CRÉATION
VERTBELVÉDÈREA deux pas du centre historique et du palais de justice, le paysagiste
Bernard Capelle a conçu un grand jardin de toit, avant-gardiste à bien des égards.
Il y concilie des valeurs esthétiques avec les plus récentes préoccupations
environnementales urbaines : économie d’énergie, gestion des eaux,
limitation du bruit...
À Bruxelles
PAR JEAN-PIERRE GABRIEL
DocRoom
Le jardin compte deux entités : pour l’essentiel une toiture végétale
(page ci-contre et ci-dessous à droite) et un jardin plus conventionnel
composé d’un long border de Miscanthus sinensis et de Gaura
lindheimeri, une des plantes les plus populaires du moment.
Ci-dessus les lampes du designer brugeois Ignace Baerten.
PHOTOS:JEAN-PIERREGABRIEL
DocRoom
34
S
igné de l’architecte français
Edouard François, cet
immeuble situé au sein du
pentagone bruxellois, entre le
boulevard de Waterloo et la
rue aux Laines, affiche son standing dès le
hall d’entrée. Vitrine de référence de la
marque allemande BMW en Belgique,
l’édifice se caractérise par un volume
contemporain accolé au bâtiment princi-
pal, dont la toiture en arc de cercle se
termine au sol. Ce geste architectural est
d’autant plus remarquable qu’il contraste
avec les hauts murs décrépis des demeures
patriciennes voisines. Le propriétaire du
bien désirait végétaliser cette plate-forme
courbe et c’est pourquoi il a fait appel à
Bernard Capelle, sachant que ce paysa-
giste possède une solide expérience en
matière de projets de ce type. Plus encore,
ce professionnel propose une vision glo-
bale qui combine à la fois le caractère
bucolique que l’on attend d’un aménage-
ment de ce genre et les plus innovantes
recherches en matière de gestion des res-
sources. « L’implantation d’un édifice,
que ce soit un hangar industriel, des
appartements ou une maison unifamiliale,
fait disparaître une parcelle de champ ou
de prairie, explique le concepteur. C’est
pourquoi certains urbanistes ont imaginé
reconstituer cette nature au-dessus des
constructions. Leurs motivations sont
multiples. Il y a le côté esthétique, la
quiétude que cela engendre, la perception
du changement des saisons qui en
découle... Mais tout espace de verdure
agit aussi comme un poumon, il purifie
l’air, régule la température, recueille la
rosée du matin, offre le gîte et le couvert
à une foule d’animaux... »
NATURE RÉINVENTÉE
Version moderne des jardins suspendus
de Babylone, les premières toitures végé-
talisées ont mis en évidence les apports
positifs ressentis par leurs usagers et les
riverains. Ceux-ci notent une diminution
des nuisances sonores et des températures
extrêmes en été, mais ils soulignent égale-
ment un effet apaisant et déstressant...
« Dans un second temps, est apparue une
autre préoccupation, que nous avons tota-
lement prise en charge dans ce dossier, à
savoir la gestion des eaux de pluie, pour-
suit le spécialiste. Prenons l’exemple d’une
forêt. Les gouttes glissent le long du feuil-
lage, rejoignent la litière et l’humus dans
lequel elles percolent lentement, parce que
le sol est bien pourvu en matières orga-
niques. Une toiture ordinaire, par contre,
déverse les flots dans le réseau d’égouttage.
Ici, nous avons 2000 m2
de surface. Un
gros orage amenant 30 à 40 l/m2
en un bref
laps de temps, cela représenterait 70000 l
pour les canalisations ! Au bout du
compte, cet afflux engorge les stations
d’épuration. Ce n’est pas un hasard si
dans les pays à la pointe de ces technolo-
gies, les institutions s’intéressent de près à
ces projets qui visent à limiter les quanti-
tés à évacuer. » Assez logiquement, les
autorités bruxelloises ont donc imposé à
l’architecte et au paysagiste de se pencher
sur la problématique. Quatre cylindres de
120cm de diamètre ont ainsi été creusés
dans le terrain, entre le bâtiment courbe
et l’ancienne muraille qui limite la pro-
priété. Ils s’enfoncent à une quinzaine de
mètres jusqu’à rejoindre la couche de
sable. Ils ont été ensuite comblés d’un
mélange de terres, entrecoupé régulière-
ment par des strates de feutre. Ces
« puits » filtrent l’eau qui ruisselle, avant
qu’elle rejoigne la nappe phréatique.
En ce qui concerne la toiture arrondie
proprement dite, puisqu’on part d’une
surface totalement artificielle, le défi est ici
de façonner un sol qui réponde aux exi-
gences de la nature. Les plantes doivent
pouvoir s’y développer, sans devenir trop
envahissantes. L’eau doit aussi y être frei-
née afin de ne pas dévaler la pente en cas
de forte précipitation. « On appelle cela
du biomimétisme, précise l’expert. En uti-
lisant des matériaux appropriés, on essaye
de recréer les caractéristiques recherchées
de la terre. » Les végétaux s’ancrent dans
une couche de graviers de pierre de lave.
En dessous, on trouve du feutre et une
structure alvéolaire qui évoque des boîtes
à œufs et fait office de microréservoirs
CRÉATIONPour pouvoir s’y détendre, le jardin au pied
des murailles a été partiellement aménagé
en terrasse. A droite, un mélange de
variétés alpines et de fétuque, une
graminée, plantées en toiture.
DocRoom
35
tampon en prévision des périodes plus
sèches. L’excédent est acheminé vers les
puits, en contrebas.
COMME À LA MONTAGNE
Reste à déterminer ce qui constitue
l’essence d’un espace vert : le choix des
plantes. Sur une plate-forme horizontale
classique, on peut aisément s’inspirer des
jardins méditerranéens dont les espèces
résistent à la sécheresse. « Dans le cas qui
nous occupe, on doit se soucier des
pentes qui atteignent près de 45 degrés
dans certaines parties, fait remarquer
Bernard Capelle. Il faut donc limiter les
travaux d’entretien en cherchant du côté
de la flore alpine, notamment des varié-
tés de petite taille qui croissent dans des
conditions extrêmes. »
On retrouve notamment la véronique en
épi (Veronica spicata), le poivre de
muraille (Sedum acre), le gazon d’Es-
pagne (Armeria maritima), l’œillet des
Chartreux (Dianthus carthusianorum) et
du thym serpolet (Thymus serpyllum).
A cela s’ajoutent quelques graminées
comme la laîche humble (Carex humilis)
ou la fétuque ovine (Festuca ovina).
Résultat : l’entretien de ces 2000 m2
, soit
20 ares, ne requiert que deux hommes
durant deux demi-journées par an !
Pour compléter le tout, le créateur a
habillé les anciens murs disparates de trois
types différents de vigne vierge. Au pied
de cette muraille, il a composé un « mixed
border » de hautes vivaces et de grami-
nées. Parmi les premières on trouve la
gaura de Lindheimer (Gaura lindhei-
meri), l’eupatoire pourpre (Eupatorium
maculatum atropurpureum), le cierge
d’argent (Cimicifuga simplex White
Pearl), l’hémérocalle (Hemerocallis),
l’euphorbe (Euphorbia characias ssp
wulfenii). Pour les graminées, Bernard
Capelle a sélectionné l’incontournable
« herbe à éléphant » (Miscanthus sinen-
sis), le panic érigé (Panicum virgatum) et
la molinie bleue (Molinia caerulea). Un
chemin en bois, avec éclairage, vient com-
pléter l’ensemble.
S’ils sont encore peu courants en Bel-
gique, les aménagements comme celui-ci
font l’objet de nombreuses recherches et
applications en Allemagne ou aux Etats-
Unis. « C’est le troisième de cette
importance que je réalise à Bruxelles, note
le paysagiste. Et je travaille actuellement
sur 4500 m2
en plein centre d’Anvers. »
Selon l’adage « qui peut le plus peut le
moins », les technologies qui sont déve-
loppées pour le besoin des projets urbains
sont bien entendu applicables à plus petite
échelle, de préférence sur des couvertures
plates ou à faible pente. De quoi ouvrir de
nouveaux horizons pour tous les amateurs
de nature en ville.
Bernard Capelle, www.landscapedesign.net
Situé à deux pas du palais de justice, la
toiture végétale couvre 2 000 m2
. Toutes
les eaux de pluie sont récupérées grâce
au sol « biomimétique », composé de
matières de synthèse, de feutre et de
pierre de lave. Ci-dessous, un Sedum, une
plante à faible biomasse typique des sols
pauvres. En bas, des murs de
soutènement en gabions de pierre bleue.
PHOTOS:JEAN-PIERREGABRIEL
DocRoom

Contenu connexe

PDF
Gestion autonome de l'eau en arboriculture
PDF
Guide toitures végétalisées
PDF
Histoire evolution murs_vegetaux_patrick_blanc_aujourdhui
PDF
Histoire toitures vegetales
PDF
Mur végétaux
DOCX
Rapport sur Le Diffuseur Enterré par Chahbani Technologies
PPSX
Les parcs et jardins en france
PPT
Espaces verts 08
Gestion autonome de l'eau en arboriculture
Guide toitures végétalisées
Histoire evolution murs_vegetaux_patrick_blanc_aujourdhui
Histoire toitures vegetales
Mur végétaux
Rapport sur Le Diffuseur Enterré par Chahbani Technologies
Les parcs et jardins en france
Espaces verts 08

Tendances (15)

PDF
Une nouvelle technique d'économie d'eau d'irrigation et de gestion et conserv...
PDF
Amenagement jardin paysager
PDF
vivre dans un bâtiment basse consommation
PPTX
Jardins 05
PDF
toits végétaux-Terre Vivante- Les 4 saisons de septembre-octobre 2013
PPT
Compostage urbain 1
PPT
Présentation thierry boulard - partie 1
PPT
Valorisation des débris végétaux par la technique de compostage amélioré en f...
 
PPT
Formation Compostage
PDF
Expoé jardin
PPT
Jardins 02
PPTX
Jardins 01
PDF
Le compostage domestique.
PPT
Jardins 04
PDF
Fiche technique matériaux paille
Une nouvelle technique d'économie d'eau d'irrigation et de gestion et conserv...
Amenagement jardin paysager
vivre dans un bâtiment basse consommation
Jardins 05
toits végétaux-Terre Vivante- Les 4 saisons de septembre-octobre 2013
Compostage urbain 1
Présentation thierry boulard - partie 1
Valorisation des débris végétaux par la technique de compostage amélioré en f...
 
Formation Compostage
Expoé jardin
Jardins 02
Jardins 01
Le compostage domestique.
Jardins 04
Fiche technique matériaux paille
Publicité

En vedette (20)

PPTX
Servicio; Definición, cultura de servio, ciclo del servicio y sus momentos de...
PPT
Servicio Al Cliente
PPTX
4 4.1 momentos de verdad ciclo del servicio
PPS
Pres3-Servicio al Cliente Brenda Rodriguez
PPTX
La Cadena del servicio
PPT
Comunicacion Empresarial
PPT
Ejemplo ciclo de servicio 1
PDF
8 momentos de verdad y clases de clientes
PPTX
Ciclo del servicio
PPT
Ejemplo ciclo de servicio 2
PPTX
Servicio al cliente, ciclo de pedido y cadena de suministro
PPT
Momentos De Verdad Y Ciclo Del Servicio
PPT
Los ciclos de servicios
PPTX
Ciclo de servicios
PPT
La Comunicacion Empresarial
PPTX
Momentos de verdad en servicio al cliente
PPTX
Estándares del servicio al cliente
PDF
Los Momentos de la Verdad en su Empresa
PPTX
Comunicacion empresarial
PPTX
Comunicación Empresarial
Servicio; Definición, cultura de servio, ciclo del servicio y sus momentos de...
Servicio Al Cliente
4 4.1 momentos de verdad ciclo del servicio
Pres3-Servicio al Cliente Brenda Rodriguez
La Cadena del servicio
Comunicacion Empresarial
Ejemplo ciclo de servicio 1
8 momentos de verdad y clases de clientes
Ciclo del servicio
Ejemplo ciclo de servicio 2
Servicio al cliente, ciclo de pedido y cadena de suministro
Momentos De Verdad Y Ciclo Del Servicio
Los ciclos de servicios
Ciclo de servicios
La Comunicacion Empresarial
Momentos de verdad en servicio al cliente
Estándares del servicio al cliente
Los Momentos de la Verdad en su Empresa
Comunicacion empresarial
Comunicación Empresarial
Publicité

Similaire à Vert belvédère (20)

PPTX
Présentation "Jardins Jardin" - Vendredi des Pros
PPTX
expose toitures et les façades végétalisée final (1) (2).pptx
PPTX
Jardins jardin-conférence-hortea-27-05-11
PDF
Histoire toitures vegetales
PDF
Histoire toitures vegetales
PDF
Guide pour réaliser son jardin alimentaire sur les toits
PDF
avantages et désavantages d'une toiture verte
PDF
Guide pour réaliser son jardin alimentaire sur le toit - French - Guide to Se...
PDF
Dossier blonay chameilles_26_
PDF
Book N°2 - Création de jardins durables - Plantagenet Plantes - Mars 2017
PDF
jardins01-130924062001-phpapp02.pdfhhgjjv
PPT
Végétation & confort
PPT
Jardins 06
PPT
Ecole polytechnique d’architecture et d’urbanisme1
PPT
Espaces exterieurs et jardins
PDF
Le fleurissement durable dans les villes et villages par Guilhem Bost/Pépiniè...
PDF
Comment végétaliser votre copropriété ?
PDF
Plan conceptuel : Champ des Possibles
PPTX
Exposer des aménagements des terrains en pente
Présentation "Jardins Jardin" - Vendredi des Pros
expose toitures et les façades végétalisée final (1) (2).pptx
Jardins jardin-conférence-hortea-27-05-11
Histoire toitures vegetales
Histoire toitures vegetales
Guide pour réaliser son jardin alimentaire sur les toits
avantages et désavantages d'une toiture verte
Guide pour réaliser son jardin alimentaire sur le toit - French - Guide to Se...
Dossier blonay chameilles_26_
Book N°2 - Création de jardins durables - Plantagenet Plantes - Mars 2017
jardins01-130924062001-phpapp02.pdfhhgjjv
Végétation & confort
Jardins 06
Ecole polytechnique d’architecture et d’urbanisme1
Espaces exterieurs et jardins
Le fleurissement durable dans les villes et villages par Guilhem Bost/Pépiniè...
Comment végétaliser votre copropriété ?
Plan conceptuel : Champ des Possibles
Exposer des aménagements des terrains en pente

Vert belvédère

  • 1. CRÉATION VERTBELVÉDÈREA deux pas du centre historique et du palais de justice, le paysagiste Bernard Capelle a conçu un grand jardin de toit, avant-gardiste à bien des égards. Il y concilie des valeurs esthétiques avec les plus récentes préoccupations environnementales urbaines : économie d’énergie, gestion des eaux, limitation du bruit... À Bruxelles PAR JEAN-PIERRE GABRIEL DocRoom
  • 2. Le jardin compte deux entités : pour l’essentiel une toiture végétale (page ci-contre et ci-dessous à droite) et un jardin plus conventionnel composé d’un long border de Miscanthus sinensis et de Gaura lindheimeri, une des plantes les plus populaires du moment. Ci-dessus les lampes du designer brugeois Ignace Baerten. PHOTOS:JEAN-PIERREGABRIEL DocRoom
  • 3. 34 S igné de l’architecte français Edouard François, cet immeuble situé au sein du pentagone bruxellois, entre le boulevard de Waterloo et la rue aux Laines, affiche son standing dès le hall d’entrée. Vitrine de référence de la marque allemande BMW en Belgique, l’édifice se caractérise par un volume contemporain accolé au bâtiment princi- pal, dont la toiture en arc de cercle se termine au sol. Ce geste architectural est d’autant plus remarquable qu’il contraste avec les hauts murs décrépis des demeures patriciennes voisines. Le propriétaire du bien désirait végétaliser cette plate-forme courbe et c’est pourquoi il a fait appel à Bernard Capelle, sachant que ce paysa- giste possède une solide expérience en matière de projets de ce type. Plus encore, ce professionnel propose une vision glo- bale qui combine à la fois le caractère bucolique que l’on attend d’un aménage- ment de ce genre et les plus innovantes recherches en matière de gestion des res- sources. « L’implantation d’un édifice, que ce soit un hangar industriel, des appartements ou une maison unifamiliale, fait disparaître une parcelle de champ ou de prairie, explique le concepteur. C’est pourquoi certains urbanistes ont imaginé reconstituer cette nature au-dessus des constructions. Leurs motivations sont multiples. Il y a le côté esthétique, la quiétude que cela engendre, la perception du changement des saisons qui en découle... Mais tout espace de verdure agit aussi comme un poumon, il purifie l’air, régule la température, recueille la rosée du matin, offre le gîte et le couvert à une foule d’animaux... » NATURE RÉINVENTÉE Version moderne des jardins suspendus de Babylone, les premières toitures végé- talisées ont mis en évidence les apports positifs ressentis par leurs usagers et les riverains. Ceux-ci notent une diminution des nuisances sonores et des températures extrêmes en été, mais ils soulignent égale- ment un effet apaisant et déstressant... « Dans un second temps, est apparue une autre préoccupation, que nous avons tota- lement prise en charge dans ce dossier, à savoir la gestion des eaux de pluie, pour- suit le spécialiste. Prenons l’exemple d’une forêt. Les gouttes glissent le long du feuil- lage, rejoignent la litière et l’humus dans lequel elles percolent lentement, parce que le sol est bien pourvu en matières orga- niques. Une toiture ordinaire, par contre, déverse les flots dans le réseau d’égouttage. Ici, nous avons 2000 m2 de surface. Un gros orage amenant 30 à 40 l/m2 en un bref laps de temps, cela représenterait 70000 l pour les canalisations ! Au bout du compte, cet afflux engorge les stations d’épuration. Ce n’est pas un hasard si dans les pays à la pointe de ces technolo- gies, les institutions s’intéressent de près à ces projets qui visent à limiter les quanti- tés à évacuer. » Assez logiquement, les autorités bruxelloises ont donc imposé à l’architecte et au paysagiste de se pencher sur la problématique. Quatre cylindres de 120cm de diamètre ont ainsi été creusés dans le terrain, entre le bâtiment courbe et l’ancienne muraille qui limite la pro- priété. Ils s’enfoncent à une quinzaine de mètres jusqu’à rejoindre la couche de sable. Ils ont été ensuite comblés d’un mélange de terres, entrecoupé régulière- ment par des strates de feutre. Ces « puits » filtrent l’eau qui ruisselle, avant qu’elle rejoigne la nappe phréatique. En ce qui concerne la toiture arrondie proprement dite, puisqu’on part d’une surface totalement artificielle, le défi est ici de façonner un sol qui réponde aux exi- gences de la nature. Les plantes doivent pouvoir s’y développer, sans devenir trop envahissantes. L’eau doit aussi y être frei- née afin de ne pas dévaler la pente en cas de forte précipitation. « On appelle cela du biomimétisme, précise l’expert. En uti- lisant des matériaux appropriés, on essaye de recréer les caractéristiques recherchées de la terre. » Les végétaux s’ancrent dans une couche de graviers de pierre de lave. En dessous, on trouve du feutre et une structure alvéolaire qui évoque des boîtes à œufs et fait office de microréservoirs CRÉATIONPour pouvoir s’y détendre, le jardin au pied des murailles a été partiellement aménagé en terrasse. A droite, un mélange de variétés alpines et de fétuque, une graminée, plantées en toiture. DocRoom
  • 4. 35 tampon en prévision des périodes plus sèches. L’excédent est acheminé vers les puits, en contrebas. COMME À LA MONTAGNE Reste à déterminer ce qui constitue l’essence d’un espace vert : le choix des plantes. Sur une plate-forme horizontale classique, on peut aisément s’inspirer des jardins méditerranéens dont les espèces résistent à la sécheresse. « Dans le cas qui nous occupe, on doit se soucier des pentes qui atteignent près de 45 degrés dans certaines parties, fait remarquer Bernard Capelle. Il faut donc limiter les travaux d’entretien en cherchant du côté de la flore alpine, notamment des varié- tés de petite taille qui croissent dans des conditions extrêmes. » On retrouve notamment la véronique en épi (Veronica spicata), le poivre de muraille (Sedum acre), le gazon d’Es- pagne (Armeria maritima), l’œillet des Chartreux (Dianthus carthusianorum) et du thym serpolet (Thymus serpyllum). A cela s’ajoutent quelques graminées comme la laîche humble (Carex humilis) ou la fétuque ovine (Festuca ovina). Résultat : l’entretien de ces 2000 m2 , soit 20 ares, ne requiert que deux hommes durant deux demi-journées par an ! Pour compléter le tout, le créateur a habillé les anciens murs disparates de trois types différents de vigne vierge. Au pied de cette muraille, il a composé un « mixed border » de hautes vivaces et de grami- nées. Parmi les premières on trouve la gaura de Lindheimer (Gaura lindhei- meri), l’eupatoire pourpre (Eupatorium maculatum atropurpureum), le cierge d’argent (Cimicifuga simplex White Pearl), l’hémérocalle (Hemerocallis), l’euphorbe (Euphorbia characias ssp wulfenii). Pour les graminées, Bernard Capelle a sélectionné l’incontournable « herbe à éléphant » (Miscanthus sinen- sis), le panic érigé (Panicum virgatum) et la molinie bleue (Molinia caerulea). Un chemin en bois, avec éclairage, vient com- pléter l’ensemble. S’ils sont encore peu courants en Bel- gique, les aménagements comme celui-ci font l’objet de nombreuses recherches et applications en Allemagne ou aux Etats- Unis. « C’est le troisième de cette importance que je réalise à Bruxelles, note le paysagiste. Et je travaille actuellement sur 4500 m2 en plein centre d’Anvers. » Selon l’adage « qui peut le plus peut le moins », les technologies qui sont déve- loppées pour le besoin des projets urbains sont bien entendu applicables à plus petite échelle, de préférence sur des couvertures plates ou à faible pente. De quoi ouvrir de nouveaux horizons pour tous les amateurs de nature en ville. Bernard Capelle, www.landscapedesign.net Situé à deux pas du palais de justice, la toiture végétale couvre 2 000 m2 . Toutes les eaux de pluie sont récupérées grâce au sol « biomimétique », composé de matières de synthèse, de feutre et de pierre de lave. Ci-dessous, un Sedum, une plante à faible biomasse typique des sols pauvres. En bas, des murs de soutènement en gabions de pierre bleue. PHOTOS:JEAN-PIERREGABRIEL DocRoom