pour parvenir à
réussir ».
h. Des besoins en évolution
Comme nous l’avons vu précédemment, l’analytique RH apporte une avancée
technologique importante dans les outils de gestion des ressources humaines. Mais
est-ce que cela peut permettre d’apporter une réponse aux besoins des candidats à
l’emploi ou des salariés de l’entreprise ?
Pour répondre à cette question, il me semble nécessaire d’analyser l’évolution des
besoins en prenant en compte les différents aspects générationnels. Nous parlons
beaucoup de la génération Y, succédant à la génération X, et maintenant de la
génération Z. Que met-on derrière tout ça ?
Je pense également qu’il faut aborder cette question de façon plus large, puisqu’il
s’agit d’une transformation numérique. Quels sont leurs besoins et quels sont les
éléments à prendre en compte pour une transition numérique réussie ? N’y-a-t-il par
ailleurs pas un risque vis-à-vis des générations précédentes, moins habituées à
l’usage du numérique dans leur quotidien ?
Contexte
Nous rencontrons aujourd’hui en entreprise trois types de génération : les seniors, la
génération X et la génération Y. Ces dernières ont été influencées par des contextes
de vie différents et n’ont pas évolué avec les mêmes contraintes, risques et vision du
monde. Ces différences créent parfois des incompréhensions intergénérationnelles
qui elles-mêmes génèrent des stéréotypes que vous avez vous-même probablement
déjà entendu : « Les jeunes ne veulent pas travailler, ils sont fainéants », « les vieux
ne sont plus dans le coup, ils sont incapables de s’adapter aux changements » et le
fameux « c’était mieux avant ! ».
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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En tant que RH, nous devons comprendre ces comportements et réactions
notamment lorsque l’on s’apprête à réaliser des changements relatifs au numérique,
pour mieux faire face aux résistances.
Pour définir plus précisément les différentes caractéristiques des générations
suivantes, je vais reprendre les travaux d’Elisabeth Lahouze-Humbert38, et donc sa
vision, croisée avec les différentes définitions disponibles.
Description de la génération « Baby-boomers »
Font partie de la génération Baby-Boomers (aussi nommé « Papy-boomers »), les
individus nés après la seconde guerre mondiale entre 1945 et 1959. Ce qui correspond
aux personnes âgées de plus 57 ans en 2016. Ils représenteraient environ 34% de la
population active en France.
La dénomination souvent utilisée est également celle de « seniors », elle est reprise
dans le monde de l’entreprise pour tous les salariés de l’âge de 45 ans et plus.
Influence de l’histoire
Les parents de Baby-boomers ont connu la seconde guerre mondiale, leur enfance a
eu lieu pendant une période de reconstruction marquée par les 30 glorieuses
(expression créée en 1979 par Jean Fourastié et s’étendant entre 1946 et 1975).
Leur arrivée sur le marché du travail a été facilitée par le plein emploi et par un
contexte de forte croissance industrielle.
Cette génération a également été marquée par mai 68, qui est encore aujourd’hui le
mouvement social le plus important de l’histoire de France. Avec une vision de
l’avenir très « peace and love », libérée et une volonté de réformer le monde, « Soyez
réaliste, demandez l’impossible » (slogan d’une affiche de mai 68).
Comportement en société
Ils sont plutôt de nature traditionnelle et conservatrice. Ils recherchent avant tout à
réussir leur vie professionnelle et s’en donnent les moyens, au dépend parfois de leur
vie de famille (divorces).
Ils cherchent à se valoriser socialement : belle maison, belle voiture et sont influencés
par le culte de l’image. Ils veulent avoir l’air plus jeune (génération botox et lifting).
38 Lahouze-Humbert, E (2014). Le choc générationnel. Maxima.
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Comportement en entreprise
La génération des Baby-Boomers respecte l’autorité et la hiérarchie, est fidèle à leur
entreprise et souhaite être reconnue pour le travail accompli. Ils sont considérés
comme des drogués du boulot.
Leur plan de carrière est pensé dans la même entreprise tout au long de leur vie. Les
profils de seniors ayant réalisé 40 ans de carrière au même endroit ne sont pas rares.
Le travail en équipe n’est pas forcément habituel pour eux et se limite à un
fonctionnement très pyramidal.
Description de la génération X
Font partie de la génération X les individus nés entre 1960 et 1979. Cette génération
représente environ 35% de la population active.
Nommée à l’origine « Baby Bust » (chute de natalité) pour caractériser
l’effondrement des naissances faisant directement suite au Baby-boom, le terme
génération X, a été utilisé pour la première fois dans la fin des années 1970 par le
groupe « Generation X » (punk rock) mais c’est Douglas Coupland qui le rendra
populaire39. Elle est qualifiée en 1991 par William Strauss et Neil Howe, de « 13ème
génération », puisqu’il s’agissait pour les États-Unis de la 13ème génération depuis le
drapeau américain. Elle est parfois affublée de qualificatifs pas toujours très positifs
tels que génération « martyre », « sandwich », « tampon » expliqués par leur position
entre deux générations, confrontés aux difficultés professionnelles et à la précarité.
Influence de l’histoire
La génération X a vécu la catastrophe de Tchernobyl (1986), la chute du mur de
Berlin (1989) ainsi que de nombreux problèmes économiques dont la récession des
années 1980 ayant conduit à des crises de l’emploi et à des plans sociaux massifs.
Leur jeunesse est aussi marquée par des mouvements anarchistes (« no future »40) et
l’émergence de groupes grunge/pop rock (Nirvana, Pearl Jam ou les Smashing
Pumpkins). Il s’agit d’une jeunesse qui, globalement, croit peu en l’avenir.
39 Grace à son livre « Generation X : Tales for an accelerated culture » (Génération X : contes pour une
culture accélérée)
40 « No future » était le slogan des mouvements punk et anarchistes.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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Comportement en société
Cette génération commence à remettre en question la vision « métro boulot dodo »
de ses propres parents ainsi que leurs valeurs et vit davantage ancrée dans le présent.
Ils recherchent l’équilibre entre leur vie au travail et leur vie de famille.
Ils tardent à se lancer dans la vie active et le chômage les oblige parfois à retourner
chez leurs parents tardivement. Eux-mêmes accueillent leurs parents chez eux ainsi
que leurs enfants toujours à charge.
Comportement en entreprise
L’entrée dans la vie professionnelle est marquée par la difficulté à trouver des emplois
stables. La pérennité des postes occupés est mise en doute.
Cette génération cherche également les résultats et souhaite réduire la hiérarchie
pour moins de validations intermédiaires. Ils sont partisans de la communication, du
travail en équipe et souhaitent humaniser l’entreprise.
Ils apprécient les directives claires et pouvoir gérer leurs tâches en toute autonomie.
Chez leur manager, ils recherchent la transparence, la compétence et la fiabilité.
Description de la génération Y
Font partie de la génération Y les individus nés entre 1980 et 1999. Elle comptait en
2014 selon les chiffres de l’INSEE, 13 millions de personnes soit 21% de la population.
En 2015, 50% des actifs faisaient partie de cette génération.
Le terme de génération Y est expliqué de différentes raisons. Pour certains le Y fait
référence au dessin tracé par les écouteurs, pour d’autres il s’agit simplement de la
suite logique, dans l’alphabet, à la génération X. La dernière théorie étant que Y se
prononce « why » (pourquoi) en anglais, ce qui révèle de la volonté de cette
génération à comprendre le pourquoi des choses.
On retrouve également le terme « d’enfants du millénaire », créé par les sociologues
William Strauss et Neil Howe en 198741. Le Time Magazine a également titré l’un de
ses articles désignant la génération Y de la façon suivante : « Enfants du millénaire :
la génération Moi Moi Moi»42.
Parmi les autres termes existants pour les désigner, on retrouve « génération
pourquoi », « digital natives » (nés dans le digital), « écho boomers » (enfants des
baby-boomers), « generation we » (génération « nous ») ou même encore
41 Utilisé en 1987 et mis en lumière en 2000 dans leur livre nommé «Millenials Rising : The Next Great
Generation» (Enfants du millénaire : la prochaine grande génération)
42 Source : http://time.com/247/millennials-the-me-me-me-generation/
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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« génération Peter Pan ». Ces noms sont issus de plusieurs constations : les enfants
issus de cette génération ont grandi avec l’évolution des technologies et ils
rencontrent parfois des difficultés à quitter le nid familial pour se lancer dans la vie
active.
Influence de l’histoire
La génération Y a connu la démocratisation d’internet, la numérisation avec
l’apparition des MP3 et de l’ipod.
Elle n’a pas vécu de guerre à proprement parler mais a constaté une augmentation
notable de la violence. A l’école dans un premier temps : racket, drogues, puis dans le
monde avec la fusillade de Columbine (1999), les attentats à la bombe et le 11
septembre 2001 (attaque des tours jumelles du World Trade Center), ayant marqué le
début d’une période sombre pour le terrorisme et les conflits au Moyen-Orient.
Ces événements créent de l’insécurité et pousse cette génération à vivre de façon
hédoniste.
Comportement en société
La génération Y cherche à comprendre, apprendre et se perfectionner. Elle est en
quête de développement personnel. De nature tolérante, elle n’apprécie pas les
contraintes que peuvent leur imposer certains règlements.
Nous sommes ici dans la culture de l’immédiateté, portée par le développement des
technologies informatiques et des réseaux sociaux. La communication par « chat »
interposés est démocratisée. Si je vous parle de « Caramail »43, cela donnera peut-
être des souvenir à certains d’entre vous.
Le web est devenu la source d’information principale. L’information se consomme
rapidement, on peut la survoler. Elle est facile d’accès et compréhensible sans pour
autant être doté d’une forte culture générale. La consommation de la culture
s’effectue d’ailleurs via le téléchargement (audio, vidéo, e-books…) en « P2P » (pour
« Peer to Peer », système de partage entre les différents utilisateurs). KaZaA, Emule
ou Napster44, ça vous dit quelque chose ?
On voit également apparaître l’écriture SMS qui devient pour certains une norme
d’écriture, pour le meilleur et surtout pour le pire. Faisant moi-même partie de cette
génération, je fais partie de la résistance anti-sms et n’adhère donc pas tout à fait à
cette remarque.
43 Service de chat français en ligne ayant fait sa première apparition en 1997
44 Logiciels de P2P permettant le téléchargement de données.
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Comportement en entreprise
La génération Y sait qu’elle ne passera pas sa vie entière dans la même entreprise et
apprécie le changement, ce qui fait qu’ils sont parfois qualifiés de « zappeurs ». Le
travail ne passe pas toujours en premier plan, c’est une génération en recherche d’une
certaine flexibilité et d’un équilibre entre vie professionnelle/vie personnelle.
Les Y ne sont pas forcément respectueux de la hiérarchie et peuvent facilement la
transgresser s’ils pensent qu’il y a un moyen plus court pour atteindre ses objectifs.
Ils respectent par contre les compétences et l’expertise de leurs pairs.
Ils recherchent un milieu professionnel stimulant, permettant la collaboration et le
travail d’équipe. Ils ont besoin de bénéficier des technologies sur leur lieu de travail
ou de pouvoir travailler à distance.
Ils aiment également recevoir des retours sur leur travail, connaître quels sont leurs
objectifs. Pour respecter leur manager, ce dernier doit être compétent, formateur et
conciliant.
Description de la génération Z
Font partie de la génération Z les individus nés après les années 2000 (ou après 1995
selon la source), soit au XXIème siècle.
Le terme de génération Z fait suite logique aux X et Y. On lui trouve différents
surnoms tels que génération C pour (connectés, communication, créativité…), mais
aussi « nouvelle génération silencieuse ». Génération silencieuse ayant été le nom
donné à la génération pré-baby-boomers, qui avait été décrite comme plutôt fataliste,
s’attendant au pire tout en gardant une certaine forme d’espoir.
Il est encore tôt pour établir un profil type de cette génération. Toutefois, certaines
tendances peuvent se dégager au regard que ce que nous pouvons constater jusqu’à
maintenant de leur comportement.
Influence de l’histoire
Cette génération est marquée par les catastrophes naturelles et écologiques, comme
celle de Fukushima (2011). Elle est également touchée par une montée du radicalisme
religieux et la multiplication des attentats en France et en Europe (Charlie Hebdo en
janvier 2015, puis le 13 novembre).
Les nouvelles technologies ? Elles ne sont absolument pas nouvelles pour eux, ils sont
nés dedans et cela fait partie intégrante de leur quotidien.
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42
Ces dernières permettent notamment un accès facilité aux informations ce qui
permet l’apparition de nouveaux mouvements dénonciateurs tels que WikiLeaks,
Anonymous ou encore L214.
Comportement en société
Tout est disponible immédiatement, l’information est plus « fiable » en ligne. Ils
« googlisent »45 tout et ne savent plus forcément où trouver les informations par
d’autres voies. Ils communiquent via Skype, utilisent Snapchat (application
permettant d’envoyer des photos de manière éphémère, ces dernières disparaissant
après visionnage ou après 24h) ou encore Periscope (application permettant de
retransmettre en direct ce que l’on est en train de filmer).
La notion de vie privée est assez ténue, puisque tout peut se retrouver en peu de
temps sur internet.
Comportement en entreprise
La génération Z pense pouvoir devenir son propre patron ou pouvoir travailler de
chez eux pour rester « libres ». Pour autant, ils peuvent sentir le besoin d’être
encadrés dans une relation de confiance et d’écoute. Ils ne sont pas contre les règles
tant qu’elles sont respectées par tous et surtout par leur manager.
Ils sont de nature curieuse mais peuvent rencontrer des difficultés de concentration
dues à un besoin de changer rapidement d’activité. Ce qui pourrait leur causer des
problèmes pour suivre des longues tâches ou approfondir leurs raisonnements.
La notion de « collectif » est forte pour cette génération qui souhaitera travailler en
mode coopération et collaboration. Ils souhaiteront pouvoir bénéficier de mobilité
professionnelle et géographiques, y compris à l’international.
Pour eux, il y a une certaine acceptation de l’erreur et ont moins peur de l’échec que
les générations précédentes.
En résumé : différences, besoins et attentes
Comme nous avons pu le constater, le contexte dans lequel chaque génération s’est
forgée influe directement sur son comportement au travail et sur son mode de
fonctionnement avec les autres. Ce sont des généralités et différences à prendre en
compte en entreprise.
45 Vient de « googliser » signifiant rechercher dans « google ».
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43
Figure 11: Comparatif générationnel (source : http://digital-collab.com/focus-sur-la-generation-y/)
Voici un tableau répertoriant et synthétisant les différences entre les générations,
apportant quelques précisions sur le rapport au travail et la communication à
adopter.
Des avis divergents
En dépit de ces classifications générationnelles établies. L’existence d’une génération
Y est contestée. Selon une étude de 2010 de Kali H. Tzrenieswki et Brent Donnelan46,
chercheurs en psychologie, le paradigme de l’existence de différences
générationnelles notables, en particulier entre la génération X et Y est remis en cause.
Leurs principaux arguments résidant dans le fait que la jeunesse de tout temps a
toujours eu le même comportement, le même esprit de contradiction, autocentrés.
« Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l’autorité et n’ont
aucun respect pour l’âge. À notre époque, les enfants sont des tyrans. »
Socrates (399 avant JC)
46 Tzrenieswki, K, Donnelan, B. (2010). « Rethinking « Generation Me » : A study of Cohorts effects
from 1976-2006
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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« Je n’ai plus aucun espoir pour l’avenir de notre pays si la jeunesse d’aujourd’hui prend le
commandement demain parce que cette jeunesse est insupportable, sans retenue,
simplement terrible. »
Hesiode (720 avant JC)
Il semblerait en effet que les problèmes générationnels ne datent pas d’aujourd’hui.
Quoiqu’il en soit même si l’on peut considérer que la jeunesse a toujours eu le même
comportement, force est toutefois de constater qu’il y a bien des modifications de
façons de penser et d’agir correspondantes aux évolutions de la société. Ce n’est peut-
être pas à attribuer à une génération en particulier, mais il s’agit de changement dont
il faut tenir compte.
Evolution des besoins et analytique RH
Avec ces descriptions générationnelles, nous pouvons constater que les besoins et les
attitudes évoluent. Les deux points les plus significatifs étant : la vision du travail
(aspirations, attitudes) et les modes de communication/collaboration.
En connaissance de cause, en quoi l’analytique RH peut-elle répondre aux besoins de
chaque génération ?
Le fait est que la question est beaucoup posée de l’apport de l’analytique RH pour la
fonction RH mais peu pour connaître ce que cela va vraiment apporter aux salariés de
l’entreprise.
Au vu des descriptions des générations précédentes sur leur attitude vis-à-vis du
travail et des connaissances sur les possibilités de l’analytique, je vais tenter de
répondre malgré tout à cette question.
L’analytique RH peut dans un premier temps, permettre de déterminer les facteurs
de motivation/engagement des individus et individualiser les relations avec les
salariés. Cela pourra peut-être également aider à construire des groupes travail
performants.
Nous avons vu que la génération « Baby-boomers » a besoin de reconnaissance. C’est
une génération qui est attachée à l’entreprise et qui souhaite y rester. Il n’y a de ce fait
pas de problématique de fidélisation à traiter. L’analytique RH va par contre devoir
permettre de travailler la notion de reconnaissance/mérite.
Pour la Génération X, il s’agit plutôt d’un besoin de transparence, compétence,
fiabilité et de résultats. L’analytique RH peut, si bien utilisée, permettre d’apporter
cette transparence et de pouvoir démontrer les résultats obtenus ainsi que leur
contribution à l’entreprise de façon objective.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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La Génération Y, a besoin d’objectifs, de flexibilité, de technologies et apprécient le
changement. C’est une génération qu’il va falloir tenter de fidéliser, puisqu’elle est de
façon générale peu attachée à l’entreprise et capable de changer rapidement si
l’organisation ne lui convient pas. L’utilisation de l’analytique, peut permettre de
répondre à cette problématique de fidélisation en analysant le moteur de la
motivation et proposer les solutions permettant de conserver les potentiels de
l’entreprise.
La Génération Z a besoin de se sentir libre, de changer d’activité régulièrement. Ils
sont ouverts à la mobilité professionnelle et géographique à l’international. C’est un
élément qui pourra être pris en compte dans la gestion des compétences et de la
mobilité, pour permettre justement de trouver les postes qui correspondent au mieux
à ces profils.
Selon Nicolas Bourgeois, Associé d’Identité RH,47 et en dehors de toute considération
générationnelle, définit 4 aspirations des salariés auxquelles la fonction RH va devoir
répondre :
 Besoin de se réaliser : Il y a une réelle envie des salariés d’exploiter leur
potentiel dans un travail qu’ils jugent épanouissant.
 Besoin de sens : Pourquoi je fais ce que je fais et en quoi cela sert
l’organisation ? « Au travail, plus personne ne veut perdre sa vie à la gagner ».
Autrement dit, les salariés souhaitent pouvoir trouver une signification à leur
rôle dans l’entreprise.
 Besoin de déhiérarchiser : Les salariés souhaitent être considérés,
reconnus pour leur travail et dans des rapports de collaboration plutôt que de
hiérarchie directive.
 Besoin d’apprendre et de se développer : Le monde évoluant vite, les
compétences requises évoluent également et les individus ont besoin de
« mises à jour » régulières pour maintenir leur employabilité.
C’est également en prenant en considération ces aspirations que l’analytique devra se
développer, pour permettre de proposer des formations adaptées aux besoins réels
des salariés, permettre de les faire monter en compétence selon leur potentiel et les
aider à poursuivre leurs objectifs de développement personnels, en relation avec ceux
de l’entreprise.
Ecarts générationnels et transformation digitale
Intégrer le digital dans l’entreprise nécessite de procéder à une transformation, un
changement pour les salariés tout en intégrant les salariés au processus. La clé d’une
transformation digitale réussie serait donc les salariés mêmes de l’entreprise.
47 Bourgeois, N. (Février 2016). Aspirations et transformations, RH Info.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
Audrey WOZNIAK – 2015/2016
46
Selon Philippe Lemoine, PDG du groupe LaSer, « les usages du numérique se
développent principalement en dehors de l’entreprise, au niveau des individus. Et, à
ce jeu-là, les jeunes générations sont les plus rapides et peuvent créer une fracture
avec les seniors, moins prompts au changement ». Ce dernier préconise de s’inspirer
des méthodes de fonctionnement des start-up pour adopter des méthodes de travail
favorisant l’innovation et le développement numérique.
Ce qui veut dire qu’il faut gérer les écarts générationnels, comprendre les attentes de
chacun, leurs leviers et leurs freins. Il s’agit d’adopter et d’adapter un management
facilitant les échanges et responsabilisant l’ensemble des acteurs de l’entreprise.
Certaines générations sont nées avec le numérique, d’autres ont appris à l’utiliser et à
s’y adapter, d’autres y sont complètement fermées.
Dans ce contexte, comment répondre aux besoins de chacun et comment éviter des
créer des exclus/inadaptés aux évolutions digitales de l’entreprise ?
Le développement et l’utilisation d’outils numériques nécessite de créer une stratégie
et une culture digitale dans l’entreprise. Dans le domaine de la transformation
digitale, deux notions importantes apparaissent : l’acculturation digitale et la
formation. Qu’est-ce que l’acculturation digitale et que proposer en termes de
formation ?
Comme le précisent tous les articles sur le sujet, instaurer une culture digitale en
entreprise, ce n’est pas seulement se contenter de créer de nouveaux outils. Il s’agit de
faire évoluer les processus, modifier l’organisation du travail ou l’approche client.
Selon Jérémie Sicsic48, Co-fondateur de Unow (animation et déploiement de MOOC),
les entreprises qui tentent d’imposer leur transformation digitale, via notamment la
mise en place des réseaux sociaux d’entreprise et autres plateformes, ne procèdent
pas de la bonne façon et doivent adopter une démarche différente. Selon lui, la
transformation numérique ne réside pas dans les outils. Il faut avant tout faire
évoluer les compétences des collaborateurs pour développer une nouvelle culture,
davantage orientée vers le digital.
Acculturation digitale
L’acculturation digitale semble être considérée comme une étape obligatoire à la
transformation digitale. Il me semble donc important de définir ce que l’on entend
par là.
L’acculturation ou « cultural change » est une notion anthropologique qui a été
utilisée dès 1980. La définition la plus couramment utilisée est celle de
l’anthropologue américain Meyers Herskowits49 : « L’acculturation comprend les
phénomènes qui résultent d’un contact continu et direct entre des groupes
48 Sicsic, J. (Avril 2016). La culture digitale, clef de la transformation de l’entreprise, JDN.
49 Herskowits, M. (1938) Acculturation, the study of the culture contact.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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d’individus de cultures différentes et qui entraînent des changements dans les
modèles culturels originaux de l’un ou des autres groupes ».
Autrement dit, il s’agit d’un phénomène d’interpénétration des cultures. Quel rapport
avec le digital me direz-vous ? Voyons, ce que l’on définit par « acculturation
digitale ». Le fait est que le terme est beaucoup utilisé mais peu expliqué. Cependant,
il est beaucoup utilisé pour faire référence à la transition numérique et au
changement d’approche culturelle et économique que cela engendre pour l’entreprise.
L’acculturation digitale ou numérique, selon ma définition, est un phénomène
poussant les individus à s’adapter aux nouvelles technologies ainsi qu’aux nouvelles
méthodes de travail après y avoir été confronté.
L’acculturation par la formation
Comment réaliser cette acculturation ? La première réponse qui émerge sur la
question est « par la formation pardi ! ». Certes, mais cette réponse est-elle bien
suffisante ? Qui former et comment ?
La formation apparaît en effet comme la solution la plus prisée pour former les
salariés au digital.
Même si la première réponse semble de dire que les salariés de la génération Y sont
les plus à même de s’auto-former sur ces sujets et de transmettre leurs compétences
numériques, dans les faits ce n’est pas tout à fait ce qu’il se produit. Si l’échange de
compétences n’est pas encouragé et motivé, il ne se produira pas.
Bon nombre de réflexions mènent par ailleurs à la conclusion qu’il serait une erreur
de se concentrer sur les salariés les plus âgés seuls, puisque la transformation
concerne l’ensemble de l’entreprise et pas seulement une seule catégorie de
population.
Innovation participative et génération Y
L’acculturation digitale est souvent mise de pair avec l’innovation participative. Selon
la définition d’Innov’acteurs50 c’est «une démarche de management structurée qui
vise à stimuler et à favoriser l’émission, la mise en œuvre et la diffusion d’idées par
l’ensemble du personnel en vue de créer de la valeur ajoutée et de faire progresser
l’organisation ». Autrement dit, c’est rendre les salariés acteurs de l’innovation et
impliqués dans les projets de l’entreprise.
Cette méthode de management, permet de répondre aux besoins des jeunes
générations de travailler en mode collaboratif mais aussi aux plus anciennes
générations d’apporter leur expertise.
50 Source : http://www.innovacteurs.asso.fr/?page_id=29
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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Se placer dans une dynamique d’innovation participative, c’est créer le terreau idéal
pour la transformation digitale. C’est aussi mobiliser et impliquer la génération Y
dans le processus de transformation.
« Volumineuse, mondialisée, connectée…Nombreuses sont les raisons sociologiques pour
lesquelles la génération Y va faire bouger les lignes et contribuer à la transformation
digitale des entreprise. »
Claire Glémau, spécialiste de l’innovation RH, The Boson Project.
i. Une mutation des métiers
Qui dit, Big Data et digital, dit aussi, au-delà du changement d’organisation
nécessaire à l’adaptation aux nouveaux systèmes, nouvelles compétences et nouveaux
métiers.
Ce qui veut dire que nous allons voir émerger de nouveaux métiers et, de par
l’automatisation et l’amélioration de l’intelligence artificielle, voir en disparaître
d’autres.
Quelles seront les compétences requises demain ? Quels sont les métiers qui risquent
de disparaitre et ceux qui pourront émerger ? Quelles sont les menaces et
opportunités ?
Compétences de demain
Lorsque l’on parle de compétence, on différencie les compétences relatives aux
qualités humaines (savoir-être), les compétences techniques mesurables (savoir-
faire) et les connaissances (savoir).
Devant l’évolution des technologies et leur développement dans le monde du travail,
nous allons devoir nous-mêmes « évoluer » et nous y adapter.
L’université de Phoenix a mené une étude51 sur les compétences du travail en 2020.
Ils établissent ainsi 6 facteurs de changement qui ont une influence directe sur les
compétences qui seront requises demain.
Ces facteurs sont les suivants :
1. L’augmentation de l’espérance de vie : Cela a un impact sur la façon
dont on appréhende notre carrière et l’apprentissage tout au long de notre vie.
2. La montée en puissance des machines et systèmes intelligents :
l’automatisation du lieu de travail va conduire à une nouvelle relation humain-
machine de collaboration et de co-dépendance.
51 University of Phoenix Research Institute, Institute for the Future.(2011). Future Work Skills 2020.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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3. Un monde devenant programmable (monde informatique) : La
puissance grandissante des capteurs, des processeurs et leur utilisation dans
les objets ainsi que notre environnement proche rendent le monde qui nous
entoure programmable.
4. Un nouvel écosystème de médias technologiques : Les nouveaux
moyens de communication nécessitent des nouvelles compétences et une
nouvelle vision de la communication.
5. Des organisations sous forme de superstructures : Les technologies
sociales (plateformes de médias sociales, nouvelles technologies) conduisent à
de nouvelles formes de production et de création de valeur.
6. Un monde globalement connecté : L’augmentation globale de l’inter
connectivité et de l’interdépendance au niveau mondial place la diversité et
l’adaptabilité au centre des opérations organisationnelles.
Les 10 compétences qui en ont été déduites sont les suivantes :
1. Création de sens : Capacité à comprendre la signification profonde
(interprétation) de ce qui est exprimé par les machines et à développer une
pensée critique.
2. Intelligence sociale : Capacité d’empathie, d’adaptation aux autres et
intelligence émotionnelle pour établir des relations de confiance entre les
individus. Etre en capacité de collaborer avec des groupes plus importants de
personnes de différente composition.
3. Pensée novatrice et adaptée : Capacité à penser hors des sentiers battus et
produire des solutions qui ne sont pas simplement basées sur des règles ou de
l’application de solutions apprises par cœur.
4. Compétence interculturelle : Capacité à travailler dans différents
environnements culturels.
5. Pensée computationnelle (informatique) : Capacité à traduire de vastes
quantités de données en concepts abstraits et à comprendre le raisonnement
des bases de données.
6. Compétences sur les nouveaux médias : Capacité à évaluer de façon
critique et à développer du contenu sur les nouvelles formes de médias.
Capacité d’influence et de persuasion.
7. Transdisciplinarité : Faculté à comprendre les concepts de différentes
disciplines.
8. Mentalité de concepteur : Faculté à représenter, développer des tâches et
des processus de travail permettant d’atteindre les résultats attendus.
9. Gestion de charge cognitive : Capacité à différencier et filtrer les
informations selon leur importance. Comprendre comment éviter la surcharge
de données (n’obtenir que celle qui sont importantes) en utilisant divers outils
et techniques.
10. Collaboration virtuelle : Capacité à travailler de façon productive, créer de
l’engagement et démontrer sa présence en tant que membre d’une équipe
virtuelle.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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50
Ces facteurs de changement ainsi que les compétences associées sont présentées dans
une infographie permettant de déterminer le poids du facteur sur chaque
compétence, je vous invite à la découvrir en annexe (annexe I).
Dans un article, qui a été de nombreuses fois repris, Stéphane Canonne, Custom
Programs Director à l’EDHEC Business School, a quant à lui déterminé « 7
compétences clés du travail de demain »52 qui sont les suivantes :
1. Collaboration à distance
2. Communication au travers du numérique
3. Agilité et adaptation
4. Créativité et sens de l’innovation
5. Esprit d’initiative et d’entreprise
6. S’organiser efficacement
7. Apprendre à apprendre
Ces dernières reprennent majoritairement, dans leur description, les compétences de
l’étude de l’université de Phoenix.
En résumé, les compétences qui feront la différence dans les organisations de demain
seront les facultés des collaborateurs à s’adapter aux différentes cultures, aux divers
changements, aux nouvelles technologies. Etre de bons communicants multimédia
(au sens de plusieurs médias) et être de bons apprenants, capable de réfléchir en
concepts tout en ayant la capacité de les appliquer de façon opérationnelle et
innovante.
Impact sur les métiers
Le Big Data et le digital n’impactent pas seulement les compétences des salariés mais
aussi l’évolution de leurs métiers.
Certains vont apparaître, d’autres disparaître. Il ne s’agit pas d’un phénomène
nouveau, toutes les innovations technologiques, de tout temps, ont créé des
évolutions de métiers. Auparavant existaient des Télégraphistes, des poinçonneurs,
des Blanchisseuses et même des allumeurs de réverbères. Toutefois, certains y voient
là, une mutation plus profonde et importante que celles que l’humanité a déjà
connue.
D’ailleurs, selon l’étude du cabinet EY53, 60% des dirigeants déclarent être
préoccupés par la mutation des métiers et 90% d’entre eux pensent que des
changements majeurs des métiers dans leur entreprise vont se produire à horizon 5
ans.
52 Canonne, S. (Septembre 2013). Les 7 compétences clés du travail de demain, Cegos.
53 EY. (2013). La révolution des métiers – Nouveaux métiers, nouvelles compétences : quels enjeux
pour l’entreprise ?
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
Audrey WOZNIAK – 2015/2016
51
Alors quels sont ces métiers que le digital et le Big Data risquent de faire disparaître
et quels sont ceux que l’on verra se développer ou émerger grâce au digital ?
« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. »
Antoine Lavoisier
Cette citation fait écho au concept de la « destruction créatrice » de Joseph
Shumpeter54 selon laquelle la disparition d’un secteur d’activité (lié à une innovation)
entraînerait la création d’un nouveau. Il en est peut-être de même pour les emplois.
Les métiers d’hier (ou presque)
Une étude a été menée par Michael Osborne et Carl Frey de l’Université d’Oxford55,
afin de déterminer les probabilités des métiers de devenir complètement gérés par
l’informatique. Dans leur étude, 702 métiers différents sont référencés, du
ludothérapeuthe (0,28% de risque) au télévendeur (99% de risques).
La BBC a repris cette étude pour établir un outil permettant de visualiser le risque
d’informatisation d’un métier en le saisissant les champs de recherche56. Cela permet
d’obtenir de façon plus visuelle l’incidence possible de l’informatisation sur les
métiers.
Cette interrogation, je vais digresser quelque peu, est à mon sens un peu alarmiste
formulée de cette façon. Elle démontre une certaine « peur » de la robotisation qui
dans notre imaginaire a toujours été plutôt vu comme une menace. Il suffit de voir le
nombre de productions littéraires ou cinématographique sur le sujet pour constater
qu’il s’agit d’un sujet qui préoccupe (Les robots d’Isaac Asimov, Terminator,
Robocop, I-Robot…).
Cette liste de métiers a également été reprise par le cabinet Roland Berger57, qui a
mené une étude similaire à celle de l’Université d’Oxford, en reprenant la même
méthodologie, auprès de 600 métiers. Ils en sont venus au résultat que 42% (contre
47% pour l’Université d’Oxford) des emplois actuels seraient à « risques ». Ils
distinguent leur classement sur 3 typologies de risques : métier très menacé, métier
moyennement menacé et métier peu ou pas menacé.
54 Economiste autrichien du XXème siècle ayant développé des théories sur l’économie et l’innovation
55 Osborne, M, Frey, C (2013). The future of employment: how susceptible are jobs to computerisation?
Oxford University.
56 Source : http://www.bbc.com/news/technology-34066941
57 Article reprenant l’Etude de Roland Berger. (Juillet 2014). Nouveaux Jobs : l’étude qui change tout,
Le point.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
Audrey WOZNIAK – 2015/2016
52
Figure 12 : Cette infographie montre que les métiers à plus fort risque d’être automatisés sont
ceux induisant de l’analyse de données ou du travail répétitif (Gestionnaire de crédit,
réceptionniste, assistant juridique…). A contrario, il semble plus difficile d’automatiser les
métiers nécessitant des relations sociales, de la créativité ou de la manipulation manuelle très
technique (Chirurgien-dentiste, psychanalyste. Chorégraphe…)
Force est de constater que ce risque touche tout type de métiers et de secteurs
d’activité, y compris ceux que l’on pourrait penser les plus épargnés comme celui de
l’informatique.
Les futurs métiers
Selon Michell Zappa, Futurologue, 58« 65% des écoliers d’aujourd’hui pratiqueront,
une fois diplômés, des métiers qui n’ont même pas encore été inventés ». Ce qui veut
dire que 65% des métiers à venir n’existent pas encore.
En partant de ce principe, il n’est possible que de spéculer sur le sujet. Quels
pourraient être ces métiers ?
58 Zappa, M. (Juin 2012). The future of education, Blog de Michel Zappa.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
Audrey WOZNIAK – 2015/2016
53
Certaines projections semblent assez difficiles à imaginer, comme celles proposées
par Sparks & Honey59, une entreprise New-Yorkaise, proposant comme futurs
métiers : gestionnaire de mort digitale, spécialiste de la désintoxication digitale ou
encore Agent de Mème60. Ces propositions semblent venir d’une imagination très
fertile, mais qui sait ? D’autres semblent un peu plus crédibles tel qu’imprimeur 3D,
pilote de drones, archiviste numérique.
Ce qu’il est plus facile d’établir, ce sont les métiers actuellement en progression et les
métiers émergents, ce sont a priori ceux qui continueront à se développer dans un
avenir proche. Je vais me concentrer ici sur les métiers issus du numérique et du Big
Data.
L’influence du digital touche dans un premier lieu les métiers du Marketing puisque
c’est sur ce champ que le Big Data s’est développé en premier. Sur ce sujet, l’Apec a
publié un référentiel nommant les 12 principaux métiers du marketing digital61 parmi
lesquels on retrouve par exemple le Data Scientist, le Community Manager ou encore
le Traffic Manager.
La startup Clustree, spécialisée dans les RH a quant à elle déterminé une liste de 10
métiers en évolution en 201662. Ce sont des métiers que l’on retrouve cité dans la
plupart des autres sources et ils semblent être en forte progression. Il s’agit assez
souvent de métiers ayant évolué pour s’adapter à l’évolution des technologies.
Je vais synthétiquement décrire chacun d’entre eux afin que vous puissiez mieux les
identifier.
1. Data analyst / scientist : Gestionnaire et analyste de données Big Data
ayant pour objectif d’en tirer les indicateurs permettant de prendre des
décisions stratégiques ou opérationnelle pour l’entreprise.
2. Traffic manager : Optimise le traffic sur le site internet de l’entreprise
(référencement…) et maîtrise les outils de webmarketing (campagnes
publicitaires en ligne, e-mailing…).
3. Chef de produit Web et mobile : Propose de nouveaux services sur les
outils digitaux existants (applications mobiles, web) et améliore l’offre de
produit existante.
4. Social media manager / Community manager : Responsable de l’image
de marque de l’entreprise sur les médias numériques. Il mesure l’e-réputation
de l’entreprise et développe la visibilité de l’entreprise.
5. UX (User Experience) Designer : Garant de l’expérience utilisateur, il met
en scène le contenu pour générer une émotion chez l’utilisateur.
59 Schiller, B. (Aout 2013). 8 New Jobs People Will Have in 2025. FastCompany.
60 Un mème est une production diffusée massivement sur internet (image, texte, vidéo) un concept
souvent autour d’un « Buzz ». Ex :Le Nyan Cat.
61 Apec, Association pour l’emploi des cadres. (2015). Les métiers du marketing digital.
62 Raimbault, V. (Janvier 2016). Ces métiers qui auront la cote en 2016, Maddyness.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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6. Architecte Big Data : Conçoit les solutions (architectures) techniques Big
Data adaptées aux besoins des entreprises.
7. Chief digital officer : Pilote et met en œuvre la transition digitale de
l’entreprise.
8. Brand content manager : Chargé de la stratégie de la marque sur internet,
il maîtrise les techniques publicitaires et la production éditoriale.
9. Développeur d’application mobile : Créateur d’applications sur
téléphones mobiles. Il maîtrise différents langages informatiques.
10. Responsable sécurité système et réseaux : Assure la sécurité des
données et des systèmes informatiques. Il anticipe les risques et gère les
incidents systèmes ou réseaux.
Les tendances se retrouvent essentiellement sur les métiers liés au développement du
Big Data et à son exploitation (Data analyst / scientist, Architecte Big Data,
Responsable sécurité système et réseaux), au développement de la marque (Traffic
manager, Brand content manager, Chef de produit Web et mobile) ainsi qu’à la
gestion de l’image de l’entreprise et de l’expérience utilisateur/client (Social media
manager / Community manager, UX Designer, Développeur d’application mobile).
Une menace pour les travailleurs peu qualifiés, une perte d’emplois
Comme nous l’avons vu précédemment, le développement numérique ne risque pas
de causer des torts qu’aux postes peu qualifiés, même s’il s’agit de la conclusion
portée par l’étude de l’Université d’Oxford citée précédemment. Selon eux, la
digitalisation des métiers va surtout toucher les emplois qualifiés et à faible niveau de
rémunération. De ce fait, les travailleurs vont devoir se convertir sur des tâches peu
sensibles à l’automatisation, nécessitant des compétences créatives et/ou sociales.
Les métiers pour lesquels les risques sont réellement présents sont ceux induisant des
gestes répétitifs ou de l’analyse de données. Ces métiers sont aussi ceux qui peuvent
être considérés comme peu stimulants ou intéressants, auquel cas leur
automatisation pourrait permettre de transformer ces métiers vers des rôles à plus
forte valeur ajoutée.
Pour Nicholas Carr, auteur américain,63 considérer la digitalisation des métiers
comme une opportunité d’apporter plus de valeur ajoutée aux métiers est avant tout
une façon de se rassurer plus qu’une réalité. Il se pourrait que ce soit tout le contraire
qui se produise. Il est important selon lui de rester prudent et de ne pas être aussi
optimiste d’autant plus que nous ne savons pas encore quels en seront les impacts
réels. Notre structure économique actuelle risque d’être menacée.
63 Carr, N. (Avril 2014). The myth of the endless ladder, Blog de Nicolas Carr.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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Selon Jean de Loÿs, Responsable éditorial de ParlonsRH64 : « les nouvelles activités
créées génèrent en effet de nouveaux emplois, à forte valeur ajoutée pour la plupart,
mais en volume insuffisant pour remplacer les emplois détruits. ».
Il s’agit d’un sujet qui va bien au-delà de nos préoccupations RH puisque résolument
sociétal. Cela risque en effet de modifier encore davantage notre façon d’envisager le
travail et notre modèle économique.
Une prise de recul nécessaire
Après le passage précédent, il me semble important de contrebalancer ces discours et
d’apporter des visions plus optimistes.
Tout d’abord, comme le précise Sylvaine Pascual65, Coach et consultante spécialiste
de la reconversion professionnelle, les différentes études sur les risques de disparition
de certains métiers sont à « prendre avec des pincettes ». Tout d’abord parce que les
études passées du même type ont obtenu des résultats très peu fiables mais aussi
parce que les changements sont tellement rapides que cela rend les prédictions
encore plus difficiles.
L’Usine Digitale publiait en 2013 un article66 prédisant la mort des Développeurs
d’application mobile en 2014, suite à l’arrivée de la technologie « Responsive »67. Or,
nous en sommes aujourd’hui bien loin et cela fait partie des métiers actuellement
cités comme étant en développement.
Marc Andreessen, Entrepreneur et influenceur dans le domaine des technologies,
apporte également une vision plus nuancée sur le risque de voir nos métiers
disparaître par l’automatisation68. Selon lui, et de par son expérience dans le domaine
du développement, « Il y a toujours un écart énorme entre ce que les gens réalisent
dans leur travail aujourd’hui et ce que les robots et l’intelligence artificielle peuvent
remplacer. Et ce sera encore le cas pendant des décennies ». Il considère que nous ne
savons pas encore quels seront les métiers dont nous aurons besoin demain, certains
métiers d’aujourd’hui n’existaient pas et n’étaient pas concevable il y a y 100 ans de
ça. Certains métiers seront sans doute remplacés mais nous en créerons d’autres.
Marc Andreessen souhaite rester positif dans la capacité humaine à être créatif et à
créer de nouveaux besoins.
64 Loÿs, J. (Juin 2015). Dans 20 ans, la disparition du travail ?, Parlons RH.
65 Pascual, S. (2014).Chronique d’une reconversion annoncée: des métiers en voie de disparition ?,
Ithaque Coaching.
66 Foucault, C. (Décembre 2013). Développeur d'applications mobiles, le métier qui va mourir en 2014,
L’Usine Digitale.
67 Permet à un site web de s’adapter à la dimension de tout type d’écran : smartphones, tablettes…
68 Andreessen, M. (Juin 2014). This is Probably a Good Time to Say That I Don’t Believe Robots Will
Eat All the Jobs … Blog de Marc Andreessen.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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56
Il me paraît nécessaire de garder un certain recul sur les sujets touchant à la
prédiction de l’avenir des métiers. La mutation digitale est certes rapide mais nous ne
pouvons pas réellement présager des impacts futurs réels. Il faut toutefois rester en
veille pour pouvoir agir avant d’être dépassé.
j. Digitalisation, Big Data et fonction RH
Nous avons vu que l’évolution technologique allait entrainer une intensification des
mutations des métiers dans les années à venir. Il me semble intéressant, dans ce
contexte, de s’intéresser particulièrement aux métiers des Ressources Humaines et de
leur évolution possible.
Si le recrutement, la promotion interne, la gestion des compétences et
l’administration des ressources humaines peuvent être traités grâce à des
algorithmes, quel peut être l’avenir de la fonction RH ? Je vais me concentrer ici sur
l’impact du numérique et les conséquences possibles sur la fonction RH de demain.
La notion de « demain » peut avoir une connotation lointaine, or je pense que le
« demain » est une affaire de quelques années tout au plus. Nous parlons ici, d’un
horizon à 5 ans.
Quelles seront les rôles à tenir, les compétences requises et quelles sont les menaces
et les opportunités à identifier ?
Impacts de l’automatisation pour les métiers RH : les menaces
Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, un certain nombre de métiers
pourront être amenés à disparaître des suites de la digitalisation. Les métiers RH n’en
sont pas épargnés dans les différentes études menées.
J’en ai extrait les principaux métiers RH et voici ce qui en ressort :
Métier
Probabilité
d’automatisation
Responsable formation et développement personnel 1%
Directeur des ressources humaines 1%
Responsable des relations sociales 24%
Spécialiste ressources humaines 31%
Spécialiste rémunération, avantages sociaux 47%
Assistant RH (sauf paie) 90%
Responsable rémunération et prestations sociales 96%
Chargé de la paie et du temps de travail 97%
Chargé de recrutement Pas de données
Responsable recrutement Pas de données
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
Audrey WOZNIAK – 2015/2016
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On remarque sur ce tableau que les métiers à plus forts risques d’automatisation sont
ceux qui utilisent déjà beaucoup la technologie informatique, avec une accélération
possible du traitement par informatique de la paie et de la rémunération avec
l’utilisation du Big Data. L’assistant RH est également un métier touché, du fait de la
part administrative importante de son poste, qui pourra à terme être automatisée et
numérisée.
On peut également remarquer l’absence d’éléments concernant les postes liés au
recrutement, ces derniers n’ont pas été étudiés de façon isolée. Or, cela faisait
pourtant partie de nos interrogations du fait du développement du recrutement
prédictif. Toutefois, comme étudié précédemment dans la partie dédiée au
recrutement prédictif, c’est un métier qui pourra se développer et muter, mais la
probabilité de disparition reste néanmoins faible.
Si nos métiers évoluent, mutent, cela veut dire qu’il faudra par ailleurs anticiper cette
mutation et être prêt au moment venu. La menace étant, au-delà de la disparition
possible de certaines spécialisations, de ne pas voir le changement arriver et de ne pas
savoir s’adapter avant d’être dépassé. D’où l’importance, à mon sens, de rester en
veille.
Maîtrise de l’analytique : une opportunité pour les RH ?
Comme nous l’avons vu précédemment, il y a un fort risque d’automatisation de
certaines fonctions RH dont celles liées à l’administration du personnel et à la paie.
D’autre part, la fonction RH se doit d’amorcer une mutation pour répondre
davantage aux besoins des entreprises. L’analytique RH peut être une des solutions.
Quelles sont les différentes visions sur ce sujet ?
Le fait est qu’il existe un grand nombre d’articles et de propositions concernant
l’avenir des RH, avec une volonté marquée de placer la fonction en tant qu’acteur
stratégique de l’entreprise. Il est donc temps de redéfinir les RH, comme le propose
Josh Bersin69.
Une des études menées par Bersin by Deloitte, montrait que seulement 7% de la
valeur ajoutée des RH provenait de la gestion administrative. Là où la gestion des
talents de l’entreprise (identification, développement…) représente 5 fois plus.
De part ce constat, Josh Bersin, propose une transformation de la fonction RH vers
des rôles de spécialistes RH en diminuant le nombre de généralistes. Ram Charan,
Consultant de chefs d’entreprise, propose même de séparer les ressources humaines
en deux parties pour différencier complètement la partie administrative (qui peut
être externalisée) des rôles plus stratégiques tels que la gestion des talents. 70
69 Bersin, J. (Mai 2014). It's Time to Redesign HR, Bersin By Deloitte.
70 Charan, R. (Aout 2014). It’s Time to Split HR, Harvard Business Review.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
Audrey WOZNIAK – 2015/2016
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Cette vision est controversée, notamment par celle de Dave Ulrich71, professeur de
Commerce à l’université du Michigan72. Pour lui, séparer la fonction en deux groupes
ne peut pas être une solution pérenne, la structure de la fonction doit dépendre avant
tout de la structure de l’organisation. Il suggère ainsi une approche différente et plus
globale : « Qui inclut une redéfinition de la stratégie (de l’extérieur vers l’intérieur) et
des résultats attendus (talent, leadership, compétences) pour les RH, une refonte de
l’organisation (département, structure), des pratiques RH innovantes (personnes,
performance, information et travail), l’amélioration des compétences des
professionnels RH, l’utilisation de l’analytique RH pour aider la prise de décision
plutôt qu’en se basant sur les données seules. »
La digitalisation des RH via le Big Data et l’analytique RH peut être une véritable
opportunité de se placer en acteur majeur de l’entreprise et de démontrer notre
valeur ajoutée, devenir un Business Partner (partenaire stratégique) au sens premier
du terme. Mais comme le précise Dave Ulrich « Il n’est pas simple de faire avancer
une profession ».
A la question : « l’avenir des DRH passe-t-il forcément par la maîtrise de
l’analytique ? »73, Amélie Albin, Consultante chez SAS, voit l’analytique comme une
opportunité pour la fonction RH de l’entreprise de passer d’un centre de coût à un
centre de profit en devenant innovante et réactive grâce à l’obtention de données plus
complètes et plus utiles à la prise de décision. Mais aussi à valoriser son image en
externe au travers d’indicateurs de satisfaction sur la qualité de vie au travail, qui est
aujourd’hui un critère que les candidats prennent en compte avant de postuler en
entreprise.
Cette vision est reprise, sur le sujet de l’utilisation de l’analytique par les RH, par
David Swanson, Vice-président des Ressources Humaines de SAP : 74 « Je suis dans
les RH depuis environ 20 ans et j’ai vraiment, pour la 1ère fois, l’impression que les
RH sont au centre de la table de l’exécutif. Nous avons une opportunité de mener les
discussions autour de la stratégie et du développement de la stratégie.
Malheureusement, pour la plupart d’entre nous, et parce que nous ne sommes pas à
l’aise avec les données, nous ne pouvons parler que par nos intuitions ou ressentis ».
Selon lui, les RH, de par l’utilisation de l’analytique et du Big Data, ont réellement
l’opportunité de prendre part à la stratégie de l’entreprise et ne plus simplement
71 Créateur du Modèle d’Ulrich, paru dans son ouvrage « Human Resource Champions. The Next
Agenda for Adding Value and Delivering Results » en 1997.RH : Partenaire stratégique, agent de
changement, expert administratif, champion des salariés.
72 Ulrich, D. (Juillet 2014). Do not split HR – At least not Ram Charan’s way, Harvard Business
Review.
73 Albin, A. (Juillet 2015). RH et analytique : tour d’horizon, Business Anlytics Info.fr.
74 Swanson, D. (Août 2015). Predicting the Future and Shaping Strategy with HR Analytics, SAP
Community Network.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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l’appliquer, en apportant des données factuelles permettant de « prédire » le succès
de l’organisation.
Des nouvelles compétences requises et des nouvelles priorités
Le Big Data en RH, veut dire la maîtrise de nouvelles compétences, la mutation de
nos métiers mais peut-être aussi également la possibilité d’intervenir davantage sur
d’autres thématiques, au-delà de la possibilité d’avoir un impact stratégique plus
conséquent pour l’entreprise.
Le recruteur de demain
Puisque j’ai commencé par le recrutement prédictif, il me semble cohérent de
commencer par les recruteurs. Devant l’arrivée du recrutement prédictif et des outils
2.0, ce dernier va devoir s’adapter à son nouvel environnement.
Selon Laurent Brouat, Consultant et créateur de LinkHumans, le recruteur va devoir
faire avec la technologie et ne pourra plus continuer à faire sans : « Les recruteurs
apeurés par la technologie qui se dressent aux cris de « Gardons l’humain » n’auront
plus d’excuses, le monde avancera sans eux. »75. Il définit le recruteur de demain
comme :
 Un influenceur : Il mobilisera son réseau pour recruter et le développera au
travers des réseaux sociaux professionnels. Il entretiendra sa visibilité et
possèdera une capacité à convaincre à la fois les candidats et les opérationnels.
 Un conseiller/formateur des managers : Les outils de recrutement
permettront sans doute de redonner la main aux opérationnels et aux
managers sur les recrutements. Les recruteurs seront donc force de conseil et
des formateurs en la matière.
 Un marketeur : Ce qui veut dire cibler, attirer et retenir les bons profils.
Le métier va de ce fait se simplifier d’une part, avec l’apport des technologies dans le
recrutement mais aussi se complexifier d’autre part avec le besoin pour les recruteurs
d’être efficaces dans leur communication multimédia et dans le choix de leurs
méthodes. Toujours selon Laurent Brouat, le recruteur sera le garant de la marque
employeur. Le Responsable recrutement deviendra un Talent Acquisition Manager,
véritable gestionnaire des talents de l’entreprise, il ajoutera ainsi une dimension
stratégique à son poste76.
75 Brouat, L. (Juillet 2016).Quelles sont les compétences du recruteur de demain ?, Link Humans.
76 Brouat, L. (Mai 2016).Quelle est la différence entre Responsable recrutement et Talent Acquisition
Manager ?, Link Humans.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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Les RH et l’analytique
Comme le dit Laurent Brouat : « Je pense que ce sont surtout les compétences des
RH qui sont à questionner. Clairement aujourd’hui, les compétences des
professionnels RH ne correspondent pas aux besoins des entreprises de demain. »
De quoi les RH aujourd’hui ont-ils besoin pour se lancer et comment peuvent-ils s’y
prendre ?
Pour y parvenir, les RH doivent développer leurs capacités analytiques et suivre 4
phases préconisées par Josh Bersin77 (4 étapes de maturité). Cette échelle concerne la
gestion des talents mais est aussi applicable sur l’ensemble des champs relatifs à
l’analytique RH, nécessite de suivre les mêmes étapes et de se poser les mêmes
questions.
Figure 13 : Les 4 niveaux de maturité analytique selon Bersin. 76% des organisations, sont
actuellement dans le reporting de données.
Afin d’apporter un peu plus de clarté à cette infographie, je vais davantage la
détailler. Pour atteindre le niveau 4 de maturité en analytique, qui est le but
recherché, il faut passer par les 3 étapes précédentes. Le pourcentage attribué à
chaque niveau, correspond à la proportion d’organisations présentes dans chacun des
modèles.
Que sont ces 4 niveaux plus précisément ?
77 Bersin, J. (2012). Big Data in HR: Building a Competitive Talent Analytics Function – The Four
Stages of Maturity, Bersin By Deloitte.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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 Niveau 1 (56% des organisations) – Reporting Opérationnel : Reporting
opérationnels simples.
o Type de mesures : Répondent à la question : Comment allouons-
nous nos ressources aujourd’hui ?
o Exemples : Nombre d’heures de formation, coûts de recrutement,
répartition des salariés…
 Niveau 2 (30% des organisations) – Reporting Avancé : Reporting aidant
à la prise de décision prenant en compte les tendances et le benchmark.
o Type de mesures : Répondent à la question : Comment nous
comparons-nous et pouvons-nous nous améliorer ?
o Exemple : Niveau d’engagement des salariés, taux de turnover,
compétences détenues…
 Niveau 3 (10% des organisations) – Analytique Avancée : Utilisation de
l’analyse statistique pour identifier et résoudre les problèmes
o Type de mesures : Répondent à la question : Comment pouvons-
nous considérablement nous améliorer ?
o Exemple : Viviers de talents, analyse de l’efficacité des processus…
 Niveau 4 (4% des organisations) – Analytique Prédictive :
Développement de modèles prédictifs, utilisation de la donnée pour prévoir les
évolutions possibles des ressources en interne (scénarios).
o Type de mesures : Qu’est-ce que qui peut nous aider à transformer
notre organisation ?
o Exemple : Prédiction des futurs problèmes de l’entreprise, utilisation
des données pour améliorer la promotion interne, le recrutement.
Identification des facteurs d’engagement, de performance.
Maintenant que nous connaissons le cap, comment le maintenir pour parvenir à bon
port ?
L’utilisation de l’analytique en RH nécessite une mutation et de nouvelles
compétences. Selon l’ANDRH78, les RH vont devoir se doter de compétences
analytiques en recrutant, dans leurs services, des profils spécialisés dans le domaine.
Les DRH vont également devoir eux-mêmes se former à la maîtrise de l’analytique
afin de pouvoir exploiter et interpréter les résultats obtenus par ces analyses.
Pierre Polycarpe, Directeur HCM Stratégie d’Oracle,79, pointe le manque actuel de
compétences des RH dans la capacité de réaliser des analyses liant les éléments
78 ANDRH. (2014). A quoi ressemblera la fonction RH de demain ? Dunod.
79 Polycarpe, P. (Mars 2014). Quatre approches RH pour développer des compétences analytiques de
niveau mondial. Les Echos.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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relatifs aux ressources humaines et au business (Ex : risques de fuite de talents,
impacts de l’engagement des salariés sur les ventes…).
Pour parvenir à ce changement et réussir la mutation nécessaire, les RH eux-mêmes
ont besoin de s’adapter, Pierre Polycarpe, propose 4 étapes :
1. Décidez de ce que vous avez besoin de savoir : Avant de se lancer, il est
nécessaire de se poser les bonnes questions. A savoir, celles que les dirigeants
posent et auxquelles il ne paraît pas forcément simple de répondre au premier
abord avec des indicateurs simples. Comment garder les meilleurs éléments au
sein de l’entreprise ? Quels sont les facteurs de réussite de nos meilleurs
éléments ?
2. Trouvez les bonnes compétences : Identifier l’individu en mesure de
traduire ces questions en indicateurs et de les analyser. Si le service RH ne
possède pas ces compétences, il est peut-être possible de les trouver ailleurs
dans l’entreprise ou d’avoir recours à des consultants afin d’impulser la
démarche et démontrer sa valeur ajoutée.
3. Pensez à long terme : La mise en place d’une telle démarche prend du
temps et il faut structurer les données. Cela nécessite de respecter les étapes
du modèle Bersin.
4. Recrutez de façon créative : L’analytique, les mathématiques ne sont a
priori pas le domaine de prédilection des RH. Alors peut-être faut-il recruter
au sein des services RH des profils adaptés tels que des analystes ayant de
l’expérience en psychologie ou en sciences sociales.
Nous verrons peut-être ainsi apparaître dans les équipes RH des experts de la donnée
et de l’analyse prédictive et qui sait, peut-être qu’il s’agira de futures spécialisations
en Ressources Humaines, ou inversement ?
Ressources humaines ou déshumanisées ?
Une des opportunités des Ressources Humaines de par l’utilisation de l’analytique
RH, au-delà de la dimension stratégique tant recherchée par la fonction, est de
comprendre les facteurs de motivation, d’engagement, de performance et ainsi de lui
créer de nouvelles attributions et de nouveaux objectifs.
Et si le RH de demain, grâce à l’analytique, pouvait être encore davantage tourné vers
l’humain et développer des relations gagnant-gagnant entre les salariés et
l’entreprise ? L’informatique pourrait vraiment humaniser les RH ? Elle a pourtant
beaucoup été accusée du contraire.
Lorsque l’on consulte les différentes sources traitant de ce sujet, la crainte de la
déshumanisation des RH est présente, essentiellement sur la partie recrutement du
métier, mais les réponses apportées sont toutefois plutôt optimistes et vise à
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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démontrer au contraire l’importance grandissante que pourront prendre les RH dans
l’humanisation de leur fonction.
Comme le précise un article des Echos80, cela pourrait être une opportunité pour les
RH d’utiliser les données pour mieux connaître les salariés de l’entreprise, pouvoir
améliorer leur « expérience salarié81 » et favoriser la diversité.
Des travaux récents ont pu établir l’impact de la satisfaction des salariés sur la
performance. Une humanisation du travail permettrait de ce fait d’améliorer la
performance de l’entreprise. L’analytique RH pourrait ainsi permettre de démontrer
par les données l’apport une politique Ressources Humaines axée sur le bien-être au
travail, l’engagement, tournée vers l’humain.
80 De Raphaélis Soissan, B. (Mai 2016). Comment faire des données un vecteur d'humanité dans les
RH ? Les Echos.
81 Expérience salarié = outil de mesure du bien-être des collaborateurs, qui est à corréler avec
« l’expérience client », visant à vérifier que le client est satisfait des services de l’entreprise
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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Partie 3 : Résultats concrets et enquêtes
Nous avons vu que le Big Data et l’analytique RH sont des champs de développement
importants pour les entreprises et le domaine des ressources humaines. Ce qui a
amené des questionnements sur la place de l’être humain dans cette digitalisation et
sur les divers impacts que cela peut occasionner.
Certaines entreprises ont déjà sauté le pas, d’autres sont prêtes à le faire. Dans la
pratique où en sommes-nous sur l’analytique RH ? Est-ce réellement utilisé par les
entreprises, y a-t-il une volonté des entreprises et en particulier des RH de se lancer
sur le sujet et quels sont les résultats déjà obtenus par celles ayant engagé
l’expérience ? Qu’en pensent réellement les salariés ?
Je vais, dans cette partie, tenter de répondre à ces questions au travers d’études et de
retours d’expérience d’entreprises.
a. Analytique RH : résultats et état des lieux
Les entreprises ayant recours au recrutement prédictif
Nous trouvons aujourd’hui un certain nombre de grands groupes utilisant l’analyse
prédictive pour recruter. On y retrouve notamment AXA, Carrefour, Lafarge, Saint
Gobain, Quick. Il semblerait toutefois que les PME s’y intéressent également de près.
Je vais vous présenter quelques exemples d’entreprises ayant entrepris ces
démarches.
L’exemple de Xerox82 :
Xerox est une entreprise principalement connue pour ses photocopieurs et
imprimantes, elle compte environ 140 000 salariés à l’international.
Avant d’utiliser les méthodes de recrutement prédictif pour ses centres d’appel, Xerox
s’attachait à ne retenir que les candidats ayant déjà eu une expérience dans le métier.
Xerox a décidé de faire appel à une start-up de San Francisco nommée Evolv afin de
travailler conjointement à la réduction du turnover. Cette dernière a rassemblé et
analysé les données de l’entreprise afin de les appliquer au processus de recrutement.
L’enjeu pour Xerox était de fiabiliser leurs recrutements afin d’éviter qu’un salarié
quitte l’entreprise avant qu’ils ne soient parvenus à amortir les dépenses de
formation.
82 Source : Walker, J. (Septembre 2012). Meet the New Boss: Big Data. The Wall Street Journal.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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L’utilisation du recrutement prédictif a remis en question la vision de Xerox en leur
indiquant que, ce qui importait finalement plus pour fidéliser un salarié en centre
d’appel, était sa personnalité. En effet, les salariés qui n’avaient pas d’expérience en
centre d’appel s’avéraient réussir aussi bien que ceux qui en possédaient, ce qui a
permis à Xerox dans un premier temps d’élargir leur vivier de candidats. Les données
ont ainsi mis en avant certains traits de caractère qui poussaient les salariés à rester
ou non. Par exemple, les salariés de type créatif avaient plutôt tendance à rester alors
que les salariés de nature curieuse l’étaient moins.
Après 6 mois d’essais, Xerox a pu constater une diminution de 20% du taux de
départs et ainsi mesurer l’impact financier réel. Xerox a décidé d’utiliser cette
méthode pour l’ensemble de leurs postes à pourvoir en centre d’appel, soit 49 000
postes.
L’Exemple de Quick83
:
Quick, chaîne de restauration rapide, compte 19 000 salariés au niveau mondial.
Quick rencontrait des problèmes de turnover pour ses managers et cadres, sans
vraiment réussir à en déterminer la raison. Pour pallier à cette problématique, ils ont
décidé, en 2007, de se lancer dans le recrutement prédictif en utilisant la méthode
d’AssessFirst et en collectant les données existantes de l’entreprise.
Ce croisement de données a permis d’établir un questionnaire type à faire passer aux
candidats et permettant de repérer les traits de personnalité correspondants à
l’entreprise. Les synthèses des résultats obtenus servant comme outil d’aide à la
décision. Grâce à cette méthode, ils sont parvenus à réduire le turnover, toutefois les
chiffres précis ne sont pas communiqués.
Pour aller plus loin, Quick a même décidé de continuer à utiliser l’outil pour réévaluer
les potentiels de leurs salariés lors de leur « Talent review ».
L’exemple de BHV Marais84
:
Le BHV Marais (pour Bazar de l’Hôtel de Ville) est un grand magasin, autrefois
spécialisé dans le bricolage, appartenant au groupe Galeries Lafayette.
En 2015, Fathallah Charef, DRH du BHV Marais part de ce constat : « Chaque année,
nous recrutons entre 500 et 600 collaborateurs. Mais notre politique de recrutement
était très chronophage. Nous débutions par un entretien téléphonique, un entretien
de groupe puis deux à trois entretiens individuels. Malgré cela, les erreurs de castings
83 Source : Falquy, I. (Juillet 2015). Comment Quick embauche ses cadres grâce au recrutement
prédictif ? Cadremploi.
84 Source : Jakubowitcz, L. (Avril 2016). Le recrutement prédictif déniche le meilleur salarié grâce aux
algorithmes. JDN.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
Audrey WOZNIAK – 2015/2016
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étaient trop nombreuses, il fallait changer notre façon de faire ». L’enjeu était donc
double, de réduire le turnover et de diminuer la durée du processus de recrutement.
A cet effet, il s’est doté de l’aide d’AssessFirst pour établir un algorithme qui
permettrait d’identifier les profils correspondants davantage aux besoins, notamment
pour les profils de vendeurs. Pour Fathallah Charef, il s’agissait « […] d'identifier et
de cartographier les compétences nécessaires pour être un bon vendeur en mesurant
des qualités comme l'accueil du client ou la force de vente en une dizaine de
minutes ». Cet algorithme a produit des résultats puisque la durée du processus de
recrutement a été réduite d’un 1/3 (de 45 à 30 jours) et a permis de diminuer le
turnover.
Devant ce succès, le DRH a décidé d’étendre l’utilisation de cet outil pour le
recrutement de ses managers.
Les entreprises ayant recours à l’analytique RH
Là où il est possible d’obtenir quelques résultats sur le domaine du recrutement
prédictif, tout devient nettement plus opaque lorsque l’on tente de se plonger dans
ceux de l’analytique RH.
Peu d’entreprises souhaitent communiquer sur la méthode et les résultats qu’ils ont
employés. Parmi celles qui le font, on retrouve notamment les plus grands groupes ou
les plus influents.
Exemple de Google :
Comment ne pas parler de Google dans cette thématique ? Je pense qu’il n’est plus
nécessaire de présenter aujourd’hui ce géant de l’internet, précurseur dans bien des
domaines, y compris le champ de l’analytique, leur domaine de prédilection.
Il existe plusieurs causes pour lesquelles des salariés peuvent quitter une entreprise
et leur manager en est une. Google a pu constater que le manager impacte
directement la performance des salariés et leur ressenti au travail (fidélisation,
satisfaction du travail réalisé, volonté de s’impliquer…). Or, dans ses enquêtes
d’évaluation de la performance, Google constatait d’importantes fluctuations dans les
notes que les salariés attribuaient à leurs managers.
C’est pourquoi en 2009, Google décide de créer le projet « Oxygen » consistant à
« construire de meilleurs managers » avec la volonté de répondre aux questions
suivantes « Qu’est-ce qui constitue un bon manager ? Et comment fait-on pour le
devenir ? »85. Pour ce faire, ils ont mobilisé leur équipe d’analystes spécialisés dans la
« people analytics » (analytique RH orientée gestion de talents), qui en analysant les
données telles que les évaluations de performance, les enquêtes et les nominations
85 Bryant, A. (Mars 2012) . Google’s Quest to Build a Better Boss. The New York Times.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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pour le prix de « Top Manager »86, (plus de 10 000 observations, 100 variables
différentes et 400 pages d’entretiens) ont pu établir « Les huit habitudes des manager
Google les plus efficaces ».
Cette analyse leur a permis de comprendre que leur représentation initiale du bon
manager n’était pas forcément celle attendue par les équipes. Ils pensaient au départ
qu’un bon manager était forcément un expert, plus affuté techniquement que les
membres de son équipe. Et ils se sont rendu compte que, finalement, la compétence
technique est effectivement un point important, mais pas essentiel. Ce qui importe
réellement, dans leur contexte, est la capacité du manager à créer la relation avec ses
équipes et à être accessible.
Pour Laszlo Bock, vice-président « people operations » chez Google, la solution était
finalement assez simple : « […] si je suis manager que je veux m’améliorer, tirer le
meilleur de mon équipe et que je veux qu’ils soient plus heureux, deux des plus
importantes choses que je puisse faire est m’assurer que j’ai du temps pour eux et que
je suis cohérent ».
A partir de ses éléments, Google a créé des sessions de formation et de coaching
personnalisés pour ses managers et ils ont pu en constater les bénéfices rapidement.
En effet, ils ont pu mesurer une amélioration de 75% des résultats parmi les
managers qui étaient considérés comme étant les moins performants dans leurs
enquêtes.
Google a mené bien d’autres projets basés sur l’analytique RH : influence du lieu de
travail dans le travail de collaboration, rétention des top performers, diversité…Si
vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez notamment suivre Lazlo Bock, qui
communique régulièrement sur le sujet.
Exemple d’ISS :
ISS est une société de prestation de services (propreté, sécurité, restauration…). Ils
comptent environ 505 000 salariés répartis dans 77 pays à l’international.
J’ai choisi de vous présenter cet exemple pour montrer que l’analytique ne concerne
pas que les entreprises à la pointe de la technologie et peut aussi s’appliquer dans des
entreprises qui réalisent des prestations de nettoyage.
ISS a souhaité, en 2015, mettre en œuvre une démarche analytique afin de travailler
sur la corrélation présumée entre l’engagement des salariés et la satisfaction client87.
Le but étant « de faire en sorte d’arrêter de deviner et de commencer à savoir ce qui
fonctionne et pourquoi dans le multi-services ».
86 Prix encourageant les pratiques de management innovantes - http://theentrepreneurawards.net/
87 Le PDF de cette étude menée par ISS en 2015 est entièrement téléchargeable via ce lien :
http://www.publications.issworld.com/ISS/External/issworld/White_papers/LinkingEmployeeandC
ustomerEngagement/
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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Pour ce faire, ils ont utilisé diverses données comprenant, entre autres, les enquêtes
portant sur l’engagement des salariés (500 000), l’expérience client (20 000) ainsi
que les données relatives aux gains et pertes de clients.
L’analyse croisée de ces éléments leur a permis de prouver, en ayant la possibilité de
chiffrer précisément les résultats, que l’engagement des salariés avait non seulement
un impact sur la satisfaction des clients (salarié heureux = client satisfait) mais
également sur la propension des ces mêmes clients à recommander le service à
d’autres entreprises. Ce dernier point ayant un impact sur la rentabilité du contrat.
Ils ont ainsi également mesuré que la satisfaction client dépendait fortement de la
motivation des salariés, des formations reçues par les agents de service, de leur
qualité de service ainsi que de la compréhension par les agents des attentes du client.
Sur cette base, ISS a créé un nouveau type de système de prestations de service avec
une nouvelle approche prenant en compte et définissant les aspects émotionnels et
comportementaux des agents de service. Une formation a été proposée aux managers,
superviseurs ainsi qu’aux agents sur la gestion des prestations, en y définissant des
normes comportementales. ISS a également demandé aux clients de communiquer
clairement aux agents ce qui était attendu d’eux en termes de qualité de service.
Cette expérience a donné de très bons résultats et ils ont pu relever une augmentation
significative de l’engagement des salariés concernés ainsi que de la satisfaction client.
Le facteur clé étant la capacité des salariés à comprendre ce qu’on attend d’eux et
d’avoir été formé pour pouvoir proposer un service de qualité. Autrement dit, donner
du sens à leur travail et leur donner les moyens d’y arriver.
Freins au développement de l’analytique RH
Malgré ces exemples, force est de constater que les entreprises qui pratiquent
l’analytique RH sont encore peu nombreuses et que ces dernières ne communiquent
que très peu sur le sujet.
Par ailleurs, il y a encore peu d’offres d’éditeurs sur le marché en la matière, les
modules concernés sont très peu achetés. Pourtant, l’envie est là.
Je vais vous présenter les résultats d’une étude réalisée en 2015 par KPMG, cabinet
d’audit et de conseil. Cette dernière fait un état des lieux de l’utilisation de
l’analytique RH dans les organisations.88
A la question, qu’est-ce qui représente les plus grands obstacles à l’utilisation de
l’analytique RH ? Les dirigeants ont répondu :
88 KPMG. (2015). Evidence-based HR – The bridge between your people and delivering business
strategy.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
Audrey WOZNIAK – 2015/2016
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Figure 14 : Principaux freins identifiés par les dirigeants à l'utilisation de l'analytique RH
Les principaux obstacles au développement de l’analytique dans le champ des RH
sont multiples et mettent en avant des freins techniques (qualité des données),
humains (culture d’entreprise, connaissances des dirigeants sur le sujet,
compétences) et organisationnels (organisation cloisonnée, modèle de
fonctionnement inappropriés).
L’un des autres freins évoqués au développement de l’analytique RH est la mauvaise
perception de la fonction RH dans les organisations. En effet, seulement 49% des
dirigeants estiment que les DRH sont capables de démontrer des corrélations entre la
gestion des salariés et les résultats de l’entreprise. Pourtant, 82% d’entre eux
souhaitent mettre en place l’analytique RH dans leur entreprise. Les dirigeants ne
seraient donc pas sceptiques vis-à-vis du Big Data et de l’analytique mais plutôt vis-à-
vis de la capacité des RH à exploiter concrètement les résultats.
Figure 15 : ¾ des dirigeants pensent que l'analytique RH peut influencer la rentabilité de
l'entreprise
Toutefois, cette vision tend à s’améliorer puisqu’entre les résultats de la même étude
menée en 2012 et celle menée en 2015, on constate une amélioration de la perception
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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des dirigeants sur la capacité de la fonction RH à démontrer leur valeur au sein de
l’organisation (17% à 25%).
Dans l’étude menée par Deloitte en 201589, sur la gestion du capital humain, on peut
constater un manque de compétence des RH en analytique.
Figure 16 : Evaluation des compétence des RH et en analytique RH.
On peut constater les plus grands écarts dans la capacité à relier les données RH aux
données relatives à la performance de l’entreprise (compétence considérée comme
faible par 61% des répondants) ainsi que dans l’utilisation de ces données pour
réaliser des analyses prédictives et améliorer la performance (compétence considérée
comme faible par 69% des répondants).
On peut toutefois considérer que cela laisse un potentiel de développement certain.
b. Les salariés, l’analytique RH et la digitalisation
Impacts sur les candidats et salariés
Les impacts réels de l’analytique RH étant encore peu connus, il est de ce fait assez
difficile aujourd’hui d’en connaître les conséquences sur les salariés ou même sur
l’expérience candidat. En termes de bénéfices pour les candidats ou salariés, il s’agit
encore de promesses de résultats, c’est la face immergée de l’iceberg.
Cependant, quelques exemples commencent à émerger dans le domaine du
recrutement prédictif qui laissent entrevoir la capacité de l’outil à tenir ses
promesses, notamment dans le recrutement de profils « atypiques ».
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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Une start-up a ainsi pu recruter90, via ses algorithmes prédictifs, un profil qui n’aurait
sans doute pas retenu leur attention sur une méthode de recrutement classique. En
effet, ce dernier ne possède aucun diplôme dans le domaine recherché, et d’ailleurs
aucune affinité avec le système scolaire puisqu’il en est sorti très tôt, mais est un
autodidacte de talent qui a su se démarquer au travers de forums consacrés au
développement. La méthode de recrutement prédictive employée par cette entreprise
a permis de dénicher ce profil pour le transformer en candidat potentiel, puis en
salarié.
La vision des salariés sur la digitalisation
Lorsque l’on pointe les résultats des études menées sur le sujet de la digitalisation en
entreprise, les salariés semblent plutôt optimistes.
Selon une enquête réalisée par le CESI, le Figaro et l’IPSOS91, les salariés considèrent
que l’impact du numérique dans leur entreprise leur a été plutôt positif.
Figure 17 : Impacts de la transition numérique du les salariés
La transition numérique semble avoir impacté positivement la façon de travailler des
salariés et leur bien-être au travail.
89Deloitte. (2015). Global Human Capital Trends 2015 – Leading in the new world of work.
90Richtell, M. (Avril 2013). How Big Data Is Playing Recruiter for Specialized Workers. New York
Times.
91 CESI, Le Figaro, IPSOS. (2015). Résultat de la 10ème vague de l’enquête de l’Observatoire Social de
l’Entreprise – La transition numérique.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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Figure 18 : Impacts du développement des outils numériques sur le travail
L’impact du développement des outils numériques au travail est également plutôt
perçu positivement, notamment sur les aspects de la performance et sur les relations
hiérarchiques. Toutefois, il faut malgré tout pointer certains résultats en demi-teintes
voir négatifs sur la charge de travail, la capacité à se déconnecter et le niveau de
stress. Ces 3 éléments pouvant être corrélés.
Les salariés semblent ainsi globalement ouverts sur les sujets liés à la digitalisation ce
qui peut rendre la transition digitale plus facile. A condition de prendre en compte
ces aspects et de répondre aux craintes pouvant émerger.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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Partie 4 : Analyse critique et positionnement
Dans cette partie, je vais exposer mon avis et proposer mes propres réponses sur les
différentes questions exposées dans la première partie. Ce qui me permettra de
répondre à la question posée et de valider ou non mon hypothèse de départ.
a. Réponse aux questionnements
Le positionnement des entreprise
J’ai commencé mon questionnement en me demandant où nous en étions sur les
sujets sur le Big Data et en particulier de l’analytique RH en matière de recrutement
et de gestion des compétences.
Il s’agit de domaines encore très peu explorés. Pourtant je suis persuadée qu’il ne
s’agit pas seulement que de l’apanage des grands groupes et que les petites structures
pourraient elles aussi tirer leur épingle du jeu en utilisant ces outils. Mais comme
toute nouveauté, pour reprendre un langage marketing, il y a les pionniers, les
adopteurs précoces, les suiveurs et les retardataires.
Figure 19 : 92Courbe de diffusion des produits nouveaux
Les entreprises se trouvant dans la première moitié pourraient y tirer un avantage
concurrentiel et ceux se trouvant dans la seconde pourraient être en situation à
92 Source : http://www.marketing-etudiant.fr/marketing-box/marketing-operationnel-le-produit/la-
diffusion-des-produits-nouveaux.php
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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risque. Lorsque l’on suit une innovation trop tard, le risque est de perdre sa
compétitivité et de se placer hors course.
Nous avons bien vu que le recrutement prédictif et l’analytique RH pourraient bien
devenir un des futurs moteurs de la performance RH en entreprise, ce qui permettrait
de placer la fonction en centre de profit. Ce qui veut dire contribuer à la compétitivité
de l’entreprise au sens large du terme. L’enjeu est de taille.
L’évolution des emplois en entreprise et l’accompagnement des salariés
Ma seconde interrogation consistait à réfléchir aux impacts des transformations
induites par ces technologies, pour des populations n’étant pas toujours armées pour.
En effet, la transition numérique implique une adaptation des salariés aux
changements. La question posée était la suivante : Que faire des salariés qui ne sont
pas en mesure de suivre ces évolutions et qui resteront à la marge ?
La question n’est à mon sens pas la bonne. Il est plus juste de se demander comment
permettre à ces salariés de s’adapter aux changements. Et l’on revient ainsi à une
thématique que les services RH connaissent bien qui est la conduite du changement,
avec toutes ses étapes à suivre afin de permettre un changement progressif et
maîtrisé.
Figure 20 : 93Etapes de déploiement d'un changement
93 Source : http://www.mc2i.fr/-Conduite-du-changement
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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Le choc générationnel
Le questionnement posé sur ce sujet était de savoir comment éviter de creuser
davantage ce fossé générationnel.
Y-en-a-t-il vraiment un, de choc générationnel ? Il existe, comme nous l’avons vu
précédemment, une controverse sur l’idée même des générations et sur l’existence de
la génération Y. Ceci dit, est-ce bien important ? Y ou pas, il existe quand même des
différences entre les individus qui peuvent être perçues sur les sujets liés aux
technologies digitales. Tout le monde n’est pas forcément très à l’aise avec le sujet et
ce n’est pas toujours ceux que l’on croit, même si des tendances générationnelles se
dégagent. Quoi de plus normal ?
Ce qu’il est important de noter je pense, c’est que le numérique change la façon de
voir les choses, les organisations et fait évoluer la société. Le tout étant d’embarquer
tout le monde sans distinction sur le même radeau pour que tout le monde suive le
mouvement.
Pour réussir ce changement, il est malgré tout important de prendre en compte et de
comprendre les tendances générationnelles et éviter de créer tout fossé entre les
générations ultra-connectées et celles qui ne sont pas nées avec un ordinateur entre
les mains, mais sans en faire une vérité absolue.
Les évolutions technologiques ont été d’une telle fulgurance qu’aujourd’hui nous
croisons 3 voire bientôt 4 générations différentes en entreprise, avec des
connaissances et appétences différentes sur le sujet du numérique.
Pour moi, le réel enjeu est de réussir à mixer les équipes, créer une cohésion
intergénérationnelle, acculturer et permettre à « ceux qui savent » d’apprendre à
« ceux qui ne savent pas encore ».
Figure 21 : 94 Le plus accroc aux nouvelles technologies n’est pas toujours celui qu’on croit !
94 Source : http://digital-collab.com/focus-sur-la-generation-y/
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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Il en va aussi de la volonté des générations pas forcément très à l’aise avec le
numérique, de s’adapter à l’évolution de la société.
Comme dans tout changement, il y a des réfractaires que l’on aura du mal à faire
bouger, ce qui n’est d’ailleurs pas forcément une question de génération. Toutes les
personnes de la génération Y ne possèdent pas forcément un compte Facebook et ne
sont pas forcément présents sur les réseaux et à l’inverse vous connaissez sûrement
des papy boomers ultra connectés.
Je pense qu’il faut avant tout ne pas faire de généralités, même s’il est intéressant de
les connaître. Il est important de gérer les individualités en fonction des
résistances/appétences de chacun.
Bullshit jobs (jobs à la con)95
Je questionnais également l’impact du Big Data et de l’analytique RH sur la
transformation des métiers. Certains sont en effet peut-être amenés à disparaître
suite à l’automatisation et à l’implémentation automatique des données, quid du
futur gestionnaire de paie ? Et parmi les conséquences probables, la multiplication
des métiers à faible valeur ajoutée.
Le fait est qu’à mon sens ces métiers, considérés comme faibles en termes de valeur
ajoutée et bien qu’essentiels pour l’entreprise, existent déjà. Ce sont des métiers qui
ne nécessitent pas une expertise technique importante, et parfois qui ne donnent pas
sens à la personne qui les réalisent.
Pourtant, ils peuvent convenir à des personnes qui ne recherchent pas
particulièrement de challenge professionnel et sont à l’aise dans une certaine
« monotonie » de travail, ceux qui voient le travail comme un moyen de subvenir à
leurs besoins quotidiens.
Là où cela pose problème c’est quand le travail change, subit des évolutions, au point
de devenir vide de sens et « inintéressant ». L’histoire regorge de ce type d’exemples
auxquels la société a dû s’adapter (naissance du travail à la chaîne). Les modifications
subies peuvent générer de la frustration et du désintérêt, comme par exemple lorsque
l’on passe de missions valorisantes nécessitant de la réflexion à des missions où l’on
doit se contenter de contrôler des données.
Par ailleurs, force est de constater également que les nouvelles générations Y/X
recherchent avant tout du sens dans leur travail et c’est ce qu’il va falloir nous atteler
à donner. Là encore, ce n’est peut-être pas qu’une question générationnelle.
Est-ce que la digitalisation va multiplier les métiers à faible valeur ajoutée ou son
contraire ? Difficile à dire pour le moment, je pense que ce sera un peu des deux dans
95 Concept définissant les métiers absurdes et vide de sens que la technologie est en partie accusée
d’avoir créé.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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tous les cas. Certains métiers perdront de l’intérêt, d’autres évolueront positivement
et permettront de se concentrer sur les tâches réellement porteuses de sens.
L’analytique RH et le libre arbitre
L’un des derniers questionnements concernait la capacité des individus à rester
maître de leur parcours dans un fonctionnement où la gestion des compétences et le
recrutement seraient issus d’une analyse prédictive.
Je ne pense pas que le but de ces outils soit de forcer un salarié à suivre une carrière
qu’il n’aurait pas choisie, mais plutôt de pouvoir lui proposer des solutions
d’évolution pouvant correspondre à ses compétences à l’instant « t » et à ses capacités
(projections). Sachant que les personnes évoluent au fil du temps, gagnent des
nouvelles compétences, ont de nouvelles aspirations, ces outils ne devront pas être la
seule base de décision. Dans tous les cas, les modèles devront tout autant évoluer
pour répondre aux nouveaux besoins exprimés à la fois par l’entreprise mais aussi par
ses salariés.
« Refuser le libre arbitre » c’est créer des frustrations et donc être contre-productif,
ce n’est pas le but recherché par l’analytique RH, bien au contraire.
Je ne pense pas que l’analytique RH retirera la possibilité aux salariés de l’entreprise
de faire des choix de carrière, cela peut peut-être, par contre, leur apporter une
meilleure visibilité (transparence ?) et des perspectives. Mais il faut prendre garde à
l’effet « promesses » que cela peut engendrer. Toutes ne peuvent pas être tenues et
créer de l’attente sans pouvoir la combler amène des déceptions et du désengagement
qui ne seraient peut-être pas apparus sans cela.
Le clonage en entreprise
Recruter de façon prédictive grâce au Big Data, début de l’ère des clones ?
Aujourd’hui, comme déjà abordé précédemment, c’est déjà plus ou moins le cas dans
les entreprises. En tant que candidats à l’embauche, nous avons nous-mêmes tous
déjà été dans cette situation où l’on aurait aimé que le recruteur aille au-delà des
critères d’expérience ou de formation et puisse voir en nous un potentiel plutôt qu’un
CV ne répondant pas aux critères. Si vous ne l’avez pas été, vous êtes chanceux.
Toutefois, les mentalités sont lentement en train de changer pour davantage se baser
sur la personnalité des candidats plutôt que sur un cursus parfait et sans ombrage.
Ces réflexions sur le recrutement prédictif ont en tout cas le bénéfice d’ouvrir le débat
sur nos modes de recrutement, compétences/diplôme versus personnalité.
Je vous invite d’ailleurs, si vous ne la connaissez pas encore à regarder la conférence
TedX sur le sujet de Régina Hartley, Vice-Présidente des Ressources Humaines chez
UPS US, « Why the best hire might not have the perfect resume » (pourquoi le
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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meilleur candidat n’a peut-être pas forcément le CV parfait), qui est assez inspirante
sur le sujet.
J’ai envie de rester assez optimiste. D’autant que l’on parle de plus en plus
d’intelligence collective et du fait que, pour créer des groupes performants, il faut des
groupes hétérogènes avec des personnalités distinctes mais complémentaires. Réunir
tous les « top performers » ensemble ne suffit pas à créer une équipe performante,
une équipe « ordinaire » peut donner de meilleurs résultats. Tout est une question de
complémentarité des personnalités et des compétences.
Là où je pense que l’analyse prédictive peut réellement apporter un élément
véritablement différenciant, est si elle parvient à réaliser ce type d’analyse et de
pouvoir ainsi orienter les recrutements sur ces bases.
Je suis d’avis de dire que l’analyse prédictive ne créera pas forcément des clones mais
amènera plutôt une façon différente de recruter, permettant à des profils qui
n’auraient peut-être pas été sélectionnés de prime abord à sortir du lot et à se
débarrasser de cette mauvaise habitude française qui est de regarder les diplômes
obtenus plutôt que le potentiel.
Un chemin possible vers une réelle diversité ? Puisqu’on le sait bien, une armée de
clones ne peut pas fonctionner en entreprise.
Le recrutement objectif
L’un des arguments des prestataires proposant des services de recrutement prédictifs
et de dire que le recrutement peut se faire à partir d’éléments réellement objectifs et
ainsi permettre de passer outre les discriminations à l’embauche habituelles.
Cela peut être vrai sur les aspects « compétences/cursus/personnalité ». Toutefois je
doute que cela puisse permettre de passer outre les critères « âge/sexe/origine ». Les
algorithmes préconiseront, les recruteurs prendront en compte ces
préconisations…ou non.
Il faut rester complètement honnête et se dire que le choix final reviendra toujours au
recruteur/à l’entreprise. Si une entreprise ne recrutait que des hommes d’âge murs
aux postes de manager, ou des jeunes gens beaux et sveltes aux postes de vendeurs en
magasin96, elle ne changera pas pour autant ses habitudes.
Et sur ces sujets, c’est plus une évolution des mentalités qui est requise plutôt qu’un
outil indiquant qu’il faut recruter d’autres profils. Le recrutement prédictif peut servir
à créer de la diversité, mais il faut que l’entreprise le souhaite vraiment.
96 En référence à la polémique de recrutement chez Abercrombie&Fitch
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
Audrey WOZNIAK – 2015/2016
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Impacts de l’automatisation – Suivez le lapin blanc
Pourquoi ce titre ? Il s’agit bien évidemment d’une référence au film Matrix. Néo (le
héros) a le choix de continuer à vivre dans le monde qu’il a toujours connu et de
rester dans l’ignorance, ou de prendre le risque d’être plongé dans la vérité et de,
même si cela le sort de sa zone de confort (c’est peu dire), influer sur le monde qui
l’entoure et en changer les contours.
Il se met alors à utiliser la matrice (le monde robotisé) plutôt que d’en faire
passivement partie. Il modifie son positionnement de suiveur en celui d’influenceur
et réussit à faire bouger les lignes.
Vous me direz que comparer l’automatisation que l’on connaît à Matrix est un peu
capillotracté. Et pourtant, peut-être pas tant que ça. Aujourd’hui il est important
d’être acteur des changements que l’on voit émerger. Pourquoi ? Pour pouvoir
anticiper autant que possible les compétences, même si cela ne peut être que sur du
relativement court terme et pouvoir proposer des transitions pour les salariés dont les
métiers sont « à risques ».
Nous avons aussi le pouvoir, de notre côté en tant que RH, de faire bouger les lignes.
Mais pour ça il faut avoir compris l’ampleur du changement et l’incarner. On ne peut
pas se permettre, à mon sens, de rester passifs sur ces sujets. D’autant que la passivité
peut avoir des impacts importants sur l’entreprise sur les champs de l’innovation et
du numérique, y compris en RH.
Il s’agit de contribuer au bien-être des salariés, à l’évolution/adaptation de leurs
compétences, à la compétitivité et à la performance de l’entreprise.
Alors, comme Néo suivez le lapin blanc, faites le bon choix et devenez acteur du
changement.
b. Réponse à l’hypothèse
La problématique posée au départ était la suivante :
Big Data et analytique RH – Opportunité ou menace pour les Ressources
Humaines de l’entreprise ?
L’hypothèse avancée était de dire cela pouvait être les deux. La menace portant sur
les aspects relatifs à la gestion des talents de l’entreprise, sur le besoin de mettre les
salariés « à la page » mais aussi sur la menace de devenir inadaptée aux besoin des
nouvelles générations (perte d’attractivité). Et l’opportunité étant de pouvoir
réellement satisfaire les salariés de l’entreprise en leur apportant des solutions en
termes de gestion des compétences et d’engagement.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
Audrey WOZNIAK – 2015/2016
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Je pense que cette hypothèse est toujours valable mais ne répond que partiellement à
la question. Elle doit être complétée d’autres éléments, à nécessairement prendre en
compte, pour véritablement pouvoir y répondre.
Tout d’abord, le Big Data et l’analytique RH restent des outils par-dessus tout. Ce
sont des outils certes puissants, mais ce qui importe vraiment est ce que l’on en fait.
Même s’il faut bien évidemment être conscient des risques, pour éviter de dévier. La
menace principale reste pour moi la mauvaise utilisation qui peut en être faite plutôt
que l’outil lui-même (mauvais paramétrages, abus).
Aujourd’hui nous savons que la richesse d’une entreprise provient de la diversité des
individus qui la compose et de leur capacité à pouvoir travailler ensemble. Les
entreprises reviennent d’ailleurs de plus en plus vers un schéma de pensée où le
salarié est placé comme le créateur de sa valeur ajoutée. Le recrutement prédictif
n’est peut-être pas à exploiter seul mais à joindre à d’autres analyses, telles que celles
vues dans les recherches menées sur l’intelligence collective, pour essayer de recruter
les profils qui pourront s’intégrer efficacement dans l’entreprise.
Le recrutement prédictif, c’est recruter les profils adaptés à l’entreprise mais c’est
aussi, en tant que candidat, être intégré à une entreprise qui correspond à notre
personnalité. Il s’agit plutôt à mon sens d’un dispositif gagnant-gagnant et donc
plutôt une opportunité qu’une menace.
Rappelons également que la décision finale revient toujours à un individu et qu’il est
aussi en capacité de remettre en question les résultats produits. Malgré tout,
recruteriez-vous quelqu’un qui ne vous a pas fait bonne impression en entretien et
que vous ne pensez pas pouvoir tenir le poste, même si la machine vous indique que
c’est le meilleur choix ? Nous avons cette capacité en tant qu’être humain qui est le
« libre arbitre » ou encore le « pouvoir de décision ». Et c’est valable aussi bien du
côté salarié/candidat, que du côté RH.
Je pense qu’il y a également une opportunité, de par l’analytique RH, de mieux gérer
les compétences des salariés et leur carrière, les comprendre davantage, et ce qui les
« drive ». Et mieux encore, de pouvoir prouver factuellement qu’agir sur ces facteurs
permet d’améliorer la performance de l’entreprise. Cela veut dire ne plus se baser sur
ce que l’on « pense » (sentiment) être bon pour l’entreprise mais sur ce que l’on
« sait » (données) être bon pour l’entreprise, puisque mesurable.
Ce qui veut dire que la fonction RH peut également avoir l’opportunité de réellement
se placer comme acteur de la stratégie de l’entreprise, via l’apport d’analyses
prédictives et de scénarios. Ce qui implique une mutation/évolution de la fonction.
Et d’ailleurs, le Big Data et la digitalisation de façon générale vont imposer à mon
sens une transformation globale pour les entreprises. La principale menace, pour
moi, est le fait d’ignorer ce qu’il se passe actuellement au risque de changer « trop
tard ». Ce qui veut dire ne pas prendre en compte l’évolution de la société et des
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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besoins des salariés (générations), rejeter l’innovation y compris dans les domaines
RH, être dans une posture trop attentiste.
Personne ne veut être le futur Kodak, qui faute d’avoir cru au numérique s’est lancé
trop tard sur le marché et a frôlé la faillite.
c. Préconisations
Pour que le Big Data et l’analytique deviennent une opportunité plutôt qu’une
menace, il y a pour moi quelques étapes à suivre
Devenir moteur
Chaque entreprise n’en est pas forcément au même niveau de maturité digitale. Quoi
qu’il en soit, on ne passe pas du jour au lendemain du reporting de données classique
à l’analytique, tout comme on ne passe pas du « tout papier » au « tout numérique ».
Le changement majeur à opérer, je pense, est celui de la culture d’entreprise.
Puisqu’il s’agit d’un changement touchant l’organisation de l’entreprise, la fonction
RH est en droit de faire valoir sa légitimité à en être le moteur.
Pour lancer ce type de démarche, évaluer le niveau de maturité digitale permet de
déterminer ce qu’il reste à mettre en œuvre au sein de l’entreprise pour atteindre le
but fixé et ainsi connaître l’étendue de la conduite du changement qui sera à mener.
Il faut y aller progressivement, instaurer petit à petit une culture numérique, former
les différents acteurs en prenant en compte les différences culturelles et
générationnelles. Commencer par des petites choses, des choses simples mais qui
permettent de voir un résultat.
Devenir pilote d’essai
Nous avons vu que la mise en place de l’analytique RH nécessitait 4 étapes et 4
niveaux de reporting différents. Selon où l’entreprise se place dans cette échelle, il est
peut-être possible de viser à atteindre l’échelon supérieur et y aller progressivement.
Pour cela, il me semble nécessaire de mettre en corrélation les objectifs de
l’entreprise et les objectifs RH. Quelles sont les questions que les dirigeants vous
posent auxquelles il vous est difficile de répondre factuellement ?
Je pense que l’un des secrets finalement est également de ne pas avoir peur de se
tromper, tester, mesurer le ROI / RONI.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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Transformez votre service RH en laboratoire innovant ! Je pense que les services RH
n’ont rien à y perdre et tout à y gagner, notamment lorsque l’on constate les résultats
des enquêtes sur le point de vue des dirigeants vis-à-vis des RH.
Communiquer ses résultats
Vous avez mené une démarche analytique ou de recrutement prédictif qui a porté ses
fruits ou au contraire qui s’est avérée être plutôt négative ? Alors communiquez.
Ma dernière préconisation est de dire qu’il faut communiquer ses résultats si l’on est
dans une démarche de ce type, ou de rester en veille active lorsque ce n’est pas le cas.
Je crois au partage d’expérience qui donnera envie à d’autres de se lancer ou qui leur
donnera les clés pour éviter certains pièges. Nous sommes responsables aujourd’hui
du sens qui sera donné à notre fonction demain. Si nous ne voulons pas rester sur le
banc de touche, c’est également à nous d’êtres moteurs sur ces sujets.
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• Service juridique : support juridique aux sociétés et suivi des procédures
• Service Formation : gestion administrative de la formation (facturation,
relations avec l’OPCA, enregistrement des formations)
• Organisme de formation interne : préparation et organisation des cursus
GSF
• Service recrutement : support en recrutement sur les profils agents de
maîtrise et supérieurs
• Contrôle de gestion et service administratifs : réalisation des bilans
sociaux et déclarations obligatoires , audit sociaux auprès des
établissements
Siège
Partie 5 : Application possible en entreprise
De par son organisation et son activité, mon entreprise, qui est une société proposant
des prestations de service en propreté, semble bien loin des préoccupations relatives
au Big Data et de l’analytique RH.
Pourtant, il s’agirait peut-être là d’une opportunité, pour elle, de gagner en
performance.
Avant de pouvoir déterminer en quoi ces outils pourraient leur être bénéfiques, il me
semble important de faire un état des lieux de l’organisation actuelle de l’entreprise et
des problématiques rencontrées.
a. Organisation des RH
Divers constats peuvent être posés sur la gestion des Ressources Humaines, inhérents
à l’organisation intrinsèque de la société.
En effet, GSF AURIGA est l’une des 22 sociétés faisant partie du groupe GSF. Ce qui
représente 1200 salariés (800 ETP97), 1 direction régionale (DR) et 5 établissements.
Pour autant, il n’y a pas de fonction RH représentée au niveau de la DR. La fonction
est éclatée.
Le siège intervient sur les problématiques RH en tant que service support notamment
sur la formation ou le juridique. Il n’y a pas de service RH groupe, ni de DRH groupe.
Voici le détail de la répartition actuelle de la fonction RH au sein de GSF :
97 ETP = Equivalent temps plein
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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84
b. Etat des lieux
Problématiques
Cette organisation est tournée vers l’opérationnel et ne permet pas de réelle
anticipation/prise de recul. Ce qui, à mon sens, ne permet plus de répondre
efficacement à toutes les problématiques rencontrées.
D’un point de vue RH, il est possible de constater plusieurs conséquences :
 La charge de travail des inspecteurs devient plus en plus conséquente et
impacte directement celle des assistantes,
 Les établissements peinent à recruter sur les profils terrains et encadrement,
• L'assistante de direction :
- Gestion administrative du personnel
- Saisie des éléments variables de paie et réalisation de la paie (pour la
DR)
- Préparation des éléments pour les réunions de bilans sociaux
(communiqués par le siège)
• Le coordinateur QSE :
- Pilotage du plan de formation de l'ensemble des établissements
- Gestion de la formation : contact organismes, lien avec le siège
Direction régionale
• Les assistantes :
- Gestion administrative du personnel et support des inspecteurs sur la
création de contrats de travail
- Gestion de la formation (contact organismes et signatures conventions
uniquement)
- Saisie des éléments variables de paie et réalisation de la paie
• Les inspecteurs :
- Recrutement des chefs d'équipe et agents
- Elaboration et remise des contrats de travail
- Récupération/remplissage des feuilles d'heures et des éléments
variables de paie
• Les chefs d'établissement :
- Gestion des dossiers disciplinaires
- Relations avec les IRP
Etablissements
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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 Les recrutements sont parfois réalisés dans l’urgence, ce qui conduit à des
erreurs de recrutements ou à une mauvaise identification du besoin initial,
 Des attentes ont été créées vis-à-vis des salariés suite à l’instauration des
entretiens professionnels (formation, mobilité) avec aucune solution mise à
disposition pour les traiter,
 Le secteur d’activité souffre d’un manque d’attractivité qui nuit aux
recrutements, y compris ceux d’alternants,
 Il n’existe pas d’outil de pilotage à disposition des chefs d’établissement pour
la gestion de leurs ressources humaines.
GSF AURIGA a ainsi besoin de :
 Gérer les compétences :
o Professionnaliser les recrutements (gagner en vision prévisionnelle),
o Gérer les carrières,
o Identifier et accompagner les profils évolutifs.
 Développer l’image de l’entreprise et du secteur pour développer son
attractivité et l’engagement des salariés.
 Optimiser les processus pour permettre aux inspecteurs et assistante de
gagner en efficacité et ainsi de gagner du temps.
 Créer des outils de pilotage et d’aide à la décision pour les inspecteurs et
les chefs d’établissements.
Maturité numérique
Quels sont les constats en termes de maturité numérique chez GSF ? Il me semble
important de se poser cette question puisque cela permet de déterminer quel est
« l’effort à faire » de la part de l’entreprise si elle souhaite se lancer sur les champs du
Big Data et de l’analytique. L’écart entre l’état actuel et où l’on souhaite se rendre
étant la conduite du changement à réaliser et le niveau d’investissement requis.
Pour la mesurer, et si vous souhaitez le faire pour votre propre entreprise, il existe
des questionnaires en ligne permettant de réaliser un « diagnostic numérique » de
votre organisation, comme celui proposé par CXP98, société de conseil et analyse en
solution logicielle.
La maturité numérique d’une entreprise peut se mesurer sur ces aspects :
 Technique (ou technologique)
 Humaine
 Organisationnelle
98 http://maturitenumerique.com/
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Maturité Technique :
Etat des lieux :
 Des systèmes d’exploitation et de sauvegarde des données anciens : Utilisation
de Windows vista à l’ère de Windows 10 (10 ans d’écart), utilisation de
Microsoft office 2007 à l’ère de Microsoft office 2016 (9 ans d’écart), AS400
pour la sauvegarde des données (système créé en 1988).
 Absence de système de vidéo conférence ou de chat en ligne.
 Des systèmes de communication et de gestion clients « classiques »
(téléphone, mail, cahiers de liaison).
Les systèmes informatiques sont anciens voir parfois obsolètes, toutefois il y a une
certaine volonté de la part des services informatiques de les mettre à jour.
Il n’y a pas d’utilisation du Big Data et des technologies digitales au sein de
l’entreprise, y compris pour les aspects « marketing /relationnel client ».
Maturité Humaine :
Etat des lieux :
 Une population peu habituée à l’utilisation d’outils numériques.
 Une direction peu encline à se développer (innover) dans le domaine.
 Des salariés pas toujours suffisamment formés à l’utilisation des outils
internes.
Les salariés de l’entreprise sont globalement peu formés à l’outil informatique et ne
sont pas toujours à l’aise avec les nouvelles technologies.
Maturité Organisationnelle :
Etat des lieux :
 Une mise en place de tablettes avec des applications professionnelles dédiées
pour les inspecteurs.
 Pas de télétravail possible en dehors de la gestion des mails (webmail).
 Une gestion papier importante : beaucoup de travaux encore réalisés ou
conservés sur papier (feuilles d’heures, bordereaux…).
 Peu d’outils numériques au service de l’organisation (suivis sur Excel, pas
d’indicateurs automatisés…).
 Des blocages réseau vers les sites emblématiques de la génération digitale :
Facebook, Twitter, Youtube…
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Il y a un souhait de développer les tablettes et les applications pour faciliter le
quotidien des responsables de secteur, ce qui démontre une volonté de moderniser
les dispositifs.
Cependant, la gestion papier reste encore très importante et il n’existe pas de système
de télétravail ou de Cloud, ce qui serait pourtant une solution envisageable.
Les restrictions réseau démontrent également une certaine fermeture vis-à-vis des
outils de communication digitaux.
En résumé :
La maturité numérique de GSF est globalement relativement faible. Force est de
constater que nombre d’améliorations pourraient voir le jour sur les aspects
Techniques, Humains et Organisationnels.
c. Quid du digital chez GSF
Maintenant que nous avons vu quelle était la maturité numérique de GSF, la question
est de savoir ce qu’il y a à gagner à modifier ses habitudes et ses modes de
fonctionnement. Quel serait l’intérêt de l’entreprise à se lancer dans une démarche
digitale et en particulier sur de l’analytique RH ?
Le digital et l’analytique RH chez GSF, pour quoi faire ?
J’ai énoncé dans l’état des lieux, un certain nombre de problématiques rencontrées
par l’entreprise. Je vais les énoncer point par point et indiquer en quoi l’analytique
RH pourrait apporter une aide dans la résolution de ces dernières.
Charge de travail :
 La charge de travail des inspecteurs devient plus en plus conséquente et
impacte directement celle des assistantes.
Il y a un potentiel de développement de solutions informatiques permettant de
digitaliser et ainsi de faciliter le quotidien des assistantes et des inspecteurs en évitant
notamment les saisies multiples sur différents outils (Excel par exemple).
La gestion du personnel pourrait également être facilitée en analysant les causes de
l’absentéisme via le Big Data et en construisant un outil permettant d’optimiser les
ressources sur les chantiers. Ce qui permettrait aux inspecteurs et aux assistantes de
gagner du temps (délais de remplacement, optimisation, moins de contrats à saisir…)
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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Recrutement :
 Les établissements peinent à recruter sur les profils terrains et encadrement,
 Les recrutements sont parfois réalisés dans l’urgence, ce qui conduit à des
erreurs de recrutements ou à une mauvaise identification du besoin initial.
Les établissements cherchent soit à recruter des « moutons à 5 pattes » ou ne
prennent pas suffisamment de recul sur les profils recherchés. Les « bons » profils se
font rares en particulier sur certains secteurs (Vendée).
L’apport de l’analytique RH et en particulier du recrutement prédictif pourrait être
important pour GSF. Cela leur permettrait d’identifier des profils auxquels ils
n’auraient peut-être pas pensé pour occuper un poste, d’éviter les erreurs et de limiter
le turnover, qui peut être assez problématique dans la mesure où chaque salarié doit
être immédiatement remplacé et où les recrutements des agents de maîtrise sont
coûteux (formation).
L’apport de l’analytique RH et en particulier du recrutement prédictif pourrait
permettre de davantage professionnaliser les recrutements en les rendant plus
« qualitatifs » et adaptés aux besoins réels. Les inspecteurs et chefs d’établissement,
n’étant par ailleurs pas des professionnels du recrutement, pourraient ainsi mieux
évaluer les candidatures reçues.
Cela représenterait également un gain de temps dans la gestion, l’analyse et le
traitement des candidatures et limiterait les pertes de temps sur des profils non
adaptés à l’entreprise.
GPEC :
 Des attentes ont été créées vis-à-vis des salariés suite à l’instauration des
entretiens professionnels (formation, mobilité) avec aucune solution pour les
traiter.
L’analytique RH pourrait également apporter des solutions sur la gestion des
compétences et aider à identifier les potentiels évolutifs en croisant avec les
algorithmes de recrutement prédictif.
Aujourd’hui, il n’existe pas d’outils de gestion des compétences au sein de GSF.
Pourtant se doter de tels outils permettrait d’améliorer l’engagement des salariés en
leur donnant un but, en reconnaissant leur travail/progrès de manière objective. Cela
permettrait également de mieux formaliser les formations réellement adaptées aux
salariés (optique de performance ou d’évolution).
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Marque employeur :
 Le secteur d’activité souffre d’un manque d’attractivité qui nuit également aux
recrutements, y compris ceux d’alternants
Etre digitalement actif, présent sur les réseaux sociaux, disposer d’outils au goût du
jour sont importants en recrutement et permettent d’améliorer la marque employeur,
surtout pour les dernières générations. GSF a un effort à faire sur le sujet, bien que
présent sur les plateformes de type Linkedin/Viadeo, les technologies digitales
restent à développer et à améliorer. Au-delà de l’aspect digital, c’est une nouvelle
organisation du travail qui est nécessaire au sein de l’entreprise pour gagner en
attractivité.
Indirectement, le gain de temps que pourrait apporter l’utilisation de l’analytique RH
et de la digitalisation pourrait permettre de se recentrer sur les sujets tels que la
Qualité de Vie au Travail (QVT), la communication RH, le développement de la RSE.
Ce sont des éléments permettant d’apporter de la valeur ajoutée à l’entreprise et donc
de l’attractivité.
Pilotage :
 Il n’existe pas d’outil de pilotage à disposition des chefs d’établissement pour
la gestion de leurs ressources humaines.
D’un point de vue du pilotage, nous en sommes actuellement à un reporting
opérationnel simple servant à alimenter les reportings obligatoires (bilan social, bilan
formation…). Beaucoup d’indicateurs, qui pourtant pourraient être utiles à la
structure ne sont pas suivis tels que le taux d’absentéisme ou encore le taux de
turnover. Ces deux points sont pourtant particulièrement importants pour
l’entreprise puisqu’ils impactent directement la rentabilité.
L’analytique RH aurait pour avantage d’apporter une analyse plus développée des
données et de pouvoir par exemple analyser l’impact réel de l’absentéisme sur le
chiffre d’affaire, de déterminer les causes et d’en tirer des préconisations (scénarios).
Cela permettrait également tout simplement aux établissements de pouvoir
réellement piloter la gestion de leurs ressources humaines en se basant sur des
analyses objectives.
Le digital chez GSF, ROI vs RONI
Y-a-t-il un risque pour GSF de ne pas développer le sujet ?
Le secteur de la propreté est très concurrentiel et les marges sont très serrées. Dans
ce contexte, il est important de sortir son épingle du jeu sur la qualité, le coût ou sur
la réactivité (on ne peut qu’en avoir 2 sur les 3).
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Certains concurrents, et nous avons vu l’exemple d’ISS, commencent à utiliser le Big
Data et l’analytique pour en tirer des préconisations permettant d’améliorer leurs
services. Cela pourrait, à termes, leur procurer un avantage concurrentiel important.
Le risque serait dans un premier temps de perdre des marchés ou des prospects, face
à des concurrents en mesure de proposer un service globalement meilleur,
puisqu’étudié pour l’être. Et dans un second temps, de se placer sur ce champ que
bien trop tard. Le manque de modernité et de vision est une réelle menace.
Là où ISS pointe l’impact de l’engagement des salariés dans la satisfaction client, le
siège de GSF ne veut pas entendre parler de QVT. Il y a un décalage important qu’il va
falloir essayer de combler.
Et pourtant, il y aurait de réels intérêts pour GSF de se moderniser dans un premier
temps, et d’explorer ensuite les domaines de l’analytique. De par leurs 30 000
salariés sur la France, ils possèdent un terrain de « jeu » important et donc une
source de données colossale. Ils ont la chance de posséder un siège abritant les
fonctions support, peut-être faudrait-il y recréer une DRH pour prendre à bras le
corps ce type de sujet dans un objectif « Business partner », puisqu’il s’agit de leur
priorité.
Les clients sont de plus en plus en demande d’éléments concernant la qualité de vie
au travail des salariés de GSF, le taux d’absentéisme, le turnover, le management.
Développer l’analytique, c’est prendre les devants et permettre une transparence avec
ces derniers. C’est aussi gagner globalement en performance et en efficacité.
Le digital chez GSF, comment faire ?
Si la société GSF souhaitait se lancer, par quoi devrait-elle commencer à réfléchir et
que devrait-elle mettre en œuvre ?
1. Faire un état des lieux précis et mesurer la maturité numérique de l’entreprise.
2. Etablir les problématiques d’entreprise rencontrées en matière de RH et ainsi
établir les besoins (Pourquoi ?).
3. Déterminer les acteurs (Qui fait quoi ?) et le budget alloué (Pour combien ?).
4. Identifier les risques et le ROI.
5. Lancer une démarche d’appropriation et de développement du numérique
pour tous les acteurs de l’entreprise. Acculturation et conduite du changement
digital. (Quoi).
6. Déterminer sur quelles sociétés/établissements est lancée la démarche, il est
possible de choisir une société pilote (Où ?).
7. Prendre contact avec les éditeurs de solutions numériques Big Data, établir le
cahier des charges (Quoi ?) et commencer à tester ! (Quand ?).
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Conclusion
Avec la transformation digitale, nous sommes entrés dans l’ère de la 4ème révolution
industrielle, cette dernière apportant son lot de mutations sociales et
organisationnelles. Nous sommes encore bien loin de connaître l’étendue des
modifications que cela nous apportera.
Quoiqu’il en soit, le Big Data nous apporte un certain nombre d’outils utilisables en
RH tels que le recrutement prédictif ou l’analyse prédictive, qu’il va nous falloir
apprendre à maîtriser.
Le développement de l’analytique est encore assez lent et ne nous montre que peu
d’exemples. Toutefois, tout tend à démontrer que nous risquons d’en entendre de
plus en plus parler. Comme pour toute nouveauté, il y a les précurseurs et ceux qui
attendent que d’autres aient essuyé les plâtres pour se lancer. Mais à la fin du compte,
tous finissent par adopter la nouveauté, lorsque sa valeur ajoutée est démontrée. Il en
va parfois de la compétitivité de l’entreprise.
Le rapport au travail risque d’être modifié : gestion de l’humain et compréhension,
modes de travail, métiers. Nous pouvons ainsi spéculer sur les différents impacts
possibles.
Comme tout ce qui est nouveau, il y a parfois quelques craintes associées. Fondées ou
non, il est important d’en tenir compte puisque ce seront celles qui nous seront
opposées lorsque nous tenterons de proposer le changement. Nous avons aussi, je
pense, en tant que RH, une responsabilité quant à l’utilisation réfléchie et éthique des
données que nous récupérerons via les outils Big Data.
Toutefois, pour développer ces champs, il est important d’avoir créé le terrain fertile,
en rendant la culture de l’entreprise adaptée. Sans cela, il sera difficile d’en cultiver
les fruits voire même de lancer la démarche.
Pour conclure en quelques mots, soyez moteurs, expérimentez, restez en veille,
communiquez.
Allez-y, lancez-vous ! Plus sérieusement, il y a plus de risques à ne rien mettre en
œuvre qu’à lancer la machine, même doucement.
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Annexe
Future Work Skills 2020
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Glossaire
 Algorithme : Suite finie et non ambiguë d’opérations ou d'instructions
permettant de résoudre un problème ou d'obtenir un résultat.
 Acculturation : Comprend les phénomènes qui résultent d’un contact continu et
direct entre des groupes d’individus de cultures différentes et qui entraînent des
changements dans les modèles culturels originaux de l’un ou des autres groupes.
 Big Data : Combinaison d’informations structurées (bases de données), semi-
structurées (historiques, logs…) et non structurées (contenus de vidéos,
conversations téléphoniques…) afin d’en tirer des actions en temps réel.
Caractérisé par les 5V : volume, vélocité, variété, véracité et la valeur.
 Buzz : Technique marketing consistant à susciter du bouche à oreille autour d'un
événement, d'un produit ou d'une offre commerciale.
 Buzzword : Mot ou phrase très populaire pendant une période de temps.
 Cloud : De « nuage » en anglais, définit une infrastructure dans laquelle la
puissance de calcul et le stockage sont gérés par des serveurs distants auxquels les
usagers se connectent via une liaison Internet sécurisée.
 CRM : Customer Relationship Management (gestion de la relation client). Outil
marketing permettant de fidéliser le client ou attirer les prospects, par
l’amélioration du service proposé, au travers d’outils et d’analyses de données.
 ERP : Vient de « Enterprise Resource Planning ». Application dont le but est de
coordonner l'ensemble des activités d'une autour d'un même système
d'information.
 FLOPS : « Floating-point operation per second » (opérations en virgule
flottante), Unité de mesure, utilisée dans le domaine scientifique, de la vitesse
d’un système informatique.
 Geek : Technophile féru d’informatique ou personne prise par une passion (jeux
video, séries américaines, cinema japonais…).
 Logs : Fichier permettant de stocker un historique des évènements attachés à un
processus.
 Mème : Production diffusée massivement sur internet (image, texte, vidéo).
 MOOC : « Massive Open Online Course » (cours massivement ouvert en ligne).
Dispositif de formation en ligne accessible à distance.
 NTIC : Nouvelles technologies de l’information et de la communication.
 SIRH : Systèmes d’information des ressources humaines.
 ROI : « Return On Investment » (Retour sur investissement).
 RONI : « Risk Of No Investment » (Risque de non-investissement).
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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Bibliographie
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Articles
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Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
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http://www.journaldunet.com/management/ressources-humaines/1177209-
recrutement-predictif/
 BRYANT, A. (Mars 2012) . Google’s Quest to Build a Better Boss. The New York
Times.http://www.nytimes.com/2011/03/13/business/13hire.html?_r=2&pagew
anted=all
 RICHTELL, M. (Avril 2013). How Big Data Is Playing Recruiter for Specialized
Workers. New York Times.
http://www.nytimes.com/2013/04/28/technology/how-big-data-is-playing-
recruiter-for-specialized-workers.html
Etudes
 CHABRIS, C. (2010). Evidence for a Collective Intelligence Factor in the
Performance of Human Groups.
 TZRENIESWKI, K, DONNELAN, B. (2010). « Rethinking « Generation Me » : A
study of Cohorts effects from 1976-2006
 University of Phoenix Research Institute, Institute for the Future. (2011). Future
Work Skills 2020.
 EY. (2013). La révolution des métiers – Nouveaux métiers, nouvelles
compétences : quels enjeux pour l’entreprise ?
 OSBORNE, M, FREY, C (2013). The future of employment: how susceptible are
jobs to computerisation? Oxford University.
 KAMP ANDERSEN, M, SVEGAARD, S, ANKERSTJERNE, P. (2015). Linking
Customer Experience with Service Employee Engagement. ISS.
 KPMG. (2015). Evidence-based HR – The bridge between your people and
delivering business strategy.
 DELOITTE. (2015). Global Human Capital Trends 2015 – Leading in the new
world of work.
 CESI, Le Figaro, IPSOS. (2015). Résultat de la 10ème vague de l’enquête de
l’Obersvatoire Social de l’Entreprise – La transition numérique.
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise
Audrey WOZNIAK – 2015/2016
2
Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources
Humaines de l’entreprise
Résumé
Digitalisation et Big Data sont des « buzzword » et à juste titre puisqu’ils apportent
un lot de transformations et d’innovations sans précédent. Ces innovations touchent
également les services Ressources Humaines avec le développement du Big Data et de
l’analytique RH.
Je vais ainsi aborder les différents impacts que peuvent avoir la digitalisation et cette
nouvelle discipline RH, à la fois sur les Ressources Humaines en tant que personnes,
en tant que fonction et sur les métiers de façon plus globale.
Menace ou opportunité pour les Ressources Humaines ? Probablement les deux mais
dans quelle mesure ? Une opportunité de placer la fonction RH en tant qu’acteur
majeur de la stratégie de l’entreprise et la menace de l’outil s’il n’est pas maîtrisé ou
mal utilisé.
La solution pourrait-elle être de se lancer et de voir par nous-mêmes ?
Abstract
Digitalization and Big Data are buzzwords and rightly as they bring, as never seen
before, sources of transformations and innovations. Those innovations also reach
Human Resources services as the Big Data and HR analytics continue their growing.
I’m going to address the different impacts it can have on Human Resources as people,
as a function and more globally on professions.
Threat or opportunity for Human Resources? Probably both, but on which extent? An
opportunity to put HR function as a major actor of company’s strategy and the tool’s
threat if not mastered or badly used.
What if the solution would just be to go for it and find out by ourselves?
0111100011101010111011111111010101010111111111111100000000010101111010100001011101111111111111101100000000001101010101010101111111110
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Thèse professionnelle Audrey Wozniak

  • 1. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK CESI – Promotion 2015/2016 Titre I : Manager du développement des Ressources Humaines Thèse professionnelle
  • 3. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 1 Table des matières Remerciements............................................................................................................... 3 Introduction.................................................................................................................... 4 Partie 1 : Contexte et problématique.............................................................................. 5 a. L’évolution des entreprises.................................................................................. 5 b. La digitalisation et le Big Data ............................................................................8 c. Les questionnements engendrés ........................................................................13 d. Hypothèses .........................................................................................................14 e. Démarche proposée............................................................................................14 Partie 2 : Etat des connaissances et des réflexions .......................................................16 a. Le Big Data, l’état actuel des connaissances ......................................................16 b. La notion de consom’acteur ...............................................................................17 c. Analytique appliquée aux Ressources Humaines ............................................. 18 d. L’analytique RH en matière de recrutement......................................................21 e. L’analytique RH en matière de gestion des compétences ................................ 25 f. Les limites réglementaires................................................................................. 29 g. Opportunités et menaces de l’analytique RH ...................................................30 h. Des besoins en évolution................................................................................... 36 i. Une mutation des métiers .................................................................................48 j. Digitalisation, Big Data et fonction RH ............................................................ 56 Partie 3 : Résultats concrets et enquêtes......................................................................64 a. Analytique RH : résultats et état des lieux........................................................64 b. Les salariés, l’analytique RH et la digitalisation ............................................... 70 Partie 4 : Analyse critique et positionnement.............................................................. 73 a. Réponse aux questionnements.......................................................................... 73 b. Réponse à l’hypothèse ....................................................................................... 79 c. Préconisations ................................................................................................... 81 Partie 5 : Application possible en entreprise ...............................................................83 a. Organisation des RH .........................................................................................83 b. Etat des lieux .....................................................................................................84 c. Quid du digital chez GSF................................................................................... 87 Conclusion .....................................................................................................................91
  • 4. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 2 Annexe .......................................................................................................................... 92 Glossaire ....................................................................................................................... 93 Bibliographie.................................................................................................................94 Résumé .........................................................................................................................98 Abstract.........................................................................................................................98
  • 5. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 3 Remerciements Cette thèse professionnelle représente l’aboutissement de trois années d’alternance. Ce choix d’une reconversion dans les ressources humaines était une prise de risque et un pari pour l’avenir. Je souhaitais avant tout remercier toutes les personnes qui m’ont permises de progresser et d’avancer au fil de mon parcours. Thomas LE MIERE, Coordinateur QSE, pour son enthousiasme dans les divers projets et l’intérêt qu’il a su porter aux démarches que je pouvais proposer. Laurent BOITELLE, pour m’avoir fait confiance en m’intégrant deux ans de suite au sein de GSF AURIGA. Marie-Odile AGUESSE, Responsable Pédagogique CESI, pour son regard toujours très juste et avisé sur mon travail. Je souhaitais également remercier la petite équipe de la Direction Régionale, pour l’ambiance conviviale « petite entreprise » qu’ils ont su faire passer. Nicole DELAUNAY, Assistante de Direction Régionale, Pierre FRAPPIER, mon acolyte alternant en QSE, Charline LACROUTS et Olivier COURAUD, Ingénieurs R&D. Je n’oublie également pas les chefs d’établissement, les assistantes et les inspecteurs pour leurs conseils, leur écoute, leur confiance et la collaboration constructive que nous avons pu établir pendant ces deux ans chez GSF AURIGA. Enfin, je remercie Sébastien MALHEIRO, mon compagnon de vie, qui a su supporter la fatigue, le stress, les doutes. Il a été un véritable soutien du début à la fin de mon parcours et c’est ce qui m’a permis d’aller aussi loin et de tenir le cap que je m’étais fixé.
  • 6. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 4 Introduction Cette thèse professionnelle a pour vocation d’achever trois années d’alternance dans le domaine des Ressources Humaines. Aussi, lorsque la question du sujet s’est posée en début d’année, j’ai eu à cœur de choisir un thème qui me corresponde et me permette d’exprimer à la fois ma personnalité et ce que j’aime dans le métier des Ressources Humaines, qui je pense, n’a pas encore complètement terminé de développer son potentiel. Pourquoi avoir choisi le sujet de la Digitalisation et du Big Data ? Parce que je me définis moi-même comme une technophile RH. Je suis particulièrement intéressée par les nouvelles technologies et ce qu’elles peuvent nous apporter. Nous constatons un développement exponentiel des technologies, ce qui modifie profondément la société telle que nous la connaissons aujourd’hui. Historiquement, nous n’avions pas encore connu de progression aussi rapide. La digitalisation et le Big Data en sont les raisons principales. Cela fera l’objet d’une première partie. Le terme de Big Data est un « Buzzword » (mot à la mode), un concept encore un peu obscur qui pourtant risque de se transformer en incontournable. J’ai pour ambition dans cet écrit d’apporter un peu de clarté dans cette obscurité et de montrer ce que cela pourrait apporter aux ressources humaines de l’entreprise au sens large. Dans une seconde partie, je m’appuierai sur différentes études et écrits pour définir le concept et le transposer au domaine des ressources humaines. Puis, j’aborderai la place des Hommes dans cette digitalisation, afin de comprendre les enjeux de chacun et l’importance d’aborder le sujet de la bonne manière. J’évaluerai enfin les impacts sur les métiers et sur la fonction ressources humaines. Dans la troisième partie, je reviendrai sur des résultats concrets obtenus par les entreprises utilisant les technologies Big Data. Je ferai également un état des lieux sur le niveau de développement et de maturité du sujet de par les différentes études menées. Ma quatrième partie sera plus personnelle et me permettra de vous donner ma propre vision sur les différents sujets qui seront abordés dans cet écrit. Je reviendrai sur les questions posées dans l’hypothèse et répondrai à la problématique pour ensuite poser quelques préconisations. Enfin, dans une cinquième et dernière partie, je transposerai le Big Data et l’analytique RH à mon entreprise pour déterminer quels avantages cette dernière pourrait tirer à se lancer dans l’aventure.
  • 7. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 5 Partie 1 : Contexte et problématique a. L’évolution des entreprises De tout temps, l’entreprise et l’univers du travail ont su et a dû s’adapter aux évolutions industrielles, technologiques et culturelles. Les modèles économiques et d’organisation ont ainsi été régulièrement modifiés avec un impact sociétal important. Dans le monde que nous sommes en train de construire, il est fort possible que ce soit la société qui crée le nouveau modèle économique et d’organisation de demain. L’entreprise devra alors s’adapter aux hommes qui la compose. Pour comprendre la fulgurance de la révolution que nous sommes en train de vivre, je pense qu’il est important d’aborder succinctement le passé et les phases qui ont marqué l’histoire de l’entreprise. « Pour prévoir l’avenir, il faut connaître le passé, car les événements de ce monde ont en tout temps des liens aux temps qui les ont précédés. » Nicolas Machiavel. La création de l’entreprise Avant que la notion d’entreprise apparaisse, telle que nous la définissons dans sa version moderne, nous étions sur un système marchand dirigé par des entrepreneurs. De ces entrepreneurs est né le principe du capitalisme et de la notion de capitaliste : « Quelqu’un qui investit du capital pour le profit, principalement quelqu’un dont le principal revenu vient du profit ». 1A cette époque, les innovations étaient alors mal perçues et peu développées puisque risquées. Nous étions plus dans une logique d’épargnant plutôt que d’investisseur, puisque l’investissement constitue un risque qu’il était alors difficile de prendre. Les investisseurs dépensaient leurs capitaux propres avec le risque de tout perdre. Pour limiter ce risque, les banques sont apparues et ont été développées en réponse à un besoin créé par l’essor du commerce. C’est au XVème siècle que ce mot apparait dans la langue française, puisque c’est à cette période que le système bancaire se développe en proposant de nouveaux services. Cette évolution a permis à l’activité commerciale de poursuivre son essor en Europe. De cet essor du commerce et de l’augmentation de l’offre et de la demande (économie de marché) sont nées les premières « corporations ». Il s’agit véritablement du premier concept d’entreprise tel qu’on l’entend aujourd’hui. La corporation (terme 1 Economix – M. Goodwin – 2012 – Edition Les Arènes
  • 8. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 6 surtout usité dans les pays anglophones), est une entité considérée comme une personne morale et ayant pour possibilité d’emprunter, employer des salariés, conclure des contrats, payer des impôts. C’est une société à responsabilité limitée, constituée d’actionnaires n’engageant que leurs propres investissements. Les révolutions industrielles Ces entreprises, ont connu divers bouleversements, nommés « révolutions industrielles ». Je souhaite commencer cette partie par cet extrait du Manifeste du parti communiste, de Karl Marx, qui au-delà de son aspect très orienté (lutte des classes, bourgeoisie contre prolétariat), montre les limites sur l’aspect humain de l’industrialisation. « La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, c'est-à-dire l'ensemble des rapports sociaux. […] Le développement du machinisme et la division du travail, en faisant perdre au travail de l'ouvrier tout caractère d'autonomie, lui ont fait perdre tout attrait. Le producteur devient un simple accessoire de la machine, on n'exige de lui que l'opération la plus simple, la plus monotone, la plus vite apprise. […] Plus le travail devient répugnant, plus les salaires baissent. Bien plus, la somme de labeur s'accroît avec le développement du machinisme et de la division du travail, soit par l'augmentation des heures ouvrables, soit par l'augmentation du travail exigé dans un temps donné, l'accélération du mouvement des machines, etc. ».2 Karl Marx. La révolution industrielle se caractérise par une période ayant démarré selon les pays entre le XVIIème et XVIIIème siècle avec le développement des machines, accélérée par la thermodynamique, autrement dit, l’apparition des machines à vapeur. Celle-ci a été suivie par la seconde révolution industrielle générée par le développement de la mécanique et de la chimie grâce à l’électricité et au pétrole. Ces révolutions ont modifié considérablement le rapport au travail, la société et a marqué de façon significative le passage d’une société agricole à une société industrielle. L’entreprise ne doit alors plus seulement générer du profit mais être compétitive et diminuer ses coûts de production. Cela donne naissance à des nouvelles formes de travail et à de nouveaux schémas de pensée tels que le socialisme et le communisme : « il faut partager les richesses ». Les deux mouvements sont idéologiquement similaires à cette époque et font le constat des problèmes engendrés par cette révolution industrielle : il y a besoin de moins d’ouvriers pour réaliser la même tâche et ces derniers produisent plus. Il n’y a plus assez de travail pour tout le monde et c’est d’ailleurs au XIXème siècle que naîtra la notion de « chômage ». 2 Manifeste du parti communiste, 1847 – Karl Marx
  • 9. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 7 De nouvelles organisations dites « scientifiques » du travail naissent, dont le Taylorisme induit par Frederic Winslow Taylor (1880). Son principe repose sur deux dimensions :  La dimension verticale : Il y a deux catégories de travailleurs, les « cols blancs » qui sont les ingénieurs en charge de réfléchir au fonctionnement du travail et les « cols bleus » qui l’exécutent selon les instructions qui leur sont communiquées.  La dimension horizontale : Il s’agit d’optimiser le processus de production en le découpant selon une suite de tâches simples et efficaces. Cette efficacité est mesurée par des ingénieurs, qui ont pour rôle de mesurer le temps nécessaire pour chaque action, éliminer le superflu, rechercher les meilleurs outils et méthodes de fabrication. Des évolutions de ce mode de fonctionnement ont ensuite vu le jour, notamment le Fordisme du nom d’Henri Ford. La Ford T en est l’emblème, puisqu’il s’agit du premier produit créé sur ce principe. Ce modèle a été créé en 1908 et a été largement déployé lors de la 1ère et 2nde guerre mondiale. Au-delà des deux dimensions présentées précédemment, le Fordisme repose sur le concept que les gains de productivité doivent être en partie redistribués aux travailleurs, pour augmenter leur pouvoir d’achat et soutenir la productivité. En effet, si les travailleurs gagnent suffisamment leur vie, ils peuvent acheter une voiture et participer au développement de l’entreprise. Le but était également de proposer aux salariés une rémunération incitative, pour éviter leurs départs, les conditions de « travail à la chaîne » étant particulièrement éprouvantes à cette époque. L’entreprise moderne Ces modèles, ont dû s’adapter et évoluer pour faire face à la concurrence, à l’évolution de la société, des technologies mais aussi à leurs propres limites. Aujourd’hui, au niveau industriel, nous sommes sur des logiques de Lean Management et de 5S. Ce sont également des évolutions de la façon de penser le travail et d’organiser la production. Le principe reposant sur l’amélioration de la qualité de la production et de l’efficience. C’est d’ailleurs Toyota, et donc l’industrie automobile, qui est à nouveau à l’origine de ces théories. Notre société actuelle est par ailleurs marquée par l’évolution exponentielle des technologies sur les 60 dernières années, à commencer par la création de l’ordinateur qui à son commencement pesait 50 tonnes, occupait la taille d’une pièce entière et ne pouvait réaliser que quelques centaines d’opérations à la seconde (100 FLOPS3). Là où aujourd’hui des micro-processeurs de quelques grammes et de la taille d’un ongle 3 FLOPS : floating-point operation per second (opérations en virgule flottante) – Unité de mesure, utilisée dans le domaine scientifique, de la vitesse d’un système informatique.
  • 10. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 8 peuvent obtenir des résultats qui dépassent les 100 millions d’opérations à la seconde (1 Giga FLOPS). Sans parler des supers calculateurs qui dépassent très largement les 30 billiards (33.3 Péta FLOPS) d’opérations à la seconde. L’informatique, les progrès en matière d’électronique et de miniaturisation des composants ont apporté une révolution culturelle mais également économique, relayés par l’apparition d’internet, des téléphones mobiles, des réseaux sociaux et maintenant des objets connectés. Le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication a marqué ce qui est maintenant désigné comme la 3ème révolution industrielle. Ces technologies ont apporté de nouveaux besoins et ont créé de nouveaux métiers. Cela a notamment permis de développer les sociétés de services qui ont pris leur essor dans les domaines de l’informatique (ESN : entreprise de service du numérique, anciennement appelées SSII : société de service en ingénierie informatique) ou du conseil aux entreprises. Ces sociétés « vendent des compétences » selon les besoins réels des organisations. Les entreprises ont aujourd’hui besoin de stocker leurs données, externalisent parfois certaines de leurs activités (paie, comptabilité, informatique…) et se dotent d’experts externes à l’entreprise. Ces dernières peuvent ainsi également se recentrer sur leur cœur de métier. La notion de « réseau » au sens large prend ici tout son sens. La citation qui illustre le mieux, selon moi, l’émergence et l’importance qu’ont pris les données dans la société actuelle est celle de Peter Sondegaarde, Senior Vice President de Gartner Research : « L’information [la donnée] est le pétrole du 21ème siècle et l’analytique en est le moteur à combustion ». Cette citation réalise également un parallèle intéressant avec le pétrole, source de la 2nd révolution industrielle. Nous sommes aujourd’hui dans l’ère du numérique, de la digitalisation et au cœur de la 4ème révolution industrielle. Cela risque de bousculer encore davantage le fonctionnement des entreprises tel qu’on le connait aujourd’hui. De quoi parle-ton quand on évoque la digitalisation ? Qu’est-ce qui en découle et quelles évolutions cela peut engendrer pour l’entreprise ? Par ailleurs, cette révolution numérique ne fait pas que bousculer le monde du travail mais fait également évoluer les mentalités et les comportements. La façon de voir, penser et vivre le travail change également. b. La digitalisation et le Big Data Le Big Data, de quoi s’agit-il et quels sont les impacts ou les conséquences de cette digitalisation sur l’entreprise ? Dans cette partie, je vais m’atteler à définir ce qu’est la digitalisation et le Big Data pour en déduire l’utilisation qui peut en être faite en entreprise.
  • 11. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 9 Qu’est-ce que la digitalisation ? Tout d’abord, il me semble important de définir ce que l’on entend par « digitalisation ». Selon le dictionnaire Larousse, la digitalisation est « synonyme de numérisation » soit de « l’action de numériser » c’est-à-dire « convertir une information analogique en information numérique ». Cette définition est, selon moi, bien loin de refléter ce qu’est réellement la digitalisation. Il s’agit certes du principe de conversion de l’information en numérique. Toutefois, ce terme est plutôt aujourd’hui utilisé pour définir un concept. Il existe bien de ce fait une différence entre la numérisation et la digitalisation. Digitalisation, vient du terme anglais « Digitalization » qui vient lui-même de « Digitizing », qui est le procédé de conversion dans un format digital. « Digitalization » est défini dans le Business Dictionnary comme étant l’intégration de la technologie digitale dans la vie de tous les jours par la numérisation de tout ce qui peut être numérisé. Il s’agit à mon sens d’une définition qui est plus représentative de l’utilisation actuelle de ce concept, le mot « intégration » y étant particulièrement important. Le phénomène Big Data L’émergence des NTIC et le développement du numérique ont créé le besoin de stocker et traiter l’ensemble des données générées par ces outils. Le volume que représentent ces données connaît une croissance exponentielle. Selon IBM, qui est actuellement un acteur majeur sur le sujet : « nous générons [chaque jour] 2,5 trillions d’octets de données. A tel point que 90% des données dans le monde ont été créées au cours des deux dernières années seulement. »4. Big Data, de quoi parlons-nous ? La notion de « Big Data » peut être traduite de l’anglais par « Mégadonnées ». Cette expression serait apparue pour la première fois en 1997 pour définir les grands ensembles de données5. 4 Citation issue de la définition du Big Data proposée par IBM. 5 PRESS, G. (Mai 2013). « A Very Short History Of Big Data », Forbes.
  • 12. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 10 Figure 1 : 6 Traduction : Big Data décrit la croissance et la disponibilité exponentielle des données, à la fois structurées et non structurées. Ces données proviennent de partout : capteurs de climat, messages sur les médias sociaux, données digitales, enregistrement des transactions d’achats/ventes, signaux GPS des téléphones et autres. Cependant, le Big Data, ne se définit pas par la capacité de stocker ou d’analyser un grand volume de données. Ce qui le définit réellement, c’est le traitement de ce volume de données. Le Big Data, c’est la combinaison d’informations structurées (bases de données), semi-structurées (historiques, logs…) et non structurées (contenus de vidéos, conversations téléphoniques…) afin d’en tirer des actions en temps réel. Cela va au- delà, de l’analyse simple de données puisque le Big Data les corrèle entre elles. Le Big Data est caractérisé par les 3V : volume, vélocité, variété. Ces 3V sont à présent complétés par la véracité et la valeur. On parle de plus en plus, chez la plupart des acteurs du Big Data, des 5V. Que met-on derrière ce concept ? Je vous propose de donner succinctement la signification de ces éléments. 6 Source : http://fr.slideshare.net/SumanSaurabh9/big-data-analytics-with-apache-hadoop
  • 13. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 11 Figure 2 : 7 Les 5V du Big Data : Volume, vélocité, variété, véracité, valeur  Volume : Volume de données généré au travers de la datatification (transformation des données informatisées en source de valeur) ou digitalisation de l’information.  Vélocité : Vitesse à laquelle la donnée est générée et analysée.  Variété : Utilisation de différent type et formes de données (structurée, semi- structurée, non structurée).  Véracité : Niveau de qualité, de précision et d’incertitude de la donnée et de ses sources.  Valeur : Potentiel socio-économique de développement du Big Data. Le Big Data en entreprise Les notions de performance, d’agilité et d’innovation sont devenues d’une grande importance au sein des entreprises. C’est ce qui leur permet de rester compétitives et de s’adapter au marché. Le Big Data pourrait être l’outil idéal pour répondre à ces besoins. En effet, il ouvre le champ des possibles pour l’entreprise sur différents aspects notamment au travers d’outils permettant de réaliser des analyses prédictives. Ces derniers, pouvant utiliser à la fois les données accessibles dans l’entreprise, mais aussi celles disponibles en externe. 7 Source : http://www.patrickcheesman.com/how-big-data-can-transform-your-understanding-of- your-customers/
  • 14. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 12 L’utilisation de ces outils, peut permettre à l’entreprise des gains en performance et/ou en efficacité dans de nombreux domaines tels que le marketing, la production, la gestion des risques, les ressources humaines. En marketing, vous entendrez d’ailleurs souvent parler de CRM8 ou GRC (Customer Relationship Management/Gestion de la Relation Client), qui est une solution Big Data permettant de mieux appréhender les besoins des clients, pour leur offrir un meilleur service et les fidéliser. C’est d’ailleurs souvent d’abord par le biais de la relation client et de l’amélioration de cette dernière que les outils Big Data se font une place en entreprise, puisque cela représente un gain en performance presque visible et immédiat. Néanmoins, l’exploitation du Big Data en entreprise nécessite des ressources : 1. Les données, quelque soit la source interne ou externe à l’entreprise, 2. La compétence pour extraire de la valeur, 3. Une méthode de gestion des idées créatives pour le transformer en produits ou en services. 9 Ce qui veut dire que cela nécessite également des compétences en interne pour créer les données ou les exploiter. Le Big Data peut ainsi être amené à modifier la structure des emplois au sein des entreprises en créant de nouveaux besoins et en supprimant d’autres. Le Big Data et l’analytique RH La gestion des ressources humaines de l’entreprise fait partie des domaines pour lesquels le Big Data peut avoir un impact et pourrait permettre aux services RH de renforcer leur position de partenaire stratégique de l’entreprise, en participant activement et de manière visible à la performance de cette dernière. C’est ce que l’on appelle l’analytique RH. L’analytique RH, est un terme générique que je vais utiliser pour désigner l’application des Big Data dans le domaine des Ressources Humaines. C’est un terme qui selon les disciplines dans lequel l’analytique intervient, peut être remplacé par exemple par « Recrutement prédictif », « Business Intelligence », ou encore « People analytics », je reviendrai plus précisément sur la définition de ces points, leurs descriptions et sur l’application que l’on peut en faire dans les Ressources Humaines dans la seconde partie. 8 CRM : Customer Relationship Management (gestion de la relation client). Il s’agit d’un outil marketing permettant de fidéliser le client ou attirer les prospects, par l’amélioration du service proposé, au travers d’outils et d’analyses de données 9 La révolution Big Data – J.-C Cointot, Y. Eychenne – Editions Dunod
  • 15. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 13 Le Big Data, la digitalisation et donc l’analytique RH s’appliquent, dans le domaine des Ressources Humaines, à un grand nombre de sujets : la formation, le télétravail et les différents modèles d’organisation, les SIRH (systèmes d’information des ressources humaines), le recrutement, la gestion des compétences, la gestion de la marque employeur… Et pourrait bien apporter une révolution dans notre gestion des ressources humaines. Afin de ne pas trop élargir le champ de recherche sur ce domaine, je vous propose de nous concentrer essentiellement sur ce que peut apporter l’analytique RH sur la partie recrutement et gestion des compétences et de se questionner également sur l’impact que cela peut avoir sur les « ressources humaines » de l’entreprise. Au sens des Hommes mais également de la fonction. c. Les questionnements engendrés Devant cette digitalisation exponentielle et le développement du Big Data, beaucoup de questions émergent, notamment sur l’avenir du travail, sur l’entreprise de demain, sur les différents comportements que cela crée ou modifie. Toutefois, qu’en est-il de la ressource humaine en entreprise au sens littéral du terme ? Où en est-on aujourd’hui sur le sujet du Big Data et de l’analytique RH ? Et en particulier dans les domaines du recrutement et de la gestion des compétences ? De cette question, d’autres interrogations surviennent. Les emplois seront amenés à évoluer en entreprise mais aussi à se conformer aux besoins générés par ces technologies, il faudra de ce fait gérer les compétences en fonction de ces derniers. Que faire des salariés qui ne sont pas en mesure de suivre ces évolutions et qui resteront à la marge ? Les technologies évoluent et la société suit le mouvement, s’adapte. Les écarts générationnels, de par les transformations fulgurantes connues ces dernières années, se creusent davantage. Comment éviter de créer un fossé générationnel ? Devant l’automatisation de plus en plus sophistiquée grâce à l’analytique et au Big Data de nos outils de travail, ne risque-t-on pas de voir se développer des métiers à faible valeur ajoutée ? L’analytique RH appliquée aux recrutements et à la gestion des compétences, va permettre d’identifier des profils types pouvant réussir et s’intégrer efficacement dans l’entreprise. Les carrières seront peut-être potentiellement déjà toutes tracées avant même qu’un salarié ait franchi la porte de l’entreprise.
  • 16. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 14 Y aura-t-il toujours une place pour le libre arbitre ? Se dirige-t-on vers une harmonisation en mode « copier (ou couper)/coller » des profils selon la typologie du poste à pourvoir ? Au risque de lever une armée de clones. Ceci dit, n’est-ce pas déjà le cas ? Tous ces questionnements peuvent se résumer à cette problématique : Digitalisation et Big Data – Opportunité ou menace pour les Ressources Humaines de l’entreprise ? d. Hypothèses La réponse à cette question doit être selon moi la suivante : « les deux mon capitaine ! ». Cela ne peut pas être que tout l’un ou que tout l’autre. Comme toute situation de mutation ou de changement en entreprise, il est nécessaire de prendre conscience des enjeux, des menaces et des opportunités. Cela peut devenir une menace à part entière si l’entreprise ne prend pas soin d’anticiper et de mettre en adéquation les compétences de ses ressources aux nouveaux besoins. Non seulement les collaborateurs ne seront plus à même de mettre à profit leurs compétences au sein de leur entreprise mais ils ne le seront plus non plus pour d’autres (perte d’employabilité). L’entreprise va aussi devoir s’adapter aux besoins et au mode de fonctionnement de ses collaborateurs. Certaines entreprises risquent de devenir inadaptées pour les nouvelles générations (et non pas l’inverse). Je suis convaincue que le schéma doit s’inverser et que c’est aux entreprises de devenir attractives, de modifier leur mode d’organisation. Cela peut toutefois également être une opportunité pour les collaborateurs de réellement progresser dans l’entreprise, d’évoluer et de gagner de nouvelles compétences, d’améliorer leur performance. Le Big Data et l’analytique RH permettant d’analyser les attentes des salariés, les entreprises pourront tenter de les rendre plus « engagés », comprendre leur motivation profonde et ainsi améliorer le bien-être au travail. e. Démarche proposée Pour répondre à ces questions et vérifier mon hypothèse, je vais exposer ce qui existe en la matière, du point de vue des recherches existantes. Les possibilités et les résultats promis.
  • 17. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 15 Il me semble également important d’aborder l’état de la société moderne et les différences générationnelles dans la mesure où cela peut générer certaines problématiques liées à l’émergence du numérique. Ensuite, je vous exposerai les études menées sur les projections du travail de demain en termes de compétences et de métiers. J’en viendrai, par ce biais à aborder le futur de la fonction RH. De cet état des lieux des recherches sur ces sujets, je vous proposerai des exemples d’entreprise ayant lancé des démarches de recrutement prédictifs et d’analytique RH. Je vous proposerai également les résultats des études sur les comportements des entreprises sur le sujet dans l’état actuel des connaissances. Je répondrai ensuite aux questions posées dans ma problématique et vous exposerai mon avis sur le sujet et reviendrai sur l’hypothèse de départ. Enfin et avant de conclure je vous exposerai une application possible de ces sujets dans mon entreprise.
  • 18. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 16 Partie 2 : Etat des connaissances et des réflexions a. Le Big Data, l’état actuel des connaissances Il est difficile d’établir l’état des connaissances réelles aujourd’hui sur le sujet, puisque les évolutions sur ces domaines sont tellement rapides que je serai probablement déjà bien loin du compte à l’heure où mon écrit sera lu. Il existe toutefois un panel d’ouvrages et d’articles relativement large autour du « Big Data ». Je note toutefois que la plupart de ces contenus ont été créés à partir de 2012, avec une nette accélération depuis 2014/2015. En 2013, Kenneth Cukier éditait « Big Data: A Revolution That Will Transform How We Live, Work and Think » (Big Data : Une révolution qui va transformer comment nous vivons, travaillons et pensons) dans lequel il présente les enjeux que représentent cette technologie, cité comme référence sur le sujet. En 2014, on parle de « Révolution Big Data : Les données au cœur de la transformation de l’entreprise » dans le livre de Jean-Charles Cointot et Yves Eychenne dans lequel ils définissent le Big Data, pourquoi le maîtriser et comment. Aujourd’hui, et en l’espace d’à peine 3 ans depuis le premier ouvrage de référence sur le sujet où le Big Data été désigné comme une révolution au futur, nous sommes déjà dans ce futur qui révolutionne comment nous vivons, travaillons et pensons, que l’on en soit conscient ou non. Le fait est que le Big Data est partout, lorsque nous utilisons une application sur notre smartphone, effectuons une recherche sur internet, réalisons une connexion sur les réseaux sociaux, utilisons notre carte de fidélité au supermarché, ou encore notre bracelet connecté. Les données que nous émettons sont analysées, corrélées et notamment utilisées à des fins marketings. Google est un des pionniers de ces exploitations de données et l’une de ses « expérimentations » a été de tenter de prédire les épidémies par ce biais, ce qui montre que l’utilisation est possible pour de vastes sujets. Toutefois, ces outils d’analyse ne sont pas toujours complètement fiables. En 2008, Google estimait pouvoir prévoir les épidémies de grippe grâce à leur outil « Google flu trends » (tendances de la grippe) et, signe qu’à cette époque la technologie n’était pas infaillible, ils ont avoué s’être trompés et avoir surestimé de 50% les données réellement observées par le centre américain de contrôle et de prévention de la maladie10. Ils ont depuis corrigé leur algorithme11 en améliorant/ajoutant des corrélations. 10 De Matharel, L. (Mars 2014). Quand les Big Data de Google se trompent pour prédire l’épidémie de grippe, L’Usine Digitale.
  • 19. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 17 L’analytique, via les Big Data, nécessite de ce fait des algorithmes adaptés, des données d’entrée fiables (et bien choisies), afin de produire la bonne donnée de sortie. b. La notion de consom’acteur Les technologies digitales et le Big Data ont aussi révolutionné la société et notre mode de vie au quotidien. Nous étions des consommateurs, nous sommes devenus des consom’acteurs. Il me semble important de détailler ce concept, puisqu’il correspond au mode de fonctionnement de la société, et donc des individus, d’aujourd’hui. Définition du consom’acteur Consom’acteur est un « Mot-valise » constitué à partir des mots « consommateur » et « acteur » pour désigner un consommateur qui n’accepte plus passivement les biens et les services qu’on lui propose»12. Le consom’acteur est par définition connecté. Il s’agit d’un concept étroitement lié à celui du développement durable, puisque le consom’acteur se responsabilise sur ses achats et en déduit des choix comme par exemple manger bio, des produits frais, privilégier le commerce équitable ou les produis français. Ce que cela change Bien que cela soit une notion marketing, cela change notre façon d’agir et de réagir au quotidien. Nous consommons de la donnée, elle est à portée de nos mains ou de nos smartphones. Nous n’hésitons plus à partager nos avis, à lire ceux des autres et à se renseigner sur les produits. Cette définition est transférable dans d’autres domaines que ceux liés à la consommation pure, on peut assez facilement faire le parallèle avec le recrutement et l’image des entreprises via notamment des sites comme Glassdoor ou Linkedin. Il y est très facile de donner son avis sur son employeur, ouvertement et anonymement. Les marques et les entreprises ont un nouveau défi : la maîtrise de leur image. 11 Algorithme = Suite finie et non ambiguë d’opérations ou d'instructions permettant de résoudre un problème ou d'obtenir un résultat - Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Algorithme 12Source :http://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Consommacteur-ou-consom-acteur-- 241053.htm
  • 20. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 18 c. Analytique appliquée aux Ressources Humaines Comme précisé dans la première partie, j’ai choisi de centrer mes recherches sur l’analytique RH appliquée aux domaines du recrutement et de la gestion des compétences. Domaines qui influent directement sur les ressources humaines de l’entreprise, au sens des Hommes. Définition de l’analytique RH Selon la définition de Techopedia13, l’analytique RH est un champ d’action de l’analytique qui permet d’appliquer ces méthodes aux processus RH de l’organisation avec pour but d’améliorer la performance des salariés et obtenir un meilleur retour sur investissement (ROI). L’analytique RH ne se limite pas à la collecte des données de productivité ou d’efficacité des salariés. Le but recherché est d’apporter un aperçu de chaque processus en récupérant les données et en les utilisant pour prendre des décisions pertinentes sur la façon de les améliorer. Figure 3 : 14 Domaines d’application de l’analytique RH (administration du personnel, absences, paie, recrutement, turnover, performance, formation, plan de succession) « People analytics » (analytique des personnes) est parfois préféré à Analytique RH (HR analytics), particulièrement dans les écrits anglo-américains il s’agit toutefois bien du même sujet. 13 https://www.techopedia.com/definition/28334/human-resources-analytics-hr-analytics 14 Source : http://www.intellika.in/blogs/post/making-your-hr-analytics-enabled-from-data-enabled
  • 21. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 19 Tendances en termes d’utilisation L’analytique RH est une tendance qui tend à se développer. Selon une étude de Deloitte15, le pourcentage d’entreprise pensant être entièrement capable de développer des modèles d’analyse prédictive en matière de RH a doublé cette année, de 4% en 2015 à 8% en 2016. En 2015, seulement 24% des entreprises se sentaient prêtes ou quasiment prêtes pour l’analytique, cette année ce chiffre a augmenté d’un tiers pour atteindre les 32%. Figure 4 : 16 Proportion de répondants jugeant la tendance d’utilisation de l’analytique RH comme importante à très importante. On peut noter sur cette infographie, que la France se place parmi les pays considérant le moins l’analytique RH comme étant une tendance importante ou très importante pour leur organisation. Je vais vous partager la vision de Josh Bersin, consultant et fondateur de Bersin by Deloitte, sur l’état d’avancement de l’analytique RH. Il illustre très bien, il me semble, plusieurs aspects importants sur ce sujet. 15 Deloitte. (2015). Global Human Capital Trends 2015 – Leading in the new world of work 16 Source : http://www2.deloitte.com/us/en/pages/human-capital/articles/introduction-human- capital-trends.html
  • 22. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 20 Il s’agit d’une science qui n’en est qu’à son commencement, qui présente un gros potentiel mais que l’on doit maîtriser sur différents aspects. Selon Josh Bersin17, « un nombre grandissant d’organisations reconnaissent l’importance de mettre en place l’analytique RH et de déterminer quels problèmes cela peut aider à résoudre. Bien que nous en sommes encore qu’au commencement, il s’agit d’une discipline en plein essor ». Il définit ainsi une analyse en 10 points qui fait état de l’avancement des réflexions sur le sujet : 1. L’analytique RH répond à un besoin plus important que l’on ne pense. Plus de 85% des dirigeants sont confrontés à des problématiques de management, de compétences, d’engagement et de marque employeur. Les entreprises ont besoin de les comprendre et de récupérer de la donnée pour déterminer ce qui crée ces problématiques, ce à quoi l’analytique RH peut apporter une solution. 2. L’analytique RH va se développer de façon exponentielle. Pour le moment il s’agit d’un domaine peu mature et peu développé mais son utilisation tend à s’accélérer. Ce développement devrait rapidement doubler pour devenir d’ici 10 ans un mode de fonctionnement standard des RH. 3. La plupart des entreprises ne savent pas encore vraiment ce dont il s’agit. Puisque c’est assez nouveau, la plupart des représentants RH sont encore assez perdus sur le sujet et n’ont pas encore conscience des possibilités que ça peut leur offrir. 4. La gestion des données est le plus grand obstacle des entreprises. 80% des entreprises rencontrent des problèmes de reporting et d’intégration des données. Certaines données RH ne sont pas fiables car incorrectes, passées de date ou localisées à différents endroits ce qui rend leur exploitation plus difficile. Ce qui nécessite de travailler sur ce point avant de passer à l’étape supérieure. 5. Créer des modèles (algorithmes prédictifs) est intéressant, mais l’essentiel est de les implémenter. L’analytique propose des recommandations ou des modèles à appliquer mais la difficulté majeure repose sur l’implémentation des changements recommandés. Ce qui peut en l’occurrence demander des changements des pratiques managériales (modifications sur le recrutement, la rémunération…). 17 Bersin, J. (Décembre 2015). 10 Things We Know About People Analytics. The Wall Street Journal
  • 23. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 21 6. Les outils et plateformes existent mais le marché n’est pas encore très développé. Puisqu’il s’agit d’un marché émergent, de nouveaux outils sont créés pour analyser les données. Tous les créateurs majeurs d’ERP investissent dans l’analytique RH et des dizaines de petites entreprises se penchent sur le sujet. L’offre n’est pas encore très importante mais cela tend à évoluer rapidement. 7. Les Geeks vont diriger le monde mais ils ne peuvent pas le faire seuls. Nous avons besoin de statisticiens et d’analystes de données pour créer et analyser les modèles. Toutefois, l’analytique RH est multidisciplinaire. En plus de l’aspect technique, cela nécessite des experts en développement organisationnel, en processus, des psychologues en industrie et organisation, des designers… 8. De nouvelles données à gérer et de nouvelles méthodes pour les analyser. Analyser exclusivement les bulletins de paie, les systèmes de management RH, les données sur le temps de travail et l’assiduité, ne sera bientôt plus suffisant. Nous allons devoir nous habituer à utiliser de nouvelles données, comme par exemple les données sociométriques. 9. Sécurité et anonymat seront une priorité. Les RH vont devoir accorder une importance particulière à la sécurité des données, au respect de la vie privée et à la protection de l’identité des individus. En effet, des failles de sécurité peuvent se produire, les employés et les services juridiques seront très attentifs à la façon dont les RH vont collecter et analyser la donnée. 10. Nous sommes tous en phase d’apprentissage et cet apprentissage doit être commun. Afin que l’analytique RH passe de la phase « passe- temps » à la phase « échelle industrielle », il est nécessaire que les entreprises communiquent sur ce qu’elles en apprennent. Ce n’est pas les résultats qui rendent les entreprises qui pratiquent l’analytique RH uniques, ce sont ce qu’elles en font. d. L’analytique RH en matière de recrutement Comme nous l’avons vu précédemment, l’analytique RH peut analyser un panel très large et transversal de données et peut ainsi permettre d’apporter un autre regard sur différents domaines des ressources humaines. Quels sont les apports possibles en matière de recrutement et de gestion des compétences ? L’analytique RH sera peut-être en mesure de suivre et influencer le début de la vie d’un salarié en entreprise (recrutement), son évolution (gestion des carrières, développement des compétences), jusqu’à sa sortie.
  • 24. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 22 Concrètement, que permet actuellement de faire l’analytique RH en la matière ? Le recrutement L’analytique RH appliquée au recrutement permet aujourd’hui de définir, de par l’analyse de données internes et externes à l’entreprise les besoins (ressources) et les meilleurs candidats. C’est ce que l’on appelle le recrutement prédictif. Pour reprendre la définition du « Blog du modérateur » : « Le recrutement prédictif c’est la capacité à identifier des variables qualitatives ou quantitatives qui permettent une projection et une extrapolation sur un résultat attendu. ». Ce que l’on cherche à déterminer de par cet outil est la réponse à un certain nombre de questions que l’on peut se poser lorsque l’on réalise un recrutement et lorsque l’on cherche à établir le profil du candidat idéal. Un article du journal l’Express titrait en juillet 2015 « Big Data : serez-vous bientôt recruté par des algorithmes ?18 » en s’interrogeant sur la capacité des machines à pouvoir « mieux recruter » que les recruteurs eux-mêmes. En effet, lorsque nous recrutons, même si nous essayons de nous convaincre que nous nous basons sur des données objectives, dans les faits nous faisons souvent appel à notre intuition. Cette intuition, exclusivement subjective, peut nous amener à prendre la mauvaise décision. Or, les algorithmes utilisent quant à eux des critères objectifs issus d’un croisement de données. Des études menées par la Harvard Business Review19 ont d’ailleurs démontré qu’une simple équation, en matière de recrutement, obtient en moyenne une performance supérieure de 25% à une décision humaine. Figure 5 : Les barres ci-dessus montrent le pourcentage de salariés recrutés jugés au-dessus de la moyenne (sur 3 mesures différentes) recrutés par un système analytique (barres en pointillés) contre un recrutement mené par un jugement humain (barres pleines). Les chiffres montrent les probabilités d’obtenir de meilleurs résultats. 18Eychenne, A. (Juillet 2015). Big Data : Serez-vous bientôt recruté par des algorithmes, L’Express. 19 Kuncel, N, Ones , D, Klieger D. (Mai 2014). In Hiring, Algorithms Beat Instinct, Harvard Business Review.
  • 25. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 23 Sur ces faits, le recrutement prédictif vise à répondre plus efficacement aux besoins suivants :  Identifier rapidement les profils adaptés (performants dans la structure),  Recruter les meilleurs candidats,  Pérenniser les talents,  Limiter les erreurs de recrutements, ce qui coûte cher à l’entreprise. Selon AssessFirst20, solution spécialisée dans le recrutement prédictif : « Le recrutement prédictif permet de sélectionner des personnes qui ont des probabilités particulièrement élevées d’être performantes et de démontrer un haut niveau d’engagement vis-à-vis de leur entreprise ». Le but étant pour toute entreprise de recruter le candidat idéal : Figure 6 : En abscisse la longévité du candidat en entreprise et en ordonnée la performance du candidat. Comment le recrutement prédictif fonctionne-t-il ? Les modèles de recrutement prédictifs corrèlent différentes données dans l’entreprise telles que les entretiens d’évaluation, l’historique professionnelle des salariés de l’entreprise (diplômes, anciens employeurs), la personnalité, la localisation. Ces dernières permettent de croiser le modèle obtenu aux profils des candidats potentiels et de réaliser une présélection selon ces critères. 20 AssessFirst est une société spécialisée et leader des solutions de recrutement prédictif.
  • 26. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 24 Les 3 étapes suivies par AssessFirst : Quels sont les résultats promis ? Les avis, concernant l’efficacité de ces méthodes, est contrasté entre les éditeurs de ces solutions innovantes, les cabinets d’audit et la recherche sur le sujet. Selon David BERNARD, CEO d’AssessFirst les résultats obtenus par ces méthodes sont les suivants :  Diminution moyenne des délais liés à la présélection de l'ordre de 50 à 75%.  Diminution du nombre de candidats vus en entretien de 30 à 50%.  Augmentation de la performance des nouveaux recrutés de 15% en moyenne (en comparaison avec les personnes recrutées au travers de processus de recrutement classiques).  Diminution du turnover à 1 an pouvant aller jusqu'à -50%.  Diminution moyenne des coûts liés au recrutement de 20% La Harvard Business Review, qui est un magazine de référence sur le monde de l’entreprise et le management fait part d’une amélioration des performances de 25%. Toutefois pour Cade Massey21, professeur de la Wharton School’s Operation ayant mené un groupe de recherche sur l’analytique RH, « la promesse n’est pas encore tenue ». Selon lui, il s’agit d’un outil très prometteur mais pas encore suffisamment 21 Massey, C. (Avril 2015). Can People Analytics Help Firms Manage People Better?, Wharton People Analytics Conference 2015. Figure 7 : Modèle de recrutement prédictif d'AssessFirst
  • 27. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 25 efficace. Il est plus intéressant aujourd’hui de s’y intéresser pour le potentiel que cela peut avoir que pour les résultats que cela apporte réellement. Le recrutement prédictif permet ainsi d’analyser les profils des candidats et sélectionner ceux qui répondent le mieux au poste proposé en entreprise. L’entreprise est ensuite libre de choisir un des candidats présélectionnés par l’outil ou non. e. L’analytique RH en matière de gestion des compétences Lorsque ces salariés sont recrutés et intégrés dans l’entreprise, il faut ensuite suivre leur carrière, répondre à leur besoin d’évolution, faire évoluer leurs compétences avec celles attendues par l’entreprise au fil changements organisationnels nécessaires pour cette dernière. Là encore, l’analytique RH peut y apporter son support. La « Business Intelligence » L’analytique RH est encore peu appliquée dans le domaine de la gestion des compétences, il est de ce fait assez difficile de trouver de la documentation sur le sujet. Force est de constater que nous en sommes encore à un état embryonnaire. Toutefois, des études, dont celle du cabinet KPMG, que je développerai dans le prochain chapitre, montrent que la réflexion est réelle et que de plus en plus d’entreprises souhaitent sauter le pas et commencer à initier ce type de démarche. Comme l’indique Cade Massey, l’analytique qui jusqu’alors était réservée aux domaines technologiques, financiers ou marketing, est en plein essor dans les Ressources Humaines et dispose d’un potentiel énorme. La raison étant que cela peut permettre d’apporter une réelle valeur ajoutée à la fonction Ressources Humaines de l’entreprise en la plaçant en acteur de la performance de l’organisation. En effet, l’analytique RH permet de croiser les données financières avec les données RH dans le but de définir une stratégie RH en accord avec les enjeux business de l’entreprise. C’est d’ailleurs pourquoi l’analytique RH dans ce domaine est aussi appelée « Business Intelligence ». On peut également la retrouver sous le terme de « People Analytics » notamment lorsque l’on en vient plus précisément à la gestion des compétences. Le fait est que l’on ne peut pas considérer l’analytique RH comme une gestion des compétences seule, ce qui serait trop réducteur. Dans le domaine des Ressources Humaines cela permet de réaliser des simulations et des prédictions sur les évolutions d’effectifs, le turnover de l’entreprise, l’état des compétences, la masse salariale et l’influence de la rémunération comme facteur de
  • 28. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 26 motivation ou encore sur l’engagement et la fidélisation des salariés. Cela permet aussi de pouvoir simuler et observer l’impact de certaines décisions afin de choisir les meilleures et orienter sa stratégie RH. Croiser les données, analyser le passé ainsi que le présent pour prédire le futur et agir sur les écarts, cela vous rappelle quelque chose ? Cette analyse de données en temps réel a également cette faculté de répondre au besoin d’agilité des entreprises. L’automatisation des reporting de données qu’apportent ces solutions, représente également un gain de temps considérable permettant de réaliser d’autres tâches à plus forte valeur ajoutée, à condition que les données d’entrée saisies soient fiables. Figure 8 : Ce qu'est l'analytique RH - Utilisation des données RH, Business et externes pour permettre aux managers de prendre de meilleures décisions L’une des valeurs principales reconnue est l’utilisation de l’analytique pour la connaissance des collaborateurs et leur fidélisation. Pour réaliser ces analyses, un ensemble de données non structurées sont utilisées, comme par exemple les évaluations, entretiens professionnels, enquêtes de satisfactions, demandes de formation, souhaits d’évolution, comptes rendus de réunions. Selon Amélie Albin, consultante RH chez SAS, « les Big Data et l’analytique aident à mieux connaitre les employés et à mieux les servir, en les considérant comme de véritables clients et en offrant une meilleure écoute (grâce au temps gagné par l’automatisation des process et à une vue centralisée, agrégée, nettoyée des données employés). C’est un véritable ERM (Employee Relationship Management, c’est-à-dire
  • 29. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 27 un « CRM Employés ») qui est mis en place afin d’offrir une vision à 360° des employés. […] Le suivi du plan de carrière des employés entre directement dans l’analyse de satisfaction qui contribue elle-même au programme de fidélisation employés. »22 Exemples d’utilisation Afin de mieux pouvoir visualiser la façon dont ce concept peut être appliqué en entreprise, voici un exemple de tableau de bord de « People Analytics » : Sur le tableau de bord ci-dessus, on dispose d’un visuel très simple pour identifier les profils à risques. Comme on peut le constater, ce tableau regroupe un certain nombre de données telles que l’ancienneté, le coût de remplacement, la performance et permet ainsi de définir le risque selon les critères qui ont été établis lors de la création de l’algorithme. Cela peut être l’une des utilisations du Big Data et de l’analytique RH dans la gestion des compétences en interne. Cela peut également permettre de réaliser des plans d’évolution pour les salariés, déterminer à quel moment ils seront au meilleur de leur performance et à quel moment il faudra songer à les changer de poste, selon différents critères (âge, 22 Albin, A. (Juillet 2015). RH et analytique : tour d’horizon, BusinessAnalyticsInfo.fr. Figure 9 : Ce type de tableau de bord permet notamment de prendre conscience des forces et faiblesses de l’organisation en matière de fidélisation, gestion des « top performers ».
  • 30. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 28 génération, niveau de diplôme…). Ce qui peut permettre de commencer à les former sur l’évolution choisie par eux ou pour eux. Gestion des équipes et mesure de la performance Une étude analytique réalisée par Christopher Chabris23, a permis de mettre en évidence les éléments clés de la constitution d’une équipe performante. Sur un panel d’individus, il est assez facile de penser qu’en regroupant les meilleurs ensembles ils seront plus performants que les autres. Or, ce n’est pas toujours le cas et il est nécessaire de prendre en compte davantage de critères, autres que la performance individuelle, lors de la constitution d’un groupe. En réalité, il s’agit plutôt de tabler sur l’intelligence collective. En effet, selon l’activité de l’entreprise ou son secteur, une équipe performante peut avoir besoin de mettre en relation des profils similaires ou alors complètements différents. De la même façon, la personnalité des membres qui constituent l’équipe est également importante pour créer une synergie. Trouver la bonne proportion d’extravertis, d’introvertis et faire travailler ensemble des profils compatibles. On peut imaginer que l’analytique puisse aider les entreprises à constituer leurs groupes de travail sur la base de ces critères et ainsi améliorer la performance globale d’une équipe. L’analytique peut donc également se baser sur des études psychologiques. Lorsque l’on parle de performance, il y a un parallèle assez simple à réaliser avec le sport. Il est intéressant de noter que les études analytiques sont déjà utilisées pour le sport de haut niveau pour améliorer la performance globale des athlètes. On peut imaginer une utilisation de ce type d’outils beaucoup plus vaste, comme pour déterminer le cycle de rotation de poste idéal des salariés sur les machines afin d’éviter les TMS (troubles musculo squelettiques) en fonction de leur ancienneté, de leur âge ou d’autres critères liées aux conditions de travail (températures, vibrations…). Pour certains sujets, l’utilisation de ce type d’outils implique toutefois un changement de culture d’entreprise et d’organisation. Pour donner un exemple encore un peu plus concret de la façon dont l’analytique RH peut être utilisée, je vais reprendre l’exemple de l’absentéisme décrit par François Geuze24. Comme l’indique ce dernier : « Il n’est pas rare de travailler avec plus d’une vingtaine de variables liées aux caractéristiques des individus et des organisations, et 23 Etude menée en 2010 “Evidence for a Collective Intelligence Factor in the Performance of Human Groups”. Christopher Chabris est chercheur en psychologie et co-directeur d’un programme de neurosciences. 24 Geuze, F. (Novembre 2015). La fonction RH est-elle moutonnière ?,Parlons RH.
  • 31. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 29 les plus significatives ne sont pas toujours celles qu’on croit. ». Sur le sujet de l’absentéisme, il sera possible de croiser différentes données qui actuellement sont utilisées indépendamment les unes des autres. En entreprise, nous suivons les arrêts de travail, les absences diverses et nous définissons un taux d’absentéisme. Le taux d’absentéisme est alors utilisé comme indicateur, sujet à interprétation, pouvant parfois laisser transparaître par exemple une possible dégradation du climat social. Et s’il était possible d’expliquer ce qui a un réel impact sur l’absentéisme et de mettre en place des plans d’actions permettant de directement agir sur son l’amélioration ? Selon François Geuze : « On pourra travailler avec l’ensemble des arrêts de travail à l’intérieur d’une organisation en tenant compte, pour chacun d’eux, d’un ensemble de variables liées aux contextes professionnels et personnels (métier, poste, rythmes de travail, temps de trajet, subrogation, âge, nombre d’enfants, etc.). En analysant en profondeur ces données, il sera alors possible d’identifier les variables qui ont un impact sur la survenance de l’événement « est absent » et celles qui n’en ont pas. ». Cela laisse entrevoir un potentiel certain. f. Les limites réglementaires La collecte et le traitement des données par informatique sont réglementés par la Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL). L’analytique RH entre directement dans les domaines sur lesquels elle se penche. Pour le moment, ce sont toujours les articles de la Loi du 6 janvier 1978 qui sont applicables. Le recrutement est par ailleurs déjà relativement encadré et oblige les entreprises à une collecte des données « pertinentes » excluant les éléments relatifs à la vie privée du candidat tels que sa situation familiale, ses origines, son état de santé ou encore son poids. Selon la recommandation de la CNIL, le candidat doit par ailleurs être informé des « méthodes et techniques d’aide au recrutement utilisées à son égard »25. Le candidat possède par ailleurs un droit d’accès aux méthodes d’aide au recrutement utilisées pour sélectionner ou non sa candidature. La CNIL pourrait très bien à termes, limiter le type de données utilisables et/ou obliger les entreprises à communiquer les algorithmes utilisés afin d’apporter davantage de transparence aux candidats. 25 Source : https://www.cnil.fr/fr/les-operations-de-recrutement
  • 32. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 30 En ce qui concerne le traitement des données des salariés dans le cadre de l’analytique, les instances représentatives du personnel doivent être informées des modalités de sa mise en œuvre. Les salariés possèdent, de la même façon, un droit de regard sur les éléments les concernant. Comme le précise la CNIL : « Les valeurs de classement annuel ou de potentiel de carrière sont communicables lorsqu’elles ont servi à prendre une décision. L’employeur n’est pas tenu de les communiquer lorsqu’elles sont encore prévisionnelles. ». Il reste maintenant à savoir si, au regard du développement de l’analytique RH dans les entreprises, la CNIL décidera ou non d’ajouter des dispositions réglementaires correspondantes. g. Opportunités et menaces de l’analytique RH Dans cette partie, je vais aborder les différents points de vue recensés à propos du recrutement prédictif et de l’analytique RH, des craintes que cela peut générer et des quelques réponses apportées à celles-ci. Un recrutement plus spécialisé ou la disparition des recruteurs L’arrivée du recrutement prédictif, qui n’en est encore qu’à son commencement mais dont l’efficacité commence à faire ses preuves, risque de bouleverser le recrutement tel qu’on l’entend aujourd’hui. La valeur ajoutée du recruteur est d’être en capacité de dénicher la perle rare, le futur salarié qui sera engagé de façon pérenne dans l’entreprise, le fameux « mouton à cinq pattes ». Pour cela, il réceptionne et analyse les CV, présélectionne les candidats, évalue leur potentiel ainsi que leur personnalité au travers d’entretiens et, comme je l’ai évoqué précédemment, se base sur son intuition. Or, si le recrutement prédictif réalise toutes ces étapes, quel est le futur du recruteur ? S’agit-il d’une menace pour le métier ou d’une opportunité de le transformer ? Les différents propos recueillis sur le sujet restent assez optimistes. Il n’existe pas réellement de positions estimant que le métier de recruteur est voué à disparaître au profit du recrutement prédictif. Toutefois, toutes les sources sont d’accord pour dire que le métier est amené à évoluer et de façon positive. En effet, même si un outil est capable d’analyser plus vite les besoins et d’obtenir plus facilement des résultats satisfaisants, l’analyse prédictive des recrutements reste un outil au service des recruteurs. Ils restent en capacité de prendre la décision finale et au-delà de ça, il ne s’agit pas de leur seul rôle. Réduire le recrutement à une analyse de profils serait réducteur dans la mesure où l’on a affaire à des êtres humains et qu’un recrutement réussi ne joue pas que sur ces aspects.
  • 33. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 31 Comme le précise David Bernard : « A chaque fois qu'il s'agit de prendre une décision complexe impliquant des aspects émotionnels ou des rapports d'influence, l'être humain surpasse la machine, et de loin »26. Le recrutement c’est aussi attirer un candidat et lui donner envie d’accepter le poste qu’on lui propose, négocier et créer un véritable échange avec le candidat, ce que la machine n’est pas (encore ?) en mesure de faire. Selon David Bernard, le recruteur va ainsi pouvoir davantage se concentrer sur la relation avec le candidat plutôt que sur des tâches qui auparavant étaient chronophages pour lui. L’enjeu étant de s’approprier l’outil et de « prendre le train en marche ». Profils atypiques, discriminations ou égalité des chances Au-delà du recruteur, la variable la plus importante dans un recrutement est le candidat lui-même. Le fait d’avoir recours à des outils utilisant des modèles pour analyser les candidatures et en faire ressortir les meilleurs profils, peut amener des craintes sur différents aspects. On peut penser que ce type de méthode de recrutement peut jouer en la défaveur des candidats « qui ne rentrent pas dans les cases », la menace étant accentuer les discriminations à l’embauche. Il y a peut-être cependant une opportunité de créer de la diversité et de recruter des profils que l’on n’aurait pas envisagés en premier lieu. Selon François GEUZE, le risque d’accentuer les discriminations est bien présent, « […] nombre de candidats rejetés pourraient légitimement arguer du fait qu’ils ont été exclus du processus de recrutement sur la base de considérations non directement liées aux compétences et aptitudes nécessaires à la tenue du poste proposé ». Ces candidats pourraient mettre en avant l’article 3 de la loi du 6 janvier 1978 demandant à l’employeur de communiquer les raisonnements utilisés pour sélectionner les candidats, y compris dans le cadre de sélections automatisées. Pour Jean Pralong, responsable de la Chaire nouvelles carrières de Neoma Business School, la menace du recrutement prédictif réside également dans le fait « d’écarter les profils atypiques, les râleurs, les pinailleurs, les individualistes ou encore les rebelles. », alors que ces derniers peuvent être indispensables à l’entreprise. Toutefois, pour David Bernard27, qui certes prêche pour sa propre paroisse, laisse entrevoir d’autres possibilités. Selon lui, le recrutement prédictif permettrait aux profils manquant de qualifications, d’expérience ou encore les populations souvent victimes de discriminations à l’embauche sur l’origine, l’âge, le sexe d’être recrutés. L’argument retenu étant que cette nouvelle manière de recruter permettrait de se 26 Bernard, D. (Décembre 2015). Recrutement prédictif : avons-nous encore besoin des recruteurs ?, LinkedIn. 27 Bernard, D. (Mars 2016). Le recrutement prédictif, une arme contre la discrimination à l'emploi, La tribune.
  • 34. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 32 focaliser sur des critères objectifs, retenus comme facteurs de performance. Il ne s’agit plus de recruter sur un nombre d’années d’expérience dans le métier ou sur un parcours « grandes écoles » validé avec succès mais sur des critères liés à la personnalité du candidat. « Dans plus de 80 % des cas, ces critères [d’expérience et de formation] n'ont qu'un impact limité sur les probabilités de réussite dans le poste. Désormais, c'est sur leurs aptitudes, leurs motivations réelles et leur personnalité que les candidats sont sélectionnés. La personnalité, rien qu'à elle seule, explique en effet près de 25 % des différences entre les plus et les moins performants dans certaines fonctions. » Toutefois pour contrebalancer cette affirmation, Laurent Hyzy, fondateur du cabinet de recrutement Alterconsult déclare28 : « Ces logiciels [de recrutement prédictif] ne peuvent pas détecter la motivation, le savoir-être, ni les accidents de vie d’un candidat ». Ce qu’un humain peut a priori faire. Qui a raison et qui a tort ? Quoiqu’il en soit, ce qui est certain c’est que cela donne une ouverture potentielle sur des profils atypiques. On ne cherche plus un parcours type mais un « potentiel ». Figure 10 : 29 Illustration d’Etienne Issartial – Une nouvelle vision du sourcing 28 Auteur inconnu. (Mai 2016). Le recrutement prédictif, RH&COMM’ENDER. 29 Source : http://rmsnews.com/recrutement-du-papier-au-robot/
  • 35. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 33 L’attaque des clones Si le Big Data et le recrutement prédictif présentent l’opportunité de définir et recruter les profils idéaux pour l’entreprise, n’y a-t-il pas une menace sous-jacente d’une uniformisation du recrutement vers une fabrique de clones, tous voués à atteindre le même but ? C’est ce que pense François GEUZE, consultant en RH30, « la généralisation de ce type de recrutement amène mécaniquement à une standardisation des profils recrutés. Exit la diversité, la complémentarité et toutes choses qui font qu’une équipe gagne par la cohérence de son collectif, et pas nécessairement avec une somme d’individualités performantes. Certes, cette standardisation sera moins visible que le recrutement massif de « jeunes » sortant tous de la même école, ou d’hommes de 35 à 45 ans. Elle n’en portera pas moins les gènes de l’appauvrissement du collectif. » Cette vision du clonage est plus modérée dans les propos de Nicolas Galita, Expert en sourcing et recrutement chez Link Humans31. Il admet que le recrutement prédictif risque de créer des clones tout en pointant du doigt que c’est déjà ce que les recruteurs font aujourd’hui avec les techniques de recrutement traditionnelles. Et il est vrai que lorsque l’on étudie les annonces de recrutement, il n’est pas rare de voir pour certains postes un schéma qui semble préétabli : années d’expériences requises dans un secteur donné, formation dans une grande école de renom. « En utilisant cette démarche [de recrutement prédictif], Google a découvert que le niveau de performance de ses recrues n’était que très peu corrélé avec le niveau de leur université. Et c’est en ce sens que le recrutement prédictif vous prévient du clonage. Il clone, certes. Mais probablement moins qu’un humain moyen et sur la base de critères bien plus objectifs. » Une déshumanisation annoncée Si des algorithmes peuvent déterminer pour nous notre parcours professionnel idéal et déterminer à l’avance notre progression, notre libre arbitre n’est-il pas menacé ? Si ces mêmes algorithmes déterminent les facteurs de performance et d’engagement, nous établissent en tant que potentiel, est-ce que cela ne peut pas être générateur de stress et de pression supplémentaire ? Cela fait semble-t-il peu parti des débats menés sur le sujet de l’analytique à l’heure actuelle. La préoccupation majeure, semble toutefois de dire que la menace principale générée par ces outils, est la déshumanisation de la gestion des ressources humaines en entreprise. 30 Geuze, F. (Octobre 2014).Vous avez dit recrutement prédictif ? Parlons RH. 31 Galita, N. (Novembre 2014). AssessFirst présente : Le recrutement prédictif, rmsnews.
  • 36. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 34 C’est ce que pointe Christopher Mims, journaliste du Wall Street Journal32. Selon lui, le capital humain de l’entreprise pourrait devenir une simple donnée pouvant être surveillée, analysée et corrigée en temps réel. Les humains s’avérant des êtres aux comportements tout à fait prévisibles. Il imagine, dans sa vision, un directeur exécutif, qui, au lieu de consulter les membres de son équipe, consulte les tableaux de bord digitaux à sa disposition pour connaître tout ce qu’il a besoin de savoir. Sur ce tableau de bord, il peut ainsi voir apparaître en rouge tout ce qui nécessite une action concrète, du niveau d’engagement de ses salariés à la gestion de ses effectifs. L’auteur de cet article admet lui-même que cette une vision semble quelque peu farfelue, toutefois cette dernière reflète selon lui les services analytiques proposés par un nombre grandissant d’entreprises. D’un autre côté, le Big Data et l’analytique RH peuvent donner la possibilité aux salariés de développer leur potentiel, d’obtenir plus d’engagement, ce qui semble plutôt positif. Il s’agit peut-être même d’une opportunité de travailler sur les champs du bien-être au travail, sur les parcours professionnels (le potentiel réel), sur les mécanismes de la performance. Ce qui pourra peut-être amener des conclusions différentes et modifier la façon d’appréhender le travail au sens global du terme. Selon les travaux de Sandy Pentland, Directeur des recherches au MIT Human Dynamics Laboratory33, le Big Data pourrait au contraire humaniser l’industrie. En effet, le Taylorisme et les autres systèmes similaires ont toujours essayé de transformer l’être humain en machine en tentant de le rendre de plus en plus productif, en optimisant ses moindres gestes. Mais les êtres humains ne sont pas des machines et ne sont pas faits pour ce type d’organisation du travail. L’analytique pourrait permettre de trouver quels sont les véritables clés de la performance, de pouvoir le prouver par des données concrètes et ainsi rendre la vie au travail des salariés plus agréable. Big Data = Big Brother Big Brother34, celui qui voit tout et qui sait tout de vous. C’est l’expression souvent utilisée pour désigner l’atteinte aux libertés individuelles. Doit-on craindre que l’analytique RH devienne le Big Brother de l’entreprise ? Récupérer des données sur les salariés peut porter atteinte à leur vie privée, nous avons vu que dans ce domaine, la CNIL apportait un cadre réglementaire. Toutefois, peut-on craindre que l’entreprise, avec l’utilisation de ces technologies, franchisse la limite vie privée/vie professionnelle ? 32 Mims, C (Février 2016). In ‘People Analytics,’ You’re Not a Human, You’re a Data Point, The Wall Street Journal. 33Pentland, S. (Mai 2016). MIT’s Sandy Pentland: Big Data Can Be a Profoundly Humanizing Force in Industry, SingularityHub. 34 Expression signifiant « grand frère » tirée du roman « 1984 » de George Orwell.
  • 37. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 35 David Bernard s’est en tout cas posé la question35 et part du principe que nos vies sont déjà entièrement diffusées sur internet (photos, centre d’intérêts, amis…). Ces éléments sont accessibles dans le cadre de recrutements. Il pose ainsi l’interrogation suivante : « lorsque l’on recrute, est-il envisageable/raisonnable/éthique d’accéder aux données publiques d’un profil Facebook un peu open, de checker les tweets d’un candidat, de trainer sur l'Instagram de la future stagiaire ». Selon ses propos, il faut cesser de se voiler la face, c’est ce que font les recruteurs parce que c’est dans la nature humaine de vouloir se rassurer. Le problème dans tout ça étant le « poids » accordé aux éléments récupérés sur la toile et de l’influence que cela peut produire dans la prise de décision. L’humain se laisse influencer par ce qu’il voit, contrairement à la machine (l’algorithme) qui est capable de rester objective. Les algorithmes seraient donc meilleurs juges que nous le sommes quand il s’agit de faire la part des choses ? Préféreriez-vous recruter un candidat/accorder une promotion au salarié qui a l’air raisonnable et sérieux sur son profil facebook, ou celui qui fait la bringue, déguisé en Bob l’Eponge ? L’exploitation des données par les entreprises, est à mon sens, au-delà même des préoccupations réglementaires, une question d’éthique. Il s’agit pour l’entreprise de savoir fixer les limites. Sans maîtrise, la puissance n’est rien Le Big Data et l’analytique RH sont des outils. Comme tous les outils, ils doivent être maîtrisés afin de pouvoir en tirer leurs potentiels. Ils présentent certes l’opportunité d’apporter des réponses concrètes via l’analyse et le croisement des données. Cependant, la plus grande menace réside dans l’absence de maîtrise des outils exploités. Comme l’indique Jan Begine, sociologue,36 notre compréhension du Big Data repose sur la qualité et la véracité des données sous-jacentes. Une mauvaise qualité des données d’entrée conduit à de mauvaises décisions. Par ailleurs, dans leur article de la Harvard Business Review37, Jon Kleinberg, Michael Luca et Sendhil Mullainathan mettent en garde contre les risques associés à l’usage d’algorithmes. Les algorithmes réalisent sans aucuns problèmes les actions qu’ils leur sont commandées, ils ne commettent pas d’erreur. Là où l’erreur peut se produire c’est dans l’interprétation des réponses qu’ils peuvent nous apporter. 35Bernard, D. (Juin 2016). RH vs machine : Et l’humain dans tout ça ? FocusRH. 36 Begine, J. (Août 2012). Is decision-making based on pure data dehumanizing? Quora. 37 Kleinberg, J, Luca, M, Mullainathan, S. (Aout-Septembre 2016). Les algorithmes ont eux aussi besoin de managers, Harvard Business Review (Edition papier).
  • 38. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 36 Je vais reprendre leur exemple, qui est je pense assez parlant : « Dans […] « Iron Man », Tony Stark (alias Iron Man) crée Ultron, un système de défense doté d’intelligence artificielle chargé de protéger la Terre. Mais Ultron interprète cette mission de façon littérale, en concluant que la meilleure façon de sauver la planète est de détruire tous les humains. ». Les algorithmes ne « raisonnent » pas de la même façon qu’un être humain et exécutent littéralement les consignes. Ce qui veut dire qu’il est nécessaire de pouvoir « penser comme un algorithme » et de comprendre leurs rouages pour les paramétrer au mieux. Il est par ailleurs nécessaire de prendre du recul sur les prédictions émises, puisqu’elles peuvent être incomplètes. Comme ils le précisent également : « Un algorithme peut vous dire quels sont les employés les plus susceptibles de réussir, sans identifier les compétences qui sont les plus importantes pour parvenir à réussir ». h. Des besoins en évolution Comme nous l’avons vu précédemment, l’analytique RH apporte une avancée technologique importante dans les outils de gestion des ressources humaines. Mais est-ce que cela peut permettre d’apporter une réponse aux besoins des candidats à l’emploi ou des salariés de l’entreprise ? Pour répondre à cette question, il me semble nécessaire d’analyser l’évolution des besoins en prenant en compte les différents aspects générationnels. Nous parlons beaucoup de la génération Y, succédant à la génération X, et maintenant de la génération Z. Que met-on derrière tout ça ? Je pense également qu’il faut aborder cette question de façon plus large, puisqu’il s’agit d’une transformation numérique. Quels sont leurs besoins et quels sont les éléments à prendre en compte pour une transition numérique réussie ? N’y-a-t-il par ailleurs pas un risque vis-à-vis des générations précédentes, moins habituées à l’usage du numérique dans leur quotidien ? Contexte Nous rencontrons aujourd’hui en entreprise trois types de génération : les seniors, la génération X et la génération Y. Ces dernières ont été influencées par des contextes de vie différents et n’ont pas évolué avec les mêmes contraintes, risques et vision du monde. Ces différences créent parfois des incompréhensions intergénérationnelles qui elles-mêmes génèrent des stéréotypes que vous avez vous-même probablement déjà entendu : « Les jeunes ne veulent pas travailler, ils sont fainéants », « les vieux ne sont plus dans le coup, ils sont incapables de s’adapter aux changements » et le fameux « c’était mieux avant ! ».
  • 39. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 37 En tant que RH, nous devons comprendre ces comportements et réactions notamment lorsque l’on s’apprête à réaliser des changements relatifs au numérique, pour mieux faire face aux résistances. Pour définir plus précisément les différentes caractéristiques des générations suivantes, je vais reprendre les travaux d’Elisabeth Lahouze-Humbert38, et donc sa vision, croisée avec les différentes définitions disponibles. Description de la génération « Baby-boomers » Font partie de la génération Baby-Boomers (aussi nommé « Papy-boomers »), les individus nés après la seconde guerre mondiale entre 1945 et 1959. Ce qui correspond aux personnes âgées de plus 57 ans en 2016. Ils représenteraient environ 34% de la population active en France. La dénomination souvent utilisée est également celle de « seniors », elle est reprise dans le monde de l’entreprise pour tous les salariés de l’âge de 45 ans et plus. Influence de l’histoire Les parents de Baby-boomers ont connu la seconde guerre mondiale, leur enfance a eu lieu pendant une période de reconstruction marquée par les 30 glorieuses (expression créée en 1979 par Jean Fourastié et s’étendant entre 1946 et 1975). Leur arrivée sur le marché du travail a été facilitée par le plein emploi et par un contexte de forte croissance industrielle. Cette génération a également été marquée par mai 68, qui est encore aujourd’hui le mouvement social le plus important de l’histoire de France. Avec une vision de l’avenir très « peace and love », libérée et une volonté de réformer le monde, « Soyez réaliste, demandez l’impossible » (slogan d’une affiche de mai 68). Comportement en société Ils sont plutôt de nature traditionnelle et conservatrice. Ils recherchent avant tout à réussir leur vie professionnelle et s’en donnent les moyens, au dépend parfois de leur vie de famille (divorces). Ils cherchent à se valoriser socialement : belle maison, belle voiture et sont influencés par le culte de l’image. Ils veulent avoir l’air plus jeune (génération botox et lifting). 38 Lahouze-Humbert, E (2014). Le choc générationnel. Maxima.
  • 40. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 38 Comportement en entreprise La génération des Baby-Boomers respecte l’autorité et la hiérarchie, est fidèle à leur entreprise et souhaite être reconnue pour le travail accompli. Ils sont considérés comme des drogués du boulot. Leur plan de carrière est pensé dans la même entreprise tout au long de leur vie. Les profils de seniors ayant réalisé 40 ans de carrière au même endroit ne sont pas rares. Le travail en équipe n’est pas forcément habituel pour eux et se limite à un fonctionnement très pyramidal. Description de la génération X Font partie de la génération X les individus nés entre 1960 et 1979. Cette génération représente environ 35% de la population active. Nommée à l’origine « Baby Bust » (chute de natalité) pour caractériser l’effondrement des naissances faisant directement suite au Baby-boom, le terme génération X, a été utilisé pour la première fois dans la fin des années 1970 par le groupe « Generation X » (punk rock) mais c’est Douglas Coupland qui le rendra populaire39. Elle est qualifiée en 1991 par William Strauss et Neil Howe, de « 13ème génération », puisqu’il s’agissait pour les États-Unis de la 13ème génération depuis le drapeau américain. Elle est parfois affublée de qualificatifs pas toujours très positifs tels que génération « martyre », « sandwich », « tampon » expliqués par leur position entre deux générations, confrontés aux difficultés professionnelles et à la précarité. Influence de l’histoire La génération X a vécu la catastrophe de Tchernobyl (1986), la chute du mur de Berlin (1989) ainsi que de nombreux problèmes économiques dont la récession des années 1980 ayant conduit à des crises de l’emploi et à des plans sociaux massifs. Leur jeunesse est aussi marquée par des mouvements anarchistes (« no future »40) et l’émergence de groupes grunge/pop rock (Nirvana, Pearl Jam ou les Smashing Pumpkins). Il s’agit d’une jeunesse qui, globalement, croit peu en l’avenir. 39 Grace à son livre « Generation X : Tales for an accelerated culture » (Génération X : contes pour une culture accélérée) 40 « No future » était le slogan des mouvements punk et anarchistes.
  • 41. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 39 Comportement en société Cette génération commence à remettre en question la vision « métro boulot dodo » de ses propres parents ainsi que leurs valeurs et vit davantage ancrée dans le présent. Ils recherchent l’équilibre entre leur vie au travail et leur vie de famille. Ils tardent à se lancer dans la vie active et le chômage les oblige parfois à retourner chez leurs parents tardivement. Eux-mêmes accueillent leurs parents chez eux ainsi que leurs enfants toujours à charge. Comportement en entreprise L’entrée dans la vie professionnelle est marquée par la difficulté à trouver des emplois stables. La pérennité des postes occupés est mise en doute. Cette génération cherche également les résultats et souhaite réduire la hiérarchie pour moins de validations intermédiaires. Ils sont partisans de la communication, du travail en équipe et souhaitent humaniser l’entreprise. Ils apprécient les directives claires et pouvoir gérer leurs tâches en toute autonomie. Chez leur manager, ils recherchent la transparence, la compétence et la fiabilité. Description de la génération Y Font partie de la génération Y les individus nés entre 1980 et 1999. Elle comptait en 2014 selon les chiffres de l’INSEE, 13 millions de personnes soit 21% de la population. En 2015, 50% des actifs faisaient partie de cette génération. Le terme de génération Y est expliqué de différentes raisons. Pour certains le Y fait référence au dessin tracé par les écouteurs, pour d’autres il s’agit simplement de la suite logique, dans l’alphabet, à la génération X. La dernière théorie étant que Y se prononce « why » (pourquoi) en anglais, ce qui révèle de la volonté de cette génération à comprendre le pourquoi des choses. On retrouve également le terme « d’enfants du millénaire », créé par les sociologues William Strauss et Neil Howe en 198741. Le Time Magazine a également titré l’un de ses articles désignant la génération Y de la façon suivante : « Enfants du millénaire : la génération Moi Moi Moi»42. Parmi les autres termes existants pour les désigner, on retrouve « génération pourquoi », « digital natives » (nés dans le digital), « écho boomers » (enfants des baby-boomers), « generation we » (génération « nous ») ou même encore 41 Utilisé en 1987 et mis en lumière en 2000 dans leur livre nommé «Millenials Rising : The Next Great Generation» (Enfants du millénaire : la prochaine grande génération) 42 Source : http://time.com/247/millennials-the-me-me-me-generation/
  • 42. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 40 « génération Peter Pan ». Ces noms sont issus de plusieurs constations : les enfants issus de cette génération ont grandi avec l’évolution des technologies et ils rencontrent parfois des difficultés à quitter le nid familial pour se lancer dans la vie active. Influence de l’histoire La génération Y a connu la démocratisation d’internet, la numérisation avec l’apparition des MP3 et de l’ipod. Elle n’a pas vécu de guerre à proprement parler mais a constaté une augmentation notable de la violence. A l’école dans un premier temps : racket, drogues, puis dans le monde avec la fusillade de Columbine (1999), les attentats à la bombe et le 11 septembre 2001 (attaque des tours jumelles du World Trade Center), ayant marqué le début d’une période sombre pour le terrorisme et les conflits au Moyen-Orient. Ces événements créent de l’insécurité et pousse cette génération à vivre de façon hédoniste. Comportement en société La génération Y cherche à comprendre, apprendre et se perfectionner. Elle est en quête de développement personnel. De nature tolérante, elle n’apprécie pas les contraintes que peuvent leur imposer certains règlements. Nous sommes ici dans la culture de l’immédiateté, portée par le développement des technologies informatiques et des réseaux sociaux. La communication par « chat » interposés est démocratisée. Si je vous parle de « Caramail »43, cela donnera peut- être des souvenir à certains d’entre vous. Le web est devenu la source d’information principale. L’information se consomme rapidement, on peut la survoler. Elle est facile d’accès et compréhensible sans pour autant être doté d’une forte culture générale. La consommation de la culture s’effectue d’ailleurs via le téléchargement (audio, vidéo, e-books…) en « P2P » (pour « Peer to Peer », système de partage entre les différents utilisateurs). KaZaA, Emule ou Napster44, ça vous dit quelque chose ? On voit également apparaître l’écriture SMS qui devient pour certains une norme d’écriture, pour le meilleur et surtout pour le pire. Faisant moi-même partie de cette génération, je fais partie de la résistance anti-sms et n’adhère donc pas tout à fait à cette remarque. 43 Service de chat français en ligne ayant fait sa première apparition en 1997 44 Logiciels de P2P permettant le téléchargement de données.
  • 43. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 41 Comportement en entreprise La génération Y sait qu’elle ne passera pas sa vie entière dans la même entreprise et apprécie le changement, ce qui fait qu’ils sont parfois qualifiés de « zappeurs ». Le travail ne passe pas toujours en premier plan, c’est une génération en recherche d’une certaine flexibilité et d’un équilibre entre vie professionnelle/vie personnelle. Les Y ne sont pas forcément respectueux de la hiérarchie et peuvent facilement la transgresser s’ils pensent qu’il y a un moyen plus court pour atteindre ses objectifs. Ils respectent par contre les compétences et l’expertise de leurs pairs. Ils recherchent un milieu professionnel stimulant, permettant la collaboration et le travail d’équipe. Ils ont besoin de bénéficier des technologies sur leur lieu de travail ou de pouvoir travailler à distance. Ils aiment également recevoir des retours sur leur travail, connaître quels sont leurs objectifs. Pour respecter leur manager, ce dernier doit être compétent, formateur et conciliant. Description de la génération Z Font partie de la génération Z les individus nés après les années 2000 (ou après 1995 selon la source), soit au XXIème siècle. Le terme de génération Z fait suite logique aux X et Y. On lui trouve différents surnoms tels que génération C pour (connectés, communication, créativité…), mais aussi « nouvelle génération silencieuse ». Génération silencieuse ayant été le nom donné à la génération pré-baby-boomers, qui avait été décrite comme plutôt fataliste, s’attendant au pire tout en gardant une certaine forme d’espoir. Il est encore tôt pour établir un profil type de cette génération. Toutefois, certaines tendances peuvent se dégager au regard que ce que nous pouvons constater jusqu’à maintenant de leur comportement. Influence de l’histoire Cette génération est marquée par les catastrophes naturelles et écologiques, comme celle de Fukushima (2011). Elle est également touchée par une montée du radicalisme religieux et la multiplication des attentats en France et en Europe (Charlie Hebdo en janvier 2015, puis le 13 novembre). Les nouvelles technologies ? Elles ne sont absolument pas nouvelles pour eux, ils sont nés dedans et cela fait partie intégrante de leur quotidien.
  • 44. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 42 Ces dernières permettent notamment un accès facilité aux informations ce qui permet l’apparition de nouveaux mouvements dénonciateurs tels que WikiLeaks, Anonymous ou encore L214. Comportement en société Tout est disponible immédiatement, l’information est plus « fiable » en ligne. Ils « googlisent »45 tout et ne savent plus forcément où trouver les informations par d’autres voies. Ils communiquent via Skype, utilisent Snapchat (application permettant d’envoyer des photos de manière éphémère, ces dernières disparaissant après visionnage ou après 24h) ou encore Periscope (application permettant de retransmettre en direct ce que l’on est en train de filmer). La notion de vie privée est assez ténue, puisque tout peut se retrouver en peu de temps sur internet. Comportement en entreprise La génération Z pense pouvoir devenir son propre patron ou pouvoir travailler de chez eux pour rester « libres ». Pour autant, ils peuvent sentir le besoin d’être encadrés dans une relation de confiance et d’écoute. Ils ne sont pas contre les règles tant qu’elles sont respectées par tous et surtout par leur manager. Ils sont de nature curieuse mais peuvent rencontrer des difficultés de concentration dues à un besoin de changer rapidement d’activité. Ce qui pourrait leur causer des problèmes pour suivre des longues tâches ou approfondir leurs raisonnements. La notion de « collectif » est forte pour cette génération qui souhaitera travailler en mode coopération et collaboration. Ils souhaiteront pouvoir bénéficier de mobilité professionnelle et géographiques, y compris à l’international. Pour eux, il y a une certaine acceptation de l’erreur et ont moins peur de l’échec que les générations précédentes. En résumé : différences, besoins et attentes Comme nous avons pu le constater, le contexte dans lequel chaque génération s’est forgée influe directement sur son comportement au travail et sur son mode de fonctionnement avec les autres. Ce sont des généralités et différences à prendre en compte en entreprise. 45 Vient de « googliser » signifiant rechercher dans « google ».
  • 45. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 43 Figure 11: Comparatif générationnel (source : http://digital-collab.com/focus-sur-la-generation-y/) Voici un tableau répertoriant et synthétisant les différences entre les générations, apportant quelques précisions sur le rapport au travail et la communication à adopter. Des avis divergents En dépit de ces classifications générationnelles établies. L’existence d’une génération Y est contestée. Selon une étude de 2010 de Kali H. Tzrenieswki et Brent Donnelan46, chercheurs en psychologie, le paradigme de l’existence de différences générationnelles notables, en particulier entre la génération X et Y est remis en cause. Leurs principaux arguments résidant dans le fait que la jeunesse de tout temps a toujours eu le même comportement, le même esprit de contradiction, autocentrés. « Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l’autorité et n’ont aucun respect pour l’âge. À notre époque, les enfants sont des tyrans. » Socrates (399 avant JC) 46 Tzrenieswki, K, Donnelan, B. (2010). « Rethinking « Generation Me » : A study of Cohorts effects from 1976-2006
  • 46. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 44 « Je n’ai plus aucun espoir pour l’avenir de notre pays si la jeunesse d’aujourd’hui prend le commandement demain parce que cette jeunesse est insupportable, sans retenue, simplement terrible. » Hesiode (720 avant JC) Il semblerait en effet que les problèmes générationnels ne datent pas d’aujourd’hui. Quoiqu’il en soit même si l’on peut considérer que la jeunesse a toujours eu le même comportement, force est toutefois de constater qu’il y a bien des modifications de façons de penser et d’agir correspondantes aux évolutions de la société. Ce n’est peut- être pas à attribuer à une génération en particulier, mais il s’agit de changement dont il faut tenir compte. Evolution des besoins et analytique RH Avec ces descriptions générationnelles, nous pouvons constater que les besoins et les attitudes évoluent. Les deux points les plus significatifs étant : la vision du travail (aspirations, attitudes) et les modes de communication/collaboration. En connaissance de cause, en quoi l’analytique RH peut-elle répondre aux besoins de chaque génération ? Le fait est que la question est beaucoup posée de l’apport de l’analytique RH pour la fonction RH mais peu pour connaître ce que cela va vraiment apporter aux salariés de l’entreprise. Au vu des descriptions des générations précédentes sur leur attitude vis-à-vis du travail et des connaissances sur les possibilités de l’analytique, je vais tenter de répondre malgré tout à cette question. L’analytique RH peut dans un premier temps, permettre de déterminer les facteurs de motivation/engagement des individus et individualiser les relations avec les salariés. Cela pourra peut-être également aider à construire des groupes travail performants. Nous avons vu que la génération « Baby-boomers » a besoin de reconnaissance. C’est une génération qui est attachée à l’entreprise et qui souhaite y rester. Il n’y a de ce fait pas de problématique de fidélisation à traiter. L’analytique RH va par contre devoir permettre de travailler la notion de reconnaissance/mérite. Pour la Génération X, il s’agit plutôt d’un besoin de transparence, compétence, fiabilité et de résultats. L’analytique RH peut, si bien utilisée, permettre d’apporter cette transparence et de pouvoir démontrer les résultats obtenus ainsi que leur contribution à l’entreprise de façon objective.
  • 47. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 45 La Génération Y, a besoin d’objectifs, de flexibilité, de technologies et apprécient le changement. C’est une génération qu’il va falloir tenter de fidéliser, puisqu’elle est de façon générale peu attachée à l’entreprise et capable de changer rapidement si l’organisation ne lui convient pas. L’utilisation de l’analytique, peut permettre de répondre à cette problématique de fidélisation en analysant le moteur de la motivation et proposer les solutions permettant de conserver les potentiels de l’entreprise. La Génération Z a besoin de se sentir libre, de changer d’activité régulièrement. Ils sont ouverts à la mobilité professionnelle et géographique à l’international. C’est un élément qui pourra être pris en compte dans la gestion des compétences et de la mobilité, pour permettre justement de trouver les postes qui correspondent au mieux à ces profils. Selon Nicolas Bourgeois, Associé d’Identité RH,47 et en dehors de toute considération générationnelle, définit 4 aspirations des salariés auxquelles la fonction RH va devoir répondre :  Besoin de se réaliser : Il y a une réelle envie des salariés d’exploiter leur potentiel dans un travail qu’ils jugent épanouissant.  Besoin de sens : Pourquoi je fais ce que je fais et en quoi cela sert l’organisation ? « Au travail, plus personne ne veut perdre sa vie à la gagner ». Autrement dit, les salariés souhaitent pouvoir trouver une signification à leur rôle dans l’entreprise.  Besoin de déhiérarchiser : Les salariés souhaitent être considérés, reconnus pour leur travail et dans des rapports de collaboration plutôt que de hiérarchie directive.  Besoin d’apprendre et de se développer : Le monde évoluant vite, les compétences requises évoluent également et les individus ont besoin de « mises à jour » régulières pour maintenir leur employabilité. C’est également en prenant en considération ces aspirations que l’analytique devra se développer, pour permettre de proposer des formations adaptées aux besoins réels des salariés, permettre de les faire monter en compétence selon leur potentiel et les aider à poursuivre leurs objectifs de développement personnels, en relation avec ceux de l’entreprise. Ecarts générationnels et transformation digitale Intégrer le digital dans l’entreprise nécessite de procéder à une transformation, un changement pour les salariés tout en intégrant les salariés au processus. La clé d’une transformation digitale réussie serait donc les salariés mêmes de l’entreprise. 47 Bourgeois, N. (Février 2016). Aspirations et transformations, RH Info.
  • 48. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 46 Selon Philippe Lemoine, PDG du groupe LaSer, « les usages du numérique se développent principalement en dehors de l’entreprise, au niveau des individus. Et, à ce jeu-là, les jeunes générations sont les plus rapides et peuvent créer une fracture avec les seniors, moins prompts au changement ». Ce dernier préconise de s’inspirer des méthodes de fonctionnement des start-up pour adopter des méthodes de travail favorisant l’innovation et le développement numérique. Ce qui veut dire qu’il faut gérer les écarts générationnels, comprendre les attentes de chacun, leurs leviers et leurs freins. Il s’agit d’adopter et d’adapter un management facilitant les échanges et responsabilisant l’ensemble des acteurs de l’entreprise. Certaines générations sont nées avec le numérique, d’autres ont appris à l’utiliser et à s’y adapter, d’autres y sont complètement fermées. Dans ce contexte, comment répondre aux besoins de chacun et comment éviter des créer des exclus/inadaptés aux évolutions digitales de l’entreprise ? Le développement et l’utilisation d’outils numériques nécessite de créer une stratégie et une culture digitale dans l’entreprise. Dans le domaine de la transformation digitale, deux notions importantes apparaissent : l’acculturation digitale et la formation. Qu’est-ce que l’acculturation digitale et que proposer en termes de formation ? Comme le précisent tous les articles sur le sujet, instaurer une culture digitale en entreprise, ce n’est pas seulement se contenter de créer de nouveaux outils. Il s’agit de faire évoluer les processus, modifier l’organisation du travail ou l’approche client. Selon Jérémie Sicsic48, Co-fondateur de Unow (animation et déploiement de MOOC), les entreprises qui tentent d’imposer leur transformation digitale, via notamment la mise en place des réseaux sociaux d’entreprise et autres plateformes, ne procèdent pas de la bonne façon et doivent adopter une démarche différente. Selon lui, la transformation numérique ne réside pas dans les outils. Il faut avant tout faire évoluer les compétences des collaborateurs pour développer une nouvelle culture, davantage orientée vers le digital. Acculturation digitale L’acculturation digitale semble être considérée comme une étape obligatoire à la transformation digitale. Il me semble donc important de définir ce que l’on entend par là. L’acculturation ou « cultural change » est une notion anthropologique qui a été utilisée dès 1980. La définition la plus couramment utilisée est celle de l’anthropologue américain Meyers Herskowits49 : « L’acculturation comprend les phénomènes qui résultent d’un contact continu et direct entre des groupes 48 Sicsic, J. (Avril 2016). La culture digitale, clef de la transformation de l’entreprise, JDN. 49 Herskowits, M. (1938) Acculturation, the study of the culture contact.
  • 49. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 47 d’individus de cultures différentes et qui entraînent des changements dans les modèles culturels originaux de l’un ou des autres groupes ». Autrement dit, il s’agit d’un phénomène d’interpénétration des cultures. Quel rapport avec le digital me direz-vous ? Voyons, ce que l’on définit par « acculturation digitale ». Le fait est que le terme est beaucoup utilisé mais peu expliqué. Cependant, il est beaucoup utilisé pour faire référence à la transition numérique et au changement d’approche culturelle et économique que cela engendre pour l’entreprise. L’acculturation digitale ou numérique, selon ma définition, est un phénomène poussant les individus à s’adapter aux nouvelles technologies ainsi qu’aux nouvelles méthodes de travail après y avoir été confronté. L’acculturation par la formation Comment réaliser cette acculturation ? La première réponse qui émerge sur la question est « par la formation pardi ! ». Certes, mais cette réponse est-elle bien suffisante ? Qui former et comment ? La formation apparaît en effet comme la solution la plus prisée pour former les salariés au digital. Même si la première réponse semble de dire que les salariés de la génération Y sont les plus à même de s’auto-former sur ces sujets et de transmettre leurs compétences numériques, dans les faits ce n’est pas tout à fait ce qu’il se produit. Si l’échange de compétences n’est pas encouragé et motivé, il ne se produira pas. Bon nombre de réflexions mènent par ailleurs à la conclusion qu’il serait une erreur de se concentrer sur les salariés les plus âgés seuls, puisque la transformation concerne l’ensemble de l’entreprise et pas seulement une seule catégorie de population. Innovation participative et génération Y L’acculturation digitale est souvent mise de pair avec l’innovation participative. Selon la définition d’Innov’acteurs50 c’est «une démarche de management structurée qui vise à stimuler et à favoriser l’émission, la mise en œuvre et la diffusion d’idées par l’ensemble du personnel en vue de créer de la valeur ajoutée et de faire progresser l’organisation ». Autrement dit, c’est rendre les salariés acteurs de l’innovation et impliqués dans les projets de l’entreprise. Cette méthode de management, permet de répondre aux besoins des jeunes générations de travailler en mode collaboratif mais aussi aux plus anciennes générations d’apporter leur expertise. 50 Source : http://www.innovacteurs.asso.fr/?page_id=29
  • 50. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 48 Se placer dans une dynamique d’innovation participative, c’est créer le terreau idéal pour la transformation digitale. C’est aussi mobiliser et impliquer la génération Y dans le processus de transformation. « Volumineuse, mondialisée, connectée…Nombreuses sont les raisons sociologiques pour lesquelles la génération Y va faire bouger les lignes et contribuer à la transformation digitale des entreprise. » Claire Glémau, spécialiste de l’innovation RH, The Boson Project. i. Une mutation des métiers Qui dit, Big Data et digital, dit aussi, au-delà du changement d’organisation nécessaire à l’adaptation aux nouveaux systèmes, nouvelles compétences et nouveaux métiers. Ce qui veut dire que nous allons voir émerger de nouveaux métiers et, de par l’automatisation et l’amélioration de l’intelligence artificielle, voir en disparaître d’autres. Quelles seront les compétences requises demain ? Quels sont les métiers qui risquent de disparaitre et ceux qui pourront émerger ? Quelles sont les menaces et opportunités ? Compétences de demain Lorsque l’on parle de compétence, on différencie les compétences relatives aux qualités humaines (savoir-être), les compétences techniques mesurables (savoir- faire) et les connaissances (savoir). Devant l’évolution des technologies et leur développement dans le monde du travail, nous allons devoir nous-mêmes « évoluer » et nous y adapter. L’université de Phoenix a mené une étude51 sur les compétences du travail en 2020. Ils établissent ainsi 6 facteurs de changement qui ont une influence directe sur les compétences qui seront requises demain. Ces facteurs sont les suivants : 1. L’augmentation de l’espérance de vie : Cela a un impact sur la façon dont on appréhende notre carrière et l’apprentissage tout au long de notre vie. 2. La montée en puissance des machines et systèmes intelligents : l’automatisation du lieu de travail va conduire à une nouvelle relation humain- machine de collaboration et de co-dépendance. 51 University of Phoenix Research Institute, Institute for the Future.(2011). Future Work Skills 2020.
  • 51. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 49 3. Un monde devenant programmable (monde informatique) : La puissance grandissante des capteurs, des processeurs et leur utilisation dans les objets ainsi que notre environnement proche rendent le monde qui nous entoure programmable. 4. Un nouvel écosystème de médias technologiques : Les nouveaux moyens de communication nécessitent des nouvelles compétences et une nouvelle vision de la communication. 5. Des organisations sous forme de superstructures : Les technologies sociales (plateformes de médias sociales, nouvelles technologies) conduisent à de nouvelles formes de production et de création de valeur. 6. Un monde globalement connecté : L’augmentation globale de l’inter connectivité et de l’interdépendance au niveau mondial place la diversité et l’adaptabilité au centre des opérations organisationnelles. Les 10 compétences qui en ont été déduites sont les suivantes : 1. Création de sens : Capacité à comprendre la signification profonde (interprétation) de ce qui est exprimé par les machines et à développer une pensée critique. 2. Intelligence sociale : Capacité d’empathie, d’adaptation aux autres et intelligence émotionnelle pour établir des relations de confiance entre les individus. Etre en capacité de collaborer avec des groupes plus importants de personnes de différente composition. 3. Pensée novatrice et adaptée : Capacité à penser hors des sentiers battus et produire des solutions qui ne sont pas simplement basées sur des règles ou de l’application de solutions apprises par cœur. 4. Compétence interculturelle : Capacité à travailler dans différents environnements culturels. 5. Pensée computationnelle (informatique) : Capacité à traduire de vastes quantités de données en concepts abstraits et à comprendre le raisonnement des bases de données. 6. Compétences sur les nouveaux médias : Capacité à évaluer de façon critique et à développer du contenu sur les nouvelles formes de médias. Capacité d’influence et de persuasion. 7. Transdisciplinarité : Faculté à comprendre les concepts de différentes disciplines. 8. Mentalité de concepteur : Faculté à représenter, développer des tâches et des processus de travail permettant d’atteindre les résultats attendus. 9. Gestion de charge cognitive : Capacité à différencier et filtrer les informations selon leur importance. Comprendre comment éviter la surcharge de données (n’obtenir que celle qui sont importantes) en utilisant divers outils et techniques. 10. Collaboration virtuelle : Capacité à travailler de façon productive, créer de l’engagement et démontrer sa présence en tant que membre d’une équipe virtuelle.
  • 52. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 50 Ces facteurs de changement ainsi que les compétences associées sont présentées dans une infographie permettant de déterminer le poids du facteur sur chaque compétence, je vous invite à la découvrir en annexe (annexe I). Dans un article, qui a été de nombreuses fois repris, Stéphane Canonne, Custom Programs Director à l’EDHEC Business School, a quant à lui déterminé « 7 compétences clés du travail de demain »52 qui sont les suivantes : 1. Collaboration à distance 2. Communication au travers du numérique 3. Agilité et adaptation 4. Créativité et sens de l’innovation 5. Esprit d’initiative et d’entreprise 6. S’organiser efficacement 7. Apprendre à apprendre Ces dernières reprennent majoritairement, dans leur description, les compétences de l’étude de l’université de Phoenix. En résumé, les compétences qui feront la différence dans les organisations de demain seront les facultés des collaborateurs à s’adapter aux différentes cultures, aux divers changements, aux nouvelles technologies. Etre de bons communicants multimédia (au sens de plusieurs médias) et être de bons apprenants, capable de réfléchir en concepts tout en ayant la capacité de les appliquer de façon opérationnelle et innovante. Impact sur les métiers Le Big Data et le digital n’impactent pas seulement les compétences des salariés mais aussi l’évolution de leurs métiers. Certains vont apparaître, d’autres disparaître. Il ne s’agit pas d’un phénomène nouveau, toutes les innovations technologiques, de tout temps, ont créé des évolutions de métiers. Auparavant existaient des Télégraphistes, des poinçonneurs, des Blanchisseuses et même des allumeurs de réverbères. Toutefois, certains y voient là, une mutation plus profonde et importante que celles que l’humanité a déjà connue. D’ailleurs, selon l’étude du cabinet EY53, 60% des dirigeants déclarent être préoccupés par la mutation des métiers et 90% d’entre eux pensent que des changements majeurs des métiers dans leur entreprise vont se produire à horizon 5 ans. 52 Canonne, S. (Septembre 2013). Les 7 compétences clés du travail de demain, Cegos. 53 EY. (2013). La révolution des métiers – Nouveaux métiers, nouvelles compétences : quels enjeux pour l’entreprise ?
  • 53. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 51 Alors quels sont ces métiers que le digital et le Big Data risquent de faire disparaître et quels sont ceux que l’on verra se développer ou émerger grâce au digital ? « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Antoine Lavoisier Cette citation fait écho au concept de la « destruction créatrice » de Joseph Shumpeter54 selon laquelle la disparition d’un secteur d’activité (lié à une innovation) entraînerait la création d’un nouveau. Il en est peut-être de même pour les emplois. Les métiers d’hier (ou presque) Une étude a été menée par Michael Osborne et Carl Frey de l’Université d’Oxford55, afin de déterminer les probabilités des métiers de devenir complètement gérés par l’informatique. Dans leur étude, 702 métiers différents sont référencés, du ludothérapeuthe (0,28% de risque) au télévendeur (99% de risques). La BBC a repris cette étude pour établir un outil permettant de visualiser le risque d’informatisation d’un métier en le saisissant les champs de recherche56. Cela permet d’obtenir de façon plus visuelle l’incidence possible de l’informatisation sur les métiers. Cette interrogation, je vais digresser quelque peu, est à mon sens un peu alarmiste formulée de cette façon. Elle démontre une certaine « peur » de la robotisation qui dans notre imaginaire a toujours été plutôt vu comme une menace. Il suffit de voir le nombre de productions littéraires ou cinématographique sur le sujet pour constater qu’il s’agit d’un sujet qui préoccupe (Les robots d’Isaac Asimov, Terminator, Robocop, I-Robot…). Cette liste de métiers a également été reprise par le cabinet Roland Berger57, qui a mené une étude similaire à celle de l’Université d’Oxford, en reprenant la même méthodologie, auprès de 600 métiers. Ils en sont venus au résultat que 42% (contre 47% pour l’Université d’Oxford) des emplois actuels seraient à « risques ». Ils distinguent leur classement sur 3 typologies de risques : métier très menacé, métier moyennement menacé et métier peu ou pas menacé. 54 Economiste autrichien du XXème siècle ayant développé des théories sur l’économie et l’innovation 55 Osborne, M, Frey, C (2013). The future of employment: how susceptible are jobs to computerisation? Oxford University. 56 Source : http://www.bbc.com/news/technology-34066941 57 Article reprenant l’Etude de Roland Berger. (Juillet 2014). Nouveaux Jobs : l’étude qui change tout, Le point.
  • 54. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 52 Figure 12 : Cette infographie montre que les métiers à plus fort risque d’être automatisés sont ceux induisant de l’analyse de données ou du travail répétitif (Gestionnaire de crédit, réceptionniste, assistant juridique…). A contrario, il semble plus difficile d’automatiser les métiers nécessitant des relations sociales, de la créativité ou de la manipulation manuelle très technique (Chirurgien-dentiste, psychanalyste. Chorégraphe…) Force est de constater que ce risque touche tout type de métiers et de secteurs d’activité, y compris ceux que l’on pourrait penser les plus épargnés comme celui de l’informatique. Les futurs métiers Selon Michell Zappa, Futurologue, 58« 65% des écoliers d’aujourd’hui pratiqueront, une fois diplômés, des métiers qui n’ont même pas encore été inventés ». Ce qui veut dire que 65% des métiers à venir n’existent pas encore. En partant de ce principe, il n’est possible que de spéculer sur le sujet. Quels pourraient être ces métiers ? 58 Zappa, M. (Juin 2012). The future of education, Blog de Michel Zappa.
  • 55. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 53 Certaines projections semblent assez difficiles à imaginer, comme celles proposées par Sparks & Honey59, une entreprise New-Yorkaise, proposant comme futurs métiers : gestionnaire de mort digitale, spécialiste de la désintoxication digitale ou encore Agent de Mème60. Ces propositions semblent venir d’une imagination très fertile, mais qui sait ? D’autres semblent un peu plus crédibles tel qu’imprimeur 3D, pilote de drones, archiviste numérique. Ce qu’il est plus facile d’établir, ce sont les métiers actuellement en progression et les métiers émergents, ce sont a priori ceux qui continueront à se développer dans un avenir proche. Je vais me concentrer ici sur les métiers issus du numérique et du Big Data. L’influence du digital touche dans un premier lieu les métiers du Marketing puisque c’est sur ce champ que le Big Data s’est développé en premier. Sur ce sujet, l’Apec a publié un référentiel nommant les 12 principaux métiers du marketing digital61 parmi lesquels on retrouve par exemple le Data Scientist, le Community Manager ou encore le Traffic Manager. La startup Clustree, spécialisée dans les RH a quant à elle déterminé une liste de 10 métiers en évolution en 201662. Ce sont des métiers que l’on retrouve cité dans la plupart des autres sources et ils semblent être en forte progression. Il s’agit assez souvent de métiers ayant évolué pour s’adapter à l’évolution des technologies. Je vais synthétiquement décrire chacun d’entre eux afin que vous puissiez mieux les identifier. 1. Data analyst / scientist : Gestionnaire et analyste de données Big Data ayant pour objectif d’en tirer les indicateurs permettant de prendre des décisions stratégiques ou opérationnelle pour l’entreprise. 2. Traffic manager : Optimise le traffic sur le site internet de l’entreprise (référencement…) et maîtrise les outils de webmarketing (campagnes publicitaires en ligne, e-mailing…). 3. Chef de produit Web et mobile : Propose de nouveaux services sur les outils digitaux existants (applications mobiles, web) et améliore l’offre de produit existante. 4. Social media manager / Community manager : Responsable de l’image de marque de l’entreprise sur les médias numériques. Il mesure l’e-réputation de l’entreprise et développe la visibilité de l’entreprise. 5. UX (User Experience) Designer : Garant de l’expérience utilisateur, il met en scène le contenu pour générer une émotion chez l’utilisateur. 59 Schiller, B. (Aout 2013). 8 New Jobs People Will Have in 2025. FastCompany. 60 Un mème est une production diffusée massivement sur internet (image, texte, vidéo) un concept souvent autour d’un « Buzz ». Ex :Le Nyan Cat. 61 Apec, Association pour l’emploi des cadres. (2015). Les métiers du marketing digital. 62 Raimbault, V. (Janvier 2016). Ces métiers qui auront la cote en 2016, Maddyness.
  • 56. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 54 6. Architecte Big Data : Conçoit les solutions (architectures) techniques Big Data adaptées aux besoins des entreprises. 7. Chief digital officer : Pilote et met en œuvre la transition digitale de l’entreprise. 8. Brand content manager : Chargé de la stratégie de la marque sur internet, il maîtrise les techniques publicitaires et la production éditoriale. 9. Développeur d’application mobile : Créateur d’applications sur téléphones mobiles. Il maîtrise différents langages informatiques. 10. Responsable sécurité système et réseaux : Assure la sécurité des données et des systèmes informatiques. Il anticipe les risques et gère les incidents systèmes ou réseaux. Les tendances se retrouvent essentiellement sur les métiers liés au développement du Big Data et à son exploitation (Data analyst / scientist, Architecte Big Data, Responsable sécurité système et réseaux), au développement de la marque (Traffic manager, Brand content manager, Chef de produit Web et mobile) ainsi qu’à la gestion de l’image de l’entreprise et de l’expérience utilisateur/client (Social media manager / Community manager, UX Designer, Développeur d’application mobile). Une menace pour les travailleurs peu qualifiés, une perte d’emplois Comme nous l’avons vu précédemment, le développement numérique ne risque pas de causer des torts qu’aux postes peu qualifiés, même s’il s’agit de la conclusion portée par l’étude de l’Université d’Oxford citée précédemment. Selon eux, la digitalisation des métiers va surtout toucher les emplois qualifiés et à faible niveau de rémunération. De ce fait, les travailleurs vont devoir se convertir sur des tâches peu sensibles à l’automatisation, nécessitant des compétences créatives et/ou sociales. Les métiers pour lesquels les risques sont réellement présents sont ceux induisant des gestes répétitifs ou de l’analyse de données. Ces métiers sont aussi ceux qui peuvent être considérés comme peu stimulants ou intéressants, auquel cas leur automatisation pourrait permettre de transformer ces métiers vers des rôles à plus forte valeur ajoutée. Pour Nicholas Carr, auteur américain,63 considérer la digitalisation des métiers comme une opportunité d’apporter plus de valeur ajoutée aux métiers est avant tout une façon de se rassurer plus qu’une réalité. Il se pourrait que ce soit tout le contraire qui se produise. Il est important selon lui de rester prudent et de ne pas être aussi optimiste d’autant plus que nous ne savons pas encore quels en seront les impacts réels. Notre structure économique actuelle risque d’être menacée. 63 Carr, N. (Avril 2014). The myth of the endless ladder, Blog de Nicolas Carr.
  • 57. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 55 Selon Jean de Loÿs, Responsable éditorial de ParlonsRH64 : « les nouvelles activités créées génèrent en effet de nouveaux emplois, à forte valeur ajoutée pour la plupart, mais en volume insuffisant pour remplacer les emplois détruits. ». Il s’agit d’un sujet qui va bien au-delà de nos préoccupations RH puisque résolument sociétal. Cela risque en effet de modifier encore davantage notre façon d’envisager le travail et notre modèle économique. Une prise de recul nécessaire Après le passage précédent, il me semble important de contrebalancer ces discours et d’apporter des visions plus optimistes. Tout d’abord, comme le précise Sylvaine Pascual65, Coach et consultante spécialiste de la reconversion professionnelle, les différentes études sur les risques de disparition de certains métiers sont à « prendre avec des pincettes ». Tout d’abord parce que les études passées du même type ont obtenu des résultats très peu fiables mais aussi parce que les changements sont tellement rapides que cela rend les prédictions encore plus difficiles. L’Usine Digitale publiait en 2013 un article66 prédisant la mort des Développeurs d’application mobile en 2014, suite à l’arrivée de la technologie « Responsive »67. Or, nous en sommes aujourd’hui bien loin et cela fait partie des métiers actuellement cités comme étant en développement. Marc Andreessen, Entrepreneur et influenceur dans le domaine des technologies, apporte également une vision plus nuancée sur le risque de voir nos métiers disparaître par l’automatisation68. Selon lui, et de par son expérience dans le domaine du développement, « Il y a toujours un écart énorme entre ce que les gens réalisent dans leur travail aujourd’hui et ce que les robots et l’intelligence artificielle peuvent remplacer. Et ce sera encore le cas pendant des décennies ». Il considère que nous ne savons pas encore quels seront les métiers dont nous aurons besoin demain, certains métiers d’aujourd’hui n’existaient pas et n’étaient pas concevable il y a y 100 ans de ça. Certains métiers seront sans doute remplacés mais nous en créerons d’autres. Marc Andreessen souhaite rester positif dans la capacité humaine à être créatif et à créer de nouveaux besoins. 64 Loÿs, J. (Juin 2015). Dans 20 ans, la disparition du travail ?, Parlons RH. 65 Pascual, S. (2014).Chronique d’une reconversion annoncée: des métiers en voie de disparition ?, Ithaque Coaching. 66 Foucault, C. (Décembre 2013). Développeur d'applications mobiles, le métier qui va mourir en 2014, L’Usine Digitale. 67 Permet à un site web de s’adapter à la dimension de tout type d’écran : smartphones, tablettes… 68 Andreessen, M. (Juin 2014). This is Probably a Good Time to Say That I Don’t Believe Robots Will Eat All the Jobs … Blog de Marc Andreessen.
  • 58. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 56 Il me paraît nécessaire de garder un certain recul sur les sujets touchant à la prédiction de l’avenir des métiers. La mutation digitale est certes rapide mais nous ne pouvons pas réellement présager des impacts futurs réels. Il faut toutefois rester en veille pour pouvoir agir avant d’être dépassé. j. Digitalisation, Big Data et fonction RH Nous avons vu que l’évolution technologique allait entrainer une intensification des mutations des métiers dans les années à venir. Il me semble intéressant, dans ce contexte, de s’intéresser particulièrement aux métiers des Ressources Humaines et de leur évolution possible. Si le recrutement, la promotion interne, la gestion des compétences et l’administration des ressources humaines peuvent être traités grâce à des algorithmes, quel peut être l’avenir de la fonction RH ? Je vais me concentrer ici sur l’impact du numérique et les conséquences possibles sur la fonction RH de demain. La notion de « demain » peut avoir une connotation lointaine, or je pense que le « demain » est une affaire de quelques années tout au plus. Nous parlons ici, d’un horizon à 5 ans. Quelles seront les rôles à tenir, les compétences requises et quelles sont les menaces et les opportunités à identifier ? Impacts de l’automatisation pour les métiers RH : les menaces Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, un certain nombre de métiers pourront être amenés à disparaître des suites de la digitalisation. Les métiers RH n’en sont pas épargnés dans les différentes études menées. J’en ai extrait les principaux métiers RH et voici ce qui en ressort : Métier Probabilité d’automatisation Responsable formation et développement personnel 1% Directeur des ressources humaines 1% Responsable des relations sociales 24% Spécialiste ressources humaines 31% Spécialiste rémunération, avantages sociaux 47% Assistant RH (sauf paie) 90% Responsable rémunération et prestations sociales 96% Chargé de la paie et du temps de travail 97% Chargé de recrutement Pas de données Responsable recrutement Pas de données
  • 59. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 57 On remarque sur ce tableau que les métiers à plus forts risques d’automatisation sont ceux qui utilisent déjà beaucoup la technologie informatique, avec une accélération possible du traitement par informatique de la paie et de la rémunération avec l’utilisation du Big Data. L’assistant RH est également un métier touché, du fait de la part administrative importante de son poste, qui pourra à terme être automatisée et numérisée. On peut également remarquer l’absence d’éléments concernant les postes liés au recrutement, ces derniers n’ont pas été étudiés de façon isolée. Or, cela faisait pourtant partie de nos interrogations du fait du développement du recrutement prédictif. Toutefois, comme étudié précédemment dans la partie dédiée au recrutement prédictif, c’est un métier qui pourra se développer et muter, mais la probabilité de disparition reste néanmoins faible. Si nos métiers évoluent, mutent, cela veut dire qu’il faudra par ailleurs anticiper cette mutation et être prêt au moment venu. La menace étant, au-delà de la disparition possible de certaines spécialisations, de ne pas voir le changement arriver et de ne pas savoir s’adapter avant d’être dépassé. D’où l’importance, à mon sens, de rester en veille. Maîtrise de l’analytique : une opportunité pour les RH ? Comme nous l’avons vu précédemment, il y a un fort risque d’automatisation de certaines fonctions RH dont celles liées à l’administration du personnel et à la paie. D’autre part, la fonction RH se doit d’amorcer une mutation pour répondre davantage aux besoins des entreprises. L’analytique RH peut être une des solutions. Quelles sont les différentes visions sur ce sujet ? Le fait est qu’il existe un grand nombre d’articles et de propositions concernant l’avenir des RH, avec une volonté marquée de placer la fonction en tant qu’acteur stratégique de l’entreprise. Il est donc temps de redéfinir les RH, comme le propose Josh Bersin69. Une des études menées par Bersin by Deloitte, montrait que seulement 7% de la valeur ajoutée des RH provenait de la gestion administrative. Là où la gestion des talents de l’entreprise (identification, développement…) représente 5 fois plus. De part ce constat, Josh Bersin, propose une transformation de la fonction RH vers des rôles de spécialistes RH en diminuant le nombre de généralistes. Ram Charan, Consultant de chefs d’entreprise, propose même de séparer les ressources humaines en deux parties pour différencier complètement la partie administrative (qui peut être externalisée) des rôles plus stratégiques tels que la gestion des talents. 70 69 Bersin, J. (Mai 2014). It's Time to Redesign HR, Bersin By Deloitte. 70 Charan, R. (Aout 2014). It’s Time to Split HR, Harvard Business Review.
  • 60. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 58 Cette vision est controversée, notamment par celle de Dave Ulrich71, professeur de Commerce à l’université du Michigan72. Pour lui, séparer la fonction en deux groupes ne peut pas être une solution pérenne, la structure de la fonction doit dépendre avant tout de la structure de l’organisation. Il suggère ainsi une approche différente et plus globale : « Qui inclut une redéfinition de la stratégie (de l’extérieur vers l’intérieur) et des résultats attendus (talent, leadership, compétences) pour les RH, une refonte de l’organisation (département, structure), des pratiques RH innovantes (personnes, performance, information et travail), l’amélioration des compétences des professionnels RH, l’utilisation de l’analytique RH pour aider la prise de décision plutôt qu’en se basant sur les données seules. » La digitalisation des RH via le Big Data et l’analytique RH peut être une véritable opportunité de se placer en acteur majeur de l’entreprise et de démontrer notre valeur ajoutée, devenir un Business Partner (partenaire stratégique) au sens premier du terme. Mais comme le précise Dave Ulrich « Il n’est pas simple de faire avancer une profession ». A la question : « l’avenir des DRH passe-t-il forcément par la maîtrise de l’analytique ? »73, Amélie Albin, Consultante chez SAS, voit l’analytique comme une opportunité pour la fonction RH de l’entreprise de passer d’un centre de coût à un centre de profit en devenant innovante et réactive grâce à l’obtention de données plus complètes et plus utiles à la prise de décision. Mais aussi à valoriser son image en externe au travers d’indicateurs de satisfaction sur la qualité de vie au travail, qui est aujourd’hui un critère que les candidats prennent en compte avant de postuler en entreprise. Cette vision est reprise, sur le sujet de l’utilisation de l’analytique par les RH, par David Swanson, Vice-président des Ressources Humaines de SAP : 74 « Je suis dans les RH depuis environ 20 ans et j’ai vraiment, pour la 1ère fois, l’impression que les RH sont au centre de la table de l’exécutif. Nous avons une opportunité de mener les discussions autour de la stratégie et du développement de la stratégie. Malheureusement, pour la plupart d’entre nous, et parce que nous ne sommes pas à l’aise avec les données, nous ne pouvons parler que par nos intuitions ou ressentis ». Selon lui, les RH, de par l’utilisation de l’analytique et du Big Data, ont réellement l’opportunité de prendre part à la stratégie de l’entreprise et ne plus simplement 71 Créateur du Modèle d’Ulrich, paru dans son ouvrage « Human Resource Champions. The Next Agenda for Adding Value and Delivering Results » en 1997.RH : Partenaire stratégique, agent de changement, expert administratif, champion des salariés. 72 Ulrich, D. (Juillet 2014). Do not split HR – At least not Ram Charan’s way, Harvard Business Review. 73 Albin, A. (Juillet 2015). RH et analytique : tour d’horizon, Business Anlytics Info.fr. 74 Swanson, D. (Août 2015). Predicting the Future and Shaping Strategy with HR Analytics, SAP Community Network.
  • 61. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 59 l’appliquer, en apportant des données factuelles permettant de « prédire » le succès de l’organisation. Des nouvelles compétences requises et des nouvelles priorités Le Big Data en RH, veut dire la maîtrise de nouvelles compétences, la mutation de nos métiers mais peut-être aussi également la possibilité d’intervenir davantage sur d’autres thématiques, au-delà de la possibilité d’avoir un impact stratégique plus conséquent pour l’entreprise. Le recruteur de demain Puisque j’ai commencé par le recrutement prédictif, il me semble cohérent de commencer par les recruteurs. Devant l’arrivée du recrutement prédictif et des outils 2.0, ce dernier va devoir s’adapter à son nouvel environnement. Selon Laurent Brouat, Consultant et créateur de LinkHumans, le recruteur va devoir faire avec la technologie et ne pourra plus continuer à faire sans : « Les recruteurs apeurés par la technologie qui se dressent aux cris de « Gardons l’humain » n’auront plus d’excuses, le monde avancera sans eux. »75. Il définit le recruteur de demain comme :  Un influenceur : Il mobilisera son réseau pour recruter et le développera au travers des réseaux sociaux professionnels. Il entretiendra sa visibilité et possèdera une capacité à convaincre à la fois les candidats et les opérationnels.  Un conseiller/formateur des managers : Les outils de recrutement permettront sans doute de redonner la main aux opérationnels et aux managers sur les recrutements. Les recruteurs seront donc force de conseil et des formateurs en la matière.  Un marketeur : Ce qui veut dire cibler, attirer et retenir les bons profils. Le métier va de ce fait se simplifier d’une part, avec l’apport des technologies dans le recrutement mais aussi se complexifier d’autre part avec le besoin pour les recruteurs d’être efficaces dans leur communication multimédia et dans le choix de leurs méthodes. Toujours selon Laurent Brouat, le recruteur sera le garant de la marque employeur. Le Responsable recrutement deviendra un Talent Acquisition Manager, véritable gestionnaire des talents de l’entreprise, il ajoutera ainsi une dimension stratégique à son poste76. 75 Brouat, L. (Juillet 2016).Quelles sont les compétences du recruteur de demain ?, Link Humans. 76 Brouat, L. (Mai 2016).Quelle est la différence entre Responsable recrutement et Talent Acquisition Manager ?, Link Humans.
  • 62. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 60 Les RH et l’analytique Comme le dit Laurent Brouat : « Je pense que ce sont surtout les compétences des RH qui sont à questionner. Clairement aujourd’hui, les compétences des professionnels RH ne correspondent pas aux besoins des entreprises de demain. » De quoi les RH aujourd’hui ont-ils besoin pour se lancer et comment peuvent-ils s’y prendre ? Pour y parvenir, les RH doivent développer leurs capacités analytiques et suivre 4 phases préconisées par Josh Bersin77 (4 étapes de maturité). Cette échelle concerne la gestion des talents mais est aussi applicable sur l’ensemble des champs relatifs à l’analytique RH, nécessite de suivre les mêmes étapes et de se poser les mêmes questions. Figure 13 : Les 4 niveaux de maturité analytique selon Bersin. 76% des organisations, sont actuellement dans le reporting de données. Afin d’apporter un peu plus de clarté à cette infographie, je vais davantage la détailler. Pour atteindre le niveau 4 de maturité en analytique, qui est le but recherché, il faut passer par les 3 étapes précédentes. Le pourcentage attribué à chaque niveau, correspond à la proportion d’organisations présentes dans chacun des modèles. Que sont ces 4 niveaux plus précisément ? 77 Bersin, J. (2012). Big Data in HR: Building a Competitive Talent Analytics Function – The Four Stages of Maturity, Bersin By Deloitte.
  • 63. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 61  Niveau 1 (56% des organisations) – Reporting Opérationnel : Reporting opérationnels simples. o Type de mesures : Répondent à la question : Comment allouons- nous nos ressources aujourd’hui ? o Exemples : Nombre d’heures de formation, coûts de recrutement, répartition des salariés…  Niveau 2 (30% des organisations) – Reporting Avancé : Reporting aidant à la prise de décision prenant en compte les tendances et le benchmark. o Type de mesures : Répondent à la question : Comment nous comparons-nous et pouvons-nous nous améliorer ? o Exemple : Niveau d’engagement des salariés, taux de turnover, compétences détenues…  Niveau 3 (10% des organisations) – Analytique Avancée : Utilisation de l’analyse statistique pour identifier et résoudre les problèmes o Type de mesures : Répondent à la question : Comment pouvons- nous considérablement nous améliorer ? o Exemple : Viviers de talents, analyse de l’efficacité des processus…  Niveau 4 (4% des organisations) – Analytique Prédictive : Développement de modèles prédictifs, utilisation de la donnée pour prévoir les évolutions possibles des ressources en interne (scénarios). o Type de mesures : Qu’est-ce que qui peut nous aider à transformer notre organisation ? o Exemple : Prédiction des futurs problèmes de l’entreprise, utilisation des données pour améliorer la promotion interne, le recrutement. Identification des facteurs d’engagement, de performance. Maintenant que nous connaissons le cap, comment le maintenir pour parvenir à bon port ? L’utilisation de l’analytique en RH nécessite une mutation et de nouvelles compétences. Selon l’ANDRH78, les RH vont devoir se doter de compétences analytiques en recrutant, dans leurs services, des profils spécialisés dans le domaine. Les DRH vont également devoir eux-mêmes se former à la maîtrise de l’analytique afin de pouvoir exploiter et interpréter les résultats obtenus par ces analyses. Pierre Polycarpe, Directeur HCM Stratégie d’Oracle,79, pointe le manque actuel de compétences des RH dans la capacité de réaliser des analyses liant les éléments 78 ANDRH. (2014). A quoi ressemblera la fonction RH de demain ? Dunod. 79 Polycarpe, P. (Mars 2014). Quatre approches RH pour développer des compétences analytiques de niveau mondial. Les Echos.
  • 64. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 62 relatifs aux ressources humaines et au business (Ex : risques de fuite de talents, impacts de l’engagement des salariés sur les ventes…). Pour parvenir à ce changement et réussir la mutation nécessaire, les RH eux-mêmes ont besoin de s’adapter, Pierre Polycarpe, propose 4 étapes : 1. Décidez de ce que vous avez besoin de savoir : Avant de se lancer, il est nécessaire de se poser les bonnes questions. A savoir, celles que les dirigeants posent et auxquelles il ne paraît pas forcément simple de répondre au premier abord avec des indicateurs simples. Comment garder les meilleurs éléments au sein de l’entreprise ? Quels sont les facteurs de réussite de nos meilleurs éléments ? 2. Trouvez les bonnes compétences : Identifier l’individu en mesure de traduire ces questions en indicateurs et de les analyser. Si le service RH ne possède pas ces compétences, il est peut-être possible de les trouver ailleurs dans l’entreprise ou d’avoir recours à des consultants afin d’impulser la démarche et démontrer sa valeur ajoutée. 3. Pensez à long terme : La mise en place d’une telle démarche prend du temps et il faut structurer les données. Cela nécessite de respecter les étapes du modèle Bersin. 4. Recrutez de façon créative : L’analytique, les mathématiques ne sont a priori pas le domaine de prédilection des RH. Alors peut-être faut-il recruter au sein des services RH des profils adaptés tels que des analystes ayant de l’expérience en psychologie ou en sciences sociales. Nous verrons peut-être ainsi apparaître dans les équipes RH des experts de la donnée et de l’analyse prédictive et qui sait, peut-être qu’il s’agira de futures spécialisations en Ressources Humaines, ou inversement ? Ressources humaines ou déshumanisées ? Une des opportunités des Ressources Humaines de par l’utilisation de l’analytique RH, au-delà de la dimension stratégique tant recherchée par la fonction, est de comprendre les facteurs de motivation, d’engagement, de performance et ainsi de lui créer de nouvelles attributions et de nouveaux objectifs. Et si le RH de demain, grâce à l’analytique, pouvait être encore davantage tourné vers l’humain et développer des relations gagnant-gagnant entre les salariés et l’entreprise ? L’informatique pourrait vraiment humaniser les RH ? Elle a pourtant beaucoup été accusée du contraire. Lorsque l’on consulte les différentes sources traitant de ce sujet, la crainte de la déshumanisation des RH est présente, essentiellement sur la partie recrutement du métier, mais les réponses apportées sont toutefois plutôt optimistes et vise à
  • 65. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 63 démontrer au contraire l’importance grandissante que pourront prendre les RH dans l’humanisation de leur fonction. Comme le précise un article des Echos80, cela pourrait être une opportunité pour les RH d’utiliser les données pour mieux connaître les salariés de l’entreprise, pouvoir améliorer leur « expérience salarié81 » et favoriser la diversité. Des travaux récents ont pu établir l’impact de la satisfaction des salariés sur la performance. Une humanisation du travail permettrait de ce fait d’améliorer la performance de l’entreprise. L’analytique RH pourrait ainsi permettre de démontrer par les données l’apport une politique Ressources Humaines axée sur le bien-être au travail, l’engagement, tournée vers l’humain. 80 De Raphaélis Soissan, B. (Mai 2016). Comment faire des données un vecteur d'humanité dans les RH ? Les Echos. 81 Expérience salarié = outil de mesure du bien-être des collaborateurs, qui est à corréler avec « l’expérience client », visant à vérifier que le client est satisfait des services de l’entreprise
  • 66. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 64 Partie 3 : Résultats concrets et enquêtes Nous avons vu que le Big Data et l’analytique RH sont des champs de développement importants pour les entreprises et le domaine des ressources humaines. Ce qui a amené des questionnements sur la place de l’être humain dans cette digitalisation et sur les divers impacts que cela peut occasionner. Certaines entreprises ont déjà sauté le pas, d’autres sont prêtes à le faire. Dans la pratique où en sommes-nous sur l’analytique RH ? Est-ce réellement utilisé par les entreprises, y a-t-il une volonté des entreprises et en particulier des RH de se lancer sur le sujet et quels sont les résultats déjà obtenus par celles ayant engagé l’expérience ? Qu’en pensent réellement les salariés ? Je vais, dans cette partie, tenter de répondre à ces questions au travers d’études et de retours d’expérience d’entreprises. a. Analytique RH : résultats et état des lieux Les entreprises ayant recours au recrutement prédictif Nous trouvons aujourd’hui un certain nombre de grands groupes utilisant l’analyse prédictive pour recruter. On y retrouve notamment AXA, Carrefour, Lafarge, Saint Gobain, Quick. Il semblerait toutefois que les PME s’y intéressent également de près. Je vais vous présenter quelques exemples d’entreprises ayant entrepris ces démarches. L’exemple de Xerox82 : Xerox est une entreprise principalement connue pour ses photocopieurs et imprimantes, elle compte environ 140 000 salariés à l’international. Avant d’utiliser les méthodes de recrutement prédictif pour ses centres d’appel, Xerox s’attachait à ne retenir que les candidats ayant déjà eu une expérience dans le métier. Xerox a décidé de faire appel à une start-up de San Francisco nommée Evolv afin de travailler conjointement à la réduction du turnover. Cette dernière a rassemblé et analysé les données de l’entreprise afin de les appliquer au processus de recrutement. L’enjeu pour Xerox était de fiabiliser leurs recrutements afin d’éviter qu’un salarié quitte l’entreprise avant qu’ils ne soient parvenus à amortir les dépenses de formation. 82 Source : Walker, J. (Septembre 2012). Meet the New Boss: Big Data. The Wall Street Journal.
  • 67. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 65 L’utilisation du recrutement prédictif a remis en question la vision de Xerox en leur indiquant que, ce qui importait finalement plus pour fidéliser un salarié en centre d’appel, était sa personnalité. En effet, les salariés qui n’avaient pas d’expérience en centre d’appel s’avéraient réussir aussi bien que ceux qui en possédaient, ce qui a permis à Xerox dans un premier temps d’élargir leur vivier de candidats. Les données ont ainsi mis en avant certains traits de caractère qui poussaient les salariés à rester ou non. Par exemple, les salariés de type créatif avaient plutôt tendance à rester alors que les salariés de nature curieuse l’étaient moins. Après 6 mois d’essais, Xerox a pu constater une diminution de 20% du taux de départs et ainsi mesurer l’impact financier réel. Xerox a décidé d’utiliser cette méthode pour l’ensemble de leurs postes à pourvoir en centre d’appel, soit 49 000 postes. L’Exemple de Quick83 : Quick, chaîne de restauration rapide, compte 19 000 salariés au niveau mondial. Quick rencontrait des problèmes de turnover pour ses managers et cadres, sans vraiment réussir à en déterminer la raison. Pour pallier à cette problématique, ils ont décidé, en 2007, de se lancer dans le recrutement prédictif en utilisant la méthode d’AssessFirst et en collectant les données existantes de l’entreprise. Ce croisement de données a permis d’établir un questionnaire type à faire passer aux candidats et permettant de repérer les traits de personnalité correspondants à l’entreprise. Les synthèses des résultats obtenus servant comme outil d’aide à la décision. Grâce à cette méthode, ils sont parvenus à réduire le turnover, toutefois les chiffres précis ne sont pas communiqués. Pour aller plus loin, Quick a même décidé de continuer à utiliser l’outil pour réévaluer les potentiels de leurs salariés lors de leur « Talent review ». L’exemple de BHV Marais84 : Le BHV Marais (pour Bazar de l’Hôtel de Ville) est un grand magasin, autrefois spécialisé dans le bricolage, appartenant au groupe Galeries Lafayette. En 2015, Fathallah Charef, DRH du BHV Marais part de ce constat : « Chaque année, nous recrutons entre 500 et 600 collaborateurs. Mais notre politique de recrutement était très chronophage. Nous débutions par un entretien téléphonique, un entretien de groupe puis deux à trois entretiens individuels. Malgré cela, les erreurs de castings 83 Source : Falquy, I. (Juillet 2015). Comment Quick embauche ses cadres grâce au recrutement prédictif ? Cadremploi. 84 Source : Jakubowitcz, L. (Avril 2016). Le recrutement prédictif déniche le meilleur salarié grâce aux algorithmes. JDN.
  • 68. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 66 étaient trop nombreuses, il fallait changer notre façon de faire ». L’enjeu était donc double, de réduire le turnover et de diminuer la durée du processus de recrutement. A cet effet, il s’est doté de l’aide d’AssessFirst pour établir un algorithme qui permettrait d’identifier les profils correspondants davantage aux besoins, notamment pour les profils de vendeurs. Pour Fathallah Charef, il s’agissait « […] d'identifier et de cartographier les compétences nécessaires pour être un bon vendeur en mesurant des qualités comme l'accueil du client ou la force de vente en une dizaine de minutes ». Cet algorithme a produit des résultats puisque la durée du processus de recrutement a été réduite d’un 1/3 (de 45 à 30 jours) et a permis de diminuer le turnover. Devant ce succès, le DRH a décidé d’étendre l’utilisation de cet outil pour le recrutement de ses managers. Les entreprises ayant recours à l’analytique RH Là où il est possible d’obtenir quelques résultats sur le domaine du recrutement prédictif, tout devient nettement plus opaque lorsque l’on tente de se plonger dans ceux de l’analytique RH. Peu d’entreprises souhaitent communiquer sur la méthode et les résultats qu’ils ont employés. Parmi celles qui le font, on retrouve notamment les plus grands groupes ou les plus influents. Exemple de Google : Comment ne pas parler de Google dans cette thématique ? Je pense qu’il n’est plus nécessaire de présenter aujourd’hui ce géant de l’internet, précurseur dans bien des domaines, y compris le champ de l’analytique, leur domaine de prédilection. Il existe plusieurs causes pour lesquelles des salariés peuvent quitter une entreprise et leur manager en est une. Google a pu constater que le manager impacte directement la performance des salariés et leur ressenti au travail (fidélisation, satisfaction du travail réalisé, volonté de s’impliquer…). Or, dans ses enquêtes d’évaluation de la performance, Google constatait d’importantes fluctuations dans les notes que les salariés attribuaient à leurs managers. C’est pourquoi en 2009, Google décide de créer le projet « Oxygen » consistant à « construire de meilleurs managers » avec la volonté de répondre aux questions suivantes « Qu’est-ce qui constitue un bon manager ? Et comment fait-on pour le devenir ? »85. Pour ce faire, ils ont mobilisé leur équipe d’analystes spécialisés dans la « people analytics » (analytique RH orientée gestion de talents), qui en analysant les données telles que les évaluations de performance, les enquêtes et les nominations 85 Bryant, A. (Mars 2012) . Google’s Quest to Build a Better Boss. The New York Times.
  • 69. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 67 pour le prix de « Top Manager »86, (plus de 10 000 observations, 100 variables différentes et 400 pages d’entretiens) ont pu établir « Les huit habitudes des manager Google les plus efficaces ». Cette analyse leur a permis de comprendre que leur représentation initiale du bon manager n’était pas forcément celle attendue par les équipes. Ils pensaient au départ qu’un bon manager était forcément un expert, plus affuté techniquement que les membres de son équipe. Et ils se sont rendu compte que, finalement, la compétence technique est effectivement un point important, mais pas essentiel. Ce qui importe réellement, dans leur contexte, est la capacité du manager à créer la relation avec ses équipes et à être accessible. Pour Laszlo Bock, vice-président « people operations » chez Google, la solution était finalement assez simple : « […] si je suis manager que je veux m’améliorer, tirer le meilleur de mon équipe et que je veux qu’ils soient plus heureux, deux des plus importantes choses que je puisse faire est m’assurer que j’ai du temps pour eux et que je suis cohérent ». A partir de ses éléments, Google a créé des sessions de formation et de coaching personnalisés pour ses managers et ils ont pu en constater les bénéfices rapidement. En effet, ils ont pu mesurer une amélioration de 75% des résultats parmi les managers qui étaient considérés comme étant les moins performants dans leurs enquêtes. Google a mené bien d’autres projets basés sur l’analytique RH : influence du lieu de travail dans le travail de collaboration, rétention des top performers, diversité…Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez notamment suivre Lazlo Bock, qui communique régulièrement sur le sujet. Exemple d’ISS : ISS est une société de prestation de services (propreté, sécurité, restauration…). Ils comptent environ 505 000 salariés répartis dans 77 pays à l’international. J’ai choisi de vous présenter cet exemple pour montrer que l’analytique ne concerne pas que les entreprises à la pointe de la technologie et peut aussi s’appliquer dans des entreprises qui réalisent des prestations de nettoyage. ISS a souhaité, en 2015, mettre en œuvre une démarche analytique afin de travailler sur la corrélation présumée entre l’engagement des salariés et la satisfaction client87. Le but étant « de faire en sorte d’arrêter de deviner et de commencer à savoir ce qui fonctionne et pourquoi dans le multi-services ». 86 Prix encourageant les pratiques de management innovantes - http://theentrepreneurawards.net/ 87 Le PDF de cette étude menée par ISS en 2015 est entièrement téléchargeable via ce lien : http://www.publications.issworld.com/ISS/External/issworld/White_papers/LinkingEmployeeandC ustomerEngagement/
  • 70. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 68 Pour ce faire, ils ont utilisé diverses données comprenant, entre autres, les enquêtes portant sur l’engagement des salariés (500 000), l’expérience client (20 000) ainsi que les données relatives aux gains et pertes de clients. L’analyse croisée de ces éléments leur a permis de prouver, en ayant la possibilité de chiffrer précisément les résultats, que l’engagement des salariés avait non seulement un impact sur la satisfaction des clients (salarié heureux = client satisfait) mais également sur la propension des ces mêmes clients à recommander le service à d’autres entreprises. Ce dernier point ayant un impact sur la rentabilité du contrat. Ils ont ainsi également mesuré que la satisfaction client dépendait fortement de la motivation des salariés, des formations reçues par les agents de service, de leur qualité de service ainsi que de la compréhension par les agents des attentes du client. Sur cette base, ISS a créé un nouveau type de système de prestations de service avec une nouvelle approche prenant en compte et définissant les aspects émotionnels et comportementaux des agents de service. Une formation a été proposée aux managers, superviseurs ainsi qu’aux agents sur la gestion des prestations, en y définissant des normes comportementales. ISS a également demandé aux clients de communiquer clairement aux agents ce qui était attendu d’eux en termes de qualité de service. Cette expérience a donné de très bons résultats et ils ont pu relever une augmentation significative de l’engagement des salariés concernés ainsi que de la satisfaction client. Le facteur clé étant la capacité des salariés à comprendre ce qu’on attend d’eux et d’avoir été formé pour pouvoir proposer un service de qualité. Autrement dit, donner du sens à leur travail et leur donner les moyens d’y arriver. Freins au développement de l’analytique RH Malgré ces exemples, force est de constater que les entreprises qui pratiquent l’analytique RH sont encore peu nombreuses et que ces dernières ne communiquent que très peu sur le sujet. Par ailleurs, il y a encore peu d’offres d’éditeurs sur le marché en la matière, les modules concernés sont très peu achetés. Pourtant, l’envie est là. Je vais vous présenter les résultats d’une étude réalisée en 2015 par KPMG, cabinet d’audit et de conseil. Cette dernière fait un état des lieux de l’utilisation de l’analytique RH dans les organisations.88 A la question, qu’est-ce qui représente les plus grands obstacles à l’utilisation de l’analytique RH ? Les dirigeants ont répondu : 88 KPMG. (2015). Evidence-based HR – The bridge between your people and delivering business strategy.
  • 71. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 69 Figure 14 : Principaux freins identifiés par les dirigeants à l'utilisation de l'analytique RH Les principaux obstacles au développement de l’analytique dans le champ des RH sont multiples et mettent en avant des freins techniques (qualité des données), humains (culture d’entreprise, connaissances des dirigeants sur le sujet, compétences) et organisationnels (organisation cloisonnée, modèle de fonctionnement inappropriés). L’un des autres freins évoqués au développement de l’analytique RH est la mauvaise perception de la fonction RH dans les organisations. En effet, seulement 49% des dirigeants estiment que les DRH sont capables de démontrer des corrélations entre la gestion des salariés et les résultats de l’entreprise. Pourtant, 82% d’entre eux souhaitent mettre en place l’analytique RH dans leur entreprise. Les dirigeants ne seraient donc pas sceptiques vis-à-vis du Big Data et de l’analytique mais plutôt vis-à- vis de la capacité des RH à exploiter concrètement les résultats. Figure 15 : ¾ des dirigeants pensent que l'analytique RH peut influencer la rentabilité de l'entreprise Toutefois, cette vision tend à s’améliorer puisqu’entre les résultats de la même étude menée en 2012 et celle menée en 2015, on constate une amélioration de la perception
  • 72. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 70 des dirigeants sur la capacité de la fonction RH à démontrer leur valeur au sein de l’organisation (17% à 25%). Dans l’étude menée par Deloitte en 201589, sur la gestion du capital humain, on peut constater un manque de compétence des RH en analytique. Figure 16 : Evaluation des compétence des RH et en analytique RH. On peut constater les plus grands écarts dans la capacité à relier les données RH aux données relatives à la performance de l’entreprise (compétence considérée comme faible par 61% des répondants) ainsi que dans l’utilisation de ces données pour réaliser des analyses prédictives et améliorer la performance (compétence considérée comme faible par 69% des répondants). On peut toutefois considérer que cela laisse un potentiel de développement certain. b. Les salariés, l’analytique RH et la digitalisation Impacts sur les candidats et salariés Les impacts réels de l’analytique RH étant encore peu connus, il est de ce fait assez difficile aujourd’hui d’en connaître les conséquences sur les salariés ou même sur l’expérience candidat. En termes de bénéfices pour les candidats ou salariés, il s’agit encore de promesses de résultats, c’est la face immergée de l’iceberg. Cependant, quelques exemples commencent à émerger dans le domaine du recrutement prédictif qui laissent entrevoir la capacité de l’outil à tenir ses promesses, notamment dans le recrutement de profils « atypiques ».
  • 73. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 71 Une start-up a ainsi pu recruter90, via ses algorithmes prédictifs, un profil qui n’aurait sans doute pas retenu leur attention sur une méthode de recrutement classique. En effet, ce dernier ne possède aucun diplôme dans le domaine recherché, et d’ailleurs aucune affinité avec le système scolaire puisqu’il en est sorti très tôt, mais est un autodidacte de talent qui a su se démarquer au travers de forums consacrés au développement. La méthode de recrutement prédictive employée par cette entreprise a permis de dénicher ce profil pour le transformer en candidat potentiel, puis en salarié. La vision des salariés sur la digitalisation Lorsque l’on pointe les résultats des études menées sur le sujet de la digitalisation en entreprise, les salariés semblent plutôt optimistes. Selon une enquête réalisée par le CESI, le Figaro et l’IPSOS91, les salariés considèrent que l’impact du numérique dans leur entreprise leur a été plutôt positif. Figure 17 : Impacts de la transition numérique du les salariés La transition numérique semble avoir impacté positivement la façon de travailler des salariés et leur bien-être au travail. 89Deloitte. (2015). Global Human Capital Trends 2015 – Leading in the new world of work. 90Richtell, M. (Avril 2013). How Big Data Is Playing Recruiter for Specialized Workers. New York Times. 91 CESI, Le Figaro, IPSOS. (2015). Résultat de la 10ème vague de l’enquête de l’Observatoire Social de l’Entreprise – La transition numérique.
  • 74. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 72 Figure 18 : Impacts du développement des outils numériques sur le travail L’impact du développement des outils numériques au travail est également plutôt perçu positivement, notamment sur les aspects de la performance et sur les relations hiérarchiques. Toutefois, il faut malgré tout pointer certains résultats en demi-teintes voir négatifs sur la charge de travail, la capacité à se déconnecter et le niveau de stress. Ces 3 éléments pouvant être corrélés. Les salariés semblent ainsi globalement ouverts sur les sujets liés à la digitalisation ce qui peut rendre la transition digitale plus facile. A condition de prendre en compte ces aspects et de répondre aux craintes pouvant émerger.
  • 75. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 73 Partie 4 : Analyse critique et positionnement Dans cette partie, je vais exposer mon avis et proposer mes propres réponses sur les différentes questions exposées dans la première partie. Ce qui me permettra de répondre à la question posée et de valider ou non mon hypothèse de départ. a. Réponse aux questionnements Le positionnement des entreprise J’ai commencé mon questionnement en me demandant où nous en étions sur les sujets sur le Big Data et en particulier de l’analytique RH en matière de recrutement et de gestion des compétences. Il s’agit de domaines encore très peu explorés. Pourtant je suis persuadée qu’il ne s’agit pas seulement que de l’apanage des grands groupes et que les petites structures pourraient elles aussi tirer leur épingle du jeu en utilisant ces outils. Mais comme toute nouveauté, pour reprendre un langage marketing, il y a les pionniers, les adopteurs précoces, les suiveurs et les retardataires. Figure 19 : 92Courbe de diffusion des produits nouveaux Les entreprises se trouvant dans la première moitié pourraient y tirer un avantage concurrentiel et ceux se trouvant dans la seconde pourraient être en situation à 92 Source : http://www.marketing-etudiant.fr/marketing-box/marketing-operationnel-le-produit/la- diffusion-des-produits-nouveaux.php
  • 76. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 74 risque. Lorsque l’on suit une innovation trop tard, le risque est de perdre sa compétitivité et de se placer hors course. Nous avons bien vu que le recrutement prédictif et l’analytique RH pourraient bien devenir un des futurs moteurs de la performance RH en entreprise, ce qui permettrait de placer la fonction en centre de profit. Ce qui veut dire contribuer à la compétitivité de l’entreprise au sens large du terme. L’enjeu est de taille. L’évolution des emplois en entreprise et l’accompagnement des salariés Ma seconde interrogation consistait à réfléchir aux impacts des transformations induites par ces technologies, pour des populations n’étant pas toujours armées pour. En effet, la transition numérique implique une adaptation des salariés aux changements. La question posée était la suivante : Que faire des salariés qui ne sont pas en mesure de suivre ces évolutions et qui resteront à la marge ? La question n’est à mon sens pas la bonne. Il est plus juste de se demander comment permettre à ces salariés de s’adapter aux changements. Et l’on revient ainsi à une thématique que les services RH connaissent bien qui est la conduite du changement, avec toutes ses étapes à suivre afin de permettre un changement progressif et maîtrisé. Figure 20 : 93Etapes de déploiement d'un changement 93 Source : http://www.mc2i.fr/-Conduite-du-changement
  • 77. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 75 Le choc générationnel Le questionnement posé sur ce sujet était de savoir comment éviter de creuser davantage ce fossé générationnel. Y-en-a-t-il vraiment un, de choc générationnel ? Il existe, comme nous l’avons vu précédemment, une controverse sur l’idée même des générations et sur l’existence de la génération Y. Ceci dit, est-ce bien important ? Y ou pas, il existe quand même des différences entre les individus qui peuvent être perçues sur les sujets liés aux technologies digitales. Tout le monde n’est pas forcément très à l’aise avec le sujet et ce n’est pas toujours ceux que l’on croit, même si des tendances générationnelles se dégagent. Quoi de plus normal ? Ce qu’il est important de noter je pense, c’est que le numérique change la façon de voir les choses, les organisations et fait évoluer la société. Le tout étant d’embarquer tout le monde sans distinction sur le même radeau pour que tout le monde suive le mouvement. Pour réussir ce changement, il est malgré tout important de prendre en compte et de comprendre les tendances générationnelles et éviter de créer tout fossé entre les générations ultra-connectées et celles qui ne sont pas nées avec un ordinateur entre les mains, mais sans en faire une vérité absolue. Les évolutions technologiques ont été d’une telle fulgurance qu’aujourd’hui nous croisons 3 voire bientôt 4 générations différentes en entreprise, avec des connaissances et appétences différentes sur le sujet du numérique. Pour moi, le réel enjeu est de réussir à mixer les équipes, créer une cohésion intergénérationnelle, acculturer et permettre à « ceux qui savent » d’apprendre à « ceux qui ne savent pas encore ». Figure 21 : 94 Le plus accroc aux nouvelles technologies n’est pas toujours celui qu’on croit ! 94 Source : http://digital-collab.com/focus-sur-la-generation-y/
  • 78. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 76 Il en va aussi de la volonté des générations pas forcément très à l’aise avec le numérique, de s’adapter à l’évolution de la société. Comme dans tout changement, il y a des réfractaires que l’on aura du mal à faire bouger, ce qui n’est d’ailleurs pas forcément une question de génération. Toutes les personnes de la génération Y ne possèdent pas forcément un compte Facebook et ne sont pas forcément présents sur les réseaux et à l’inverse vous connaissez sûrement des papy boomers ultra connectés. Je pense qu’il faut avant tout ne pas faire de généralités, même s’il est intéressant de les connaître. Il est important de gérer les individualités en fonction des résistances/appétences de chacun. Bullshit jobs (jobs à la con)95 Je questionnais également l’impact du Big Data et de l’analytique RH sur la transformation des métiers. Certains sont en effet peut-être amenés à disparaître suite à l’automatisation et à l’implémentation automatique des données, quid du futur gestionnaire de paie ? Et parmi les conséquences probables, la multiplication des métiers à faible valeur ajoutée. Le fait est qu’à mon sens ces métiers, considérés comme faibles en termes de valeur ajoutée et bien qu’essentiels pour l’entreprise, existent déjà. Ce sont des métiers qui ne nécessitent pas une expertise technique importante, et parfois qui ne donnent pas sens à la personne qui les réalisent. Pourtant, ils peuvent convenir à des personnes qui ne recherchent pas particulièrement de challenge professionnel et sont à l’aise dans une certaine « monotonie » de travail, ceux qui voient le travail comme un moyen de subvenir à leurs besoins quotidiens. Là où cela pose problème c’est quand le travail change, subit des évolutions, au point de devenir vide de sens et « inintéressant ». L’histoire regorge de ce type d’exemples auxquels la société a dû s’adapter (naissance du travail à la chaîne). Les modifications subies peuvent générer de la frustration et du désintérêt, comme par exemple lorsque l’on passe de missions valorisantes nécessitant de la réflexion à des missions où l’on doit se contenter de contrôler des données. Par ailleurs, force est de constater également que les nouvelles générations Y/X recherchent avant tout du sens dans leur travail et c’est ce qu’il va falloir nous atteler à donner. Là encore, ce n’est peut-être pas qu’une question générationnelle. Est-ce que la digitalisation va multiplier les métiers à faible valeur ajoutée ou son contraire ? Difficile à dire pour le moment, je pense que ce sera un peu des deux dans 95 Concept définissant les métiers absurdes et vide de sens que la technologie est en partie accusée d’avoir créé.
  • 79. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 77 tous les cas. Certains métiers perdront de l’intérêt, d’autres évolueront positivement et permettront de se concentrer sur les tâches réellement porteuses de sens. L’analytique RH et le libre arbitre L’un des derniers questionnements concernait la capacité des individus à rester maître de leur parcours dans un fonctionnement où la gestion des compétences et le recrutement seraient issus d’une analyse prédictive. Je ne pense pas que le but de ces outils soit de forcer un salarié à suivre une carrière qu’il n’aurait pas choisie, mais plutôt de pouvoir lui proposer des solutions d’évolution pouvant correspondre à ses compétences à l’instant « t » et à ses capacités (projections). Sachant que les personnes évoluent au fil du temps, gagnent des nouvelles compétences, ont de nouvelles aspirations, ces outils ne devront pas être la seule base de décision. Dans tous les cas, les modèles devront tout autant évoluer pour répondre aux nouveaux besoins exprimés à la fois par l’entreprise mais aussi par ses salariés. « Refuser le libre arbitre » c’est créer des frustrations et donc être contre-productif, ce n’est pas le but recherché par l’analytique RH, bien au contraire. Je ne pense pas que l’analytique RH retirera la possibilité aux salariés de l’entreprise de faire des choix de carrière, cela peut peut-être, par contre, leur apporter une meilleure visibilité (transparence ?) et des perspectives. Mais il faut prendre garde à l’effet « promesses » que cela peut engendrer. Toutes ne peuvent pas être tenues et créer de l’attente sans pouvoir la combler amène des déceptions et du désengagement qui ne seraient peut-être pas apparus sans cela. Le clonage en entreprise Recruter de façon prédictive grâce au Big Data, début de l’ère des clones ? Aujourd’hui, comme déjà abordé précédemment, c’est déjà plus ou moins le cas dans les entreprises. En tant que candidats à l’embauche, nous avons nous-mêmes tous déjà été dans cette situation où l’on aurait aimé que le recruteur aille au-delà des critères d’expérience ou de formation et puisse voir en nous un potentiel plutôt qu’un CV ne répondant pas aux critères. Si vous ne l’avez pas été, vous êtes chanceux. Toutefois, les mentalités sont lentement en train de changer pour davantage se baser sur la personnalité des candidats plutôt que sur un cursus parfait et sans ombrage. Ces réflexions sur le recrutement prédictif ont en tout cas le bénéfice d’ouvrir le débat sur nos modes de recrutement, compétences/diplôme versus personnalité. Je vous invite d’ailleurs, si vous ne la connaissez pas encore à regarder la conférence TedX sur le sujet de Régina Hartley, Vice-Présidente des Ressources Humaines chez UPS US, « Why the best hire might not have the perfect resume » (pourquoi le
  • 80. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 78 meilleur candidat n’a peut-être pas forcément le CV parfait), qui est assez inspirante sur le sujet. J’ai envie de rester assez optimiste. D’autant que l’on parle de plus en plus d’intelligence collective et du fait que, pour créer des groupes performants, il faut des groupes hétérogènes avec des personnalités distinctes mais complémentaires. Réunir tous les « top performers » ensemble ne suffit pas à créer une équipe performante, une équipe « ordinaire » peut donner de meilleurs résultats. Tout est une question de complémentarité des personnalités et des compétences. Là où je pense que l’analyse prédictive peut réellement apporter un élément véritablement différenciant, est si elle parvient à réaliser ce type d’analyse et de pouvoir ainsi orienter les recrutements sur ces bases. Je suis d’avis de dire que l’analyse prédictive ne créera pas forcément des clones mais amènera plutôt une façon différente de recruter, permettant à des profils qui n’auraient peut-être pas été sélectionnés de prime abord à sortir du lot et à se débarrasser de cette mauvaise habitude française qui est de regarder les diplômes obtenus plutôt que le potentiel. Un chemin possible vers une réelle diversité ? Puisqu’on le sait bien, une armée de clones ne peut pas fonctionner en entreprise. Le recrutement objectif L’un des arguments des prestataires proposant des services de recrutement prédictifs et de dire que le recrutement peut se faire à partir d’éléments réellement objectifs et ainsi permettre de passer outre les discriminations à l’embauche habituelles. Cela peut être vrai sur les aspects « compétences/cursus/personnalité ». Toutefois je doute que cela puisse permettre de passer outre les critères « âge/sexe/origine ». Les algorithmes préconiseront, les recruteurs prendront en compte ces préconisations…ou non. Il faut rester complètement honnête et se dire que le choix final reviendra toujours au recruteur/à l’entreprise. Si une entreprise ne recrutait que des hommes d’âge murs aux postes de manager, ou des jeunes gens beaux et sveltes aux postes de vendeurs en magasin96, elle ne changera pas pour autant ses habitudes. Et sur ces sujets, c’est plus une évolution des mentalités qui est requise plutôt qu’un outil indiquant qu’il faut recruter d’autres profils. Le recrutement prédictif peut servir à créer de la diversité, mais il faut que l’entreprise le souhaite vraiment. 96 En référence à la polémique de recrutement chez Abercrombie&Fitch
  • 81. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 79 Impacts de l’automatisation – Suivez le lapin blanc Pourquoi ce titre ? Il s’agit bien évidemment d’une référence au film Matrix. Néo (le héros) a le choix de continuer à vivre dans le monde qu’il a toujours connu et de rester dans l’ignorance, ou de prendre le risque d’être plongé dans la vérité et de, même si cela le sort de sa zone de confort (c’est peu dire), influer sur le monde qui l’entoure et en changer les contours. Il se met alors à utiliser la matrice (le monde robotisé) plutôt que d’en faire passivement partie. Il modifie son positionnement de suiveur en celui d’influenceur et réussit à faire bouger les lignes. Vous me direz que comparer l’automatisation que l’on connaît à Matrix est un peu capillotracté. Et pourtant, peut-être pas tant que ça. Aujourd’hui il est important d’être acteur des changements que l’on voit émerger. Pourquoi ? Pour pouvoir anticiper autant que possible les compétences, même si cela ne peut être que sur du relativement court terme et pouvoir proposer des transitions pour les salariés dont les métiers sont « à risques ». Nous avons aussi le pouvoir, de notre côté en tant que RH, de faire bouger les lignes. Mais pour ça il faut avoir compris l’ampleur du changement et l’incarner. On ne peut pas se permettre, à mon sens, de rester passifs sur ces sujets. D’autant que la passivité peut avoir des impacts importants sur l’entreprise sur les champs de l’innovation et du numérique, y compris en RH. Il s’agit de contribuer au bien-être des salariés, à l’évolution/adaptation de leurs compétences, à la compétitivité et à la performance de l’entreprise. Alors, comme Néo suivez le lapin blanc, faites le bon choix et devenez acteur du changement. b. Réponse à l’hypothèse La problématique posée au départ était la suivante : Big Data et analytique RH – Opportunité ou menace pour les Ressources Humaines de l’entreprise ? L’hypothèse avancée était de dire cela pouvait être les deux. La menace portant sur les aspects relatifs à la gestion des talents de l’entreprise, sur le besoin de mettre les salariés « à la page » mais aussi sur la menace de devenir inadaptée aux besoin des nouvelles générations (perte d’attractivité). Et l’opportunité étant de pouvoir réellement satisfaire les salariés de l’entreprise en leur apportant des solutions en termes de gestion des compétences et d’engagement.
  • 82. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 80 Je pense que cette hypothèse est toujours valable mais ne répond que partiellement à la question. Elle doit être complétée d’autres éléments, à nécessairement prendre en compte, pour véritablement pouvoir y répondre. Tout d’abord, le Big Data et l’analytique RH restent des outils par-dessus tout. Ce sont des outils certes puissants, mais ce qui importe vraiment est ce que l’on en fait. Même s’il faut bien évidemment être conscient des risques, pour éviter de dévier. La menace principale reste pour moi la mauvaise utilisation qui peut en être faite plutôt que l’outil lui-même (mauvais paramétrages, abus). Aujourd’hui nous savons que la richesse d’une entreprise provient de la diversité des individus qui la compose et de leur capacité à pouvoir travailler ensemble. Les entreprises reviennent d’ailleurs de plus en plus vers un schéma de pensée où le salarié est placé comme le créateur de sa valeur ajoutée. Le recrutement prédictif n’est peut-être pas à exploiter seul mais à joindre à d’autres analyses, telles que celles vues dans les recherches menées sur l’intelligence collective, pour essayer de recruter les profils qui pourront s’intégrer efficacement dans l’entreprise. Le recrutement prédictif, c’est recruter les profils adaptés à l’entreprise mais c’est aussi, en tant que candidat, être intégré à une entreprise qui correspond à notre personnalité. Il s’agit plutôt à mon sens d’un dispositif gagnant-gagnant et donc plutôt une opportunité qu’une menace. Rappelons également que la décision finale revient toujours à un individu et qu’il est aussi en capacité de remettre en question les résultats produits. Malgré tout, recruteriez-vous quelqu’un qui ne vous a pas fait bonne impression en entretien et que vous ne pensez pas pouvoir tenir le poste, même si la machine vous indique que c’est le meilleur choix ? Nous avons cette capacité en tant qu’être humain qui est le « libre arbitre » ou encore le « pouvoir de décision ». Et c’est valable aussi bien du côté salarié/candidat, que du côté RH. Je pense qu’il y a également une opportunité, de par l’analytique RH, de mieux gérer les compétences des salariés et leur carrière, les comprendre davantage, et ce qui les « drive ». Et mieux encore, de pouvoir prouver factuellement qu’agir sur ces facteurs permet d’améliorer la performance de l’entreprise. Cela veut dire ne plus se baser sur ce que l’on « pense » (sentiment) être bon pour l’entreprise mais sur ce que l’on « sait » (données) être bon pour l’entreprise, puisque mesurable. Ce qui veut dire que la fonction RH peut également avoir l’opportunité de réellement se placer comme acteur de la stratégie de l’entreprise, via l’apport d’analyses prédictives et de scénarios. Ce qui implique une mutation/évolution de la fonction. Et d’ailleurs, le Big Data et la digitalisation de façon générale vont imposer à mon sens une transformation globale pour les entreprises. La principale menace, pour moi, est le fait d’ignorer ce qu’il se passe actuellement au risque de changer « trop tard ». Ce qui veut dire ne pas prendre en compte l’évolution de la société et des
  • 83. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 81 besoins des salariés (générations), rejeter l’innovation y compris dans les domaines RH, être dans une posture trop attentiste. Personne ne veut être le futur Kodak, qui faute d’avoir cru au numérique s’est lancé trop tard sur le marché et a frôlé la faillite. c. Préconisations Pour que le Big Data et l’analytique deviennent une opportunité plutôt qu’une menace, il y a pour moi quelques étapes à suivre Devenir moteur Chaque entreprise n’en est pas forcément au même niveau de maturité digitale. Quoi qu’il en soit, on ne passe pas du jour au lendemain du reporting de données classique à l’analytique, tout comme on ne passe pas du « tout papier » au « tout numérique ». Le changement majeur à opérer, je pense, est celui de la culture d’entreprise. Puisqu’il s’agit d’un changement touchant l’organisation de l’entreprise, la fonction RH est en droit de faire valoir sa légitimité à en être le moteur. Pour lancer ce type de démarche, évaluer le niveau de maturité digitale permet de déterminer ce qu’il reste à mettre en œuvre au sein de l’entreprise pour atteindre le but fixé et ainsi connaître l’étendue de la conduite du changement qui sera à mener. Il faut y aller progressivement, instaurer petit à petit une culture numérique, former les différents acteurs en prenant en compte les différences culturelles et générationnelles. Commencer par des petites choses, des choses simples mais qui permettent de voir un résultat. Devenir pilote d’essai Nous avons vu que la mise en place de l’analytique RH nécessitait 4 étapes et 4 niveaux de reporting différents. Selon où l’entreprise se place dans cette échelle, il est peut-être possible de viser à atteindre l’échelon supérieur et y aller progressivement. Pour cela, il me semble nécessaire de mettre en corrélation les objectifs de l’entreprise et les objectifs RH. Quelles sont les questions que les dirigeants vous posent auxquelles il vous est difficile de répondre factuellement ? Je pense que l’un des secrets finalement est également de ne pas avoir peur de se tromper, tester, mesurer le ROI / RONI.
  • 84. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 82 Transformez votre service RH en laboratoire innovant ! Je pense que les services RH n’ont rien à y perdre et tout à y gagner, notamment lorsque l’on constate les résultats des enquêtes sur le point de vue des dirigeants vis-à-vis des RH. Communiquer ses résultats Vous avez mené une démarche analytique ou de recrutement prédictif qui a porté ses fruits ou au contraire qui s’est avérée être plutôt négative ? Alors communiquez. Ma dernière préconisation est de dire qu’il faut communiquer ses résultats si l’on est dans une démarche de ce type, ou de rester en veille active lorsque ce n’est pas le cas. Je crois au partage d’expérience qui donnera envie à d’autres de se lancer ou qui leur donnera les clés pour éviter certains pièges. Nous sommes responsables aujourd’hui du sens qui sera donné à notre fonction demain. Si nous ne voulons pas rester sur le banc de touche, c’est également à nous d’êtres moteurs sur ces sujets.
  • 85. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 83 • Service juridique : support juridique aux sociétés et suivi des procédures • Service Formation : gestion administrative de la formation (facturation, relations avec l’OPCA, enregistrement des formations) • Organisme de formation interne : préparation et organisation des cursus GSF • Service recrutement : support en recrutement sur les profils agents de maîtrise et supérieurs • Contrôle de gestion et service administratifs : réalisation des bilans sociaux et déclarations obligatoires , audit sociaux auprès des établissements Siège Partie 5 : Application possible en entreprise De par son organisation et son activité, mon entreprise, qui est une société proposant des prestations de service en propreté, semble bien loin des préoccupations relatives au Big Data et de l’analytique RH. Pourtant, il s’agirait peut-être là d’une opportunité, pour elle, de gagner en performance. Avant de pouvoir déterminer en quoi ces outils pourraient leur être bénéfiques, il me semble important de faire un état des lieux de l’organisation actuelle de l’entreprise et des problématiques rencontrées. a. Organisation des RH Divers constats peuvent être posés sur la gestion des Ressources Humaines, inhérents à l’organisation intrinsèque de la société. En effet, GSF AURIGA est l’une des 22 sociétés faisant partie du groupe GSF. Ce qui représente 1200 salariés (800 ETP97), 1 direction régionale (DR) et 5 établissements. Pour autant, il n’y a pas de fonction RH représentée au niveau de la DR. La fonction est éclatée. Le siège intervient sur les problématiques RH en tant que service support notamment sur la formation ou le juridique. Il n’y a pas de service RH groupe, ni de DRH groupe. Voici le détail de la répartition actuelle de la fonction RH au sein de GSF : 97 ETP = Equivalent temps plein
  • 86. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 84 b. Etat des lieux Problématiques Cette organisation est tournée vers l’opérationnel et ne permet pas de réelle anticipation/prise de recul. Ce qui, à mon sens, ne permet plus de répondre efficacement à toutes les problématiques rencontrées. D’un point de vue RH, il est possible de constater plusieurs conséquences :  La charge de travail des inspecteurs devient plus en plus conséquente et impacte directement celle des assistantes,  Les établissements peinent à recruter sur les profils terrains et encadrement, • L'assistante de direction : - Gestion administrative du personnel - Saisie des éléments variables de paie et réalisation de la paie (pour la DR) - Préparation des éléments pour les réunions de bilans sociaux (communiqués par le siège) • Le coordinateur QSE : - Pilotage du plan de formation de l'ensemble des établissements - Gestion de la formation : contact organismes, lien avec le siège Direction régionale • Les assistantes : - Gestion administrative du personnel et support des inspecteurs sur la création de contrats de travail - Gestion de la formation (contact organismes et signatures conventions uniquement) - Saisie des éléments variables de paie et réalisation de la paie • Les inspecteurs : - Recrutement des chefs d'équipe et agents - Elaboration et remise des contrats de travail - Récupération/remplissage des feuilles d'heures et des éléments variables de paie • Les chefs d'établissement : - Gestion des dossiers disciplinaires - Relations avec les IRP Etablissements
  • 87. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 85  Les recrutements sont parfois réalisés dans l’urgence, ce qui conduit à des erreurs de recrutements ou à une mauvaise identification du besoin initial,  Des attentes ont été créées vis-à-vis des salariés suite à l’instauration des entretiens professionnels (formation, mobilité) avec aucune solution mise à disposition pour les traiter,  Le secteur d’activité souffre d’un manque d’attractivité qui nuit aux recrutements, y compris ceux d’alternants,  Il n’existe pas d’outil de pilotage à disposition des chefs d’établissement pour la gestion de leurs ressources humaines. GSF AURIGA a ainsi besoin de :  Gérer les compétences : o Professionnaliser les recrutements (gagner en vision prévisionnelle), o Gérer les carrières, o Identifier et accompagner les profils évolutifs.  Développer l’image de l’entreprise et du secteur pour développer son attractivité et l’engagement des salariés.  Optimiser les processus pour permettre aux inspecteurs et assistante de gagner en efficacité et ainsi de gagner du temps.  Créer des outils de pilotage et d’aide à la décision pour les inspecteurs et les chefs d’établissements. Maturité numérique Quels sont les constats en termes de maturité numérique chez GSF ? Il me semble important de se poser cette question puisque cela permet de déterminer quel est « l’effort à faire » de la part de l’entreprise si elle souhaite se lancer sur les champs du Big Data et de l’analytique. L’écart entre l’état actuel et où l’on souhaite se rendre étant la conduite du changement à réaliser et le niveau d’investissement requis. Pour la mesurer, et si vous souhaitez le faire pour votre propre entreprise, il existe des questionnaires en ligne permettant de réaliser un « diagnostic numérique » de votre organisation, comme celui proposé par CXP98, société de conseil et analyse en solution logicielle. La maturité numérique d’une entreprise peut se mesurer sur ces aspects :  Technique (ou technologique)  Humaine  Organisationnelle 98 http://maturitenumerique.com/
  • 88. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 86 Maturité Technique : Etat des lieux :  Des systèmes d’exploitation et de sauvegarde des données anciens : Utilisation de Windows vista à l’ère de Windows 10 (10 ans d’écart), utilisation de Microsoft office 2007 à l’ère de Microsoft office 2016 (9 ans d’écart), AS400 pour la sauvegarde des données (système créé en 1988).  Absence de système de vidéo conférence ou de chat en ligne.  Des systèmes de communication et de gestion clients « classiques » (téléphone, mail, cahiers de liaison). Les systèmes informatiques sont anciens voir parfois obsolètes, toutefois il y a une certaine volonté de la part des services informatiques de les mettre à jour. Il n’y a pas d’utilisation du Big Data et des technologies digitales au sein de l’entreprise, y compris pour les aspects « marketing /relationnel client ». Maturité Humaine : Etat des lieux :  Une population peu habituée à l’utilisation d’outils numériques.  Une direction peu encline à se développer (innover) dans le domaine.  Des salariés pas toujours suffisamment formés à l’utilisation des outils internes. Les salariés de l’entreprise sont globalement peu formés à l’outil informatique et ne sont pas toujours à l’aise avec les nouvelles technologies. Maturité Organisationnelle : Etat des lieux :  Une mise en place de tablettes avec des applications professionnelles dédiées pour les inspecteurs.  Pas de télétravail possible en dehors de la gestion des mails (webmail).  Une gestion papier importante : beaucoup de travaux encore réalisés ou conservés sur papier (feuilles d’heures, bordereaux…).  Peu d’outils numériques au service de l’organisation (suivis sur Excel, pas d’indicateurs automatisés…).  Des blocages réseau vers les sites emblématiques de la génération digitale : Facebook, Twitter, Youtube…
  • 89. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 87 Il y a un souhait de développer les tablettes et les applications pour faciliter le quotidien des responsables de secteur, ce qui démontre une volonté de moderniser les dispositifs. Cependant, la gestion papier reste encore très importante et il n’existe pas de système de télétravail ou de Cloud, ce qui serait pourtant une solution envisageable. Les restrictions réseau démontrent également une certaine fermeture vis-à-vis des outils de communication digitaux. En résumé : La maturité numérique de GSF est globalement relativement faible. Force est de constater que nombre d’améliorations pourraient voir le jour sur les aspects Techniques, Humains et Organisationnels. c. Quid du digital chez GSF Maintenant que nous avons vu quelle était la maturité numérique de GSF, la question est de savoir ce qu’il y a à gagner à modifier ses habitudes et ses modes de fonctionnement. Quel serait l’intérêt de l’entreprise à se lancer dans une démarche digitale et en particulier sur de l’analytique RH ? Le digital et l’analytique RH chez GSF, pour quoi faire ? J’ai énoncé dans l’état des lieux, un certain nombre de problématiques rencontrées par l’entreprise. Je vais les énoncer point par point et indiquer en quoi l’analytique RH pourrait apporter une aide dans la résolution de ces dernières. Charge de travail :  La charge de travail des inspecteurs devient plus en plus conséquente et impacte directement celle des assistantes. Il y a un potentiel de développement de solutions informatiques permettant de digitaliser et ainsi de faciliter le quotidien des assistantes et des inspecteurs en évitant notamment les saisies multiples sur différents outils (Excel par exemple). La gestion du personnel pourrait également être facilitée en analysant les causes de l’absentéisme via le Big Data et en construisant un outil permettant d’optimiser les ressources sur les chantiers. Ce qui permettrait aux inspecteurs et aux assistantes de gagner du temps (délais de remplacement, optimisation, moins de contrats à saisir…)
  • 90. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 88 Recrutement :  Les établissements peinent à recruter sur les profils terrains et encadrement,  Les recrutements sont parfois réalisés dans l’urgence, ce qui conduit à des erreurs de recrutements ou à une mauvaise identification du besoin initial. Les établissements cherchent soit à recruter des « moutons à 5 pattes » ou ne prennent pas suffisamment de recul sur les profils recherchés. Les « bons » profils se font rares en particulier sur certains secteurs (Vendée). L’apport de l’analytique RH et en particulier du recrutement prédictif pourrait être important pour GSF. Cela leur permettrait d’identifier des profils auxquels ils n’auraient peut-être pas pensé pour occuper un poste, d’éviter les erreurs et de limiter le turnover, qui peut être assez problématique dans la mesure où chaque salarié doit être immédiatement remplacé et où les recrutements des agents de maîtrise sont coûteux (formation). L’apport de l’analytique RH et en particulier du recrutement prédictif pourrait permettre de davantage professionnaliser les recrutements en les rendant plus « qualitatifs » et adaptés aux besoins réels. Les inspecteurs et chefs d’établissement, n’étant par ailleurs pas des professionnels du recrutement, pourraient ainsi mieux évaluer les candidatures reçues. Cela représenterait également un gain de temps dans la gestion, l’analyse et le traitement des candidatures et limiterait les pertes de temps sur des profils non adaptés à l’entreprise. GPEC :  Des attentes ont été créées vis-à-vis des salariés suite à l’instauration des entretiens professionnels (formation, mobilité) avec aucune solution pour les traiter. L’analytique RH pourrait également apporter des solutions sur la gestion des compétences et aider à identifier les potentiels évolutifs en croisant avec les algorithmes de recrutement prédictif. Aujourd’hui, il n’existe pas d’outils de gestion des compétences au sein de GSF. Pourtant se doter de tels outils permettrait d’améliorer l’engagement des salariés en leur donnant un but, en reconnaissant leur travail/progrès de manière objective. Cela permettrait également de mieux formaliser les formations réellement adaptées aux salariés (optique de performance ou d’évolution).
  • 91. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 89 Marque employeur :  Le secteur d’activité souffre d’un manque d’attractivité qui nuit également aux recrutements, y compris ceux d’alternants Etre digitalement actif, présent sur les réseaux sociaux, disposer d’outils au goût du jour sont importants en recrutement et permettent d’améliorer la marque employeur, surtout pour les dernières générations. GSF a un effort à faire sur le sujet, bien que présent sur les plateformes de type Linkedin/Viadeo, les technologies digitales restent à développer et à améliorer. Au-delà de l’aspect digital, c’est une nouvelle organisation du travail qui est nécessaire au sein de l’entreprise pour gagner en attractivité. Indirectement, le gain de temps que pourrait apporter l’utilisation de l’analytique RH et de la digitalisation pourrait permettre de se recentrer sur les sujets tels que la Qualité de Vie au Travail (QVT), la communication RH, le développement de la RSE. Ce sont des éléments permettant d’apporter de la valeur ajoutée à l’entreprise et donc de l’attractivité. Pilotage :  Il n’existe pas d’outil de pilotage à disposition des chefs d’établissement pour la gestion de leurs ressources humaines. D’un point de vue du pilotage, nous en sommes actuellement à un reporting opérationnel simple servant à alimenter les reportings obligatoires (bilan social, bilan formation…). Beaucoup d’indicateurs, qui pourtant pourraient être utiles à la structure ne sont pas suivis tels que le taux d’absentéisme ou encore le taux de turnover. Ces deux points sont pourtant particulièrement importants pour l’entreprise puisqu’ils impactent directement la rentabilité. L’analytique RH aurait pour avantage d’apporter une analyse plus développée des données et de pouvoir par exemple analyser l’impact réel de l’absentéisme sur le chiffre d’affaire, de déterminer les causes et d’en tirer des préconisations (scénarios). Cela permettrait également tout simplement aux établissements de pouvoir réellement piloter la gestion de leurs ressources humaines en se basant sur des analyses objectives. Le digital chez GSF, ROI vs RONI Y-a-t-il un risque pour GSF de ne pas développer le sujet ? Le secteur de la propreté est très concurrentiel et les marges sont très serrées. Dans ce contexte, il est important de sortir son épingle du jeu sur la qualité, le coût ou sur la réactivité (on ne peut qu’en avoir 2 sur les 3).
  • 92. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 90 Certains concurrents, et nous avons vu l’exemple d’ISS, commencent à utiliser le Big Data et l’analytique pour en tirer des préconisations permettant d’améliorer leurs services. Cela pourrait, à termes, leur procurer un avantage concurrentiel important. Le risque serait dans un premier temps de perdre des marchés ou des prospects, face à des concurrents en mesure de proposer un service globalement meilleur, puisqu’étudié pour l’être. Et dans un second temps, de se placer sur ce champ que bien trop tard. Le manque de modernité et de vision est une réelle menace. Là où ISS pointe l’impact de l’engagement des salariés dans la satisfaction client, le siège de GSF ne veut pas entendre parler de QVT. Il y a un décalage important qu’il va falloir essayer de combler. Et pourtant, il y aurait de réels intérêts pour GSF de se moderniser dans un premier temps, et d’explorer ensuite les domaines de l’analytique. De par leurs 30 000 salariés sur la France, ils possèdent un terrain de « jeu » important et donc une source de données colossale. Ils ont la chance de posséder un siège abritant les fonctions support, peut-être faudrait-il y recréer une DRH pour prendre à bras le corps ce type de sujet dans un objectif « Business partner », puisqu’il s’agit de leur priorité. Les clients sont de plus en plus en demande d’éléments concernant la qualité de vie au travail des salariés de GSF, le taux d’absentéisme, le turnover, le management. Développer l’analytique, c’est prendre les devants et permettre une transparence avec ces derniers. C’est aussi gagner globalement en performance et en efficacité. Le digital chez GSF, comment faire ? Si la société GSF souhaitait se lancer, par quoi devrait-elle commencer à réfléchir et que devrait-elle mettre en œuvre ? 1. Faire un état des lieux précis et mesurer la maturité numérique de l’entreprise. 2. Etablir les problématiques d’entreprise rencontrées en matière de RH et ainsi établir les besoins (Pourquoi ?). 3. Déterminer les acteurs (Qui fait quoi ?) et le budget alloué (Pour combien ?). 4. Identifier les risques et le ROI. 5. Lancer une démarche d’appropriation et de développement du numérique pour tous les acteurs de l’entreprise. Acculturation et conduite du changement digital. (Quoi). 6. Déterminer sur quelles sociétés/établissements est lancée la démarche, il est possible de choisir une société pilote (Où ?). 7. Prendre contact avec les éditeurs de solutions numériques Big Data, établir le cahier des charges (Quoi ?) et commencer à tester ! (Quand ?).
  • 93. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 91 Conclusion Avec la transformation digitale, nous sommes entrés dans l’ère de la 4ème révolution industrielle, cette dernière apportant son lot de mutations sociales et organisationnelles. Nous sommes encore bien loin de connaître l’étendue des modifications que cela nous apportera. Quoiqu’il en soit, le Big Data nous apporte un certain nombre d’outils utilisables en RH tels que le recrutement prédictif ou l’analyse prédictive, qu’il va nous falloir apprendre à maîtriser. Le développement de l’analytique est encore assez lent et ne nous montre que peu d’exemples. Toutefois, tout tend à démontrer que nous risquons d’en entendre de plus en plus parler. Comme pour toute nouveauté, il y a les précurseurs et ceux qui attendent que d’autres aient essuyé les plâtres pour se lancer. Mais à la fin du compte, tous finissent par adopter la nouveauté, lorsque sa valeur ajoutée est démontrée. Il en va parfois de la compétitivité de l’entreprise. Le rapport au travail risque d’être modifié : gestion de l’humain et compréhension, modes de travail, métiers. Nous pouvons ainsi spéculer sur les différents impacts possibles. Comme tout ce qui est nouveau, il y a parfois quelques craintes associées. Fondées ou non, il est important d’en tenir compte puisque ce seront celles qui nous seront opposées lorsque nous tenterons de proposer le changement. Nous avons aussi, je pense, en tant que RH, une responsabilité quant à l’utilisation réfléchie et éthique des données que nous récupérerons via les outils Big Data. Toutefois, pour développer ces champs, il est important d’avoir créé le terrain fertile, en rendant la culture de l’entreprise adaptée. Sans cela, il sera difficile d’en cultiver les fruits voire même de lancer la démarche. Pour conclure en quelques mots, soyez moteurs, expérimentez, restez en veille, communiquez. Allez-y, lancez-vous ! Plus sérieusement, il y a plus de risques à ne rien mettre en œuvre qu’à lancer la machine, même doucement.
  • 94. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 92 Annexe Future Work Skills 2020
  • 95. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 93 Glossaire  Algorithme : Suite finie et non ambiguë d’opérations ou d'instructions permettant de résoudre un problème ou d'obtenir un résultat.  Acculturation : Comprend les phénomènes qui résultent d’un contact continu et direct entre des groupes d’individus de cultures différentes et qui entraînent des changements dans les modèles culturels originaux de l’un ou des autres groupes.  Big Data : Combinaison d’informations structurées (bases de données), semi- structurées (historiques, logs…) et non structurées (contenus de vidéos, conversations téléphoniques…) afin d’en tirer des actions en temps réel. Caractérisé par les 5V : volume, vélocité, variété, véracité et la valeur.  Buzz : Technique marketing consistant à susciter du bouche à oreille autour d'un événement, d'un produit ou d'une offre commerciale.  Buzzword : Mot ou phrase très populaire pendant une période de temps.  Cloud : De « nuage » en anglais, définit une infrastructure dans laquelle la puissance de calcul et le stockage sont gérés par des serveurs distants auxquels les usagers se connectent via une liaison Internet sécurisée.  CRM : Customer Relationship Management (gestion de la relation client). Outil marketing permettant de fidéliser le client ou attirer les prospects, par l’amélioration du service proposé, au travers d’outils et d’analyses de données.  ERP : Vient de « Enterprise Resource Planning ». Application dont le but est de coordonner l'ensemble des activités d'une autour d'un même système d'information.  FLOPS : « Floating-point operation per second » (opérations en virgule flottante), Unité de mesure, utilisée dans le domaine scientifique, de la vitesse d’un système informatique.  Geek : Technophile féru d’informatique ou personne prise par une passion (jeux video, séries américaines, cinema japonais…).  Logs : Fichier permettant de stocker un historique des évènements attachés à un processus.  Mème : Production diffusée massivement sur internet (image, texte, vidéo).  MOOC : « Massive Open Online Course » (cours massivement ouvert en ligne). Dispositif de formation en ligne accessible à distance.  NTIC : Nouvelles technologies de l’information et de la communication.  SIRH : Systèmes d’information des ressources humaines.  ROI : « Return On Investment » (Retour sur investissement).  RONI : « Risk Of No Investment » (Risque de non-investissement).
  • 96. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 94 Bibliographie Ouvrages  GOODWIN, M. (2012). Economix. Les arènes.  MARX, K. (1847). Manifeste du parti communiste.  COINTOT, J.-C., & EYCHENNE, Y. (2014). La révolution Big Data. Dunod.  CUKIER, K. (2013). Big Data: A Revolution That Will Transform How We Live, Work and Think. John Murray.  LAHOUZE-HUMBERT, E. (2014). Le choc générationnel. Maxima.  APEC, Association pour l’emploi des cadres. (2015). Les métiers du marketing digital.  BERSIN, J. (2012). Big Data in HR: Building a Competitive Talent Analytics Function – The Four Stages of Maturity, Bersin By Deloitte.  ANDRH. (2014). A quoi ressemblera la fonction RH de demain ? Dunod. Articles  PRESS, G. (Mai 2013). A Very Short History Of Big Data. Forbes. http://www.forbes.com/sites/gilpress/2013/05/09/a-very-short-history-of-big- data  DE MATHAREL, L. (Mars 2014). Quand les Big Data de Google se trompent pour prédire l’épidémie de grippe. L’Usine Digitale. http://www.usine- digitale.fr/article/quand-les-big-data-de-google-se-trompent-pour-predire-l- epidemie-de-grippe.N249225  BERSIN, J. (Décembre 2015). 10 Things We Know About People Analytics. The Wall Street Journal. http://deloitte.wsj.com/cio/2015/12/03/10-things-we-know- about-people-analytics/  EYCHENNE, A. (Juillet 2015). Big Data : Serez-vous bientôt recruté par des algorithmes. L’Express. http://www.lexpress.fr/emploi/gestion-carriere/big- data-serez-vous-bientot-recrute-par-des-algorithmes_1694698.html  KUNCEL, N, ONES , D, KLIEGER D. (Mai 2014). In Hiring, Algorithms Beat Instinct. Harvard Business Review. https://hbr.org/2014/05/in-hiring- algorithms-beat- instinct?utm_campaign=Socialflow&utm_source=Socialflow&utm_medium=Twe et#  MASSEY, C. (Avril 2015). Can People Analytics Help Firms Manage People Better?. Wharton People Analytics Conference 2015. http://knowledge.wharton.upenn.edu/article/can-people-analytics-help-firms- manage-people-better-est-in-people-analytics/  ALBIN, A. (Juillet 2015). RH et analytique : tour d’horizon, BusinessAnalyticsInfo.fr. http://business-analytics-info.fr/archives/7529/rh-et- analytique-tour-dhorizon/  GEUZE, F. (Novembre 2015). La fonction RH est-elle moutonnière ?. Parlons RH. http://www.parlonsrh.com/fonction-rh-moutonniere/#note_1
  • 97. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 95  GEUZE, F. (Octobre 2014).Vous avez dit recrutement prédictif ? Parlons RH. http://www.parlonsrh.com/vous-avez-dit-recrutement-predictif/  BERNARD, D. (Décembre 2015). Recrutement prédictif : avons-nous encore besoin des recruteurs ?. LinkedIn. https://www.linkedin.com/pulse/recrutement- pr%C3%A9dictif-avons-nous-encore-besoin-des-david-bernard  BERNARD, D. (Mars 2016). Le recrutement prédictif, une arme contre la discrimination à l'emploi. La tribune. http://acteursdeleconomie.latribune.fr/debats/opinion/2016-03-03/le- recrutement-predictif-une-arme-contre-la-discrimination-a-l-emploi.html  Auteur inconnu. (Mai 2016). Le recrutement prédictif. RH&COMM’ENDER. https://rhcommender.wordpress.com/2016/05/31/le-recrutement-predictif/  GALITA, N. (Novembre 2014). AssessFirst présente : Le recrutement prédictif. rmsnews. http://rmsnews.com/le-recrutement-predictif-par-assessfirst  MIMS, C (Février 2016). In ‘People Analytics,’ You’re Not a Human, You’re a Data Point. The Wall Street Journal. http://www.wsj.com/articles/in-people- analytics-youre-not-a-human-youre-a-data-point-1424133771  PENTLAND, S. (Mai 2016). MIT’s Sandy Pentland: Big Data Can Be a Profoundly Humanizing Force in Industry. SingularityHub. http://singularityhub.com/2016/05/16/mits-sandy-pentland-big-data-can-be-a- profoundly-humanizing-force-in-industry/  BERNARD, D. (Juin 2016). RH vs machine : Et l’humain dans tout ça ? FocusRH. http://www.focusrh.com/tribunes/rh-vs-machine-et-l-humain-dans-tout-ca-par- david-bernard-28733.html  KLEINBERG, J, LUCA, M, MULLAINATHAN, S. (Aout-Septembre 2016). Les algorithmes ont eux aussi besoin de managers. Harvard Business Review (Edition papier).  BEGINE, J. (Août 2012). Is decision-making based on pure data dehumanizing? Quora. https://www.quora.com/Is-decision-making-based-on-pure-data- dehumanizing  BOURGEOIS, N. (Février 2016). Aspirations et transformations. RH Info. http://www.rhinfo.com/thematiques/strategie-rh/lien-social/aspirations-et- transformations  SICSIC, J. (Avril 2016). La culture digitale, clef de la transformation de l’entreprise. JDN. http://www.journaldunet.com/management/expert/64193/la- culture-digitale--clef-de-la-transformation-de-l-entreprise.shtml  CANONNE, S. (Septembre 2013). Les 7 compétences clés du travail de demain. Cegos. www.formation-professionnelle.fr/2013/09/30/7-competences-cles- travail-demain  Article reprenant l’Etude de Roland Berger. (Juillet 2014). Nouveaux Jobs : l’étude qui change tout. Le point.  ZAPPA, M. (Juin 2012). The future of education. Blog de Michel Zappa. http://michellzappa.com/blog/2012/6/25/envisioning-the-future-of-education  SCHILLER, B. (Août 2013). 8 New Jobs People Will Have in 2025. FastCompany. http://www.fastcoexist.com/3015652/futurist-forum/8-new-jobs-people-will- have-in-2025  RAIMBAULT, V. (Janvier 2016). Ces métiers qui auront la cote en 2016. Maddyness.  CARR, N. (Avril 2014). The myth of the endless ladder, Blog de Nicolas Carr. http://fr.news.clustree.com/infographie-top-10-des-dream-jobs-2016/
  • 98. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 96  LOŸS, J. (Juin 2015). Dans 20 ans, la disparition du travail ? Parlons RH. http://www.parlonsrh.com/dans-20-ans-la-disparition-du-travail/  PASCUAL, S. (2014).Chronique d’une reconversion annoncée: des métiers en voie de disparition ? Ithaque Coaching. http://www.ithaquecoaching.com/articles/reconversion-professionnelle-metiers- disparition-7658.html  FOUCAULT, C. (Décembre 2013). Développeur d'applications mobiles, le métier qui va mourir en 2014. L’Usine Digitale. http://www.usine- digitale.fr/article/developpeur-d-applications-mobiles-le-metier-qui-va-mourir- en-2014.N229043  ANDREESSEN, M. (Juin 2014). This is Probably a Good Time to Say That I Don’t Believe Robots Will Eat All the Jobs … Blog de Marc Andreessen. http://blog.pmarca.com/2014/06/13/this-is-probably-a-good-time-to-say-that-i- dont-believe-robots-will-eat-all-the-jobs/  BERSIN, J. (Mai 2014). It's Time to Redesign HR. Bersin By Deloitte. http://www.bersin.com/blog/post/Its-Time-to-Redesign-HR.aspx  CHARAN, R. (Juillet 2014). It’s Time to Split HR. Harvard Business Review. https://hbr.org/2014/07/its-time-to-split-hr  ULRICH, D. (Juillet 2014). Do not split HR – At least not Ram Charan’s way. Harvard Business Review. https://hbr.org/2014/07/do-not-split-hr-at-least-not- ram-charans-way  ALBIN, A. (Juillet 2015). RH et analytique : tour d’horizon. Business Anlytics Info.fr. http://business-analytics-info.fr/archives/7529/rh-et-analytique-tour- dhorizon/  SWANSON, D. (Août 2015). Predicting the Future and Shaping Strategy with HR Analytics. SAP Community Network. http://scn.sap.com/community/business- trends/blog/2015/08/11/video-predicting-the-future-and-shaping-strategy-with- hr-analytics  BROUAT, L. (Juillet 2016).Quelles sont les compétences du recruteur de demain ? Link Humans. http://www.linkhumans.fr/competences-recruteur-demain/  BROUAT, L. (Mai 2016).Quelle est la différence entre Responsable recrutement et Talent Acquisition Manager ? Link Humans. http://www.linkhumans.fr/difference-entre-responsable-recrutement-talent- acquisition-manager/  POLYCARPE, P. (Mars 2014). Quatre approches RH pour développer des compétences analytiques de niveau mondial. Les Echos. http://archives.lesechos.fr/archives/cercle/2014/03/24/cercle_92916.htm  DE RAPHAELIS SOISSAN, B. (Mai 2016). Comment faire des données un vecteur d'humanité dans les RH ? Les Echos. http://www.lesechos.fr/idees- debats/cercle/cercle-157466-big-data-comment-faire-des-donnees-un-vecteur- dhumanite-2002320.php  WALKER, J. (Septembre 2012). Meet the New Boss: Big Data. The Wall Street Journal. http://www.wsj.com/articles/SB10000872396390443890304578006252019616 768  FALQUY, I. (Juillet 2015). Comment Quick embauche ses cadres grâce au recrutement prédictif ? Cadremploi. https://www.cadremploi.fr/editorial/actualites/actu- emploi/detail/article/comment-quick-embauche-ses-cadres-grace-au- recrutement-predictif.html
  • 99. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 97  JAKUBOWITCZ, L. (Avril 2016). Le recrutement prédictif déniche le meilleur salarié grâce aux algorithmes. JDN. http://www.journaldunet.com/management/ressources-humaines/1177209- recrutement-predictif/  BRYANT, A. (Mars 2012) . Google’s Quest to Build a Better Boss. The New York Times.http://www.nytimes.com/2011/03/13/business/13hire.html?_r=2&pagew anted=all  RICHTELL, M. (Avril 2013). How Big Data Is Playing Recruiter for Specialized Workers. New York Times. http://www.nytimes.com/2013/04/28/technology/how-big-data-is-playing- recruiter-for-specialized-workers.html Etudes  CHABRIS, C. (2010). Evidence for a Collective Intelligence Factor in the Performance of Human Groups.  TZRENIESWKI, K, DONNELAN, B. (2010). « Rethinking « Generation Me » : A study of Cohorts effects from 1976-2006  University of Phoenix Research Institute, Institute for the Future. (2011). Future Work Skills 2020.  EY. (2013). La révolution des métiers – Nouveaux métiers, nouvelles compétences : quels enjeux pour l’entreprise ?  OSBORNE, M, FREY, C (2013). The future of employment: how susceptible are jobs to computerisation? Oxford University.  KAMP ANDERSEN, M, SVEGAARD, S, ANKERSTJERNE, P. (2015). Linking Customer Experience with Service Employee Engagement. ISS.  KPMG. (2015). Evidence-based HR – The bridge between your people and delivering business strategy.  DELOITTE. (2015). Global Human Capital Trends 2015 – Leading in the new world of work.  CESI, Le Figaro, IPSOS. (2015). Résultat de la 10ème vague de l’enquête de l’Obersvatoire Social de l’Entreprise – La transition numérique.
  • 100. Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Audrey WOZNIAK – 2015/2016 2 Digitalisation et Big Data : Impacts sur les Ressources Humaines de l’entreprise Résumé Digitalisation et Big Data sont des « buzzword » et à juste titre puisqu’ils apportent un lot de transformations et d’innovations sans précédent. Ces innovations touchent également les services Ressources Humaines avec le développement du Big Data et de l’analytique RH. Je vais ainsi aborder les différents impacts que peuvent avoir la digitalisation et cette nouvelle discipline RH, à la fois sur les Ressources Humaines en tant que personnes, en tant que fonction et sur les métiers de façon plus globale. Menace ou opportunité pour les Ressources Humaines ? Probablement les deux mais dans quelle mesure ? Une opportunité de placer la fonction RH en tant qu’acteur majeur de la stratégie de l’entreprise et la menace de l’outil s’il n’est pas maîtrisé ou mal utilisé. La solution pourrait-elle être de se lancer et de voir par nous-mêmes ? Abstract Digitalization and Big Data are buzzwords and rightly as they bring, as never seen before, sources of transformations and innovations. Those innovations also reach Human Resources services as the Big Data and HR analytics continue their growing. I’m going to address the different impacts it can have on Human Resources as people, as a function and more globally on professions. Threat or opportunity for Human Resources? Probably both, but on which extent? An opportunity to put HR function as a major actor of company’s strategy and the tool’s threat if not mastered or badly used. What if the solution would just be to go for it and find out by ourselves? 0111100011101010111011111111010101010111111111111100000000010101111010100001011101111111111111101100000000001101010101010101111111110 1011100001011101101010101011111111110000011111000001010101111111011011111011111101001100000001110111100111000001010101010101111001110 111110011111011110000100111011100111100110011100001110111110000011111011111000001111100000111100000110011100000001000100101011111000 00000