Catalogue d’images
Portraits d’Élisabeth de Valois
et œuvres comparatives
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Les portraits d’Élisabeth de Valois,
infante française et reine d’Espagne
(1546-1568)
Vol. 2
Cécile MASSOT
Mémoire de Master 1
Sous la direction de Luisa Capodieci
Art Moderne - Renaissance française
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
2010-2011
2
3
Présentation
Ce catalogue réunit les images qui illustrent les propos et le contenu du mémoire portant
sur l’étude des portraits d’Élisabeth de Valois. Il est un des premiers à répertorier toutes les
images d’Élisabeth de Valois que nous connaissons actuellement
Dans ce mémoire, nous avons limité les portraits de la reine à ceux réalisés dans une
période allant de sa naissance à la fin du XVIe siècle (sauf exceptionnellement, pour les
copies d’œuvres originales perdues datant de cette période). De même, nous avons circonscrit
la recherche aux œuvres exécutées par des artistes proches de l’entourage de la reine, français
et espagnols pour la plupart. L’ajout de portraits de Titien et de Anthonis Mor nous semble
parfaitement approprié, étant l’un et l’autre présents par moments à la cour espagnole et
jouant un rôle important dans l’élaboration du portrait à la cour de Charles Quint puis de
Philippe II.
Nous avons choisi de diviser ce corpus d’images en quatre parties. Tout d’abord les
portraits d’Élisabeth de Valois, en les présentant par ordre chronologique et de la manière
suivante : un portrait principal avec son étude, les copies qui en ont été tirées, les œuvres
représentant d’autres personnes pour lesquelles la comparaison avec le portrait d’Élisabeth
apporte de nouvelles données et enfin une courte bibliographie. Ce schéma est repris pour la
deuxième partie du corpus s’attachant à l’étude de portraits d’Élisabeth dont l’identification
semble douteuse. La troisième partie est constituée d’une liste portant sur les portraits
physiquement inconnus ou disparus de la princesse. La quatrième partie se consacre à un
rapprochement entre des portraits représentant des reines ou des princesses européennes de la
deuxième moitié du XVIe siècle et les portraits d’Élisabeth. Enfin, nous présentons trois
portraits du mari d’Élisabeth, Philippe II, qui nous permettent d’étudier les ressemblances et
les différences dans la représentation des deux époux et un portrait de Don Carlo, prince
espagnol qui a exactement le même âge qu’Élisabeth.
Les différentes informations sont tirées des ouvrages cités dans la bibliographie de
chaque notice. Pour avoir une bibliographie générale, se rapporter à la bibliographie du
mémoire (vol. 1).
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5
INDEX DES IMAGES
PORTRAITS D’ÉLISABETH DE VALOIS ET ŒUVRES AVEC UN RAPPROCHEMENT DIRECT
Fig. 1 Germain Le Mannier, Elisabeth de Valois, 1552
1a Atelier de François Clouet, Élisabeth de Valois, n.d
1b Anonyme, Elisabeth de Valois, reine d'Espagne, 1553-1557
1c Anonyme, Marguerite de France, reine de Navarre, 1559
1d Germain Le Mannier, François dauphin de France, 1547
Fig. 2 Atelier de François Clouet, Élisabeth de Valois, reine d’Espagne, 1559
2a Atelier de François Clouet, Élisabeth de Valois, reine d’Espagne, 1559 (cliché
en noir et blanc)
2b Anonyme, Elisabeth de France, 1559
2c Anonyme, Elisabeth de Valois reine d'Espagne, XVIe siècle
2d Anonyme, Marie Stuart, reine d’Écosse, v. 1552
Fig. 3 François Clouet, Élisabeth de Valois, av. 1559 (cliché en noir et blanc)
3a Anonyme, Elisabeth de France, 1559
3b Anonyme, Élisabeth de France, reine d’Espagne, XVIe siècle ?
3c Agostino Carracci, Élisabeth de Valois, 1585
3d François Clouet, Henri II et Catherine de Médicis, entourés par les membres
de leur famille, 1578-1580
3e François Clouet, Henri II et Catherine de Médicis, entourés par les membres
de leur famille (détail), 1578-1580
3f François Clouet, Élisabeth d’Autriche, reine de France, 1571
3g Alonso Sánchez Coello, Anne d’Autriche, reine d’Espagne, 1580
Fig. 4 Alonso Sánchez Coello, Isabel de Valois, 1560
4a Titien, Isabelle du Portugal, 1548
4b Anthonis Mor, Juana de Portugal, 1560
4c Sofonisba Anguissola, Infanta Isabella Clara Eugenia, 1599
Fig. 5 Anthonis Mor van Dashorst, Isabel de Valois, v. 1560
5a Alonso Sánchez Coello, Isabel de Valois, v. 1560
5b Juan de la Rúa, Isabel de Valois, vers 1560
5c Pierre Novelliers, Isabel de Valois, v. 1600
5d Anthonis Mor (?), Isabel de Valois, v. 1560
5e Pierre Paul Rubens, Isabel de Valois, v. 1609
5f Alonso Sánchez Coello, Anne d’Autriche, reine d’Espagne, 1571
p. 9
p. 11
p. 17
p. 21
p. 27
p. 31
6
Fig. 6 Sofonisba Anguissola, Isabel de Valois, après 1561
6a Gaspare Oselli, Élisabeth de Valois, 1569
6b Anthonis Mor, Marie d’Autriche, épouse de l’empereur Maximilien, 1551
6c Anonyme d’ap. Anthonis Mor, Jeanne d’Autriche, avec un esclave, 1553
6d Sofonisba Anguissola, Diane d'Andoins dite "Corisande" et sa fille, 1565
6e Sofonisba Anguissola, Infanta Isabelle Clara Eugénie, 1599
Fig. 7 Juan Pantoja de la Cruz, copie selon Sofonisba Anguissola de 1561, La reina
Isabel de Valois, v.1605
7a Pierre Paul Rubens (atelier), Isabel de Valois, 1603
7b Anthonis Mor, Marquise de las Navas, XVIe siècle
7c Anthonis Mor, Anne d’Autriche, reine d’Espagne, 1570
7d Alonso Sánchez Coello, La infanta Isabelle Clara Eugénie, 1579
Fig. 8 Alonso Sanchez Coello, Élisabeth de Valois, 1570
8a Jacques Le Boucq, Élisabeth de Valois, v. 1560
8b Jacques Le Boucq, Philippe II, v. 1560
8c Anonyme, d’après S. Coello, Élisabeth de Valois, 2ème
moitié du XVIe s
8d Anonyme, d’après S. Coello, Élisabeth de Valois, XVIe s
8e Anonyme (école espagnole), Isabel de Valois, XVIe siècle
8f Anonyme (école espagnole), Isabel de Valois, DATE
8g Anthonis Mor, Anne d’Autriche, reine d’Espagne, 1550
8h Alonso Sánchez Coello, Anne d’Autriche, reine d’Espagne, 1580
Fig. 9 Anonyme, Philippe II et Élisabeth de Valois, Miniature du Livre d'Heures de
Catherine de Médicis, entre 1559 et 1589
9a Anonyme, Henri de Navarre et de Marguerite de Valois, Miniature du Livre
d'Heures de Catherine de Médicis, entre 1559 et 1589
9b Anonyme, François II et Marie Stuart, Miniature du Livre d'Heures de
Catherine de Médicis, entre 1559 et 1589
Fig. 10 Sofonisba Anguissola, Isabel de Valois, après 1581
10a Sofonisba Anguissola, Infanta Catalina Micaela, 1585
10b Sofonisba Anguissola, Infanta Catalina Micaela (détail), 1585
Fig. 11 Leone Leoni et Pompeo Leoni, Tombeau de Philippe II, après 1598
11a Leone Leoni et Pompeo Leoni, Tombeau de Philippe II (détail), après 1598
11b Leone Leoni et Pompeo Leoni, Tombeau de Philippe II (détail), après 1598
11c Leone Leoni et Pompeo Leoni, Tombeau de Philippe II, après 1598
p. 39
p. 45
p. 49
p. 55
p. 59
p. 63
7
PORTRAITS D’ÉLISABETH DE VALOIS DONT L’IDENTIFICATION POSE QUESTION
Fig. 12 Anonyme, Atelier de François Clouet, Élisabeth de Valois, 1557 ?
Anonyme, Portrait en buste de madame de Lorraine, XVIe siècle
Anonyme (école française), Claude de France, XVIe siècle
Fig. 13 Atelier de François Clouet, Élisabeth de Valois, 1559
13a Jean Decourt, Marie Stuart, reine d’Ecosse, v. 1560
13b François Clouet, Élisabeth d'Autriche, reine de France, 1571
Fig. 14 Anonyme (école française), Élisabeth de Valois, 1565-1566 ? (cliché en noir et
blanc)
Fig. 15 Anthonis Mor, Élisabeth ou Marguerite de Valois, 1565-1569 ? (cliché en noir
et blanc)
Fig. 16 Anonyme (école française), Élisabeth de Valois, fin du XVIe siècle
PORTRAITS D’ÉLISABETH DE VALOIS DISPARUS OU INCONNUS
PORTRAITS DE REINES OU DE PRINCESSES DE LA FIN DU XVIE SIÈCLE
Fig. 17 Jakob Seisenegger, Archiduchesse Anne d’Autriche, v. 1545
Fig. 18 François Clouet, Catherine de Médicis, après 1548
Fig. 19 Anthonis Mor, Marie Tudor, Reine d’Angleterre, 1554
Fig. 20 Alonso Sanchez Coello, Dona Juan, princesse du Portugal, 1557
Fig. 21 Sanchez Coello ou Sofonisba Anguissola, Isabelle Claire Eugénie et Catherine
Michelle, 1570
21a Alonso Sanchez Coello, Isabelle Claire Eugénie et Catherine Michelle, 1571
Fig. 22 Nicholas Hilliard, Élisabeth I, reine d’Angleterre, 1575-1576
Fig. 23 Alonso Sanchez Coello, Catherine Michelle, 1582-1585
p. 65
p. 67
p. 71
p. 75
p. 77
p. 79
p. 81
p. 87
p. 89
p. 90
p. 91
p. 92
p. 93
p. 94
p. 95
8
PORTRAITS DE PHILIPPE II ET DE DON CARLOS
Fig. 24 Titien, Philippe II, v. 1554
Fig. 25 Anthonis Mor, Philippe II, roi d’Espagne, 1554
Fig. 26 Juan Pantoja de la Cruz, Philippe II, roi d’Espagne, n.d.
Fig. 27 Alonso Sánchez Coello, Le prince Don Carlos, 1555-1559
p. 97
p. 99
p. 100
p. 101
p. 102
9
PORTRAITS D’ÉLISABETH DE VALOIS
ET ŒUVRES AVEC UN RAPPROCHEMENT DIRECT
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11
Fig. 1
Atelier de François Clouet, Germain Le Mannier
Elisabeth de Valois
v. 1552
Dessin à la pierre noire sur papier, rehauts de couleur
33 x 22,5 cm
Chantilly, Musée Condé (Inv. MN 34 ; B 356)
[Base Joconde]
PROVENANCE
Collection de Catherine de Médicis ; Christine de Lorraine, grande-duchesse de
Toscane ; Casa Médici, Florence, Ignazio Enrico Hugford ; collection des comptes de
Carliste, Castel Howard ; acquis par le duc d’Aumale en 1889
—
ATTRIBUTION
Il paraît évident de rapprocher ce portrait d’Élisabeth de Valois de l’atelier de François
Clouet, il est l’artiste le plus en vogue à l’époque et détient le titre de peintre officiel à la cour
de Henri II. C’est d’après son modèle (ou plutôt d’après le modèle de son père, Jean Clouet,
renouvelé par le fils) que se réalise la plupart des portraits français de la deuxième moitié du
XVIe siècle, principalement des portraits dessinés.
12
Cependant, bien que dans de nombreux catalogues, on peut voir une attribution à
François Clouet lui-même, il paraît plus probable que ce portrait ait été réalisé par un de ses
contemporains. Il s’agit sûrement de Germain Le Mannier qui fut chargé de portraiturer
régulièrement les enfants royaux pour leurs parents. Nous avons d’ailleurs la trace d’une lettre
de recommandation des souverains français pour annoncer la venue de Germain Le Mannier,
lettre adressée à M. de Humyères, gouverneur des enfants.
—
ÉTUDE DE L’OEUVRE
La date d’exécution de ce portrait est une date conventionnelle, nous ne pouvons la
donner avec certitude. De nombreuses lettres de Catherine de Médicis quémandent des
portraits de ses enfants afin de s’assurer de leur bonne santé et de connaître leur
épanouissement. Il faut donc rapprocher les dates de ces lettres et les portraits que nous avons.
Cependant un grand nombre de ceux-ci ont disparu. La date de 1549 est celle que donne la
base Joconde, pourtant certains historiens proposent de donner 5 ou 6 ans à Élisabeth dans
cette représentation. Ces deux dates se contredisent car la princesse est née en 1546.
Cependant il paraît peu probable qu’elle ne soit âgée que de 3 ans au moment de ce portrait.
Louise Roblot-Delondre1
propose alors la date de 1552, mais sans pour autant avancer de
preuves certaines. Sylvène Édouard, auteur de l’étude la plus récente (2009) sur Élisabeth de
Valois, suit cette proposition. En gardant en tête cette incertitude, nous nous baserons sur la
date de 1552, elle semble plus probable par rapport à l’âge du modèle.
La composition respecte tout à fait la typologie du portrait dessiné dans la suite des
Clouet. C’est un portrait à demi corps où toute l’attention est consacrée sur le visage, qui
cherche à être le plus ressemblant. Le visage d’Élisabeth est rond et encore très enfantin. Elle
a déjà cet air simple et bon qui sera sa marque de distinction et dont les Espagnols parleront
beaucoup. Cependant son expression est assez grave et sérieuse, ce qui habituellement n’est
pas propre aux enfants, ni d’ailleurs au caractère d’Élisabeth, d’après les sources
contemporaines2
. Les cheveux blonds sont ramassés sous une coiffe (un béret plat). On
remarque de nombreux éléments féminins (qui se rapporte plus à une dame qu’à une fillette),
tels les boucles d’oreilles, une bague à la main droite ou encore ce léger coup de crayon rouge
sur les lèvres, pour rendre la carnation plus visible, qui fait penser à du rouge à lèvre. Le
vêtement est simplement esquissé, il s’agit d’une robe simple qu’on retrouvera dans d’autres
portraits d’enfants royaux de l’époque.
Remarquons enfin la présence d’une inscription, « La Royne despaigne estant fille », qui
semble dater d’une époque contemporaine à l’exécution du dessin.
—
ÉTUDE TECHNIQUE
Ce dessin fut réalisé à l’aide de plusieurs crayons. Tout d’abord, la pierre noire pour tout
ce qui est structure du portrait (lignes ou contours). Mais elle est aussi utilisée pour les ombres
permettant de modeler les chairs (très visible au bas du visage, à la limite avec le cou) ou le
vêtement (hachures sous le bras gauche). Le crayon rouge - la sanguine - est également
employé pour cet effet (chapeau), ainsi que pour colorer les lèvres. Il donne un aspect plus
réaliste et surtout plus vivant. Les cheveux sont largement coloriés au crayon jaune. Il
semblerait que Élisabeth ait plutôt eu les cheveux noirs. Il est possible qu’ils aient changé de
couleur plus tard ou que l’artiste ait cherché à idéaliser la princesse et lui ait dessiné des
cheveux blonds pour correspondre à la mode de l’époque. On perçoit également une touche de
couleur dans les yeux, afin, une fois encore, de donner de la vie au portrait et que celui-ci
1
L., Roblot-Delondre, Portraits d’Infantes XVIe siècle (étude iconographique), Paris et Bruxelles, 1913,
pp. 115-121.
2
Les Lettres de Catherine de Médicis nous décrivent que l’enfant est pleine de vie, assez turbulente et a un
comportement très enfantin lorsqu’elle arrive à la cour d’Espagne.
13
remplisse au mieux sa fonction : représenter l’état de santé de la princesse et montrer son
évolution.
L’état de conservation de ce portrait est assez mauvais. Le support en papier blanc et
donc le dessin ont beaucoup souffert. La première cause de cet état est sans doute l’humidité
des anciens lieux de conservation. Cela a provoqué les nombreuses tâches que l’on voit et qui
endommagent fortement le dessin.
—
COPIES
Atelier de François Clouet, Élisabeth
de Valois, XVIe siècle, dessin à la pierre
noire sur papier, rehauts de couleur, 33 x 21
cm, Chantilly, Musée Condé, (Inv. MN 35)
[Base Joconde] (Fig. 1a)
Le portrait ci-contre est sans aucun
doute une copie du précédent. D’après Louise
Roblot-Delondre, il s’agit même d’une
médiocre copie3
. On aperçoit en haut, à
droite, la vague trace d’une inscription, qui
était, sans doute, la reproduction de la légende
du dessin original.
La plume du béret est très visible sur ce
dessin contrairement à l’autre, il peut s’agir
d’un ajout, mais il est possible également que
le mauvais état de conservation du premier
portrait ne nous permette pas de la distinguer.
La composition, l’expression du visage,
le costume et le coloris sont presque
identiques à l’original. Mais le support a
changé, il doit s’agir ici du papier beige clair,
appelé au XVIe siècle « carta bigia » ou « de
couleur de chair »4
.
Anonyme, Elisabeth de Valois, reine
d'Espagne, entre 1553 et 1557, aquarelle sur
vélin (miniature), diamètre 3,4 cm, Windsor,
Collection royale de la Reine Elisabeth II
(Inv. RCIN 420046), [The Royal Collection,
e-gallery] (Fig.1b)
Cette miniature s’inspire très largement du
portrait attribué à Germain Le Mannier, ou peut-
être plus à la copie de celui-ci (Fig. 1a), car on y
retrouve la plume.
L’impression générale est la même que
dans le premier dessin, agréable, enfantine mais
solennelle. L’expression est douce et charmante.
Cependant, on remarque des différences,
3
Roblot-Delondre, Louise, Portraits d’Infantes XVIe siècle, Paris et Bruxelles, 1913.
4
Zvereva, Alexandra, La collection des portraits au crayon de Catherine de Médicis, dir. Denis Crouzet et Alain
Mérot, 2005.
14
aussi bien sur le support que dans la technique, qui transforment complètement le portrait. Le
peintre y a ajouté de la couleur, l’a-t-il inventé ou s’est-il inspiré d’un tableau existant qui
aurait disparu aujourd’hui ? La composition est sensiblement la même, mais la plume a
changé de place et le chapeau est un peu transformé.
L’influence des Clouet est très forte et le fond bleu peut nous faire penser aux
miniatures de Jean Clouet qui représentent par exemple Jules César ou François 1er
.
—
ŒUVRES À METTRE EN RELATION
Anonyme (école de François
Clouet), sans doute Germain Le
Mannier, Marguerite de France, reine
de Navarre, v. 1559, dessin à la pierre
noire et sanguine sur papier, coloris en
aquarelle, 29,8 x 21,5 cm, Chantilly,
Musée Condé (Inv. MN 42 ; B 366),
[Base Joconde] (Fig. 1c)
Ce portrait fut longtemps
considéré comme celui d’Élisabeth de
Valois, mais il est aujourd’hui admis
comme étant celui de sa sœur,
Marguerite de Valois. D’après Henri
Bouchot, on devrait reconnaître dans
cette image, une étude pour la peinture
qui fut envoyée à Élisabeth en Espagne
en 1560.
La comparaison avec le portrait
de sa sœur est évidente. On retrouve
exactement la même composition,
portrait à mi-corps tourné vers la
gauche, avec les mains croisées juste
au-dessus du bord inférieur. Le
costume et les bijoux sont absolument
les mêmes. L’expression du visage est aussi impassible et neutre que celle d’Élisabeth. L’âge
du modèle est aussi similaire car Marguerite de
Valois est née en 1553, au moment de ce portrait elle
est donc âgée de 6 ans.
Cependant on peut noter quelques différences.
Tout d’abord au niveau de la coiffure, Marguerite ne
porte pas de béret et ses cheveux bruns sont
représentés tels quels. Nous verrons par ailleurs qu’il
s’agit peut-être d’une évolution de la mode. Et, bien
sûr, les couleurs du costume rendues par l’aquarelle
ne sont pas présentes sur le portrait d’Élisabeth et ne
correspondent pas à celles de la miniature conservée
en Angleterre.
François Clouet, François dauphin de
France, puis François II, roi de France et d’Ecosse,
v. 1547, dessin à la pierre noire et sanguine sur
papier, 33 x 23 cm, Chantilly, musée Condé (Inv.
MN-32), [RMN] (Fig. 1d)
15
On voit ici un autre portrait d’un des enfants de Henri II et de Catherine de Médicis :
François II (aîné de la fratrie). On retrouve le type de la « formule Clouet », avec un cadrage
qui descend jusqu’au bas du buste, celui-ci étant légèrement tourné vers la gauche, tout en
gardant la tête presque de face. La technique est identique, pierre noire et sanguine pour
donner du volume, sur du papier beige ou couleur chair. Enfin, les dimensions correspondent,
on peut donc supposer que l’un et l’autre furent exécutés par la même main et dans la même
fonction.
Le trait est très précis au niveau du visage, beaucoup moins pour le costume. A cet
endroit, ce n’est plus que rapide esquisse. Ce qui importe c’est le visage, pour montrer l’état
de santé de l’enfant et comment il grandit physiquement. On retrouve également le petit béret
qui devait être le même pour tous les enfants, fille ou garçon, à la Maison des Enfants. On
distingue clairement la plume remarquée dans la copie du portrait d’Élisabeth.
—
BIBLIOGRAPHIE
L. Dimier, Histoire de la peinture du portrait en France au XVIe siècle (1924).
A. Gonzalez de Amazua, Isabel de Valois, Reina de España (1546-1568), vol. 1 & 3
(1949).
E. Moreau-Nélaton, Crayons français du XVIe siècle conservés au musée Condé à
Chantilly (1907).
L. Roblot-Delondre, Portraits d’Infantes XVIe siècle (étude iconographique) (1913).
A. Zvereva, Les Clouet de Catherine de Médicis : chefs d’œuvre graphiques du Musée
Condé (2002).
16
17
Fig. 2
Atelier de François Clouet
Elisabeth de France, reine d'Espagne
1559
Dessin à la pierre noire et crayon rouge sur papier, rehauts de couleur
34 x 23,5 cm
Chantilly, Musée Condé (Inv. MN 41; B 301)
[Base Joconde]
PROVENANCE
Collection de Catherine de Médicis ; collection des comptes de Carliste, Castel
Howard ; Duc d’Aumale
—
ATTRIBUTION
Il paraît également évident de rapprocher ce portrait d’Élisabeth de Valois de l’atelier de
François Clouet, pour les mêmes raisons que le portrait précédent. Cependant on ne peut pour
autant lui donner la même attribution (Germain Le Mannier). En effet, à partir de 1554,
Élisabeth rejoint la cour de ses parents. Il est donc possible que ce portrait soit de François
Clouet lui-même, ou d’une de ses élèves ou suiveurs.
—
18
ÉTUDE DE L’OEUVRE
Si la datation de ce portrait est exacte, 1559, la princesse Élisabeth serait alors âgée de
13 ans (étant née en 1546). L’inscription, située en haut à droite, lui donne un an de plus
(« Madame Elizabet royne despaigne 14 ans »), cependant une étude graphologique montre
que l’écriture de l’identification du modèle et celle portant sur son âge n’est pas la même. Il
pourrait donc s’agir d’un rajout postérieur (qu’on ne sait dater) et qui n’est peut-être pas
véridique.
On retrouve dans les grands traits la « formule Clouet ». Toutefois, elle a subi de légères
modifications. Le regard n’est plus fuyant vers l’extérieur du cadre, mais fixe clairement le
spectateur. Le cadrage est plus rapproché (que dans le portrait de 1552 par exemple), les
mains ont ainsi disparu et les manches du costume ne sont pas entièrement visibles.
L’expression neutre et le port noble sont par contre toujours perceptibles.
La croissance d’Élisabeth, par rapport au portrait de 1552, est visible. Son visage, bien
que toujours assez rond, s’est affiné. Sa toilette est la parfaite fusion entre la robe de petite
fille et les robes de femme qu’elle portera plus tard. Il s’agit déjà d’une robe de femme
adolescente. Le vestiaire enfantin étant conçu comme une version miniaturisée de celui des
adultes. L'effet de "croissance" se retrouve dans les détails.
Le corps de la robe reprend la conception du costume du premier portrait que l’on a
d’elle. Tandis que le col monte beaucoup plus haut, et les manches sont plus bouffantes et
dans un esprit davantage recherché.
—
ÉTUDE TECHNIQUE
Ce charmant portrait suit la tradition au niveau de la technique avec un dessin à la pierre
noire, auquel est ajouté un crayon rouge pour relever les chairs. Pour le support, il s’agit de ce
papier beige clair ou couleur chair, vu dans la copie du premier portrait (fig. 1a).
Il est important de souligner que l’attention n’est pas portée exclusivement sur le visage.
La coiffure est largement détaillée. On a presque l’impression de voir chaque cheveu, chaque
joyau. Le costume aussi est plus détaillé, peut-être parce qu’il est plus complexe, mais il ne
peut s’agir là que d’un choix.
Rappelons juste la différenciation
d’écriture dans les inscriptions qui prouve un
ajout postérieur (mais nous ne savons pas
combien de temps après).
Les côtés de ce dessin ne sont pas très
bien conservés, mais le centre n’a pas subi de
trop gros dommages. On voit quelques tâches
d’humidité et de vieillissement du papier mais
qui n’altèrent que peu le dessin.
—
COPIES
Atelier de François Clouet, Elisabeth
de Valois, 1559, dessin à la pierre noire sur
papier, rehauts de couleur, dimensions non
renseignées, Saint-Pétersbourg, Cabinet de
l’Ermitage, [L. Roblot-Delondre (1913)],
cliché en couleur introuvable (Fig. 2a)
Ce dessin est analogue à celui du Musée
Condé. D’ailleurs, certains historiens pensent
que ce serait l’original et la version du Musée
Condé à Chantilly une copie (comme Louis
19
Dimier5
). Cependant, même si la composition est identique, le portrait paraît moins précis. Le
développement du costume est moins élaboré (les manches ne sont pas aussi évoluées). Il est
ici juste esquissé. Le cadrage semble un tout petit peu plus large. Pour autant les extrémités
ne sont pas plus dessinées. Le portrait s’arrête ainsi juste un peu avant le bord du support.
Anonyme, Elisabeth de France, 1559,
dessin à la pierre noire et sanguine, rehauts de
couleur, sur papier cartonné, 28,5 x 20 cm, Musée
du Louvre, Département des Arts graphiques, (Inv.
INV 33467, recto), [Base Joconde] (Fig. 2b)
Cette copie contemporaine du portrait
d’Élisabeth de Valois est d’une qualité bien
inférieure. L’artiste tente de reprendre la
composition mais sa proposition est très
maladroite. Il modifie à la fois le cadrage
(beaucoup plus près) et le regard (qui revient au
schéma classique des Clouet en fuyant vers
l’extérieur). Les volumes sont rendus de manière
peu réaliste. L’épaule gauche est par exemple
beaucoup plus haute que la droite. La noblesse du
costume, la coiffure et, même, la pose sont mal
imitées. Bien que le haut de la robe et le col soient
représentés avec des tissus légers et aériens, le
portrait devient une image lourde, chargée et
gauche, qui n’a plus rien à voir avec le doux visage
de la princesse.
Il s’agit sans doute d’un artiste secondaire ne pouvant égaler le génie des portraitistes de
la cour royale.
Anonyme, Elisabeth de Valois reine
d'Espagne, XVIe siècle, dessin à la pierre noire,
rehauts de couleur, sur papier, dimensions non
renseignées, Bibliothèque Nationale de France,
Département Estampes et photographies, (Inv.
RC-C-17002), [Base BNF] (Fig. 2c)
Le catalogue en ligne de la Bibliothèque
Nationale de France identifie le modèle de ce
portait comme étant Élisabeth de Valois. Ce
dessin au crayon est pourtant très peu
ressemblant. Bien que l’on retrouve quelques
éléments comparables dans la composition, le
costume ou la coiffure, les traits du visage et
l’impression globale en sont très éloignés.
Néanmoins la qualité du dessin n’est pas
négligeable. Il est donc d’autant plus surprenant
que le visage soit si déformé et le portrait en
général si peu fidèle. Pourrait-il s’agir d’une
copie d’un autre dessin de l’atelier de François
Clouet datant de la même période ? A ce jour,
nous n’en savons pas plus.
—
5
L. Dimier, Histoire de la peinture du portrait en France au XVIe siècle, Paris, 1924.
20
ŒUVRES À METTRE EN RELATION
Anonyme (école de François Clouet), Marie
Stuart, reine d’Écosse, v. 1552, dessin à la pierre noire et
sanguine sur papier, 30,6 x 20,5 cm, Chantilly, Musée
Condé (Inv. MN 38 ; B 316), [Base Joconde] (Fig. 2d)
Ce portrait de Marie Stuart est conservé dans un très
mauvais état. Marie Stuart, reine d’Écosse, avait été
envoyée à la cour de France pour faire son éducation, elle
partagea ainsi son enfance avec Élisabeth, et de façon
intime car elles dormaient dans la même chambre.
On retrouve la typologie de la « formule Clouet »
mais aussi la forme du costume que porte les deux futures
reines : le corps piqué qui a une forme en pointe et des
manches d'apparat attachées au corps. La coiffure est
sensiblement la même, bien que l’ornement semble un
peu plus luxueux dans le portrait de Marie Stuart, peut-
être parce qu’elle est déjà reine (depuis la mort de son
père alors qu’elle n’avait que 6 jours). Elle porte donc la
couronne du royaume d’Écosse.
Anonyme (école de François Clouet), Marguerite de France, reine de Navarre,
v. 1559 (voir fig. 1c)
Nous avons choisi de reparler de ce portrait ici, car le haut du corps est très proche, à
l’exception de la direction du regard.
Le rapprochement avec la coiffure du portrait daté de 1559 est clairement visible. La
raie centrée, les deux mèches de devant roulées jusque derrière les oreilles, le couvre-chef
(escoffion) qui retient les cheveux en arrière, tout ceci est semblable dans les deux portraits.
Si nous portons notre attention sur leur datation (il s’agit de la même année), c’est sûrement la
mode du moment qui dicte cette coiffure. Mode qui doit ne dater que de quelques années
puisqu’en 1552, Élisabeth, qui a pourtant quasiment le même âge que Marguerite, ici, est
représentée avec une autre coiffure.
—
BIBLIOGRAPHIE
L. Dimier, Histoire de la peinture du portrait en France au XVIe siècle (1924).
A. Gonzalez de Amazua, Isabel de Valois, Reina de España (1546-1568), vol. 1&3
(1949).
E. Moreau-Nélaton, Crayons français du XVIe siècle conservés au musée Condé à
Chantilly (1907).
L. Roblot-Delondre, Portraits d’Infantes XVIe siècle (étude iconographique) (1913).
21
Fig. 3
François Clouet
Elisabeth de Valois
Avant 1559
Peinture à l’huile sur toile
Dimensions non renseignées
Ohio, Toledo Museum of Art
[Kusche M., 2003]
Cliché en couleur introuvable
ATTRIBUTION
L’attribution à l’école des Clouet ne fait aucun doute. Mais il semblerait que ce soit le
maître, François Clouet lui-même, qui ait réalisé cette œuvre. Ce n’est pas une chose assurée
mais tout à fait probable étant donné qu’il s’agit d’un des derniers portraits d’Élisabeth en
France et avant son départ pour l’Espagne, et sûrement d’un des meilleurs. D’ailleurs Martin
22
Hume6
pense que c’est ce portrait qui fut envoyé à Philippe II aux premiers jours de 1559. Ce
qui expliquerait pourquoi c’est le maître qui le réalise.
—
ÉTUDE DE L’OEUVRE
Il semblerait, selon Maria Kusche7
, que ce portrait date d’avant le départ d’Élisabeth en
Espagne. Cependant, aux deux endroits de son livre où elle présente ce portrait, elle le date
une fois de « avant 1558 » et une autre fois de « avant 1559 ». On gardera donc la datation la
plus large, c’est-à-dire avant 1559, tout en ne pouvant la certifier.
Pour la première fois, on voit une claire évolution dans le costume. La robe ne reprend
plus la coupe de celles qu’Élisabeth porte dans les portraits dessinés. Le buste est recouvert
d’un corps piqué (ancêtre du corset) qui est beaucoup plus richement orné que les précédents.
Perles, joyaux en or, chaînes du même métal. Tout est là pour montrer la grandeur de la
femme et son rang par sa richesse. On remarque également une opposition dans les couleurs
entre le buste très foncé d’un côté, les manches et le col éclatants de blancheur de l’autre.
Le visage est toujours représenté avec une infinie douceur, une expression calme,
agréable et légèrement souriante. Les lèvres, les yeux ou encore les sourcils sont très dessinés.
Les cheveux semblent avoir retrouvé leur couleur sombre et ils sont attachés avec un
escoffion plus précieux que les précédents, composé de perles et de pierres.
La composition reprend le modèle des portraits au crayon, ce qui montre clairement le
passage de l’un à l’autre, sans pour autant qu’il s’en dégage une relation d’interdépendance.
C’est exactement le même schéma que le dessin de 1559 conservé à la BNF, mais la
physionomie du visage et le costume sont assez différents.
—
COPIES
Anonyme, Elisabeth de France, fille
de Henri II et Catherine de Médicis, 1559,
Estampe à la pierre noire, sanguine et pastel, 34
x 23 cm, Musée du Louvre, Département des
Arts graphiques, (Inv. INV 33495) [Base RMN]
(Fig. 3a)
Cette copie conservée au Louvre est de
moinde qualité. Elle semble dater de l’année de
la création de l’original, ou de peu de temps
après. L’attribution à François Clouet est
exclue, le dessin étant trop grossier. On observe
une répétition schématique du modèle. La
douceur des formes et des textures est
remplacée par un trait raide, droit et ferme, par
exemple, sur les manches, à la racine des
cheveux ou encore l’escoffion. Même
l’expression du visage et des yeux a été
modifiée. Ici la figure est lisse, on dirait presque
un visage de cire.
Globalement, l’aspect très réaliste de
l’œuvre de François Clouet a disparu au profit
d’une schématisation et d’une stylisation
géométrique.
6
M. Hume, Las Reinas de la España antigua, Madrid, [n.d.].
7
M. Kusche, Retratos y retratadores Alonso Sánchez Coello y sus competidores Sofonisba Anguissola, Jorge de
la Rúa y Rolán Mays, Madrid, 2003.
23
La présence d’une inscription identifiant le modèle est un ajout de l’artiste qui n’était
pas présent dans l’œuvre de Clouet. Peut-être celle-ci a-t-elle un lien avec la fonction du
portrait, qui fut peut-être fait afin de montrer et diffuser l’image de la nouvelle reine ou pour
appartenir à un livre de portraits ?
Anonyme, Élisabeth de France,
reine d’Espagne, XVIe siècle, peinture à
l’huile sur bois, 32 x 23, Musée national des
châteaux de Versailles et de Trianon, (Inv.
MV 3197 ; INV 9782 ; B 2421), [Base
Joconde] (Fig. 3b)
Ce dessin, copié sur le portrait attribué
à François Clouet, fut lui aussi réalisé par un
artiste de plus faible importance. Mais celui-
ci cherche à reproduire la technique et le
modèle du maître.
Le cadrage est un peu plus rapproché,
on ne voit plus les manches. Le col paraît
plus ample et plus important. On ne retrouve
dans aucune partie la préciosité et la suavité
de l’original. Le vêtement a été simplifié. Le
visage d’Élisabeth est devenu rectangle,
ayant un peu une physionomie masculine.
Les sourcils si finement dessinés dans
l’œuvre de Clouet sont ici plus épais et
donnent beaucoup moins de force au regard.
L’escoffion rappelle celui de l’estampe (fig.
4a), sans ressembler à la préciosité du
véritable bijou porté par Élisabeth.
Agostino Carracci, Élisabeth de Valois, 1585, Gravure tirée du Cremona fidelissima
citta… d’Antonio Campi, 14,7 x 11,4 cm, Washington, The Library of Congress, [www.art-
wallpaper.com] (Fig. 3c)
Cette gravure de la fin du XVIe siècle reprend
grossièrement la composition, la pose et le costume
présentés dans l’œuvre étudiée. Le modèle a dû être
gravé dans une composition inversée pour qu’une fois
imprimé, Élisabeth soit tournée du même côté que dans
l’original.
La principale différence, outre ce qu’entraîne le
changement de technique, est la présence d’une
couronne dans la coiffure d’Élisabeth. Bien que l’artiste
s’inspire sûrement de l’œuvre de François Clouet, il en
fait une interprétation personnelle et montre toute la
grandeur de la reine d’Espagne, disparue à l’époque de
la gravure.
Contrairement à l’œuvre du peintre français, on
perçoit un remarquable jeu avec les ombres, tant sur la
figure de la reine que sur le fond où on distingue son
ombre (la lumière venant de la gauche). Le costume par
contre ne profite pas de ce jeu de lumière et reste lisse,
sans volume et sans matière.
24
François Clouet, Henri II et Catherine
de Médicis, entourés par les membres de leur
famille, 1578-1580, Tempera sur parchemin
(miniatures), dimensions non renseignées,
Florence, Musée des Offices, [Web Gallery of Art]
(Fig. 4d, fig. 3e détail)
On retrouve dans cette tempera le portrait
d’Élisabeth de Valois. Le schéma de l’œuvre
datant d’avant 1559 est grossièrement repris.
Précisons qu’à la date d’exécution de cette toile,
la reine d’Espagne est déjà morte. Alors que les
costumes des autres personnages présentent une
certaine évolution, celui
d’Élisabeth conserve
l’ancienne tradition, sans doute car la mode s’est modifiée après la
disparition de la reine. Elle est représentée avec un costume qui la
maintient et la cache, ne laissant voir que son visage (contrairement au
vêtement de Catherine de Médicis par exemple). Ajoutons que, bien
qu’on reconnaisse la reine d’Espagne, son visage a été vieilli par rapport
à celui peint également par François Clouet avant 1559.
—
ŒUVRES À METTRE EN RELATION
François Clouet, Élisabeth d’Autriche, reine de
France, 1571, peinture à l’huile sur chêne, 36 x 26 cm, Musée
du Louvre, département des Peintures, (Inv. 3254), [Base
Joconde] (Fig. 3f)
Ce tableau de François Clouet fut exécuté d’après un
portrait dessiné de la reine (fig. 3b). La ressemblance avec le
portrait d’Élisabeth réalisé par le même peintre est concrète
dans la position du modèle, légèrement de trois quarts, tourné
vers la gauche, le regard fixé vers le spectateur. La coiffure est
également similaire.
Cependant la forme du vêtement nous rappelle plus celle
des portraits dessinés d’Élisabeth plutôt que du portrait peint.
Ce costume est nommé guimpe, à col montant retenu par un
carcan (collier de cou).
Alonso Sánchez Coello, Anne d’Autriche, reine
d’Espagne, 1580, peinture à l’huile, dimensions non
renseignées, Barcelone, Collection privée, [Kusche M., 2003] (Fig. 3g)
Anne d’Autriche fut la quatrième épouse de Philippe II (après le mort d’Élisabeth) et,
comme elle, elle fut d’abord promise à Don Carlos (fils de Philippe II mort quelques mois
avant Élisabeth).
Il est intéressant de comparer ce portrait avec celui d’Élisabeth de Valois. Bien que
réalisé par un peintre espagnol et sans doute plus de vingt ans plus tard, on ne peut
s’empêcher d’y voir une certaine similitude.
Tout d’abord dans la composition et la position du modèle, la seule différence est que
Anne d’Autriche est tournée vers la droite (et non vers la gauche). Le costume nous montre
une sensible évolution par rapport à celui porté par Élisabeth, les petits rubans blancs sur les
épaules par exemple. Mais globalement, on retrouve le même patron, les mêmes couleurs et la
25
même richesse dans les joyaux et les fils d’or.
Cependant, en l’absence de bourrelet dans les
manches, on voit ainsi la présence du style
impérial. Le col semble encore un peu plus serré,
il couvre complètement le cou en allant jusqu’à
épouser la forme du bas du visage. L’expression
n’est pas tout à fait la même, sans doute une
recherche de véracité, un souci d’être au plus
près du réel. Enfin, dans les deux portraits, on
retrouve à la fois une douceur et une noblesse qui
paraissent caractériser le titre de reine
d’Espagne.
Sofonisba Anguissola, Isabel de Valois,
après 1581 (voir fig. 11)
Enfin, dévoilons simplement un des
derniers portraits d’Élisabeth de Valois, portrait
exécuté par son ancienne dame de chambre.
Bien que beaucoup plus tardif, il est
possible que Sofonisba Anguissola ait vu le
portrait de François Clouet. En effet, dans la
composition, comme dans la représentation du modèle (âge, expression, délicatesse…), on
retrouve un certain nombre de caractéristiques déjà présentes chez le peintre de la cour
française.
—
BIBLIOGRAPHIE
M. Kusche, Retratos y retratadores Alonso Sánchez Coello y sus competidores
Sofonisba Anguissola, Jorge de la Rúa y Rolán Mays (2003).
26
27
Fig. 4
Alonso Sánchez Coello
Isabel de Valois
1560
Peinture sur toile
163 x 91,5 cm
Vienne Kunsthistorisches Museum, (Inv. 3182)
[Picture Gallery, Kunsthistorisches Museum]
ATTRIBUTION
L’attribution à Alonso Sánchez Coello ne semble pas être contestée. Ce fut sans doute la
première opportunité pour cet artiste de peindre un grand portrait de cour. Ce premier portrait
était celui qui déciderait de son futur à la cour espagnole et c’est assurément ainsi que le
peintre l’a compris.
—
ÉTUDE DE L’OEUVRE
La robe que porte Élisabeth nous permet de dater plus au moins l’œuvre. En effet ce
vêtement est une robe à la française, telle que les portait la reine lors de son arrivée et de son
installation en Espagne. La première robe en soie est de couleur saumon et elle est brodée
28
avec du fil d’or. En dessous, on distingue les manches et la seconde robe en damas blanc. La
jupe correspond à la mode française avec une grande ouverture qui laisse voir le jupon. Le
décolleté est recouvert par un tissu légèrement transparent orné de pierres et de perles. Le jeu
de bijoux est très important dans ce vêtement : le décolleté se termine par une splendide bande
de perles et de rubis incrustés en or, qui est répétée dans la coiffure et dans la ceinture. La
combinaison de joyaux atteint son paroxysme avec le collier auquel est pendu, au centre, la
perle Pérégrina, très prisée par les reines espagnoles.
La jeune reine est placée à côté d’une fenêtre qui se termine par une colonne de jaspe.
De cette fenêtre, situé dans l’Alcazar, on distingue le Tage et l’un de ses ponts. Le fond droit
est très sombre, on ne distingue rien. Alonso Sánchez Coello propose une vue de la reine en
légère contre-plongée, ainsi il donne l’impression qu’elle est plus grande, plus majestueuse
(elle devient reine alors qu’elle n’a que 14 ans). Le cadrage assez rapproché montre la reine
en pied, mais la jupe sort du cadre et entre presque dans l’espace du spectateur.
La carnation d’Élisabeth est pâle (comme souvent dans les portraits de ce peintre de
cour), de plus elle arrive tout juste de France et fut sans doute affaiblie par le voyage (cernes,
peau terne et sans fraîcheur, visage fatigué). Le peintre, dans un esprit de véracité, reste fidèle
à la réalité, mais il tente de chasser cette morosité avec l’éclat doux d’une gamme
chromatique rouge. Le bras gauche complètement recouvert paraît presque sans vie, avec une
main nerveuse qui presse le mouchoir (souvent présent pour donner une contenance) et le gant
(représentatif du pouvoir).
—
ÉTUDE TECHNIQUE
Ce portrait est réalisé à la peinture à l’huile sur toile, ce qui permet de donner toute leur
texture aux différentes matières, et également d’apporter cet aspect éclatant et brillant qui
donne une somptuosité à l’œuvre.
Il semble que les quatre côtés du tableau furent coupés après l’achèvement de la toile,
mais ne nous savons pas de quelles dimensions étaient les parties qui furent ôtées.
L’état de conservation est plutôt satisfaisant, quelques petites pertes de peinture mais qui
n’empêche pas d’admirer le portrait dans son entier et dans sa qualité d’origine.
—
ŒUVRES À METTRE EN RELATION
Titien, Isabelle du Portugal, 1548, peinture
à l’huile sur toile, 117 x 93 cm, Madrid, Musée du
Prado (Inv. P00415) [Galeria Online Musée du
Prado] (Fig. 4a)
Alonso Sánchez Coello s’inspire
indiscutablement du grand maître vénitien pour
l’importance donnée au coloris, bien visible dans ce
portrait d’Isabelle du Portugal. Mais il utilise aussi la
méthode remarquable de Titien pour unir le corps du
modèle avec le fond du tableau. Et, bien sûr, l’idée de
représenter la reine à côté d’une fenêtre, ouvrant ainsi
le champ visuel, n’est autre qu’un héritage du célèbre
Titien. Rappelons qu’il fut le peintre de cour de la
famille royale espagnole durant le règne de Charles
Quint et sera très actif sous Philippe II. Il marqua
largement la manière espagnole de peindre, dans la
technique, la composition, la couleur, la position du
modèle, etc.
29
Anthonis Mor, Juana de Portugal, 1560, peinture à l’huile sur toile, 195 x 105 cm,
Madrid, Musée du Prado (Inv. P02112) [Galeria Online Musée du Prado] (Fig. 4b)
Le peintre de cour, Alonso Sánchez Coello, fut un
élève de Anthonis Mor, pourtant en comparant ces deux
portraits datant de la même année, on voit clairement que
le peintre espagnol s’est doucement éloigné du style de
son maître hollandais. Anthonis Mor, contrairement à
Alonso Sánchez Coello, ne cherche pas à créer un
rapprochement entre le modèle et le spectateur, à
l’inverse, il installe une distanciation élégante mais
sévère. De plus, la position du modèle, presque de profil,
comme pour montrer le moins possible de sa personne,
ne s’accorde pas avec la volonté du peintre espagnol de
montrer une reine accessible et l’intention de faire
quasiment un portrait psychologique. Le cadrage aussi
est beaucoup plus large, on retrouve ici la distance
importante que mettaient les souverains de la péninsule
ibérique entre eux et le peuple, ce qu’Élisabeth va un peu
changer en Espagne.
Sofonisba Anguissola, Infanta Isabella Clara
Eugenia, 1599, Peinture sur toile, dimensions non
renseignées, Madrid, Musée du Prado [Kusche M., 2003]
(Fig. 4c)
Ce portrait de la fille d’Élisabeth à l’âge de 23 ans
reprend la pose de sa mère. Bien que le cadre soit
complètement différent, tout comme le jeu de couleur très sombre ici, la princesse, déjà
souveraine des Pays-Bas, pose sa main droite sur une
chaise de la même manière qu’Élisabeth sur le bord
de la fenêtre. Le bras gauche suit également la même
typologie, laissé détendu le long du corps en tenant un
mouchoir dans la main. Les deux tableaux respectent
donc le schéma très conventionnel du portrait à la
cour espagnole. Cependant Isabella Clara Eugenia à
l’air moins tendue, plus à l’aise, peut-être car elle a
grandi dans cette cour et connaît tous ses protocoles.
Elle porte la même perle Peregrina, peut-être un
héritage de sa mère, en tout cas cela atteste le goût
porté à cette époque pour cette pierre. L’ambiance
générale du portrait, en même temps obscur et
chaleureux, n’a rien à voir avec celui d’Élisabeth.
—
BIBLIOGRAPHIE
M. Kusche, Retratos y retratadores Alonso
Sánchez Coello y sus competidores Sofonisba
Anguissola, Jorge de la Rúa y Rolán Mays (2003).
30
31
Fig. 5
Anthonis Mor van Dashorst
Isabel de Valois
v. 1560
Peinture sur bois
104 x 84 cm
Collection Varez Fisa
[Kusche M., 2003]
PROVENANCE
Reginal Cholmondeley, Condover Hall Shrewsbury ; Christie’s, lote 59 (6 mars 1897) ;
sans doute revenu à la famille qui le lègue aux derniers possesseurs. Acquis par l’actuel
propriétaire à Monaco, le 15 juillet 1986.
—
ATTRIBUTION
Maria Kusche, dans un article sur la portraitiste Sofonisba Anguissola en Espagne8
,
parle de portrait en disant « [retrato] sobrecargado en vestimenta y algo insipido de expresion,
atribuido a veces a Moro, pero que, seguramente, es de Jorge de la Rúa [Joris Van der
Straaten], el tercer pintor retratista de la corte »9
. Max J. Fredländer pense, cependant, qu’il
8
M. Kusche, « Retratista en la corte de Felipe II junto a Sánchez Coello y Jorge de la Rúa », en Archivo Español
de Arte, n°248, 1989, pp. 391-420.
9
« [portrait] surchargé de vêtements et avec quelque chose d'insipide dans l’expression, attribué parfois à
Anthonis Mor, mais qui est sûrement de Jorge de la Rúa [Joris Van der Straaten], le troisième peintre portraitiste
de la cour » (nous traduisons).
32
s’agit d’une œuvre de Anthonis Mor10
et Margrit A. Jay l’inclue également dans le groupe
d’œuvres attribuées à Mor11
. Dans sa notice du catalogue d’exposition Alonso Sánchez Coello
y el retrato en la corte de Felipe II12
, Élise Bermejo déclare que la réapparition de ce portrait,
à Monaco en 1986, « nos produce la satisfacción de contar, en Espana, con esta magnifica
pintura que creemos […] salida de los pinceles del gran maestro holandés quien, mas aún que
Tiziano, influye en la fecunda escuela de retratistas espanoles. Las caracteristicas que se
aprecian en la tecnica y modelado del rostro, el tratamiento de las telas y de los cabellos y,
sobre todo, la intensidad de comunicacion con el espectador de la mirada del modelo son,
absolutamente, tipicos de la manera de hacer de Antonio Moro »13
.
Le débat pour l’attribution de ce tableau est donc encore présent. Dans son livre publié
en 200314
, Maria Kusche réaffirme sa position. Mais les attributions de cette historienne sont
bien souvent contestées. On restera donc avec la prise de position la plus courante en donnant
sa paternité à Anthonis Mor. Cependant rappelons qu’il existe plusieurs portraits d’Élisabeth
de Valois qu’on dit réalisés par ce peintre hollandais et on ne sait pas avec certitude quel est
l’original.
—
ÉTUDE DE L’OEUVRE
Ce portrait a dû être peint en Espagne dès les premiers mois de l’année 1560, c’est-à-
dire juste après l’arrivée d’Élisabeth dans la péninsule ibérique et au moment de son mariage
avec le roi Philippe II, à Guadalajara (au sud de Madrid). C’est grâce à une autre œuvre du
même peintre qu’on peut dater cette toile, un portrait de Jan Van Scorel (maître de A. Mor),
en forme de tondo et conservé à la Société des Antiquaires de Londres. Il est signé et daté
(ANT. MORUS PHI. HISP. REGIS PICT. A.M.D.L.X). On pense que le peintre l’aurait réalisé juste à
son retour des Pays-Bas.
La jeune Élisabeth, fiancée ou tout juste mariée, est représentée jusqu’aux genoux et
légèrement tournée vers la droite. Cette pose est très fréquente dans les portraits d’Anthonis
Mor. La main gauche du modèle est appuyée sur une table, couverte par un napperon vert
foncé, mais elle se laisse subtilement tomber du bord de la table. C’est un détail à prendre en
compte car c’est la principale différence avec le portrait de Alonso Sánchez Coello (fig. 5a)
où la main apparaît avec la paume parfaitement déposée sur la table. Le bras droit est relâché
le long du corps et, dans la main droite, on trouve un mouchoir blanc. Le vêtement en soie,
rouge carmin et brillant (par la richesse des broderies en or avec des perles ou par la
magnificence des bijoux qui brillent autour du cou, à la ceinture et qui ornent la chevelure)
correspond parfaitement à la somptuosité présente à la cour espagnole de l'époque.
Pour l’étude du costume, on se reporte à l’étude de Carmen Bernis, spécialiste du
costume espagnol. Il s’agit d’une robe de grand apparat, sans doute celle qu’Élisabeth portait
le jour de son mariage. Carmen Bernis se rapporte à un portrait de la Duchesse d’Alba de la
collection Finat15
. Elle déclare que la robe peut « ilustrar... los vestidos que llevaban las
damas... en las bodas del Duque de Sesa y en las de la Condesa de Niebla celebradas ambas
en 1541... llevaban bajo las mangas de la saya unas manguillas de tela de plata o de oro
10
M. J. Fredländer, Earl Netherlandish Painting. Antonis Mor and his Contemporaries, Vol XIII, Leyden-
Bruselas, 1975 (Commentaires et notes H. Pauwels et G. Lemmens), n°397, lam. 191.
11
M. A. Jay, Antonio Moro : A Royal Court Painter, 1519-1576, Dep. H. Texas Christian University. Publ.
University Microfilms International. Ann Arbor, 1983.
12 E. Bermejo, « Notice du portrait d’Élisabeth de Valois peint par Anthonis Mor vers 1560 et conservé au
Musée du Prado », dans Alonso Sánchez Coello y el retrato en la corte de Felipe II, Madrid, 1990, pp. 131-132.
13
« nous produit la satisfaction de voir, en Espagne, cette peinture magnifique que nous considérons comme
sorties des pinceaux du grand maître hollandais, celui qui, encore plus que Titien, a eu une influence sur l'école
des portraitistes espagnols. Les caractéristiques de la technique et du modelé du visage, le traitement des tissus et
des cheveux et, surtout, l'intensité de communication entre le regard du modèle et sont, absolument, typiques de
la manière de faire d'Anthonis Mor » (nous traduisons).
14
M. Kusche, opus cit., note 7.
15
C. Bernis, Indumentaria española en tiempo de Carlos V, Madrid, 1962.
33
recubiertas de red y gorguera haciendo juego con las mangas16
». Elle ajoute une chose très
importante « Las caprichosas mangas de encima, de la Duquesa, se repiten en retratos del
reinado de Felipe II »17
. Si l’on compare l’illustration, que C. Bernis publie, avec le portrait
d’Élisabeth de Valois, on remarque rapidement la similitude des formes sophistiquées des
manches des deux robes. On peut donc pousser la conclusion jusqu’à penser qu’il devait
s’agir, pendant plusieurs années, d’une mode réservée pour les cérémonies officielles.
—
ÉTUDE TECHNIQUE
Dans le catalogue d’exposition Alonso Sánchez Coello y el retrato en la corte de Felipe
II, dont nous avons déjà cité une notice18
, nous pouvons également trouvé une étude technique
de cette œuvre, avec à l’appui les radiographies du portrait étudié (et de sa copie principale,
celle d’Alonso Sánchez Coello). Grâce à celles-ci, nous voyons que les détails sont très précis
et minutieux, il n’y a pas de place à l’improvisation. La façon de peindre le costume est
largement étudiée. La robe est délimitée au moyen de coups de pinceau blancs, longs et
minces. Les lumières sur les plis sont fortement marqués par de rapides traits réalisés grâce à
un pinceau fin. On peut voir ainsi ces lumineux coups de pinceau dans le tissu carmin du
vêtement, dans les ouvertures blanches des manches ou encore dans ces manches
sophistiquées. Les broderies de perles et d’or du costume rouge, ainsi que le zigzag dorés sur
les manches blanches, provoquent un fort contraste, et apportent une clarté au tableau.
De plus, l’étude radiographique montre que c'est une œuvre bien élaborée et travaillée
en profondeur. Elle a été réalisée sans rectification importante. Nous pouvons, cependant,
remarquer la petite correction du majeur de la main droite, peint finalement plus ouvert que
dans un premier temps. Le bord de la main a également légèrement varié. Grâce à
l’infrarouge, on peut voir apparaître des traits fins de dessin autour des mains ou sur le visage
pour marquer les yeux, la bouche, le nez, le contour, etc.
L’état de conservation de la peinture est assez bon, bien qu’en quelques endroits elle soit
un peu endommagée, principalement sur le visage, sur le sourcil, à la base du nez et au
menton (surtout du coté droit).
Le support est d'un bois de chêne. La plus grande partie étant recouverte d'un papier,
dans la tradition des peintures hollandaises. Il est formé par trois montants de dimensions
similaires, unis au moyen de chevilles du même bois.
—
COPIES
Alonso Sánchez Coello, Isabel de Valois, v. 1560, Peinture à l’huile sur toile, 113 x
94 cm, Madrid, Collection Varez Fisa, [Kusche M., 2003] (Fig. 5a)
Ce portrait, réalisé par Sánchez Coello, est une copie de l’œuvre peinte par son maître,
Anthonis Mor. Mais plus qu’une copie, on peut parler d’une deuxième version du tableau,
Sánchez Coello reproduit la composition et l’interprétation du peintre hollandais, mais il
donne à Élisabeth une nouvelle expression. Une des différences entre les deux tableaux est
l’agrandissement du cadrage dans la version du peintre espagnol. Il a environ 10 cm de plus
dans la hauteur comme dans la largeur. Le haut, le bas et le côté droit du cadre sont donc un
peu plus développés. Le bord gauche a, lui, gardé le même cadrage. Cette amplification
permet de voir une plus grande partie du mouchoir blanc que Élisabeth tient dans sa main
droite. Sa main gauche est également légèrement modifiée, elle ne se laisse plus tomber de
manière nonchalante de la table, mais, on l’a vu, elle est posée de tout son long sur son
16
« illustrer... les vêtements que portaient les dames... aux noces du Duc de Sesa et à celles de la Comtesse de
Niebla, célébrées toutes deux en 1541... Elles portaient sous les manches de la jupe quelques petites manches en
tissu en argent ou de l'or (…) et de gorgerette en faisant un jeu avec les manches » (nous traduisons).
17
« Les manches particulières, de la Duchesse, se répètent dans des portraits du règne de Philippe II » (nous
traduisons).
18
Alonso Sánchez Coello y el retrato en la corte de Felipe II, op. cit. note 12.
34
support. La lumière vient frapper plus fortement le costume, sur lequel on voit de nombreux
reflets.
D’après Stéphanie Breuer-Hermann19
, le
portrait de l’élève est d’une meilleure qualité.
Les effets de matière sont représentés de
manière plus réaliste, le visage est plus
distingué, majestueux et distant. La différence
de support (le premier en bois, le second en
toile) différencie aussi largement le rendu final
de l’un et l’autre. On remarque enfin une plus
grande distanciation dans la deuxième version,
qui correspond aux normes de l’étiquette à la
cour espagnole avec une quasi divinisation de
la figure des souverains. Ainsi, Sánchez Coello
ne fait pas sienne la technique flamande, qu’il
a appris avec Anthonis Mor. Au contraire, il
s’inspire plus de l’esprit italien qu’on retrouve
dans les peintures espagnoles du XVIe
siècle.
Alonso Sánchez Coello, portraitiste de
cour, a sans doute, reçu la commande de
reproduire le tableau peint par Anthonis Mor
afin de l’envoyer dans les cours européennes, et plus particulièrement dans celles ayant des
relations familiales avec la cour de Philippe II.
Juan de la Rúa, Isabel de Valois, vers 1560, peinture
sur toile, dimensions non renseignées, New-York, commerce
[Kusche M., 2003] (Fig. 5b)
Cette version du portrait largement amplifiée est attribuée,
par Maria Kusche20
, à Juan de la Rúa. Nous ne savons pas
précisément quel fut le lien de ce peintre avec l’original ou avec
la copie de Alonso Sánchez Coello. Sauf bien sûr qu’il fut lui
aussi peintre à la cour du roi d’Espagne et lui aussi au service
d’Élisabeth. Ce qui est somme toute une explication suffisante.
Le cadrage, considérablement allongé vers le bas, prend
désormais en compte la quasi-totalité de la robe, il s’agit d’un
portrait en pied (le mouchoir est alors complet). Le meuble sur
lequel la main gauche repose est, lui aussi, agrandi vers le bas
en répétant le même motif. Un élément a également été rajouté :
le tissu en velours verdâtre. Au XVIe
siècle, la présence d’un
rideau a, généralement, pour but de marquer une distinction
entre l’espace royal (celui de la reine) et l’espace public (celui
du spectateur). De plus, celui-ci est fait dans un tissu noble et
cher, mais aussi lourd, ce qui appuie le caractère de richesse et
de convention.
La position et la tenue du modèle sont identiques.
Cependant on peut voir dans l’élaboration de la robe, et surtout
de la jupe, que le talent du peintre n’est pas comparable à celui
du maître flamand ou de son élève espagnol. Ici, le tissu paraît
strictement droit, comme un aplat de couleur, alors que dans les
19
S. Breuer-Hermann, « Notice du portrait d’Élisabeth de Valois peint par Alonso Sánchez Coello vers 1560 et
conservé au Musée du Prado », dans Alonso Sánchez Coello y el retrato en la corte de Felipe II, op. cit. note 12,
pp. 132-133.
20
M. Kusche, op. cit. note 7.
35
deux versions précédentes (même si on ne voit que le haut de
la jupe) le volume est beaucoup plus présent, avec un jeu de
lumières et/ou de reflets. Il manque le damassé du tissu. Les
détails que l’on apprécie dans les exemplaires courts ne sont
pas ou peu présents.
Le visage de la reine est également moins personnalisé, il
est comme idéalisé ou rajeuni. Il s’apparenterait presque plus
au portrait réalisé par Clouet et conservé dans l’Ohio (fig. 4).
Mais nous ne savons pas si ce tableau a pu être vu par Juan de
la Rúa.
Pierre Novelliers, Isabel de Valois, v. 1600, peinture
sur toile, dimensions non renseignées, New-York, collection
particulière [Kusche M., 2003] (Fig. 5c)
Ce portrait est indiscutablement une copie de celui de
Juan de la Rúa. Il reprend à la fois le cadrage (portrait en pied),
les ajouts (amplification du meuble, de la robe et du mouchoir,
ainsi que la présence du rideau), la représentation des textures,
des matières tout comme la forme et l’expression du visage.
Cependant la qualité paraît plus faible. Le visage, les
mains et les gants sont peu travaillés et les nœuds des pointes
sont peints de manière monotone.
Maria Kusche propose qu’il soit de la main de Pierre
Novellier21
, peintre de cour de l’Infante Isabelle Clara Eugénie.
Le lien avec la fille de la reine est assez évident car on sait
qu’à la fin du siècle, alors qu’elle se trouve aux Pays-Bas, elle
est en possession d’un exemplaire de cette représentation. Sans
pour autant savoir s’il s’agit d’une copie ou de l’original, et
sans savoir non plus de quel format il s’agit. Peut-être existait-il deux originaux dès l’origine
de Moro un court et un en pied ?
Anthonis Mor (?), Isabel de Valois, v. 1560, Huile
sur bois, 107,1 x 78,6 cm, Musée du Liechtenstein, [Galerie
on-line du musée du Liechtenstein] (Fig. 5d)
Cette œuvre est, d’après le site du musée du
Liechtenstein, attribuée à Anthonis Mor. Cette attribution
nous paraît cependant contestable, au vu du débat
précédemment cité. On remarque des différences par
rapport à l’œuvre dite originale, la principale étant
l’apparition de la fenêtre (à la manière de Rubens dans la
figure 8a). Les cheveux d’Élisabeth de Valois paraissent ici
plus roux. Les différents tons du tableau sont plus ternes et
plus foncés que dans les versions vues précédemment.
Pierre Paul Rubens, Isabel de Valois, v. 1609,
Dessin sur papier blanc, dimensions et lieu de conservation
non renseignés, [Kusche M., 2003] (Fig. 5e)
Ce dessin du maître flamand fut réalisé sur une feuille
de papier blanc qui porte une dédicace aux ancêtres
bourguignons des Habsbourg. Il a du être réalisé aux Pays-
21
M. Kusche, op. cit. note 17.
36
Bas, durant la présence de Isabelle Clara Eugénie qui, donc, avait sans doute emmené avec
elle le portrait de sa mère.
Cette copie pose question :
Rubens développe le bas du
corps sans pour autant ne
faire davantage qu’une
esquisse. Il dessine le
mouchoir en entier, alors que
dans la version de Anthonis
Mor, il est coupé. On ne peut
donc savoir si Rubens
s’inspire de l’original ou de
la copie d’Alonso Sánchez
encore sur la version de Juan
de la Rúa Coello ou de Pierre
Novelliers ?
Remarquons que la
main gauche d’Élisabeth suit
la proposition faite par
Sánchez Coello. Cependant
le support n’est pas
représenté (ce qui ne nous aide pas à savoir si l’artiste s’appuie sur l’une ou l’autre des
œuvres). Cette main semble ainsi être suspendue dans le vide.
—
ŒUVRES À METTRE EN RELATION
Alonso Sánchez Coello, Anne d’Autriche, reine d’Espagne, 1571, peinture à l’huile
sur bois, 176 x 98 cm, Vienne, Kunsthistorisches Museum, (Inv. GG 1733) [Wikimédia]
(Fig. 5f)
Ce portrait d’Anne d’Autriche (successeuse de
Élisabeth à la couronne d’Espagne) n’est pas similaire à
celui de notre reine, mais il est comparable,
principalement au niveau de la composition et par rapport
aux portraits en pied d’Élisabeth. Le modèle est tourné de
la même façon (à l’opposé cependant), avec un corps
légèrement en rotation dans un sens alors que la tête
pivote de l’autre côté pour regarder le spectateur. La
présence du rideau sur le côté droit du tableau est
également semblable, et remplit la même fonction.
On retrouve également le jeu des bras, un tendu,
l’autre plié, qui permet de donner du mouvement, et donc
de la vie dans un corps qui pose de manière noble et
quasiment statique. En étudiant les bras, la similitude de
lignes dans les manches est visible, c’est-à-dire que dans
les deux portraits la robe présente des ouvertures au
niveau des bras qui laissent percevoir le vêtement
dessous. On peut noter qu’il s’agit d’une mode qui restera
dans les coutumes du costume espagnol. Enfin, on note la
présence du mouchoir, beaucoup plus luxueux et donc
plus travaillé que dans le portrait de la troisième épouse
de Philippe II. Il remplit lui aussi la même fonction : tout
simplement donner une contenance à la reine.
—
37
BIBLIOGRAPHIE
Alonso Sánchez Coello y el Retrato en la Corte de Felipe II, juin-juillet 1990, Madrid,
Musée du Prado (1990).
M. Kusche, Retratos y retratadores Alonso Sánchez Coello y sus competidores
Sofonisba Anguissola, Jorge de la Rúa y Rolán Mays (2003), pp. 125-129.
El retrato del Renacimiento (dir. Miguel FALOMIR FAUS), Notice de l’oeuvre écrite par
Leticia Ruiz Gómez, Madrid (2008), pp. 344-346.
38
39
Fig. 6
Sofonisba Anguissola
Isabel de Valois
1561
Peinture sur toile
206 x 123 cm
Madrid, Musée du Prado (Inv. 1031)
[Galeria online, Museo Nacional del Prado]
PROVENANCE
Collection royale d’Espagne.
—
ATTRIBUTION
L’attribution de cette œuvre fut assez discutée. Elle a tout d’abord été attribuée à Alonso
Sánchez Coello, puis à Pantoja de la Cruz (attribution qui est d’ailleurs toujours mentionnée
40
dans le cartel présentant l’œuvre au Musée du Prado et dans la notice sur le site Internet de ce
musée22
) tout en précisant qu’il s’agit franchement d’une copie d’un original de Sánchez
Coello ou de Sofonisba Anguissola23
. En effet la souveraine ressemble grandement au portrait
de trois quarts que Pantoja de la Cruz a peint d’après l’original de Sofonisba Anguissola pour
la galerie du Pardo. M. Kusche propose aussi la théorie suivante : ce tableau serait le
deuxième portrait de pied d’Élisabeth peint par Sofonisba Anguissola, le premier (disparu)
étant celui peint en 1561 et ayant été envoyé au pape Pie IV.
Nous prendrons ici l’attribution choisie dans le catalogue de l’exposition de 199024
en
donnant la maternité de ce tableau à Sofonisba Anguissola.
—
ÉTUDE DE L’OEUVRE
L’artiste a dû peindre ce portrait aux environs de 1561, c’est-à-dire peu de temps après
le mariage royal de 1560. La robe nous aide à dater cette toile. A cette époque la forme du col
évolue. Le rabat du col est ici ouvert par-devant, vers 1565 la fraise deviendra plus large. La
toile serait donc peinte avant 1565. En étudiant ce col, on peut également voit l’apport
d’Élisabeth dans la mode du costume espagnol, un liseré en or cousu sur les petites pointes
blanches du col sont un détail que la reine a apporté de France et qui est devenu à la mode en
Espagne.
Dans une notice de la base d’images Joconde, il est proposé la datation de 1565 et
l’attribution à Sofonisba Anguissola, dame d'honneur et peintre attitrée de la reine. Elle aurait
peint Élisabeth lors de "l'Entrevue de Bayonne" avec sa mère et son frère, roi de France, ce
tableau illustrerait alors le rôle de la reine comme ambassadrice de son époux le roi d'Espagne
Élisabeth est représentée en pied dans un espace réel, composé d’une pièce (on voit le
sol, le mur du fond ainsi que l’espace d’une fenêtre) et d’un piédestal ou d’une colonne sur
laquelle la reine est appuyée (symbole du pouvoir, particulièrement dans la famille
Habsbourg). Elle est richement vêtue et tient dans la main un médaillon (ou un camée)
comportant une miniature du portrait de Philippe II. La composition du tableau suit les
normes du portrait de cour établies par Titien et par Anthonis Mor, elle est compacte sans être
monotone. La technique est fine, douce et détaillée, elle reflète un ensemble harmonieux. La
lumière illumine le visage, et est renvoyée par les manches blanches et brodées, ainsi que par
la doublure.
—
ÉTUDE TECHNIQUE
Pour cette étude nous nous servirons une fois de plus du catalogue de l’exposition
madrilène de 199025
. Les détails de la peinture sont très précis mais ont peu de contraste. La
densité du fond et la faible couche de peinture font que la délimitation des contours est à peine
visible. L’attention portée dans la facture et la précision n’est pas égale dans la globalité de
l’œuvre. Le visage ou les mains par exemple ne furent pas autant travaillés qu’on pourrait s’y
attendre. Les broderies des vêtements, comme les nombreuses joailleries, ont été peintes par
de petites touches de peinture, peu chargées en matière, suivant une technique maniériste.
La radiographie de la toile nous permet de supposer, par la présence de traces claires
dans le fond, que la première idée du peintre fut d’élaborer une composition différente, peut-
être avec le modèle un peu plus à droite. Il existe également un changement de composition à
la base de la colonne. Le soubassement carré actuel a été initialement peint en forme
22
http://www.museodelprado.es/coleccion/galeria-on-line/.
23
M. Kusche, Juan Pantoja de la Cruz, Madrid, éd. Castalia, 1964, p. 193 et S. Breuer, Alonso Sánchez Coello,
Munich, 1984, pp. 11, 171 et 285.
24
S. Breuer-Hermann, « Notice du portrait d’Élisabeth de Valois peint par Sofonisba Anguissola vers 1561 et
conservé au Musée du Prado », dans Alonso Sánchez Coello y el retrato en la corte de Felipe II, op. cit. note 12,
p. 133.
25
Alonso Sánchez Coello y el retrato en la corte de Felipe II, op. cit. note 12.
41
échelonnée et légèrement pyramidale. La radiographie exprime clairement les lignes de son
élaboration architectonique.
Cette étude scientifique nous permet également de voir que l’état de conservation de la
peinture n’est pas très bon. Il y a de nombreux endroits où il manque de la matière,
principalement du côté droit, autour de la fenêtre. Cependant ces imperfections ne se voient
pas forcément à l’œil nu.
Le tissu original peut directement être vu sur les bords du châssis, où il dépasse de 3 cm
après avoir été retendu. Sur le bord supérieur et sur le latéral gauche, le tissu a été doublé (la
peinture présente est toutefois originale) alors que les bords droit et inférieur sont restés
intacts.
—
COPIES
Gaspare Oselli, Élisabeth de Valois, 1569, gravure,
dimensions non renseignées, Austriacae gentis imaginum,
[Édouard S., 2009] (Fig. 6a)
Cette gravure, qui date de quelques années après notre
peinture, s’en inspire largement. On retrouve la position de la reine,
qui tient, dans une main droite légèrement relevée, une miniature,
qui semblerait être également le portrait de son époux Philippe II.
La position du bras et de la main gauche est exactement la même
que dans l’œuvre de Sofonisba Anguissola.
La robe aussi paraît avoir été inspirée par celle portée par
Élisabeth. Cependant la représentation des couleurs n’est plus la
même (bien que la gravure soit en noir et blanc, la robe apparaît
claire et non plus foncée). Les textures aussi sont modifiées, alors que, dans la peinture, le
tissu est présenté comme assez souple. Ici il est représenté plus lourd, moins flexible. Le
costume statufie un peu la position de la reine.
D’autres modifications peuvent être remarquées,.
La coiffure, par exemple, est ici coiffée d’une
couronne, exprimant clairement le statut de souveraine.
Et, bien sûr, le cadre, dans lequel Élisabeth est
représentée, a été complètement modifié. Ici, elle est
montrée sur une estrade. Dans le fond on perçoit une
architecture qui sert à encadrer le modèle. Celui-ci
devient ainsi presque une sculpture, une statue.
—
ŒUVRES À METTRE EN RELATION
Anthonis Mor, Marie d’Autriche, épouse de
l’empereur Maximilien, 1551, peinture à l’huile sur
toile, 181 x 90 cm, Madrid, Musée du Prado (Inv.
P02110) [Galeria online, Museo Nacional del Prado]
(Fig. 6b)
Ce portrait est celui de Marie d’Autriche qui est
la sœur de Philippe II, autrement dit la belle-sœur
d’Élisabeth de Valois. Il fut réalisé huit ans avant que
cette dernière accède au trône espagnol. La filiation
dans ces deux portraits est, semble-t-il, assez claire.
Tout d’abord, on retrouve quasiment la même
composition, la reine est en pied, avec sur sa droite une
colonne, représentant le pouvoir de la famille des
Habsbourg (à laquelle toutes deux appartiennent, l’une
42
par sang, l’autre par alliance). Mais ce n’est pas tout, les deux vêtements peuvent être aussi
rapprochés, toutefois uniquement si l’on s’intéresse à la jupe. A partir de la ceinture, en or et
pierres précieuses, la jupe reprend le même patron, les mêmes couleurs (toujours très sombres
dans cette famille) et les petites touches d’or qui suivent le centre du corps. A l’inverse, le
haut de la robe est complètement différent. Alors que la robe d’Élisabeth la couvre
entièrement ne laissant rien voir de son décolleté, Marie d’Autriche offre sa peau à la vue de
tous, tout en respectant une ligne très sobre.
Anonyme d’après Anthonis Mor, Jeanne
d’Autriche, avec un esclave, 1553, peinture à l’huile
sur toile, 99 x 81,5 cm, Bruxelles, Musées royaux des
beaux-arts de Belgique (Inv. 1296) [Galerie web des
musées royaux des beaux-arts de Belgique] (Fig. 6c)
Ce portrait présente Jeanne d’Autriche, autre sœur
de Philippe II. Il est également peint par Anthonis Mor,
ou plutôt d’après un des portraits de celui-ci (le site
web des musées royaux de Belgique l’attribue
d’ailleurs à Cristóvão de Morais, mais sans certitude).
On retrouve la même composition que dans le
portrait d’Élisabeth avec la colonne et la position du
modèle (les bras droits ont la même ligne, celui de
Jeanne s’appuyant sur la tête d’une petite fille, celui
d’Élisabeth sur la colonne).
Mais ce qui nous intéresse ici, c’est donc le
costume. Ce portrait est postérieur de deux ans à celui
de sa sœur, pourtant la robe est beaucoup plus
semblable à celle portée par la troisième épouse de Philippe II. Bien que la mode ait pu
changer rapidement, il faut plutôt y voir une habitude
vestimentaire de la péninsule ibérique. D’ailleurs on
pourrait sans doute rapprocher la silhouette de la robe
de Marie d’Autriche avec les robes françaises de
l’époque.
François Clouet, Elisabeth de Valois, av.
1559 (voir fig. 4)
Ce portrait fait par François Clouet a pu inspirer
Sofonisba Anguissola, au niveau de la forme, des
traits et de l’expression du visage, de ce qu’il
transmet. Bien que la technique du dessinateur n’a
rien à voir avec l’interprétation hispanisante (idéal
courtisan) de la peintre italienne.
Sofonisba Anguissola, Diane d'Andoins dite
"Corisande", comtesse de Guiche, et sa fille, 1565,
peinture à l’huile sur bois, 170 x 120 cm, Bayonne,
Musée Basque et de l'Histoire de Bayonne (Inv. G2)
[Base Joconde] (Fig. 6d)
La portraiture de la comtesse et de sa fille peut
nous rappeler celui d’Élisabeth, dans le costume, la
composition ou encore les traits physiques de la mère.
Diane d’Andoins est habillée avec un vertugadin cloche à l’espagnole que l’on voit très
peu en France, mais qu’Élisabeth de Valois porte à la cour d’Espagne à partir des années
1560. Il s'agit d'une "saya" à broderies de perles et de fils d'or, avec collier et ceinture de
43
pierres précieuses. La fillette porte le même genre de vêtement, qui est proche de celui que
porte Élisabeth dans notre tableau (exceptée la couleur). Les accessoires de la mère sont aussi
similaires : les bagues sont portées aux mêmes doigts, la ceinture en joaillerie est très proche.
Le collier possède un motif identique à celui de la reine d'Espagne.
La composition du portrait de face, en pied, à côté d'une colonne de marbre, est
explicitement copiée sur le tableau du Prado. Enfin la physionomie de la comtesse n’est pas
sans nous rappeler celle de la reine. Les cheveux sont implantés quasiment au même endroit,
son front et son nez sont également ressemblants. La structure osseuse du visage est
cependant plus maigre.
Sofonisba Anguissola, Isabel de Valois, après 1581 (voir fig. 11)
On peut comparer ce tableau, bien que beaucoup plus tardif, avec la peinture de 1561.
Cette peinture est dans un très mauvais état de conservation mais on voit tout de même la
similitude de la forme du visage et dans ses traits (les sourcils élevés, les pâles carnations,
presque sans ombres). Seules les joues roses et le léger sourire ébauché sur sa bouche donnent
un minimum de plasticité à la figure.
Sofonisba Anguissola, Infante Isabelle Clara Eugénie, 1599, Peinture à l’huile du
toile, dimensions non renseignées, Madrid, Musée du Prado [Kusche M., 2003] (Fig. 6e)
La robe portée par la fille d’Élisabeth, Isabelle Clara
Eugénie portraiturée à la fin du siècle, peut nous rappeler
celle portée par sa mère dans ce portrait en pied
d’Anguissola. La ceinture serait d’ailleurs exactement la
même puisque Isabelle Clara Eugénie l’a reçue comme
héritage de la reine. Cependant, on voit quelques
modifications, par exemple au niveau du col qui suit
l’évolution dont nous avons déjà parlée. La ceinture est
assez ressemblante.
—
BIBLIOGRAPHIE
Alonso Sanchez Coello y el retrato en la corte de
Felipe II au Musée du Prado (1990).
S. Breuer, Alonso Sánchez Coello (1984).
M. Kusche, Juan Pantoja de la Cruz (1964).
M. Kusche, Retratos y retratadores Alonso Sánchez
Coello y sus competidores Sofonisba Anguissola, Jorge de
la Rúa y Rolán Mays (2003).
El retrato del Renacimiento (dir. Miguel Falomir
Faus), Notice de l’oeuvre écrite par Leticia Ruiz Gómez, pp.
402-403 (2008).
L. Campbell, Portraits de la Renaissance : la peinture
des portraits en Europe aux XIVe, XVe et XVIe siècles,
(1991).
44
45
Fig. 7
Juan Pantoja de la Cruz, copie selon Sofonisba Anguissola de 1561
La reina Isabel de Valois, tercera esposa de Felipe II
v.1605
Peinture à l’huile sur toile
121,1 x 84 cm
Madrid, Musée du Prado (Inv. P01030)
[Galeria online, Museo Nacional del Prado]
PROVENANCE
Coïncide avec la description qui figure dans la « memoria de retratos que se han hecho
para la Casa Real de El Pardo26
» du 4 décembre 1612, qui remplace les toiles qui ont brûlé
dans l’incendie du 13 mars 1604.
—
ATTRIBUTION
26
« mémoire des portraits qui ont été fait pour la Maison Royale du Pardo » (nous traduisons).
46
Ce portrait a toujours été considéré comme une copie de Pantoja de la Cruz d’après une
œuvre de Sofonisba Anguissola. Pantoja peignit le portrait de la reine, et trente-deux autres,
pour remplacer ceux qui ont brûlé dans l’incendie de la Galerie des Portraits du Palais du
Pardo en 1604. Grâce à Argote de Molina, nous savons quels étaient les portraits qu’il y avait
dans le Pardo, entre lesquels on trouve un représentant « Doña Ysabel Reyna de España,
tercera muger del Rey don Felipe… de mano Sophonisba, Dama que truxo de Francia,
excellentissima en retratar, sobre todo los peintores desta edad »27
. Nous avons aussi une note
de Philippe II qui ordonne au peintre de chambre Pantoja de la Cruz de réaliser des copies des
originaux du Pardo. On peut donc déduire que ce portrait d’Elisabeth de Valois fut peint
d’après un original, aujourd’hui perdu, de Sofonisba Anguissola, bien que le portrait de
Sánchez Coello montre le visage du modèle de manière complètement différente.
—
ÉTUDE DE L’OEUVRE
Élisabeth de Valois est peinte dans un espace composé d’une chaise (symbole du trône)
et d’un rideau (symbole de haut rang ou qui peut être utilisé comme séparation entre l’espace
royal et le reste). Elle appuie son bras droit sur un fauteuil courtois, symbole de sa position
élevée à l'intérieur de la cour (elle est tout de même la reine). Elle soutient avec ses deux
mains une chaîne élégante en l'or, qui s’achève par une riche pièce du même métal et avec des
pierres précieuses. La Reine est habillée avec un vêtement de teinte austère en velours noir,
qui suit la mode espagnole de l'époque. Ce portrait révèle une certaine contradiction :
l’harmonie de la composition, la facture libre de la dentelle et des manches, le modelé décidé
des yeux ne correspondent pas avec l’aplatissement de la silhouette contre le fond et la dureté
de la robe. Cela donne l’impression que la grâce du portrait est rattrapée par la rigidité du
costume et du fond.
Le mouvement de la chaîne, ajouté aux tons rouges de noeuds et des manches, octroient
au portrait une certaine variation et un dynamisme. Pantoja utilise ces qualités pour s’éloigner
de la rigidité étatique présente dans l’art du portrait espagnol. Cependant, il suit les directives
définies aux temps de Philippe II, accentuant la solennité de l'image royale au moyen du geste
froid et impassible du personnage.
—
ÉTUDE TECHNIQUE
La radiographie confirme l’hypothèse de la copie d’un original perdu. Quand un peintre
crée une œuvre, l’élaboration est supérieure à une réplique. Ceci est d’autant plus vrai si la
copie est réalisée par un autre peintre.
Elle nous permet de percevoir une tache blanche particulièrement dense, autour de la
tête, un peu à gauche. Cette zone peut avoir deux explications. Soit il s’agit d’une intention
technique pour donner une plus grande luminosité à cette partie, soit elle correspond à une
conception antérieure du tableau.
La toile est assez bien conservée. Les pertes les plus importantes de préparation et de
couleur se trouvent l'une en dessous de l’épaule gauche, et l'autre sur le bord et près l'index
de la main du même côté. Les quatre cotés ont des usures et des manques de peinture qui
correspondent au frottement du tissu sur un ancien châssis. Sur le côté droit, la marque
coïncide avec un ajout original de tissu (environ 4 centimètres). Au centre du tableau, sous la
barre transversale du châssis, on remarque également des dégradations.
—
COPIES
27
« Dame Elisabeth Reine d’Espagne, troisième femme du Roi Philippe… de la main de Sofonisba, Dame
venue de France, excellentissime en portrait, surtout en comparaison aux peintres de cette époque » (nous
traduisons).
47
Pierre Paul Rubens (atelier), Isabel de Valois, 1603, huile sur toile, dimensions non
renseignées, Toledo, Collection privée, [Kusche M., 2003] (Fig. 7a)
En 1603, le duc de Mantua envoie Rubens en Espagne dans
une mission diplomatique. À son arrivée, il entre en contact avec
le duc de Lerma et a peut-être copié certains des portraits peints
par Sanchez Coello ou Pantoja de la Croix entre lesquels nous
trouverions celui-là. La reine apparaît habillée exactement
suivant le modèle du portrait de Juan Pantoja de la Cruz. Son
corps se découpe devant une balustrade (derrière laquelle on peut
contempler un paysage) et des rideaux. Élisabeth appuie son bras
gauche sur un fauteuil avec une fine tapisserie. Le style, très
détaillé et minutieux, est d'inspiration flamande, rappelant les
œuvres d'Anthonis Mor.
—
ŒUVRES À METTRE EN RELATION
Anthonis Mor, Marquise de las Navas, XVIe siècle,
huile sur toile, dimensions non renseignées, Tolède (Espagne),
Hôpital de Tavera, Musée du duc de
Lerma, [www.oronoz.com] (Fig. 7b)
En étudiant cette œuvre de
Anthonis Mor, on peut voir comment le
style de ce peintre a été utilisé dans la création du portrait de cour
espagnol. La position du corps du modèle est approximativement la
même que celle d’Élisabeth, seul le bras gauche a été modifié par
Sofonisba Anguissola. On retrouve la chaise et les deux femmes
appuient leur bras droit dessus (on ne retrouve pas dans la tradition
iconographique espagnole des portraits assis comme ceux de Titien
par exemple).
Le costume et les
couleurs sont également
assez semblables, avec
une austérité, une certaine
rigidité et une distanciation très présentes à cette
époque dans le royaume hispanique.
Anthonis Mor, Anne d’Autriche, reine
d’Espagne, 1570, huile sur toile, 161 x 110 cm,
Vienne, Kunsthistorisches Museum, (Inv.
P01137) [Wikimédia] (Fig. 7c)
Ce portrait réalisé après la mort d’Élisabeth
par le maître hollandais, nous montre la continuité
de cette composition et de ce style dans l’art de
cour espagnol. Bien que plus austère que le
portrait de la troisième épouse de Philippe II, qui
entre le costume, les bijoux et les tissus nous
montre la magnificence de la reine, on retrouve
les couleurs (noir et un dégradé d’oranges), la
chaise, ou encore le patron de la robe qui a,
somme toute, quelque peu évolué.
48
Alonso Sánchez Coello, La infanta
Isabelle Clara Eugénie, 1579, huile sur toile,
116 x 102 cm, Madrid, Musée du Prado (Inv.
P01137) [Galeria online, Museo Nacional del
Prado] (Fig. 7d)
La fille d’Élisabeth de Valois et de
Philippe II, est représentée à l'âge de treize
ans, avec un geste distant et élégant. Le
cadrage la montre en pied et de trois quarts,
selon la même typologie que l’œuvre copiée
de Juan Pantoja de la Cruz, étendue chez les
portraitistes de cour de ce moment. On
retrouve une similitude, avec sa mère, dans
ses vêtements (cf. fig. 8, pour les manches) et
dans ses accessoires (bijoux, ceinture…). La
position debout à côté d’un fauteuil avec le
bras comme négligemment abandonné
reprend une fois encore la composition
courante de l’époque. L'œuvre montre la dépendance de Sanchez Coello au modèle du
portrait de cour créé par Anthonis Mor, en détachant ses qualités pour capter les détails de
bijoux et de tissus.
—
BIBLIOGRAPHIE
Alonso Sanchez Coello y el retrato en la corte de Felipe II au Musée du Prado (1990).
S. Breuer, Alonso Sánchez Coello (1984).
M. Kusche, Juan Pantoja de la Cruz (1964) .
M. Kusche, Retratos y retratadores Alonso Sánchez Coello y sus competidores
Sofonisba Anguissola, Jorge de la Rúa y Rolán Mays (2003).
L. Roblot-Delondre, Portraits d’Infantes XVIe siècle (1913).
49
Fig. 8
Alonso Sánchez Coello
Isabel de Valois
1570
Peinture sur toile
51,5 x 44,5 cm
Florence, Musée des Offices (Inv. 9955)
[www.myartprints.com]
ATTRIBUTION
Anciennes attributions à l’école de Frans Pourbus le Jeune ou à l’école flamande du
XVIe
siècle.
—
ÉTUDE DE L’OEUVRE
Cees anciennes attributions sont sans doute le fait que cette œuvre est très ressemblante
à l’œuvre de Anthonis Mor (fig. 6). De plus, comme nous l’avons déjà vu, Alonso Sánchez
Coello, fut l’élève de ce maître des Pays-Bas, il y a donc, dans sa technique, une certaine
similarité avec l’art hollandais (même si parfois il s’en écarte largement). Ce portrait fut
vraisemblablement réalisé une décennie après celui d’Anthonis Mor, et donc après la mort
d’Élisabeth de Valois. L’inspiration paraît d’autant plus plausible que le modèle n’est plus là
50
pour poser. Tout en vieillissant légèrement les traits du visage de la reine, le peintre espagnol
reprend parfaitement la pose du portrait plus large. La rotation de la tête est la même, le jeu
d’ombres et de lumière également. On retrouve jusqu’à l’oreille droite qui se déforme sous la
pression du col. Néanmoins, Élisabeth paraît marquée, fatiguée, comme malade, ses yeux
n’ont plus cet aspect doucement malicieux qu’ils avaient lors que sa jeunesse.
Le costume aussi est emprunté au portrait de 1560, cependant les couleurs paraissent
beaucoup plus éclatantes. La richesse de la robe, avec perles, pierres et or, est parfaitement
bien rendue. Les matières semblent concrètes, elles donnent envie de toucher la toile pour
effleurer leur douceur.
Ce portrait réalisé après la mort de la reine, et on le verra énormément copié, a peut-être
eu une fonction de portrait post-mortem, pour diffuser et conserver l’image de la reine dans
toute l’Europe. On remarquera d’ailleurs que la composition peut nous faire penser à celle des
icônes religieuses du Moyen-Âge.
—
ÉTUDE TECHNIQUE
La technique, somme toute assez nouvelle à cette époque de la peinture à l’huile, n’est
pas exploitée ici dans toutes ses capacités. La brillance que provoque cette matière est très
bien maîtrisée dans l’élaboration du costume, cependant elle entraîne des nuances quelque peu
curieuses sur le visage. Il se peut qu’il n’en fût pas ainsi à l’origine, mais que avec les années
et le temps qui passent le verni et la peinture aient relativement mal réagi créant des taches qui
ne sont pas d’origine.
L’état de conservation n’est pas très bon, en plus de ces marques, on remarque des
manques de peinture dans certains endroits (principalement en bas à droite).
—
COPIES
Jacques Le Boucq, Élisabeth de Valois,
v. 1560, Dessin à la pointe de graphite,
dimensions non renseignées, Arras, Bibliothèque
municipale (Inv. MS 266), [A. Châtelet, 2007]
(Fig. 8a)
D’après Albert Châtelet, ce dessin de
Jacques Le Boucq pourrait être « d’une notation
sur le vif due à Antonio Moro, en vue d’un
portrait qui n’a probablement jamais été exécuté
ou dont tous les exemplaires auraient disparu.
L’original pourrait dater du mariage de la
princesse en 1560, alors qu’elle était âgée de
quatorze ans »28
. Cependant, on peut émettre
quelques doutes à cette affirmation, en
rapprochant ce dessin de l’œuvre d’Alonso
Sánchez Coello où on peut remarquer une
ressemblance importante.
Le cadrage est à peu de chose près le
même, la position du modèle également, tout
comme le costume et les bijoux (colliers,
diadème…). Ne tirons pas de conclusions
hâtives, en proposant de parler d’une copie du dessinateur français sur le peintre espagnol.
Nous pouvons au contraire proposer plusieurs hypothèses : s’agit-il d’une copie du portrait
28
A. Châtelet, Visages d'antan : le Recueil d'Arras, Lathuile (Haute-Savoie), éd. du Gui, 2007.
51
peint dit ???? Serait-ce l’inverse, Sánchez Coello aurait imaginé un portrait peint en
s’appuyant à la fois sur le dessin de Jacques Le Boucq et sur le portrait que nous avons déjà
vu attribué à Anthonis Mor ? Ou s’agit-il de deux copies d’après un original d’Anthonis Mor?
Supposition qui rejoindrait donc celle de Albert Châtelet. Cette dernière proposition paraît la
plus probable. L’auteur des Portraits d’Antan montre que comme « Anthonis Mor était un
contemporain de Le Boucq et il a bien pu lui ouvrir son atelier »29
, il serait alors tout à fait
possible que le français « ait eu accès à des études préparatoires [du peintre néerlandais], [des]
notes prises sur le vif à partir desquelles [le peintre réalisait ses] tableaux »30
. Rappelons que
Alonso Sánchez Coello fut élève d’Anthonis Mor, il a donc tout à fait pu avoir accès dans
l’atelier de son maître à cette ébauche.
Jacques Le Boucq, Élisabeth de Valois, v. 1560, Dessin à la
pointe de graphite, dimensions non renseignées, Bibliothèque
municipale (Inv. MS 266), [A. Châtelet, 2007] (Fig. 8b)
La présence, dans ce même recueil, d’un portait au crayon du roi
d’Espagne, époux d’Élisabeth, Philippe II, peut nous amener à penser
qu’il existe peut-être un pendant au portrait de la reine. Suivant l’étude
du dessin précédent, peut-être qu’Anthonis Mor aurait exécuté un
portrait de chaque époux, selon la même formule et tourné l’un vers
l’autre (Philippe II vers la droite, Élisabeth vers la gauche). Alonso
Sanchez Coello aurait alors pu s’inspirer des portraits de son maître
pour les diffuser, cependant nous n’avons pas encore retrouvé la trace
d’une œuvre de cet artiste correspondant à ce dessin.
Anonyme, d’après Alonso Sanchez
Coello, Élisabeth de Valois, femme de
Philippe II, roi d’Espagne, XVIe siècle
(2ème
moitié), peinture à l’huile sur bois, 45
x 34 cm, Musée du Louvre, Département
des Peintures (Inv. 1721), [Base Joconde]
(Fig. 8c)
Cette copie qui suit parfaitement
l’original dans la composition, dans la pose
ou encore dans les couleurs, paraît pourtant
d’une facture beaucoup moins maîtrisée. Le
visage est un peu plus idéalisé, le costume
brille trop pour être réel, enfin le cadrage est
un tant soit peu rapproché.
Sans doute que cette copie a eu pour
fonction de diffuser ce portrait. Si la
diffusion était la recherche principale du
commanditaire, il n’a peut-être pas prêté
grande attention à la qualité du peintre. Ce
qui a du être important, ce sont ses capacités
à reproduire une œuvre assez fidèlement et
rapidement. Ceci expliquerait la sensible
idéalisation du modèle, pour diffuser une
image belle et agréable d’Élisabeth de
Valois.
29
A. Châtelet, loc. cit.
30
A. Châtelet, loc. cit.
52
Anonyme, d’après Alonso Sanchez Coello, Élisabeth de Valois, date, technique et
dimensions non renseignées, Leeds Museums and Art Galleries, [www.artprints.leeds.gov.uk]
(Fig. 8d)
Certains attribuent cette œuvre au maître
espagnol lui-même. Cependant cette attribution ne
tient pas lorsqu’on fait une comparaison avec
l’œuvre originale du Musée des Offices à
Florence. Certes l’artiste respecte à peu près le
cadrage et la position du modèle, mais la technique
paraît gauche. La tête d’Élisabeth est perdue dans
ce costume qui est démesurément grand pour elle,
les proportions ne sont pas respectées. Le rendu
des textures et des matières est, lui aussi, d’une
qualité bien inférieure. Ici, tout paraît lisse, de la
peau du visage aux tissus du costume. Le jeu des
couleurs et des brillances est mal imité. On ne
comprend plus la raison de ces changements de
couleurs. Les contrastes entre les nuances sont
beaucoup plus marqués que dans l’œuvre d’Alonso
Sanchez Coello, et suppriment l’ambiance douce
et suave de l’original pour quelque chose de
beaucoup plus rigide.
Le peintre a aussi ajouté une inscription pour identifier le modèle, ce qui est une preuve
de diffusion de cette œuvre, il faut préciser qui est le modèle pour éviter des confusions.
Anonyme (école espagnole), Élisabeth de Valois,
XVIe siècle, Peinture à l’huile sur bois, 27,5 x 22 cm, Madrid,
Fondation Lazaro Galdiano (Inv. 2726), [Catalogue de la
Fondation Lazaro Galdiano] (Fig. 8e)
Une fois encore, la copie est de médiocre qualité. Le
cadrage et la pose sont toujours respectés, la ressemblance du
costume est là, mais ce sont bien les seuls éléments qu’on
retrouve dans les deux œuvres.
Ici, la physionomie ne ressemble pas à celle d’Élisabeth,
de plus, elle paraît beaucoup plus jeune que dans l’original. Il
n’y a quasiment plus de
jeu d’ombre, tout est lisse
et aplati. On ne perçoit
plus le volume et les
textures, ni des tissus, ni de la peau, ni les bijoux. Il reste
quelques traces de la douceur du visage mais le vêtement
est anguleux et piquant.
—
ŒUVRES À METTRE EN RELATION
Anthonis Mor, Maria de Guimaraes, Duquesa
de Parma, 1550, huile sur toile, 49,5 x 34 cm, Parme,
Pinacothèque [Wikimedia] (Fig. 8f)
Si on compare ce tableau avec le portrait
d’Élisabeth de Valois réalisé par Alonso Sanchez Coello,
la filiation entre le maître et l’élève apparaît assez
clairement. Bien que le cadrage descende un peu plus bas
53
dans le portrait d’Anne d’Autriche, la composition est parfaitement la même, le modèle est
exactement positionné de la même manière.
Le point difficile est alors de différencier ce qui vient de la filiation de ce qui vient de la
mode de l’époque. Cependant rappelons que Anthonis Mor a largement contribué à créer le
genre du portrait royal à la cour espagnole. Les deux notions sont donc entremêlées l’une dans
l’autre. Notons tout de même que la similitude de ces deux portraits va jusqu’au petit
mouvement du col qui, sur le côté droit de l’ouverture, décrit une délicate petite courbe.
Les visages ont également la même expression neutre, voire un peu renfermée.
Alonso Sánchez Coello, Anne d’Autriche,
reine d’Espagne, 1580, peinture à l’huile, dimensions
non renseignées, Barcelone, Collection privée, [Kusche
M., 2003] (Fig. 8g)
Cette œuvre du même peintre, réalisée dix ans
plus tard, représente la reine d’Espagne qui succèdera à
Élisabeth de Valois. On retrouve exactement le même
caractère noble, luxueux et sobre à la fois. L’expression
du visage impassible, le regard presque dans le vide et
le jeu des lumières sont repris.
Dix ans plus tard, le prototype du portrait de cour
n’a pas changé. Il est repris et adapté à la souveraine,
avec sa physionomie et son costume (costume qui n’est
pour autant pas si éloigné de celui d’Élisabeth).
—
BIBLIOGRAPHIE
A. Châtelet, Visages d'antan : le Recueil d'Arras (2007).
M. Kusche, Retratos y retratadores Alonso Sánchez Coello y sus competidores
Sofonisba Anguissola, Jorge de la Rúa y Rolán Mays (2003).
54
55
Fig. 9
Anonyme
Philippe d’Espagne et Elisabeth de Valois
Miniature du Livre d'Heures de Catherine de Médicis
Entre 1559 et 1589
Peinture sur papier
Dimensions non mentionnées
Paris, Musée du Louvre (f°166v)
[Banque d’images de la BNF]
PROVENANCE
Collection de Louise de Lorraine, collection des ducs de Vendôme, collection de la
duchesse de Berry, et enfin en 1864 acquis par l’État Français pour être déposé aux
collections du Louvre.
—
ATTRIBUTION
Le commanditaire de cette œuvre n’est autre que Catherine de Médicis, afin de
compléter son livre d’Heures avec tous les portraits de sa famille (on y trouve aussi d’ailleurs
56
des portraits de Isabelle-Claire-Eugénie et Catherine-Michelle, les deux filles de Élisabeth de
Valois et de Philippe II). Cependant l’auteur de ces miniatures n’est pas connu. Il paraît
évident qu’il s’agit d’un peintre français, sans doute même un peintre de cour, mais aucune
identification n’est avancée avec certitude. Il semblerait que ce ne soit pas François Clouet, on
ne reconnaît pas sa manière de peindre, son geste.
—
ÉTUDE DE L’OEUVRE
Il est difficile de dater cette miniature. Elle est incontestablement postérieure au mariage
de Philippe II et d’Élisabeth, qui date de 1559, et antérieure à la mort de Catherine de Médicis
en 1589, puisqu’elle en est le commanditaire. Certains historiens proposent la date de 1572
mais sans avancer de réels arguments.
Les deux époux souverains d’Espagne sont représentés en habits de sacre et couronnés.
Les habits suivent la mode espagnole. On retrouve d’ailleurs chez Élisabeth la perle Pérégrina
qui montre qu’elle a déjà adopté des traditions espagnoles. Cependant, le tissu de sa robe est
bleu et orné de lys d’or qui n’est bien pas sans évoquer la royauté française, et donc ses
origines. On voit ainsi le trait d’union que va exercer la reine espagnole, elle n’oubliera jamais
son enfance en France et son attachement à sa famille, à une mode ou à des coutumes
françaises. Néanmoins, elle acceptera aussi rapidement les façons de faire à l’espagnole. Elle
porte des bijoux qu’on retrouve dans plusieurs de ses autres portraits, le collier de perle, celui
d’or orné de pierres précieuses ou encore la pièce qui sublime sa coiffure, un peu cachée par
la couronne. La position des deux modèles (mains jointes), tout comme la présence de croix
au sommet des couronnes, montre clairement l’esprit de cette représentation : il s’agit d’une
miniature dans un livre d’Heures. Ils doivent donc être représentés en bons chrétiens et en
souverains sous le regard de Dieu, car c’est lui qui leur a donné leur pouvoir.
Même si Philippe II et Élisabeth de Valois sont figurés dans un même cadre, il s’agit
plus de deux portraits en pendant que d’un portrait de deux personnes. Ils ont à peu près la
même pose tout en étant inversés, et donc tournés l’un vers l’autre (Philippe II vers le droite,
Élisabeth vers la gauche). Le corps du roi est positionné devant celui de la reine, mais il n’y a
aucun contact. La reine est représentée un tout petit peu plus petite que son époux pour
respecter la tradition. Les deux visages ne sont pas très ressemblants et assez grossièrement
représentés. Leur expression est légèrement morne, sans enthousiasme, sans joie de vivre.
Cette miniature intégrée dans le Livre d’Heures de Catherine de Médicis répond
clairement à la volonté de créer une galerie de portraits de famille afin de montrer la grandeur
de celle-ci. C’est pourquoi les deux personnages sont représentés en habit de sacre, leur
fonction est ainsi distinctement proclamée.
—
ÉTUDE TECHNIQUE
Cette miniature fut tout d’abord peinte sur une feuille de papier, une feuille volante, puis
elle fut ensuite collée sur le vélin du recueil. Il en est ainsi pour quasiment toutes les
miniatures rajoutées par Catherine de Médicis, en fait la seule exception à ce procédé est le
portrait de Louise de Savoie, mère de François 1er
. La peinture fut donc intégrée dans le livre
dans un espace vierge prévu à cet effet dès la création de l’ouvrage par François 1er
, en tête du
septième psaume. Sur une garde est ajoutée : Philippe segond roy d’Espagne et Elisabeth de
France sa femme qu’on appela en Espagne Elisabeth de la paix (Louis Dimier31
)
Ces portraits (comme tous les autres) furent d’abord réalisés aux crayons, sans doute
pour une ébauche réalisée sur le vif, puis copiés et colorés pour les intégrer au Livre.
31
L. Dimier, op. cit. note 5, vol. 3, p. 373.
57
L’état de conservation est très satisfaisant. Le Livre d’Heures passa de collection en
collection, mais il fut toujours très bien protégé, ce qui nous permet aujourd’hui d’admirer
encore ses miniatures.
—
ŒUVRES À METTRE EN RELATION
Anonyme, Henri de Navarre et de Marguerite de Valois, Miniature du Livre
d'Heures de Catherine de Médicis, entre 1559 et 1589, peinture sur papier, dimensions non
renseignées, Paris, Musée du Louvre (f°168v), [Banque d’images de la BNF] (Fig. 9a)
Cette miniature est la suivante dans
l’ordre du Livre d’Heures. Elle reprend
exactement le même schéma, Marguerite de
Valois (sœur d’Élisabeth) et Henri de
Navarre, son époux, sont représentés en
habit de sacre et comme des personnes très
religieuses. Le roi est une fois encore
représenté devant son épouse, et il ne
semble pas non plus y avoir de contact entre
eux. Enfin, le cadrage est similaire.
Le changement important se situe au
niveau des habits. Même si les tissus des
robes de deux sœurs sont semblables, le
patron de la robe est complètement
différent. Alors qu’Élisabeth est représentée
avec une robe qui la couvre largement et
l’emprisonne presque, Marguerite, elle,
expose un large décolleté avec un col très
ouvert qui laisse montrer sa peau très claire.
De même, la coiffure est très différente,
Marguerite ne porte d’ailleurs que la
couronne. Les bijoux de cette dernière sont
un peu plus discrets mais restent très présents (la blancheur du cou fait ressortir le collier) et
luxueux. En comparant les deux sœurs et surtout en dégageant les oppositions, on peut
concevoir ce qui différencie à cette époque la mode française (ou plutôt la mode de Paris
perçue par la cour de Navarre) et la mode espagnole.
Anonyme, François II et Marie
Stuart, Miniature du Livre d'Heures de
Catherine de Médicis, entre 1559 et 1589,
peinture sur papier, dimensions non
renseignées, Paris, Musée du Louvre,
[wikimédia] (Fig. 9b)
Voici une autre des miniatures
représentant le frère d’Élisabeth de Valois,
François II. Il est représenté avec sa future
épouse Marie Stuart. Ce couple est également
habillé en tenue de sacre, par contre, fait
nouveau, ils ne sont pas tournés l’un vers
l’autre, mais dans des directions opposées.
Peut-être qu’au moment de l’exécution de ces
portraits, ils ne sont pas encore mariés, mais
savent déjà que c’est leur destinée.
Cette fois-ci, c’est bien évidement
François II qui porte le tissu bleu avec les lys
58
de France, car c’est lui le descendant de cette couronne. Le col de Marie Stuart ne correspond
ni à celui d’Élisabeth, ni à celui de Marguerite. Enfin, remarquons que la reine d’Écosse ne
regarde pas le spectateur, contrairement à tous les autres modèles dans les portraits que nous
voyons ici.
—
BIBLIOGRAPHIE
L. Dimier, Dessins français du XVIe siècle (1924-1927).
A. Zvereva, La collection des portraits au crayon de Catherine de Médicis,
Reconstitution et analyse socio-culturelle, dir. D. Ctouzet et A. Mérot (2005).
59
Fig. 10
Sofonisba Anguissola
Isabel de Valois
Après 1581
Peinture à l’huile sur toile
68 x 54 cm
Vienne, Kunsthistorisches Museum (Inv. 3351)
[Picture Gallery, Kunsthistorisches Museum]
PROVENANCE
Acquis en 1910.
—
ATTRIBUTION
L’œuvre est signée de la main de Sofonisba Anguissola, mais avec son nom de femme
mariée : Sofonisba Anguissola Lomellina.
—
ÉTUDE DE L’OEUVRE
L’œuvre de Sofonisba Anguissola est datée d’une époque où l’artiste est rentrée dans
son pays natal, l’Italie. Nous ne savons pas la date exacte, sans doute dans la décennie 1580.
Élisabeth est donc, à cette date, morte depuis plus de 10 ans, Sofonisba s’inspire à la fois de
l’image qu’elle garde de la souveraine, ainsi que des nombreux portraits de celle-ci qu’elle a
déjà réalisé, auxquels on peut ajouter les effigies peints ou dessinés par d’autres artistes.
60
La robe qu’Élisabeth porte est représentée pour la première fois (du moins avec les
représentations que nous connaissons jusqu’à maintenant), et est difficilement identifiable à
un vêtement décrit dans les inventaires étant donné le peu d’informations que ce portrait nous
donne. On ne peut donc savoir s’il s’agit d’un costume réel qu’Élisabeth a porté, ou d’une
invention de Sofonisba Anguissola. Néanmoins, le schéma global du haut de la robe
correspond précisément à la mode en vigueur durant les années où Élisabeth était présente en
Espagne, et s’inscrit parfaitement dans la série des tenues de la reine que nous connaissons.
Alors que la peintre italienne a exercé une grande partie de sa carrière à la cour
d’Espagne, et donc en compagnie d’Alonso Sanchez Coello, Juan Pantoja de la Cruz ou
encore Juan de la Rua, la composition générale de ce portrait tend plus à se rapprocher de la
composition française (et de la « formule Clouet ») que de la composition espagnole (inspirée
de Titien et Anthonis Mor). Le cadrage correspond à celui utilisé par François Clouet dans le
portrait d’Élisabeth daté d’avant 1559. L’artiste reprend aussi la douceur des traits du visage,
la forme et la position de la fraise. Ajoutons que dans quasiment tous les portraits français
Élisabeth est tournée vers la gauche. En Espagne l’inclination alterne. Dans les portraits de
pied, elle est également tourné vers la gauche, alors que dans les portraits coupés (où on ne
représente que le buste), elle est tournée vers la droite (comme d’ailleurs le portrait d’Anne
d’Autriche, par Alonso Sanchez Coello, fig. 10g). Serait-ce donc également une inspiration
française ou un choix personnel de l’artiste sans influence particulière ?
Nous ne savons pas quelle fut la fonction de ce portrait, il n’y a apparemment pas de
commanditaire et on se demande même si S. Anguissola ne l’aurait pas réalisé simplement
pour elle. De plus, remarquons la surprenante sensibilité présente dans ce portrait. La peinture
marque doucement la ligne du buste, une impression de délicatesse, presque sensuelle qui n’a
pas sa place dans un portrait de cour. Enfin, le regard n’a plus du tout la malice qui le
caractérisait au début, la joie de vivre se révèle absente.
—
ÉTUDE TECHNIQUE
L’état de conservation extrêmement mauvais de cette œuvre ne nous permet pas de faire
une analyse technique très poussée. Le visage, la collerette et le haut du vêtement sont les
seuls éléments à peu près bien conservés. Le fond du tableau et le bas de la toile sont, au
contraire, très abîmés, la peinture étant partie en de nombreux endroits.
Toutefois, la technique est légère et moussante, on sent que le coup de pinceau est
assuré, celui d’une peintre mûre et sûre de son geste.
—
COPIES
Selon, Maria Kusche, il semblerait qu’il
existe plusieurs copies de cette œuvre,
cependant elle n’en cite concrètement aucune.
—
ŒUVRES À METTRE EN RELATION
Sofonisba Anguissola, Infanta Catalina
Micaela, 1585, peinture sur toile, dimensions
non renseignées, Madrid, Musée du Prado, [M.
Kusche, 2003] (Fig. 10a et fig 10b, détail)
Cette peinture de la même peintre peut
être rapprochée du portrait d’Élisabeth datant
d’après 1581. Si l’on se préoccupe que du
visage et du haut du buste en reprenant le
cadrage du portrait de la reine, on comprend
clairement les similitudes.
61
Le visage est exactement positionné de la même
manière et a la même expression neutre, sans joie, sans
vie. La composition est semblable avec un buste très
légèrement tourné vers la gauche et un regard fixé sur le
spectateur. Enfin le costume n’est pas tout à fait le même,
mais la structure est fort semblable et il renvoie les mêmes
impressions. L’aspect sombre du tableau est compensé par
la présence de la fraise claire qui encadre le bas du visage
et celle de bijoux qui, dans le portrait de sa mère, ont
perdu leur éclat. On observe la ressemblance du collier de
perles blanches, il est possible qu’il s’agisse du même et
que Catalina Micaela l’ait reçu en héritage.
Par contre, la coiffure est complètement différente,
ni les cheveux, ni le bijou la couronnant ne peuvent
provenir d’une inspiration du portrait de la reine, sa mère.
—
BIBLIOGRAPHIE
M. Kusche, Retratos y retratadores Alonso Sánchez Coello y sus competidores
Sofonisba Anguissola, Jorge de la Rúa y Rolán Mays (2003).
M. Kusche, « Sofonisba Anguissola en España. Retratista en la Corte de Felipe II junto a
Alonso Sánchez Coello y Jorge de la Rúa », Archivo Español del Arte (1989).
62
63
Fig. 11
Pompeo Leoni
Tombeau de Philippe II
Après 1598
Sculpture en bronze
El Escorial, Monastère del Escorial (près de Madrid)
[www.art-antiquites.eu]
PROVENANCE
Cette sculpture fut dès sa conception imaginée pour orner le tombeau de Philippe II au
monastère de l’Escorial, quatre siècles qu’il est là.
—
ATTRIBUTION
En général on attribue ces bronzes à Pompeo Leoni, sculpteur d’origine italienne attitré
de Philippe II et d’Anne d’Autriche. Mais le nom de son père, Leone Leoni, n’est jamais bien
loin car c’est lui qui a formé son fils. Bien des fois, on ne sait dans quelles dimensions le père
a aidé le fils. Ceci étant Leone Leoni est mort en 1590, l’attribution de ce monument revient
donc à son fils, Pompeo Leoni.
64
—
ÉTUDE DE L’OEUVRE
Ces bronzes réalisés pour orner le
tombeau de Philippe II, représentent le roi et
ses quatre épouses, par ordre chronologique,
Marie Manuelle du Portugal, Marie 1ère
d’Angleterre, Élisabeth de Valois et Anne
d’Autriche.
En étudiant le portrait de Élisabeth, on
se rend compte qu’il respecte tout à fait la
tradition iconographique des tableaux espagnols comme français.
Élisabeth est représentée en robe richement ornée, avec un col qui
monte jusqu’au menton, tel qu’on le voit dans le portrait de François
Clouet (fig. 5) ou dans tous les portraits de la cour d’Espagne la
représentant en tant que reine.
Elle est également couverte d’un manteau, qui par contre
n’apparaît pas dans les portraits qu’on connaît. Sur cette cape est
représenté un certain nombre de drapeaux ou d’emblèmes, on
reconnaît par exemple les lys en or sur un fond bleu roi, qui est bien
sûr une référence à son ascendance, en tant que princesse de France.
—
Pompeo Leoni, Tombeau de Philippe II, ap. 1598, Sculpture en bronze, Madrid,
Monastère del Escorial, [wikimédia] (Fig. 11a, détail)
Pompeo Leoni, Tombeau de Philippe II, ap. 1598, Sculpture en bronze, Madrid,
Monastère del Escorial, [www.art-antiquites.eu] (Fig. 11b, détail)
Pompeo Leoni, Tombeau de Philippe II, ap. 1598, Sculpture en bronze, Madrid,
Monastère del Escorial, [wikimédia] (Fig. 11c)
BIBLIOGRAPHIE
E. Plon, Leone Leoni sculpteur de Charles-Quint et Pompeo Leoni sculpteur de
Philippe II (1887).
65
PORTRAITS D’ÉLISABETH DE VALOIS
DONT L’IDENTIFICATION POSE QUESTION
66
67
Fig. 12
Anonyme, Atelier de François Clouet
Élisabeth de Valois
1557 ?
Dessin à la pierre noire
Dimensions non renseignées
Cabinet des estampes de la Bibliothèque Nationale de France
[ Banque d’images de la BNF]
ATTRIBUTION
Nous ne connaissons l’auteur de ce portrait, il doit s’agir d’un artiste appartenant à
l’entourage des Clouet sans autre précision. Le dessinateur maîtrise tout de même beaucoup
moins bien la technique du portrait au dessin que les maîtres du genre.
—
ÉTUDE DE L’OEUVRE
Ce dessin au crayon nous présente une jeune fille de douze, treize ans environ. S’il
s’agit bien d’Élisabeth de Valois, on peut le dater autour de l’année 1557. Néanmoins, en
68
comparant les différents portraits de la princesse, on peut émettre quelques doutes. Le portrait
de 1559 (fig.3) ne date que d’un ou deux ans plus tard et la physionomie de la jeune femme
est complètement différente. Nous ne savons s’il s’agit réellement d’une mauvaise attribution
ou si l’artiste n’a pas réussi à faire un portrait ressemblant, car pour autant la technique du
visage est assez précise. C’est une représentation de la princesse à une période de sa vie,
l’adolescence, où le corps se modifie et perturbe sa ligne morphologique. Sa figure s’est
quelque peu transformée aussi. Âge ingrat qui nous montre un visage complètement différent,
de l’agréable minois qu’elle a dans les portraits postérieurs.
Le dessinateur a consacré tout le soin de sa technique au visage, le corps et le costume
eux ne sont que de simples traits à peine ébauchés. On retrouve grossièrement le patron des
robes à la mode à l’époque pour les jeunes filles (fig. 1, fig. 1c ou fig. 3). La coiffure reprend
aussi une forme courante avec les deux mèches de devant enroulée et un voile qui tombe sur
le dos. Le cadrage est très rapproché, le haut de la coiffe est d’ailleurs coupé. Une fois de plus
l’artiste se concentre exclusivement sur le visage, le reste n’est qu’apparat et décoration.
L’inscription au bas du portrait semble être postérieure.
—
ÉTUDE TECHNIQUE
Ce dessin réalisé à la pierre noire sur papier beige n’est que très peu relevé par d’autres
couleurs. Les cheveux tendent vers le jaune et on perçoit sur les lèvres des reflets de rouge.
Rien à voir, toutefois, avec le surprenant jeu de crayons de couleur de François Clouet ou
Germain Le Mannier, qui créent de véritables nuances et ainsi des textures et des volumes
dans un simple dessin en deux dimensions.
Le portrait paraît avoir était exécuté assez rapidement, les traits de crayons sont brefs et
rapides. Comme nous l’avons dit, seul le visage et les cheveux ont eu le droit à un traitement
de faveur et sont crayonnés avec attention. La coiffe ou la robe ne sont qu’esquissées. On
reconnaît par contre la touche de l’école des Clouet avec les hachures pour dessiner les
ombres ou les surfaces plus sombres.
L’état de conservation de ce portrait est relativement mauvais. Le haut surtout est
largement endommagé par l’humidité qui s’y est déposé, on remarque d’ailleurs une grande
ligne qu’elle a laissée. Le bas est lui mieux
conservé, mais ce n’est pas là que se concentre
l’essentiel de l’œuvre.
—
ŒUVRES À METTRE EN RELATION
Anonyme (école française), Portrait en
buste de madame de Lorraine, XVIe siècle, dessin
au crayon noir et sanguine, 33,4 x 22,6 cm,
Bayonne, Musée Bonnat (Inv. NI2, AI215) [Galerie
online de la Réunion des Musées Nationaux] (Fig. 12a)
Ce portrait en buste de Madame de Lorraine
est assez proche au niveau de la composition de
celui d’Élisabeth. On retrouve évidemment la même
formule, « la formule Clouet », mais aussi quelques
traits physiques. Les deux jeunes filles présentent
les mêmes caractéristiques, elles pourraient être
représentées à peu près au même âge.
Dans un portrait, comme dans l’autre, le
costume n’est que très sommairement esquissé.
Cependant, la technique utilisée pour le visage
semble être beaucoup mieux maîtrisée dans le
portrait. Le dessin est plus fin et plus précis.
69
Anonyme (école française),
Claude de France, XVIe siècle, dessin au
crayon noir et sanguine, dimensions non
renseignées, Paris, BNF [Banque d’images
de la BNF] (fig. 12b)
Ce portrait nous fait inévitablement
penser à celui d’Élisabeth. La pose, le
costume et même les traits du visage se
ressemblent énormément. Peut-être
s’agit-il juste d’une ressemblance entre
sœurs, mais la physionomie est tellement
proche qu’on peut se demander si le
portrait identifié comme celui d’Élisabeth
de Valois n’est pas en fait celui de sa
petite sœur Claude.
—
BIBLIOGRAPHIE
A. Gonzalez de Amazua, Isabel de
Valois, Reina de España (1546-1568),
vol. 1&3 (1949).
L. Roblot-Delondre, Portraits
d’Infantes XVIe siècle (étude
iconographique) (1913).
70
71
Fig. 13
François Clouet
Elisabeth de France
1559
Dessin à la pierre noire et sanguine sur papier
33,8 x 23,5 cm
Paris, Cabinet des Estampes (Inv. Na 22)
[Base BNF]
PROVENANCE
Collection de la bibliothèque Sainte-Geneviève (L.2259), transféré en 1861 au Cabinet
des Estampes
—
ATTRIBUTION
Se reporter à l’attribution du portrait attribué à l’atelier de François Clouet également
daté des environs de 1559 (Fig. 2).
—
72
ÉTUDE DE L’OEUVRE
Ce portrait pose question quant à son identification. En effet, si l’on compare le visage
d’Élisabeth dans le portrait présenté au Musée Condé et celui-ci, on voit clairement qu’il est
différent. Serait-ce une question d’âge ? Elle paraît, par exemple, plus âgée que dans le
portrait conservé à la Bibliothèque Nationale de France (fig. 3). Pourtant, dans les catalogues
de deux musées correspondant, tous deux sont dits exécutés en 1559. Henri Bouchot propose,
lui, une autre version32
: le portrait de la Bibliothèque Nationale serait un peu plus tardif, il le
date de 1562 lors d’une possible « fugue » d’Élisabeth, qui est alors déjà reine d’Espagne, en
France33
.
Il est clair que ce portrait n’est plus le portrait d’une enfant, mais d’une femme en
devenir. Son vêtement, même s’il nous rappelle celui qu’elle porte dans l’autre portrait daté
de 1559, correspond plus à celui d’une jeune femme. Il est fermé jusqu’à la collerette
montante qui borde le col, la seule partie de peau visible est celle du visage. La confection de
la robe se complexifie tout en étant plus stricte, peut-être une évolution du costume due à ses
années en Espagne, si l’on suit la version de Henri Bouchot. La coiffure est, elle aussi, une
évolution de l’autre. La même forme est reprise, mais les cheveux ont changé de texture, ils
apparaissent ici lisses et soyeux. Enfin, l’escoffion à résille bordé de perles et orné de joyaux
a quelque chose de plus majestueux. Son visage montre une certaine maturité, avec une
expression franche et une physionomie douce et légèrement taquine.
Comme dans l’autre portrait de 1559, le cadrage est rapproché, les mains ont également
disparu et les manches du costume ne sont pas entièrement visibles. La pose est aussi très
similaire avec le regard clairement tourné vers le spectateur.
—
ÉTUDE TECHNIQUE
La technique utilisée respecte la tradition avec principalement de la pierre noire et de la
sanguine. On remarque aussi l’utilisation de crayons de couleur afin de donner vie au visage,
de lui donner une carnation, un volume et une expression. Le geste paraît sûr et précis, sur le
haut du front on pourrait presque compter les racines des cheveux. Le coup de crayon rend
parfaitement la douceur d’Élisabeth dont parlent ses contemporains. Plus qu’une esquisse le
dessin prend tout son sens et apporte sa contribution à la réussite et à la beauté de l’œuvre.
L’état de conservation de ce portrait sur papier beige est notable. Les tampons des
conservations antérieures viennent quelque peu l’altérer, mais l’état général est très
appréciable.
—
ŒUVRES À METTRE EN RELATION
Jean Decourt, Marie Stuart, reine
d’Écosse, XVIe
siècle, dessin à la pierre noire,
dimensions non renseignées, Paris, Cabinet des
Estampes, [L. Dimier, 1924] (Fig. 13a)
On peut voir sur ce dessin français de la
Reine d’Écosse, quasiment la même robe que
celle portée par Élisabeth, elles ont la même
structure. En effet, Marie Stuart fut élevée à la
cour française, à la maison des enfants. La
coiffure des deux jeunes filles de sang royal est
sensiblement la même, bien que la texture des
32
H. Bouchot Quelques dames du XVIe siècle et leurs
peintres : ouvrage illustré de 16 planches gravées en fac-
similé, Sceaux, 1888.
33
Cette hypothèse paraît peu probable, comment une reine
pourrait-elle fuguer ?
73
cheveux soit très différente. Sans doute le reflet d’une volonté véridique (cette texture
ressemble plus aux cheveux d’Élisabeth dans le portrait conservé à Chantilly, et daté de
1559).
François Clouet, Élisabeth d'Autriche, reine de France, 1571, dessin à la pierre
noire sur papier, rehauts de couleur, dimensions non renseignées, Bibliothèque Nationale de
France, département Estampes et photographies, [Banque d’images de la BNF] (Fig. 13b)
Ce portrait réalisé onze années plus tard
nous rappelle largement celui d’Élisabeth de
Valois. Le cadrage, la pose et l’expression du
modèle sont semblables. La coiffure et la
robe ne sont pas non plus sans avoir de
nombreux points communs. Sans être
exactement similaires, elles reprennent le
même prototype, le même patron.
Ceci montre que le portrait français n’a
pas été beaucoup modifié pendant cette
période. Les deux dessins sont issus du même
atelier, ce qui explique les ressemblances. On
voit ainsi se détacher un schéma de
composition qui restera privilégié. Ajoutons
qu’à cette date Élisabeth d’Autriche a déjà
épousé Charles IX et que cela correspond à la
date de son sacre en tant que reine de France.
Donc, si nous réexaminons le portrait
d’Élisabeth de Valois avec cette donnée, on
peut supposer que dans cette portraiture, elle
n’est plus représentée en tant que princesse
française mais déjà en tant que reine
d’Espagne, une reine impériale. Elle épouse
Philippe II en 1559 donc cette interprétation
ne peut nous aider pour la datation du dessin, bien qu’il semble plus probable qu’il date d’à
peu après 1559.
—
BIBLIOGRAPHIE
J. Adhémar, Les Clouet et la cour des rois français, de François 1er
à Henri VI (1970).
H. Bouchot, Quelques dames du XVIe siècle et leurs peintres : ouvrage illustré de 16
planches gravées en fac-similé (1888).
Dessins de la Renaissance, Collection de la Bibliothèque Nationale de France,
catalogue d’exposition (2004).
L. Dimier, Dessins français du XVIe siècle (1924-1927).
74
75
Fig. 14
Anonyme (école française)
Élisabeth de Valois, reine d’Espagne
1565-1566 ?
Technique et dimensions non renseignées
Angleterre, Bowes Museum
[L. Roblot-Delondre, 1913]
Cliché en couleur introuvable
ATTRIBUTION
Anciennement attribué de manière erronée à Clouet.
—
ÉTUDE DE L’OEUVRE
Ce portrait est présenté par Louise Roblot-Delondre comme celui d’Élisabeth de Valois,
trente-cinq ans plus tard Augustin Gonzalez de Amazua cite cette représentation dans sa liste
rassemblant, d’après lui, toute l’iconographie de cette reine. Cependant, il ne place pas de
reprographie dans le contenu de la bibliographie (ce qu’il fait avec quasiment tous les
portraits identifiés) il doute donc de son identification.
76
Si on compare les traits du visage de ce modèle, avec ceux d’Élisabeth dans les dessins
réalisés à l’époque (fig. 7 et 8), ils ne se ressemblent absolument pas. La femme représentée
ici paraît plus âgée, plus mûre, et avec une ossature plus développée, une femme déjà formée.
Ce n’est pas le portrait de la reine encore une enfant quand elle arrive en Espagne. Le
rapprochement ne tient pas, la physionomie est incontestablement différente.
Nous ne pouvons pour autant pas éliminer toute identification à Élisabeth de Valois, ne
connaissant pas le nom de l’artiste auteur de cette œuvre. Il se peut, comme le propose
Augustin Gonzalez de Amazua, qu’il s’agisse de la copie d’un original aujourd’hui disparu.
Copie réalisée par un peintre de médiocre qualité, ou en tout cas incapable de reproduire
fidèlement la physionomie de son modèle.
—
BIBLIOGRAPHIE
A. Gonzalez de Amazua, Isabel de Valois, Reina de España (1546-1568), vol. 1 & 3
(1949).
L. Roblot-Delondre, Portraits d’Infantes XVIe siècle (étude iconographique) (1913).
77
Fig. 15
Anthonis Mor (?)
Elisabeth ou Marguerite de Valois (?)
1565-1569 ?
Technique non renseignée
214 x 148 cm
[L. Roblot-Delondre, 1913]
Cliché en couleur introuvable
PROVENANCE
Il est passé par une collection espagnole, mais aucune précision n’est donnée pour savoir
le nom de celle-ci.
—
ATTRIBUTION
Les spécialistes de l’œuvre de Anthonis Mor ne lui attribuent pas ce portrait.
78
—
ÉTUDE DE L’OEUVRE
Portrait en pied qui représente la reine de trois quarts avec le visage de face. Elle porte
un vêtement moins somptueux que ceux avec lesquels elle a l’habitude d’être représentée. La
position du modèle ne nous n’est pas complètement étrangère. Elle pose la main gauche sur
un buffet qui ressemble étrangement à celui imaginé par Juan de la Rúa et Pierre Novelliers
(fig. 6b et 6c). De la main gauche, elle tient une chaîne, comme dans le portrait de Juan
Pantoja de la Cruz (copie selon Sofonisba Anguissola de 1561, fig. 8), bien qu’ici ce soit la
même que celle qui lui sert de ceinture.
Malgré tous ces éléments l’identification paraît douteuse. Louise Roblot-Delondre
déclare que lorsque l’œuvre fut acquise en Espagne, c’était sous le nom de Marguerite de
Valois. Néanmoins, même si cette identification est validée par Henri Bouchot ou encore
Augustin Gonzalez de Amazua, une comparaison avec des portraits de Marguerite adulte n’est
pas entièrement convaincante.
—
BIBLIOGRAPHIE
H. Bouchot, Quelques dames du XVIe siècle et leurs peintres : ouvrage illustré de 16
planches gravées en fac-similé (1888).
A. Gonzalez de Amazua, Isabel de Valois, Reina de España (1546-1568), vol. 1 & 3
(1949).
L. Roblot-Delondre, Portraits d’Infantes XVIe siècle (étude iconographique) (1913).
79
Fig. 16
Anonyme (école française)
Élisabeth de Valois
Fin du XVIe siècle
Gravure
Dimensions non renseignées
Musée municipal de Madrid
[A. Gonzalez de Amazua, vo. 1, 1949]
PROVENANCE
Recueil d’estampes offert par D. Felix Boix.
—
ATTRIBUTION
Cette gravure n’a aucun monogramme et aucune indication qui pourrait servir à
identifier son auteur. Elle semble être réalisée par la main d’un français.
—
ÉTUDE DE L’OEUVRE
Cette pièce est très rare et elle fut pour la première fois citée dans la biographie
d’Élisabeth de Valois écrite par Augustin Gonzalez de Amazua en 1949.
Tout dans cette gravure est arbitraire et falsifié, tel le vêtement. Les traits de la reine
sont enlaidis et vieillis et ne ressemblent en aucune façon à sa véritable douce physionomie.
80
Ceci remet en question l’identification, bien que l’inscription qui identifie le modèle semble
avoir été réalisée à l’intérieur même de la gravure. Nous ne savons d’ailleurs pas donner un
modèle, une oeuvre originale sur laquelle cette gravure aurait pu s’appuyer pour cette
représentation. Dans cette gravure, la Reine porte une coiffure francisée.
—
ŒUVRES À METTRE EN RELATION
Alonso Sánchez Coello, L’infante Isabelle Clara Eugénie, 1579 (voir fig. 8d)
C’est deux œuvres sont très semblables, tant dans la composition, dans le costume et
même dans l’apparence du modèle et de son visage. On peut alors émettre l’hypothèse que la
femme de la gravure identifiée comme Élisabeth de Valois n’est pas un portrait de la reine
mais de sa fille. Peut-être être une gravure d’après le tableau d’Alonso Sanchez Coello.
—
BIBLIOGRAPHIE
A. Gonzalez de Amazua, Isabel de Valois, Reina de España (1546-1568), vol. 1 & 3
(1949).
81
PORTRAITS D’ÉLISABETH DE VALOIS
DISPARUS OU INCONNUS
82
83
84
Dans sa longue investigation consacrée à Élisabeth de Valois et publiée en 1949,
Augustin Gonzalez de Amazua a répertorié ses différents portraits34
, tout en survolant l’étude
de son iconographie. Il regroupe 81 représentations de la princesse, les divisant par technique
(dessins, gravures, peintures, médailles, autres). Toutes ces représentations ne peuvent trouver
place dans notre étude car nous excluons toute œuvre qui n’est pas du XVIe
siècle ou qui ne
fut pas réalisée par un artiste français ou espagnol (ou d’après l’un d’eux). Cependant, nous
nous concentrons principalement sur les portraits encore visibles aujourd’hui, alors que bon
nombre d’entre eux (et qui entrent dans nos critères) ont disparu ou n’ont jamais été connus
que par des témoignages écrits. Nous leur consacrons alors ce chapitre.
Pour réaliser cette liste de portraits perdus ou matériellement inconnus, nous nous
sommes largement appuyées sur celle réalisée par Augustin Gonzalez de Amazua traduisant
ses propos en français. Tous les textes, citations et commentaires sont ceux de l’auteur
espagnol, les nôtres seront, si nécessaire, rajoutés grâce aux notes de bas de page.
a. Août 1549.
Le 29 août 1549, Catherine de Médicis afin de remercier Mr de Huymière de lui avoir
envoyé les portraits du Dauphin et de son frère le Duc d’Orléans. Elle écrit : « Aussy vous
prye de m’envoyer les painctures35
de mes autres enffans, ainsi que le painctre les
dépeschera… » (Lettres de Catherine…, I, p.31)36
b. Août 1550.
Portrait dessiné par une des dames de Catherine de Médicis appelée Isabelle37
et
envoyé à Londres pour être donné à Edward VI, selon l’ambassadeur espagnol Simon Renard.
c. Juin 1552.
Catherine de Médicis demande à nouveau des portraits dans une lettre à Madame
d’Huymières : « … et aussy vous me fauldrez de faire paindre au vif par la painctre que vous
avez par delà tous mes ditz enfans, tant filz que filles, avec la Royne d’Escosse, ainsi qu’ilz
sont, sans riens oblier de leur visaiges, mais il suffist que ce soir un créon, pour avoir plus tost
faire, et me les envoiez le plustost que vous pourrez. » (Lettres de Catherine…, I, p62). Ces
portraits faits au crayon sont soit l’œuvre de Clouet ou d’un de ses disciples de son école.
d. 1550-1555 ?
Dans l’inventaire des biens de la princesse Dona Juana, on lit au numéro 101 : « Un
autre portrait au pinceau, sur bois, de sa Majesté la Reine Élisabeth quand elle était une petite
fille, qui a une longueur d’un quart de doigt et une largeur d’un peu plus » (Papeles de Pérez
Pastor : Memorias de la Real Academia Española, XI-371).
e. 1555-1557 ?
Brantôme, dans sa biographie de Catherine de Médicis, fait référence à un peintre de
Lyon, appelé Corneille qui avait peint une fresque dans une salle de la ville dite représentant
34
A., Gonzalez de Amazua, Isabel de Valois, Reina de España (1546-1568), Madrid, 1949, III, pp. 497-512.
35
Catherine utilise le terme « painctures » pour parler de portraits dessinés.
36
Ce n’est pas parce que Catherine de Médicis demande un portrait qu’il est systématiquement exécuté, mais
Augustin González de Amazúa part de cette supposition.
37
« Cette attribution est improbable » selon Sylvène Édouard, Le corps d’une reine…, Rennes, 2008.
85
les portraits de la Reine et de ses filles, séparément et avec une grande préciosité et brillance
(Brantôme, Œuvres…, X, pp. 42-43).
f. 1559 ?
Dessin de François Clouet. Il représente la Reine très jeune, à mi-corps, vêtue d’un
corsage simple, très ajusté, et des manches ornées de plis sphériques, portant un diadème qui
couvre une partie de ses cheveux et ajusté à son cou par un large collier. Le visage est très
joli, mais inexpressif. On ignore le lieu de conservation de ce dessin.
g. 1559 ?
Dans l’inventaire du Palais Royal Espagnole de 1610, entre les peintures […] on fait
référence à la suivante :
274. Autre portrait, de pied, à l’huile sur toile, de la Reine de France, femme du Roi
Henri, avec quatre portraits, trois de ses fils et l’autre sa fille. La mère a le portrait de son mari
dans la main droite, et la fille le portrait du prince Don Carlo notre seigneur dans les mains
[…] ». Le doute est possible [sur l’identification], dans ce curieux cadre plein d’intérêt
historique qui ne fut pas conservé, même si, par l’association du prince Don Carlo à la fille
portraiturée, elle semble plus être la célèbre Margot qu’Élisabeth. Cependant, ce pourrait aussi
être un tableau envoyé par la cour française à la cour espagnole au moment du début des
négociations pour le mariage entre le prince Don Carlo avec la princesse Élisabeth […], il
s’agirait alors d’un nouveau et inconnu portrait de celle-ci dans sa jeunesse.
h. Mayo 1559.
Portrait fait en France peu avant le mariage d’Élisabeth. L’ambassadeur vénitien
Tiepolo al Senado donne cette notice de ce portrait : « Il Re Christianissismo hà mandato a
questo Serenissimo Re [Felipe II] per Marcantonio Sidonio, venetiano, home piacevole et
faceto, il retratto de sua figliola che ha de ser moglie di S. Mtà Catholica, la quale lo ha molto
volontieri ricevuto et fatto poner nella camera sua dove dorme » (Romier, Les origines
politiques des guerres de religions…, II, p377).
i. Mars/Avril 1560.
Portrait que Élisabeth a envoyé au Cardinal de Lorraine avec une lettre, sans date, dans
laquelle elle disait : « Je vous envoie la peinture d’une dame de se pais ; je ne says si vous la
connoitrés » (Paris, Négociations…, p559)
j. Mai 1560.
Portrait qui était à l’Alcazar de Tolède. Se référer au Journal de Mad. De Clermont qui
relate la journée de la Reine du 12 mai 1560 avec ces mots : « Après disner elle… alla au
dorteur veoyr sa paincture… » (La Ferrière, Deux années…, p 235).
k. Septembre 1561.
Portrait peint par Sofonisba Anguissola pour le Pape Pie V. Palomino (en El Museo
Pictorico…, tomo III, pp. 373-374) raconte l’histoire de ce cadre. L’annonceur du Pape en
Espagne ayant manifesté le désir de celui-ci d’avoir un portrait d’Élisabeth, la peintre
italienne accepta cette charge […]. Elle envoya sa peinture au Pape, avec une lettre qui disait
« si avec le pinceau on pourrait représenter les yeux de Votre Béatitude la beauté qui anime la
Reine, on ne pourrait voir chose plus merveilleuse ». Pour la remercier le Pontife lui écrit une
86
autre lettre, recopiée par Palomino : « la peinture nous fut très agréable tant pour la personne
représentée, laquelle nous aimons de façon paternelle, que pour les respects de la bonne
religion et les autres beautés qui l’animent, et aussi pour être très bien faite de votre main et
avec beaucoup d’attention. ». Mad. Roblot Delondre pense que ce tableau se trouve dans la
Colection Borghese de Rome.
Madame de Vineux parle de ce portrait dans une lettre à Catherine, datée du 30
septembre 1561 à Madrid : « Elle [Dona Isabel] pasoit son temps la plus part a paindre, a quoi
elle prand grand plaisir, de sorte que ie pense devant que soit un an quelle en sera si bonne
mestresse que celle qui laprant [Sofonisba], qui est des meilleures du monde. Elle a faict la
paincture de la Royne, que le Nonse qui est ici a anvoié au Pape, qui le resamble que pas une
que iaye encore veu ».
l. 1560-1651 ?
Portrait d’Alonso Sanchez Coello ?
Dans les comptes de la Maison de la Reine apparaît ceci : « A Alonso Sanchez,
portraitiste, le paiement de 325 ducats qu’on lui doit pour des portraits et des dessins qui ont
été faits pour être envoyés à S. M. ». Se réfère-t-on ici à des portraits que le peintre aurait déjà
exécutés ? Notons que quand il s’agit de portraits de Philippe II peints par Sanchez Coello ou
Manuel Dionis, cela est dit ainsi. Il est possible alors qu’il s’agisse de plusieurs portraits
d’Élisabeth peints par le grand artiste vénitien que nous connaissons et d’autres disparus.
m. Février 1561.
Autoportrait ?
Mr. De Limoges, dans une carte à Catherine de Médicis depuis Tolède, le 9 février
1561, déclare qu’il a vu Élisabeth peindre une ébauche de portrait très rapidement. Serait-ce
un autoportrait ?
n. Avril 1562.
Portrait d’un peintre inconnu.
Dans une lettre à sa mère, datant de la mi-avril 1562, Élisabeth lui dit « ma penture
n’est encore achevée, et sependant Saint-Sulpice nous porte ma peinture ». (Cartas de San
Petersburgo…, ms. cit., fol. 95 revers). La phrase est ambiguë, et elle peut renvoyer aussi
bien à un portrait qui fut fait pour la Reine qu’à une peinture de sa propre main.
87
88
PORTRAITS DE REINES
OU DE PRINCESSES
DE LA FIN DU XVIE SIÈCLE
89
90
Fig. 17
Jakob Seisenegger
Archiduchesse Anne d’Autriche, fille de
Ferdinand I
v. 1545
Huile sur toile
190 x 94,5 cm
Vienne, Kunsthistorische Museum
[Site wed du Kunsthistorische Museum]
Le portrait de cour espagnol fut établi sous Charles Quint et Philippe II, principalement
par trois artistes étrangers : Jakob Seisenegger, Titien et Anthonis Mor. Ce sont ces trois
peintres-là, qui par leur venue en Espagne ou dans les Pays-Bas vont former, directement ou
indirectement, les portraitistes d’Élisabeth de Valois, il est donc important de voir des
exemples de leurs œuvres.
Ce portrait d’Anne d’Autriche est caractéristique de la peinture de l’autrichien Jakob
Seisenegger, qui à cette époque était au service de Charles Quint. Le modèle appartient à la
famille des Habsbourg et son portrait fut sans aucun doute vu par les portraitistes espagnols.
On notera la présence du gant qui montre le pouvoir de l’empire, le rideau derrière pour la
distanciation, tout comme le fait que l’archiduchesse ne regarde pas directement le spectateur.
Le costume peut nous faire penser aux robes portées en France, avec un décolleté en arceau et
des manches bouffantes. Cependant la jupe n’a rien à voir avec les jupes portées par les
Françaises. Le col assez haut peut, lui, faire penser à la mode espagnole.
Pour autant, l’inspiration des peintres pour les portraits d’Élisabeth n’est pas directe. Le
modèle en pied ne dégage pas du tout les mêmes émotions, le même message. La composition
est complètement différente, bien qu’Anne d’Autriche ne soit pas représentée sur un fond
sombre ou neutre, cela n’a rien à voir avec la composition spatiale qui est mise en jeu derrière
Élisabeth (qui serait plutôt une reprise sur les portraits de Titien). Au niveau de la technique
91
non plus il n’y a pas de similitude. Le volume de la robe n’est pas du tout représenté de la
même façon, il a ici quelque chose de plus artificiel.
92
Fig. 18
François Clouet
Catherine de Médicis
Entre 1559 et fin du règne d’Henri III
Huile sur toile
194 x 100 cm
Florence, Palais Pitti, Galerie Palatine
[www.portrait-renaissance.fr]
Cet exemplaire est l’unique portrait de Catherine de Médicis en pied daté d’une époque
contemporaine à la reine. Ce type de composition est extrêmement rare en France dans la
deuxième moitié du XVIe siècle. Certes, il se peut qu’il en ait existé d’autres qui ne sont pas
arrivés jusqu’à nous, mais de toute façon ce n’était pas le genre le plus courant. Voilà
pourquoi tous les portraits d’Élisabeth de Valois en pied que nous avons sont attribués à des
peintres espagnols, dans la péninsule ibérique c’est une composition courante.
Dans ce portrait Catherine de Médicis, reine de France, est représentée dans un
accessoire typiquement français : une guimpe38
. Elle est fait d’étoffe transparente qui couvre
le décolleté et parfois le cou. La robe est composée du corps de la robe et d’une jupe
entrouverte, qui sont toutes deux couvertes de pierreries. Les manches à revers sont en
fourrure de lynx attachées à la robe par des aiguillettes. On retrouve grossièrement la forme
des robes portées par Élisabeth, celle des deux cônes inversés (un pour le buste, l’autre pour la
jupe). Elle aussi d’ailleurs porte une jupe entrouverte sur le corps d’une robe dans un portrait
(fig. 6). Le décolleté a le même patron que ceux dont Élisabeth est vêtue dans ses portraits au
crayon, lorsqu’elle est une enfant, et encore qu’une princesse de France.
La position de la reine de France est inversée par rapport à celle qu’on retrouve dans les
portraits d’Élisabeth. Catherine de Médicis a le corps presque de face et le visage de trois
quarts, Élisabeth le corps de trois quarts et le visage quasiment de face. On retrouve, par
contre, le même jeu de positionnement des bras qui permet de créer un mouvement dans le
corps.
38
Voir le site de Alexandra Zvereva, www.portrait-renaissance.fr, onglet vêtement.
93
Fig. 19
Anthonis Mor
Marie Tudor, reine
d’Angleterre,
1554
Huile sur panneau
109 x 84 cm
Madrid, Musée du Prado
[Web Gallery of Art]
Ce portrait est celui de la deuxième épouse de Philippe II, qui est également reine
d’Angleterre. Il est d’une date tout juste postérieur à celle de son mariage avec le roi
espagnol. Il est important d’étudier ce portrait car c’est une iconographie d’une souveraine
espagnole qui précède tout juste l’accession au trône d’Élisabeth.
Pour autant, alors qu’on peut rapprocher ce tableau des œuvres de Titien pour la
composition, il est très difficile d’y voir un rapprochement iconographique avec les portraits
d’Élisabeth. A notre connaissance, il n’y a pas eu de portrait de la troisième épouse de
Philippe II assise, elle est, par contre, représentée à côté d’une chaise du même style (fig. 8).
La robe de Marie 1ère
d’Angleterre est difficile à analyser par la position du modèle.
Cependant, il semble qu’elle soit bien différente que les robes que portées par Catherine de
Médicis dans son portrait en pied (fig. 15) ou par Élisabeth (fig. 5). Cette robe est plus proche
du style anglais. Seule la robe de dessous présente un tissu espagnol.
A l’opposé, les robes de la reine venant de France sont très richement décorées, ornées
de pierres précieuses, d’or et de perles. Ici Marie Tudor opte pour une représentation très
épurée. La reine porte quelques bijoux, mais leur brillance et leur éclat n’est pas représenté.
Seuls le fauteuil et la fleur ont vraiment une couleur qui tranche, ils restent néanmoins dans
des tons foncés et ne peuvent contredire l’aspect ténébreux de cette oeuvre.
N’oublions cependant pas de préciser, que plus que reine d’Espagne, Marie Tudor est
reine d’Angleterre. C’est donc plus comme la représentation d’une reine européenne que nous
devons regarder ce tableau et non exclusivement comme l’effigie de la femme de Philippe II.
94
Fig. 20
Alonso Sanchez Coello
Dona Juana, Princesse du
Portugal
1557
Huile sur toile
116 x 93 cm
Bilbao, Musée des Beaux-Arts
[Web Gallery of Art]
Ce tableau est réalisé par un des portraitistes de la cour d’Espagne, qui, à cette époque,
était encore au près d’Anthonis Mor à la cour portugaise pour apprendre son métier.
Ce portrait est très sombre et très austère, aucune place n’est laissée à la représentation
de la magnificence, à la somptuosité, à la richesse de la couronne. Somme toute, la princesse
est représentée avec un gant et un mouchoir montrant son pouvoir (ce qui sera repris quelques
années plus tard pour les portraits d’Élisabeth, montrant une fois de plus qu’elle s’inscrit dans
la continuité des représentations royales de l’époque).
Le haut de la robe et la coiffure peuvent aussi nous faire penser à notre reine. Le col et
les deux mèches enroulées encadrent le visage de la princesse qui garde une expression
sévère. Enfin le bijou, qui permet de fermer et de maintenir en place le tissu, est une
miniature, ce qui nous rappelle bien entendu la miniature du portrait de Philippe II que tient
Élisabeth dans un portrait peint par Sofonisba Anguissola (fig. 8).
95
Fig. 21
Alonso Sanchez Coello
Isabelle Claire Eugénie et
Catherine Michelle
1570
Huile sur toile
194 x 100 cm
Florence, Palais Pitti, Galerie
Palatine
[Site web du Musée de Cahors]
Lorsque les deux petites filles de Philippe II et d’Élisabeth de Valois sont ainsi
représentées, leur mère est déjà morte depuis deux ans. De nombreux historiens de l’art notent
l’influence qu’a eue l’iconographie des portraits de leur mère sur leur représentation.
Il est vrai qu’on peut noter des similitudes dans les vêtements portés, les manches de
couleurs sont un reste de l’expression de la gaieté présente à la cour lors de la présence
d’Élisabeth. Le patron des costumes reprend aussi celui des habits d’Élisabeth avec cette
forme de cône trouvant son sommet au haut de la tête et sa base dans le bas de la jupe.
Enfin, on remarquera que contrairement aux enfants français, de véritables portraits
peints sont consacrés aux infantes espagnoles alors que celles-ci ne sont encore que des
petites filles.
Alonso Sanchez Coello, Isabelle
Claire Eugénie et Catherine Michelle,
1571, Huile sur toile, 135 x 149 cm,
Madrid, Musée du Prado [Web Gallery
of Art] (fig 21a)
96
Fig. 22
Hilliard Nicholas
Élizabeth I, Reine
d’Angleterre
1575-1576
Huile sur panneau
79 x 61 cm
Londres,
National Portrait Gallery
[Web Gallery of Art]
Élisabeth I remplace sa sœur Marie Tudor sur le trône d’Angleterre en même temps que
Élisabeth de Valois la remplace à la couronne d’Espagne. C’est donc une souveraine
européenne exactement contemporaine à Élisabeth. Pour cette raison, la comparaison de leurs
portraits est intéressante.
On retrouve dans ce portrait le faste et la somptuosité du costume présents dans ceux
d’Élisabeth de Valois, mais la reine d’Angleterre va encore plus loin. Prenons l’exemple de la
fraise qui est beaucoup plus exubérante. Ceci nous permet de comprendre, que tout en
recherchant à montrer son statut et son pouvoir, Élisabeth, dans ses portraits au moins,
respecte la tradition espagnole qui refuse l’opulence et le trop d’apparat. Tradition qui
applique vigoureusement les principes de la Contre-Réforme.
La composition du tableau expose un style qui n’est pas du tout d’actualité en Espagne,
mais qui se rapproche un peu plus de la « formule Clouet » à la française, sans pour autant la
copier. Le visage est représenté de manière très différente. A la finesse des traits et des
volumes, de l’ombre et la lumière présentes dans les représentations des cours françaises et
espagnoles, s’opposent ici la grossièreté de la ligne et les aplats qui représentent une peau
sans vie.
97
Fig. 23
Sanchez Coello
Catherine Michelle
1582-1585
Huile sur toile
70 x 50 cm
Saint Petersbourg,
Musée de l’Hermitage
[Web Gallery of Art]
Avec ce portrait, on voit comment environ 15 ans après la mort d’Élisabeth,
l’iconographie espagnole a déjà changé. Même si on retrouve un cadrage qui ne nous est pas
inconnu, tout comme la position, la coiffure. Le costume ou encore l’expression du visage ont
légèrement été modifiés. Les couleurs sont moins vives que celles utilisées pour la mère, et la
profusion de pierres précieuses (qu’on voyait encore dans les portraits des deux princesses de
1570 et 1571, fig. 19 et 19a) a été supprimée pour laisser seules les broderies au fil d’or.
Cependant, ce qui apparaît au premier abord comme un aspect plus sombre et plus simple qui
peut cacher autre chose. La collerette de Catherine Michelle, par exemple, est beaucoup plus
élaborée et recherchée que celles de sa mère. Il s’agit peut-être simplement de modifications
de la mode, on sait d’ailleurs qu’en France, Henri II publia des décrets pour que l’habillement
se simplifie. Il en fut de même en Espagne comme dans toute l’Europe à des dates différentes.
98
99
PORTRAITS DE PHILIPPE II
ET DE SON FILS DON CARLOS
100
101
Fig. 24
Le Titien
Philippe II
v. 1554
Peinture à l’huile sur toile
185 x 103 cm
Galerie Palatine (Palazzo Pitti), Florence
[Weg Gallery og Art]
Ce portrait, réalisé par le portraitiste en titre de la cour de Charles Quint, père de
Philippe II, est une représentation de l’État et de la monarchie espagnole. On retrouve, comme
dans certains portraits d’Élisabeth de Valois, la colonne, symbole du pouvoir royal de la
famille des Habsbourg.
La composition est caractéristique de l’œuvre de Titien. C’est lui qui apporte à la cour
d’Espagne le cadrage en pied, qu’on voit d’ailleurs dans les représentations d’Élisabeth. Les
couleurs obscures revoient à la qualification du règne de Philippe II, un règne sombre et
obscure.
102
Fig. 25
Anthonis Mor
Philippe II, roi d’Espagne
v. 1554
Peinture à l’huile sur panneau de chêne
41,5 x 33 cm
Budapest, Szépmûvészeti Múzeum
[Web Gallery of Art]
Ce portrait nous montre une composition qui sera réutilisée par Alonso Sanchez Coello
(et selon certains historiens par Anthonis Mor lui-même) pour un portrait d’Élisabeth de
Valois (fig. 9). C’est également un peu la reformulation de la « formule Clouet ».
Cependant une fois encore, les couleurs vives ont disparu pour laisser place à un
dégradé de marron et brun.
103
Fig. 26
Juan Pantoja de la Cruz
Philipe II
-
Peinture à l’huile
-
Monasterio de San Lorenzo, El Escorial
[Web Gallery of Art]
Sur ce portrait, on peut voir un certain nombre d’éléments qui sont également présents
dans les portraits d’Élisabeth, la colonne, le fauteuil, le rideau et même les couleurs. En effet,
la colonne a toujours la même signification : l’emblème de la famille Habsbourg et de son
pouvoir, le fauteuil est, lui, la représentation du trône et le rideau marque une distinction entre
espace public et espace royal. Les couleurs enfin, on retrouve le noir dans la tenue
vestimentaire, couleur sombre pour marquer une austère élégance. Le rouge/orange présent ici
dans les éléments du décor est celui que les effigies de la reine utilisent pour ses vêtements,
ou encore le rideau vert qui est exactement le même que dans les portraits réalisés par Juan de
la Rúa et Pierre Novelliers (fig. 6b et 6c).
104
Fig. 27
Alonso Sánchez Coello,
Le prince Don Carlos
1555-1559
Peinture à l’huile
109 x 95 cm
Madrid, Musée du Prado
[Galeria online, Museo
Nacional del Prado]
Dans ce portrait Dan Carlo est représenté enfant. On voit bien l’aspect totalement
différent entre la représentation d’un enfant en Espagne et en France. La composition est
complètement distincte, cependant dans les deux cas, la recherche est la même. Tout en
montrant encore qu’il est un enfant, par sa physionomie, la forme et les couleurs des
vêtements qu’il porte, on souhaite montrer son statut et sa prestance. Son expression est
sévère et sa pose bien tenue. On le montre comme un enfant qui connaît déjà son statut et sait
tenir son rang. A travers la fenêtre, on peut distinguer la figure de Jupiter et un aigle portant la
colonne d’Hercule, symbole de la famille des Habsbourg, référence évidente à la succession
dynastique.
Bien que Don Carlo ne soit encore que prince, il est le prince héritier et doit donc être
représenté en temps que futur roi. Ce portrait est donc déjà un portrait d’État, un portrait qui
vise à diffuser l’image du futur roi (à l’époque, mais Don Carlo ne fut jamais roi car il mourut
avant son père, à l’âge de 22 ans). Dans ce portrait, les traits du visage et le corps du prince
sont un peu idéalisés, car en réalité il est né avec de graves malformations physiques,
probablement dues à la consanguinité de ses parents.

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Vol 2

  • 1. Catalogue d’images Portraits d’Élisabeth de Valois et œuvres comparatives _ Les portraits d’Élisabeth de Valois, infante française et reine d’Espagne (1546-1568) Vol. 2 Cécile MASSOT Mémoire de Master 1 Sous la direction de Luisa Capodieci Art Moderne - Renaissance française Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne 2010-2011
  • 2. 2
  • 3. 3 Présentation Ce catalogue réunit les images qui illustrent les propos et le contenu du mémoire portant sur l’étude des portraits d’Élisabeth de Valois. Il est un des premiers à répertorier toutes les images d’Élisabeth de Valois que nous connaissons actuellement Dans ce mémoire, nous avons limité les portraits de la reine à ceux réalisés dans une période allant de sa naissance à la fin du XVIe siècle (sauf exceptionnellement, pour les copies d’œuvres originales perdues datant de cette période). De même, nous avons circonscrit la recherche aux œuvres exécutées par des artistes proches de l’entourage de la reine, français et espagnols pour la plupart. L’ajout de portraits de Titien et de Anthonis Mor nous semble parfaitement approprié, étant l’un et l’autre présents par moments à la cour espagnole et jouant un rôle important dans l’élaboration du portrait à la cour de Charles Quint puis de Philippe II. Nous avons choisi de diviser ce corpus d’images en quatre parties. Tout d’abord les portraits d’Élisabeth de Valois, en les présentant par ordre chronologique et de la manière suivante : un portrait principal avec son étude, les copies qui en ont été tirées, les œuvres représentant d’autres personnes pour lesquelles la comparaison avec le portrait d’Élisabeth apporte de nouvelles données et enfin une courte bibliographie. Ce schéma est repris pour la deuxième partie du corpus s’attachant à l’étude de portraits d’Élisabeth dont l’identification semble douteuse. La troisième partie est constituée d’une liste portant sur les portraits physiquement inconnus ou disparus de la princesse. La quatrième partie se consacre à un rapprochement entre des portraits représentant des reines ou des princesses européennes de la deuxième moitié du XVIe siècle et les portraits d’Élisabeth. Enfin, nous présentons trois portraits du mari d’Élisabeth, Philippe II, qui nous permettent d’étudier les ressemblances et les différences dans la représentation des deux époux et un portrait de Don Carlo, prince espagnol qui a exactement le même âge qu’Élisabeth. Les différentes informations sont tirées des ouvrages cités dans la bibliographie de chaque notice. Pour avoir une bibliographie générale, se rapporter à la bibliographie du mémoire (vol. 1).
  • 4. 4
  • 5. 5 INDEX DES IMAGES PORTRAITS D’ÉLISABETH DE VALOIS ET ŒUVRES AVEC UN RAPPROCHEMENT DIRECT Fig. 1 Germain Le Mannier, Elisabeth de Valois, 1552 1a Atelier de François Clouet, Élisabeth de Valois, n.d 1b Anonyme, Elisabeth de Valois, reine d'Espagne, 1553-1557 1c Anonyme, Marguerite de France, reine de Navarre, 1559 1d Germain Le Mannier, François dauphin de France, 1547 Fig. 2 Atelier de François Clouet, Élisabeth de Valois, reine d’Espagne, 1559 2a Atelier de François Clouet, Élisabeth de Valois, reine d’Espagne, 1559 (cliché en noir et blanc) 2b Anonyme, Elisabeth de France, 1559 2c Anonyme, Elisabeth de Valois reine d'Espagne, XVIe siècle 2d Anonyme, Marie Stuart, reine d’Écosse, v. 1552 Fig. 3 François Clouet, Élisabeth de Valois, av. 1559 (cliché en noir et blanc) 3a Anonyme, Elisabeth de France, 1559 3b Anonyme, Élisabeth de France, reine d’Espagne, XVIe siècle ? 3c Agostino Carracci, Élisabeth de Valois, 1585 3d François Clouet, Henri II et Catherine de Médicis, entourés par les membres de leur famille, 1578-1580 3e François Clouet, Henri II et Catherine de Médicis, entourés par les membres de leur famille (détail), 1578-1580 3f François Clouet, Élisabeth d’Autriche, reine de France, 1571 3g Alonso Sánchez Coello, Anne d’Autriche, reine d’Espagne, 1580 Fig. 4 Alonso Sánchez Coello, Isabel de Valois, 1560 4a Titien, Isabelle du Portugal, 1548 4b Anthonis Mor, Juana de Portugal, 1560 4c Sofonisba Anguissola, Infanta Isabella Clara Eugenia, 1599 Fig. 5 Anthonis Mor van Dashorst, Isabel de Valois, v. 1560 5a Alonso Sánchez Coello, Isabel de Valois, v. 1560 5b Juan de la Rúa, Isabel de Valois, vers 1560 5c Pierre Novelliers, Isabel de Valois, v. 1600 5d Anthonis Mor (?), Isabel de Valois, v. 1560 5e Pierre Paul Rubens, Isabel de Valois, v. 1609 5f Alonso Sánchez Coello, Anne d’Autriche, reine d’Espagne, 1571 p. 9 p. 11 p. 17 p. 21 p. 27 p. 31
  • 6. 6 Fig. 6 Sofonisba Anguissola, Isabel de Valois, après 1561 6a Gaspare Oselli, Élisabeth de Valois, 1569 6b Anthonis Mor, Marie d’Autriche, épouse de l’empereur Maximilien, 1551 6c Anonyme d’ap. Anthonis Mor, Jeanne d’Autriche, avec un esclave, 1553 6d Sofonisba Anguissola, Diane d'Andoins dite "Corisande" et sa fille, 1565 6e Sofonisba Anguissola, Infanta Isabelle Clara Eugénie, 1599 Fig. 7 Juan Pantoja de la Cruz, copie selon Sofonisba Anguissola de 1561, La reina Isabel de Valois, v.1605 7a Pierre Paul Rubens (atelier), Isabel de Valois, 1603 7b Anthonis Mor, Marquise de las Navas, XVIe siècle 7c Anthonis Mor, Anne d’Autriche, reine d’Espagne, 1570 7d Alonso Sánchez Coello, La infanta Isabelle Clara Eugénie, 1579 Fig. 8 Alonso Sanchez Coello, Élisabeth de Valois, 1570 8a Jacques Le Boucq, Élisabeth de Valois, v. 1560 8b Jacques Le Boucq, Philippe II, v. 1560 8c Anonyme, d’après S. Coello, Élisabeth de Valois, 2ème moitié du XVIe s 8d Anonyme, d’après S. Coello, Élisabeth de Valois, XVIe s 8e Anonyme (école espagnole), Isabel de Valois, XVIe siècle 8f Anonyme (école espagnole), Isabel de Valois, DATE 8g Anthonis Mor, Anne d’Autriche, reine d’Espagne, 1550 8h Alonso Sánchez Coello, Anne d’Autriche, reine d’Espagne, 1580 Fig. 9 Anonyme, Philippe II et Élisabeth de Valois, Miniature du Livre d'Heures de Catherine de Médicis, entre 1559 et 1589 9a Anonyme, Henri de Navarre et de Marguerite de Valois, Miniature du Livre d'Heures de Catherine de Médicis, entre 1559 et 1589 9b Anonyme, François II et Marie Stuart, Miniature du Livre d'Heures de Catherine de Médicis, entre 1559 et 1589 Fig. 10 Sofonisba Anguissola, Isabel de Valois, après 1581 10a Sofonisba Anguissola, Infanta Catalina Micaela, 1585 10b Sofonisba Anguissola, Infanta Catalina Micaela (détail), 1585 Fig. 11 Leone Leoni et Pompeo Leoni, Tombeau de Philippe II, après 1598 11a Leone Leoni et Pompeo Leoni, Tombeau de Philippe II (détail), après 1598 11b Leone Leoni et Pompeo Leoni, Tombeau de Philippe II (détail), après 1598 11c Leone Leoni et Pompeo Leoni, Tombeau de Philippe II, après 1598 p. 39 p. 45 p. 49 p. 55 p. 59 p. 63
  • 7. 7 PORTRAITS D’ÉLISABETH DE VALOIS DONT L’IDENTIFICATION POSE QUESTION Fig. 12 Anonyme, Atelier de François Clouet, Élisabeth de Valois, 1557 ? Anonyme, Portrait en buste de madame de Lorraine, XVIe siècle Anonyme (école française), Claude de France, XVIe siècle Fig. 13 Atelier de François Clouet, Élisabeth de Valois, 1559 13a Jean Decourt, Marie Stuart, reine d’Ecosse, v. 1560 13b François Clouet, Élisabeth d'Autriche, reine de France, 1571 Fig. 14 Anonyme (école française), Élisabeth de Valois, 1565-1566 ? (cliché en noir et blanc) Fig. 15 Anthonis Mor, Élisabeth ou Marguerite de Valois, 1565-1569 ? (cliché en noir et blanc) Fig. 16 Anonyme (école française), Élisabeth de Valois, fin du XVIe siècle PORTRAITS D’ÉLISABETH DE VALOIS DISPARUS OU INCONNUS PORTRAITS DE REINES OU DE PRINCESSES DE LA FIN DU XVIE SIÈCLE Fig. 17 Jakob Seisenegger, Archiduchesse Anne d’Autriche, v. 1545 Fig. 18 François Clouet, Catherine de Médicis, après 1548 Fig. 19 Anthonis Mor, Marie Tudor, Reine d’Angleterre, 1554 Fig. 20 Alonso Sanchez Coello, Dona Juan, princesse du Portugal, 1557 Fig. 21 Sanchez Coello ou Sofonisba Anguissola, Isabelle Claire Eugénie et Catherine Michelle, 1570 21a Alonso Sanchez Coello, Isabelle Claire Eugénie et Catherine Michelle, 1571 Fig. 22 Nicholas Hilliard, Élisabeth I, reine d’Angleterre, 1575-1576 Fig. 23 Alonso Sanchez Coello, Catherine Michelle, 1582-1585 p. 65 p. 67 p. 71 p. 75 p. 77 p. 79 p. 81 p. 87 p. 89 p. 90 p. 91 p. 92 p. 93 p. 94 p. 95
  • 8. 8 PORTRAITS DE PHILIPPE II ET DE DON CARLOS Fig. 24 Titien, Philippe II, v. 1554 Fig. 25 Anthonis Mor, Philippe II, roi d’Espagne, 1554 Fig. 26 Juan Pantoja de la Cruz, Philippe II, roi d’Espagne, n.d. Fig. 27 Alonso Sánchez Coello, Le prince Don Carlos, 1555-1559 p. 97 p. 99 p. 100 p. 101 p. 102
  • 9. 9 PORTRAITS D’ÉLISABETH DE VALOIS ET ŒUVRES AVEC UN RAPPROCHEMENT DIRECT
  • 10. 10
  • 11. 11 Fig. 1 Atelier de François Clouet, Germain Le Mannier Elisabeth de Valois v. 1552 Dessin à la pierre noire sur papier, rehauts de couleur 33 x 22,5 cm Chantilly, Musée Condé (Inv. MN 34 ; B 356) [Base Joconde] PROVENANCE Collection de Catherine de Médicis ; Christine de Lorraine, grande-duchesse de Toscane ; Casa Médici, Florence, Ignazio Enrico Hugford ; collection des comptes de Carliste, Castel Howard ; acquis par le duc d’Aumale en 1889 — ATTRIBUTION Il paraît évident de rapprocher ce portrait d’Élisabeth de Valois de l’atelier de François Clouet, il est l’artiste le plus en vogue à l’époque et détient le titre de peintre officiel à la cour de Henri II. C’est d’après son modèle (ou plutôt d’après le modèle de son père, Jean Clouet, renouvelé par le fils) que se réalise la plupart des portraits français de la deuxième moitié du XVIe siècle, principalement des portraits dessinés.
  • 12. 12 Cependant, bien que dans de nombreux catalogues, on peut voir une attribution à François Clouet lui-même, il paraît plus probable que ce portrait ait été réalisé par un de ses contemporains. Il s’agit sûrement de Germain Le Mannier qui fut chargé de portraiturer régulièrement les enfants royaux pour leurs parents. Nous avons d’ailleurs la trace d’une lettre de recommandation des souverains français pour annoncer la venue de Germain Le Mannier, lettre adressée à M. de Humyères, gouverneur des enfants. — ÉTUDE DE L’OEUVRE La date d’exécution de ce portrait est une date conventionnelle, nous ne pouvons la donner avec certitude. De nombreuses lettres de Catherine de Médicis quémandent des portraits de ses enfants afin de s’assurer de leur bonne santé et de connaître leur épanouissement. Il faut donc rapprocher les dates de ces lettres et les portraits que nous avons. Cependant un grand nombre de ceux-ci ont disparu. La date de 1549 est celle que donne la base Joconde, pourtant certains historiens proposent de donner 5 ou 6 ans à Élisabeth dans cette représentation. Ces deux dates se contredisent car la princesse est née en 1546. Cependant il paraît peu probable qu’elle ne soit âgée que de 3 ans au moment de ce portrait. Louise Roblot-Delondre1 propose alors la date de 1552, mais sans pour autant avancer de preuves certaines. Sylvène Édouard, auteur de l’étude la plus récente (2009) sur Élisabeth de Valois, suit cette proposition. En gardant en tête cette incertitude, nous nous baserons sur la date de 1552, elle semble plus probable par rapport à l’âge du modèle. La composition respecte tout à fait la typologie du portrait dessiné dans la suite des Clouet. C’est un portrait à demi corps où toute l’attention est consacrée sur le visage, qui cherche à être le plus ressemblant. Le visage d’Élisabeth est rond et encore très enfantin. Elle a déjà cet air simple et bon qui sera sa marque de distinction et dont les Espagnols parleront beaucoup. Cependant son expression est assez grave et sérieuse, ce qui habituellement n’est pas propre aux enfants, ni d’ailleurs au caractère d’Élisabeth, d’après les sources contemporaines2 . Les cheveux blonds sont ramassés sous une coiffe (un béret plat). On remarque de nombreux éléments féminins (qui se rapporte plus à une dame qu’à une fillette), tels les boucles d’oreilles, une bague à la main droite ou encore ce léger coup de crayon rouge sur les lèvres, pour rendre la carnation plus visible, qui fait penser à du rouge à lèvre. Le vêtement est simplement esquissé, il s’agit d’une robe simple qu’on retrouvera dans d’autres portraits d’enfants royaux de l’époque. Remarquons enfin la présence d’une inscription, « La Royne despaigne estant fille », qui semble dater d’une époque contemporaine à l’exécution du dessin. — ÉTUDE TECHNIQUE Ce dessin fut réalisé à l’aide de plusieurs crayons. Tout d’abord, la pierre noire pour tout ce qui est structure du portrait (lignes ou contours). Mais elle est aussi utilisée pour les ombres permettant de modeler les chairs (très visible au bas du visage, à la limite avec le cou) ou le vêtement (hachures sous le bras gauche). Le crayon rouge - la sanguine - est également employé pour cet effet (chapeau), ainsi que pour colorer les lèvres. Il donne un aspect plus réaliste et surtout plus vivant. Les cheveux sont largement coloriés au crayon jaune. Il semblerait que Élisabeth ait plutôt eu les cheveux noirs. Il est possible qu’ils aient changé de couleur plus tard ou que l’artiste ait cherché à idéaliser la princesse et lui ait dessiné des cheveux blonds pour correspondre à la mode de l’époque. On perçoit également une touche de couleur dans les yeux, afin, une fois encore, de donner de la vie au portrait et que celui-ci 1 L., Roblot-Delondre, Portraits d’Infantes XVIe siècle (étude iconographique), Paris et Bruxelles, 1913, pp. 115-121. 2 Les Lettres de Catherine de Médicis nous décrivent que l’enfant est pleine de vie, assez turbulente et a un comportement très enfantin lorsqu’elle arrive à la cour d’Espagne.
  • 13. 13 remplisse au mieux sa fonction : représenter l’état de santé de la princesse et montrer son évolution. L’état de conservation de ce portrait est assez mauvais. Le support en papier blanc et donc le dessin ont beaucoup souffert. La première cause de cet état est sans doute l’humidité des anciens lieux de conservation. Cela a provoqué les nombreuses tâches que l’on voit et qui endommagent fortement le dessin. — COPIES Atelier de François Clouet, Élisabeth de Valois, XVIe siècle, dessin à la pierre noire sur papier, rehauts de couleur, 33 x 21 cm, Chantilly, Musée Condé, (Inv. MN 35) [Base Joconde] (Fig. 1a) Le portrait ci-contre est sans aucun doute une copie du précédent. D’après Louise Roblot-Delondre, il s’agit même d’une médiocre copie3 . On aperçoit en haut, à droite, la vague trace d’une inscription, qui était, sans doute, la reproduction de la légende du dessin original. La plume du béret est très visible sur ce dessin contrairement à l’autre, il peut s’agir d’un ajout, mais il est possible également que le mauvais état de conservation du premier portrait ne nous permette pas de la distinguer. La composition, l’expression du visage, le costume et le coloris sont presque identiques à l’original. Mais le support a changé, il doit s’agir ici du papier beige clair, appelé au XVIe siècle « carta bigia » ou « de couleur de chair »4 . Anonyme, Elisabeth de Valois, reine d'Espagne, entre 1553 et 1557, aquarelle sur vélin (miniature), diamètre 3,4 cm, Windsor, Collection royale de la Reine Elisabeth II (Inv. RCIN 420046), [The Royal Collection, e-gallery] (Fig.1b) Cette miniature s’inspire très largement du portrait attribué à Germain Le Mannier, ou peut- être plus à la copie de celui-ci (Fig. 1a), car on y retrouve la plume. L’impression générale est la même que dans le premier dessin, agréable, enfantine mais solennelle. L’expression est douce et charmante. Cependant, on remarque des différences, 3 Roblot-Delondre, Louise, Portraits d’Infantes XVIe siècle, Paris et Bruxelles, 1913. 4 Zvereva, Alexandra, La collection des portraits au crayon de Catherine de Médicis, dir. Denis Crouzet et Alain Mérot, 2005.
  • 14. 14 aussi bien sur le support que dans la technique, qui transforment complètement le portrait. Le peintre y a ajouté de la couleur, l’a-t-il inventé ou s’est-il inspiré d’un tableau existant qui aurait disparu aujourd’hui ? La composition est sensiblement la même, mais la plume a changé de place et le chapeau est un peu transformé. L’influence des Clouet est très forte et le fond bleu peut nous faire penser aux miniatures de Jean Clouet qui représentent par exemple Jules César ou François 1er . — ŒUVRES À METTRE EN RELATION Anonyme (école de François Clouet), sans doute Germain Le Mannier, Marguerite de France, reine de Navarre, v. 1559, dessin à la pierre noire et sanguine sur papier, coloris en aquarelle, 29,8 x 21,5 cm, Chantilly, Musée Condé (Inv. MN 42 ; B 366), [Base Joconde] (Fig. 1c) Ce portrait fut longtemps considéré comme celui d’Élisabeth de Valois, mais il est aujourd’hui admis comme étant celui de sa sœur, Marguerite de Valois. D’après Henri Bouchot, on devrait reconnaître dans cette image, une étude pour la peinture qui fut envoyée à Élisabeth en Espagne en 1560. La comparaison avec le portrait de sa sœur est évidente. On retrouve exactement la même composition, portrait à mi-corps tourné vers la gauche, avec les mains croisées juste au-dessus du bord inférieur. Le costume et les bijoux sont absolument les mêmes. L’expression du visage est aussi impassible et neutre que celle d’Élisabeth. L’âge du modèle est aussi similaire car Marguerite de Valois est née en 1553, au moment de ce portrait elle est donc âgée de 6 ans. Cependant on peut noter quelques différences. Tout d’abord au niveau de la coiffure, Marguerite ne porte pas de béret et ses cheveux bruns sont représentés tels quels. Nous verrons par ailleurs qu’il s’agit peut-être d’une évolution de la mode. Et, bien sûr, les couleurs du costume rendues par l’aquarelle ne sont pas présentes sur le portrait d’Élisabeth et ne correspondent pas à celles de la miniature conservée en Angleterre. François Clouet, François dauphin de France, puis François II, roi de France et d’Ecosse, v. 1547, dessin à la pierre noire et sanguine sur papier, 33 x 23 cm, Chantilly, musée Condé (Inv. MN-32), [RMN] (Fig. 1d)
  • 15. 15 On voit ici un autre portrait d’un des enfants de Henri II et de Catherine de Médicis : François II (aîné de la fratrie). On retrouve le type de la « formule Clouet », avec un cadrage qui descend jusqu’au bas du buste, celui-ci étant légèrement tourné vers la gauche, tout en gardant la tête presque de face. La technique est identique, pierre noire et sanguine pour donner du volume, sur du papier beige ou couleur chair. Enfin, les dimensions correspondent, on peut donc supposer que l’un et l’autre furent exécutés par la même main et dans la même fonction. Le trait est très précis au niveau du visage, beaucoup moins pour le costume. A cet endroit, ce n’est plus que rapide esquisse. Ce qui importe c’est le visage, pour montrer l’état de santé de l’enfant et comment il grandit physiquement. On retrouve également le petit béret qui devait être le même pour tous les enfants, fille ou garçon, à la Maison des Enfants. On distingue clairement la plume remarquée dans la copie du portrait d’Élisabeth. — BIBLIOGRAPHIE L. Dimier, Histoire de la peinture du portrait en France au XVIe siècle (1924). A. Gonzalez de Amazua, Isabel de Valois, Reina de España (1546-1568), vol. 1 & 3 (1949). E. Moreau-Nélaton, Crayons français du XVIe siècle conservés au musée Condé à Chantilly (1907). L. Roblot-Delondre, Portraits d’Infantes XVIe siècle (étude iconographique) (1913). A. Zvereva, Les Clouet de Catherine de Médicis : chefs d’œuvre graphiques du Musée Condé (2002).
  • 16. 16
  • 17. 17 Fig. 2 Atelier de François Clouet Elisabeth de France, reine d'Espagne 1559 Dessin à la pierre noire et crayon rouge sur papier, rehauts de couleur 34 x 23,5 cm Chantilly, Musée Condé (Inv. MN 41; B 301) [Base Joconde] PROVENANCE Collection de Catherine de Médicis ; collection des comptes de Carliste, Castel Howard ; Duc d’Aumale — ATTRIBUTION Il paraît également évident de rapprocher ce portrait d’Élisabeth de Valois de l’atelier de François Clouet, pour les mêmes raisons que le portrait précédent. Cependant on ne peut pour autant lui donner la même attribution (Germain Le Mannier). En effet, à partir de 1554, Élisabeth rejoint la cour de ses parents. Il est donc possible que ce portrait soit de François Clouet lui-même, ou d’une de ses élèves ou suiveurs. —
  • 18. 18 ÉTUDE DE L’OEUVRE Si la datation de ce portrait est exacte, 1559, la princesse Élisabeth serait alors âgée de 13 ans (étant née en 1546). L’inscription, située en haut à droite, lui donne un an de plus (« Madame Elizabet royne despaigne 14 ans »), cependant une étude graphologique montre que l’écriture de l’identification du modèle et celle portant sur son âge n’est pas la même. Il pourrait donc s’agir d’un rajout postérieur (qu’on ne sait dater) et qui n’est peut-être pas véridique. On retrouve dans les grands traits la « formule Clouet ». Toutefois, elle a subi de légères modifications. Le regard n’est plus fuyant vers l’extérieur du cadre, mais fixe clairement le spectateur. Le cadrage est plus rapproché (que dans le portrait de 1552 par exemple), les mains ont ainsi disparu et les manches du costume ne sont pas entièrement visibles. L’expression neutre et le port noble sont par contre toujours perceptibles. La croissance d’Élisabeth, par rapport au portrait de 1552, est visible. Son visage, bien que toujours assez rond, s’est affiné. Sa toilette est la parfaite fusion entre la robe de petite fille et les robes de femme qu’elle portera plus tard. Il s’agit déjà d’une robe de femme adolescente. Le vestiaire enfantin étant conçu comme une version miniaturisée de celui des adultes. L'effet de "croissance" se retrouve dans les détails. Le corps de la robe reprend la conception du costume du premier portrait que l’on a d’elle. Tandis que le col monte beaucoup plus haut, et les manches sont plus bouffantes et dans un esprit davantage recherché. — ÉTUDE TECHNIQUE Ce charmant portrait suit la tradition au niveau de la technique avec un dessin à la pierre noire, auquel est ajouté un crayon rouge pour relever les chairs. Pour le support, il s’agit de ce papier beige clair ou couleur chair, vu dans la copie du premier portrait (fig. 1a). Il est important de souligner que l’attention n’est pas portée exclusivement sur le visage. La coiffure est largement détaillée. On a presque l’impression de voir chaque cheveu, chaque joyau. Le costume aussi est plus détaillé, peut-être parce qu’il est plus complexe, mais il ne peut s’agir là que d’un choix. Rappelons juste la différenciation d’écriture dans les inscriptions qui prouve un ajout postérieur (mais nous ne savons pas combien de temps après). Les côtés de ce dessin ne sont pas très bien conservés, mais le centre n’a pas subi de trop gros dommages. On voit quelques tâches d’humidité et de vieillissement du papier mais qui n’altèrent que peu le dessin. — COPIES Atelier de François Clouet, Elisabeth de Valois, 1559, dessin à la pierre noire sur papier, rehauts de couleur, dimensions non renseignées, Saint-Pétersbourg, Cabinet de l’Ermitage, [L. Roblot-Delondre (1913)], cliché en couleur introuvable (Fig. 2a) Ce dessin est analogue à celui du Musée Condé. D’ailleurs, certains historiens pensent que ce serait l’original et la version du Musée Condé à Chantilly une copie (comme Louis
  • 19. 19 Dimier5 ). Cependant, même si la composition est identique, le portrait paraît moins précis. Le développement du costume est moins élaboré (les manches ne sont pas aussi évoluées). Il est ici juste esquissé. Le cadrage semble un tout petit peu plus large. Pour autant les extrémités ne sont pas plus dessinées. Le portrait s’arrête ainsi juste un peu avant le bord du support. Anonyme, Elisabeth de France, 1559, dessin à la pierre noire et sanguine, rehauts de couleur, sur papier cartonné, 28,5 x 20 cm, Musée du Louvre, Département des Arts graphiques, (Inv. INV 33467, recto), [Base Joconde] (Fig. 2b) Cette copie contemporaine du portrait d’Élisabeth de Valois est d’une qualité bien inférieure. L’artiste tente de reprendre la composition mais sa proposition est très maladroite. Il modifie à la fois le cadrage (beaucoup plus près) et le regard (qui revient au schéma classique des Clouet en fuyant vers l’extérieur). Les volumes sont rendus de manière peu réaliste. L’épaule gauche est par exemple beaucoup plus haute que la droite. La noblesse du costume, la coiffure et, même, la pose sont mal imitées. Bien que le haut de la robe et le col soient représentés avec des tissus légers et aériens, le portrait devient une image lourde, chargée et gauche, qui n’a plus rien à voir avec le doux visage de la princesse. Il s’agit sans doute d’un artiste secondaire ne pouvant égaler le génie des portraitistes de la cour royale. Anonyme, Elisabeth de Valois reine d'Espagne, XVIe siècle, dessin à la pierre noire, rehauts de couleur, sur papier, dimensions non renseignées, Bibliothèque Nationale de France, Département Estampes et photographies, (Inv. RC-C-17002), [Base BNF] (Fig. 2c) Le catalogue en ligne de la Bibliothèque Nationale de France identifie le modèle de ce portait comme étant Élisabeth de Valois. Ce dessin au crayon est pourtant très peu ressemblant. Bien que l’on retrouve quelques éléments comparables dans la composition, le costume ou la coiffure, les traits du visage et l’impression globale en sont très éloignés. Néanmoins la qualité du dessin n’est pas négligeable. Il est donc d’autant plus surprenant que le visage soit si déformé et le portrait en général si peu fidèle. Pourrait-il s’agir d’une copie d’un autre dessin de l’atelier de François Clouet datant de la même période ? A ce jour, nous n’en savons pas plus. — 5 L. Dimier, Histoire de la peinture du portrait en France au XVIe siècle, Paris, 1924.
  • 20. 20 ŒUVRES À METTRE EN RELATION Anonyme (école de François Clouet), Marie Stuart, reine d’Écosse, v. 1552, dessin à la pierre noire et sanguine sur papier, 30,6 x 20,5 cm, Chantilly, Musée Condé (Inv. MN 38 ; B 316), [Base Joconde] (Fig. 2d) Ce portrait de Marie Stuart est conservé dans un très mauvais état. Marie Stuart, reine d’Écosse, avait été envoyée à la cour de France pour faire son éducation, elle partagea ainsi son enfance avec Élisabeth, et de façon intime car elles dormaient dans la même chambre. On retrouve la typologie de la « formule Clouet » mais aussi la forme du costume que porte les deux futures reines : le corps piqué qui a une forme en pointe et des manches d'apparat attachées au corps. La coiffure est sensiblement la même, bien que l’ornement semble un peu plus luxueux dans le portrait de Marie Stuart, peut- être parce qu’elle est déjà reine (depuis la mort de son père alors qu’elle n’avait que 6 jours). Elle porte donc la couronne du royaume d’Écosse. Anonyme (école de François Clouet), Marguerite de France, reine de Navarre, v. 1559 (voir fig. 1c) Nous avons choisi de reparler de ce portrait ici, car le haut du corps est très proche, à l’exception de la direction du regard. Le rapprochement avec la coiffure du portrait daté de 1559 est clairement visible. La raie centrée, les deux mèches de devant roulées jusque derrière les oreilles, le couvre-chef (escoffion) qui retient les cheveux en arrière, tout ceci est semblable dans les deux portraits. Si nous portons notre attention sur leur datation (il s’agit de la même année), c’est sûrement la mode du moment qui dicte cette coiffure. Mode qui doit ne dater que de quelques années puisqu’en 1552, Élisabeth, qui a pourtant quasiment le même âge que Marguerite, ici, est représentée avec une autre coiffure. — BIBLIOGRAPHIE L. Dimier, Histoire de la peinture du portrait en France au XVIe siècle (1924). A. Gonzalez de Amazua, Isabel de Valois, Reina de España (1546-1568), vol. 1&3 (1949). E. Moreau-Nélaton, Crayons français du XVIe siècle conservés au musée Condé à Chantilly (1907). L. Roblot-Delondre, Portraits d’Infantes XVIe siècle (étude iconographique) (1913).
  • 21. 21 Fig. 3 François Clouet Elisabeth de Valois Avant 1559 Peinture à l’huile sur toile Dimensions non renseignées Ohio, Toledo Museum of Art [Kusche M., 2003] Cliché en couleur introuvable ATTRIBUTION L’attribution à l’école des Clouet ne fait aucun doute. Mais il semblerait que ce soit le maître, François Clouet lui-même, qui ait réalisé cette œuvre. Ce n’est pas une chose assurée mais tout à fait probable étant donné qu’il s’agit d’un des derniers portraits d’Élisabeth en France et avant son départ pour l’Espagne, et sûrement d’un des meilleurs. D’ailleurs Martin
  • 22. 22 Hume6 pense que c’est ce portrait qui fut envoyé à Philippe II aux premiers jours de 1559. Ce qui expliquerait pourquoi c’est le maître qui le réalise. — ÉTUDE DE L’OEUVRE Il semblerait, selon Maria Kusche7 , que ce portrait date d’avant le départ d’Élisabeth en Espagne. Cependant, aux deux endroits de son livre où elle présente ce portrait, elle le date une fois de « avant 1558 » et une autre fois de « avant 1559 ». On gardera donc la datation la plus large, c’est-à-dire avant 1559, tout en ne pouvant la certifier. Pour la première fois, on voit une claire évolution dans le costume. La robe ne reprend plus la coupe de celles qu’Élisabeth porte dans les portraits dessinés. Le buste est recouvert d’un corps piqué (ancêtre du corset) qui est beaucoup plus richement orné que les précédents. Perles, joyaux en or, chaînes du même métal. Tout est là pour montrer la grandeur de la femme et son rang par sa richesse. On remarque également une opposition dans les couleurs entre le buste très foncé d’un côté, les manches et le col éclatants de blancheur de l’autre. Le visage est toujours représenté avec une infinie douceur, une expression calme, agréable et légèrement souriante. Les lèvres, les yeux ou encore les sourcils sont très dessinés. Les cheveux semblent avoir retrouvé leur couleur sombre et ils sont attachés avec un escoffion plus précieux que les précédents, composé de perles et de pierres. La composition reprend le modèle des portraits au crayon, ce qui montre clairement le passage de l’un à l’autre, sans pour autant qu’il s’en dégage une relation d’interdépendance. C’est exactement le même schéma que le dessin de 1559 conservé à la BNF, mais la physionomie du visage et le costume sont assez différents. — COPIES Anonyme, Elisabeth de France, fille de Henri II et Catherine de Médicis, 1559, Estampe à la pierre noire, sanguine et pastel, 34 x 23 cm, Musée du Louvre, Département des Arts graphiques, (Inv. INV 33495) [Base RMN] (Fig. 3a) Cette copie conservée au Louvre est de moinde qualité. Elle semble dater de l’année de la création de l’original, ou de peu de temps après. L’attribution à François Clouet est exclue, le dessin étant trop grossier. On observe une répétition schématique du modèle. La douceur des formes et des textures est remplacée par un trait raide, droit et ferme, par exemple, sur les manches, à la racine des cheveux ou encore l’escoffion. Même l’expression du visage et des yeux a été modifiée. Ici la figure est lisse, on dirait presque un visage de cire. Globalement, l’aspect très réaliste de l’œuvre de François Clouet a disparu au profit d’une schématisation et d’une stylisation géométrique. 6 M. Hume, Las Reinas de la España antigua, Madrid, [n.d.]. 7 M. Kusche, Retratos y retratadores Alonso Sánchez Coello y sus competidores Sofonisba Anguissola, Jorge de la Rúa y Rolán Mays, Madrid, 2003.
  • 23. 23 La présence d’une inscription identifiant le modèle est un ajout de l’artiste qui n’était pas présent dans l’œuvre de Clouet. Peut-être celle-ci a-t-elle un lien avec la fonction du portrait, qui fut peut-être fait afin de montrer et diffuser l’image de la nouvelle reine ou pour appartenir à un livre de portraits ? Anonyme, Élisabeth de France, reine d’Espagne, XVIe siècle, peinture à l’huile sur bois, 32 x 23, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, (Inv. MV 3197 ; INV 9782 ; B 2421), [Base Joconde] (Fig. 3b) Ce dessin, copié sur le portrait attribué à François Clouet, fut lui aussi réalisé par un artiste de plus faible importance. Mais celui- ci cherche à reproduire la technique et le modèle du maître. Le cadrage est un peu plus rapproché, on ne voit plus les manches. Le col paraît plus ample et plus important. On ne retrouve dans aucune partie la préciosité et la suavité de l’original. Le vêtement a été simplifié. Le visage d’Élisabeth est devenu rectangle, ayant un peu une physionomie masculine. Les sourcils si finement dessinés dans l’œuvre de Clouet sont ici plus épais et donnent beaucoup moins de force au regard. L’escoffion rappelle celui de l’estampe (fig. 4a), sans ressembler à la préciosité du véritable bijou porté par Élisabeth. Agostino Carracci, Élisabeth de Valois, 1585, Gravure tirée du Cremona fidelissima citta… d’Antonio Campi, 14,7 x 11,4 cm, Washington, The Library of Congress, [www.art- wallpaper.com] (Fig. 3c) Cette gravure de la fin du XVIe siècle reprend grossièrement la composition, la pose et le costume présentés dans l’œuvre étudiée. Le modèle a dû être gravé dans une composition inversée pour qu’une fois imprimé, Élisabeth soit tournée du même côté que dans l’original. La principale différence, outre ce qu’entraîne le changement de technique, est la présence d’une couronne dans la coiffure d’Élisabeth. Bien que l’artiste s’inspire sûrement de l’œuvre de François Clouet, il en fait une interprétation personnelle et montre toute la grandeur de la reine d’Espagne, disparue à l’époque de la gravure. Contrairement à l’œuvre du peintre français, on perçoit un remarquable jeu avec les ombres, tant sur la figure de la reine que sur le fond où on distingue son ombre (la lumière venant de la gauche). Le costume par contre ne profite pas de ce jeu de lumière et reste lisse, sans volume et sans matière.
  • 24. 24 François Clouet, Henri II et Catherine de Médicis, entourés par les membres de leur famille, 1578-1580, Tempera sur parchemin (miniatures), dimensions non renseignées, Florence, Musée des Offices, [Web Gallery of Art] (Fig. 4d, fig. 3e détail) On retrouve dans cette tempera le portrait d’Élisabeth de Valois. Le schéma de l’œuvre datant d’avant 1559 est grossièrement repris. Précisons qu’à la date d’exécution de cette toile, la reine d’Espagne est déjà morte. Alors que les costumes des autres personnages présentent une certaine évolution, celui d’Élisabeth conserve l’ancienne tradition, sans doute car la mode s’est modifiée après la disparition de la reine. Elle est représentée avec un costume qui la maintient et la cache, ne laissant voir que son visage (contrairement au vêtement de Catherine de Médicis par exemple). Ajoutons que, bien qu’on reconnaisse la reine d’Espagne, son visage a été vieilli par rapport à celui peint également par François Clouet avant 1559. — ŒUVRES À METTRE EN RELATION François Clouet, Élisabeth d’Autriche, reine de France, 1571, peinture à l’huile sur chêne, 36 x 26 cm, Musée du Louvre, département des Peintures, (Inv. 3254), [Base Joconde] (Fig. 3f) Ce tableau de François Clouet fut exécuté d’après un portrait dessiné de la reine (fig. 3b). La ressemblance avec le portrait d’Élisabeth réalisé par le même peintre est concrète dans la position du modèle, légèrement de trois quarts, tourné vers la gauche, le regard fixé vers le spectateur. La coiffure est également similaire. Cependant la forme du vêtement nous rappelle plus celle des portraits dessinés d’Élisabeth plutôt que du portrait peint. Ce costume est nommé guimpe, à col montant retenu par un carcan (collier de cou). Alonso Sánchez Coello, Anne d’Autriche, reine d’Espagne, 1580, peinture à l’huile, dimensions non renseignées, Barcelone, Collection privée, [Kusche M., 2003] (Fig. 3g) Anne d’Autriche fut la quatrième épouse de Philippe II (après le mort d’Élisabeth) et, comme elle, elle fut d’abord promise à Don Carlos (fils de Philippe II mort quelques mois avant Élisabeth). Il est intéressant de comparer ce portrait avec celui d’Élisabeth de Valois. Bien que réalisé par un peintre espagnol et sans doute plus de vingt ans plus tard, on ne peut s’empêcher d’y voir une certaine similitude. Tout d’abord dans la composition et la position du modèle, la seule différence est que Anne d’Autriche est tournée vers la droite (et non vers la gauche). Le costume nous montre une sensible évolution par rapport à celui porté par Élisabeth, les petits rubans blancs sur les épaules par exemple. Mais globalement, on retrouve le même patron, les mêmes couleurs et la
  • 25. 25 même richesse dans les joyaux et les fils d’or. Cependant, en l’absence de bourrelet dans les manches, on voit ainsi la présence du style impérial. Le col semble encore un peu plus serré, il couvre complètement le cou en allant jusqu’à épouser la forme du bas du visage. L’expression n’est pas tout à fait la même, sans doute une recherche de véracité, un souci d’être au plus près du réel. Enfin, dans les deux portraits, on retrouve à la fois une douceur et une noblesse qui paraissent caractériser le titre de reine d’Espagne. Sofonisba Anguissola, Isabel de Valois, après 1581 (voir fig. 11) Enfin, dévoilons simplement un des derniers portraits d’Élisabeth de Valois, portrait exécuté par son ancienne dame de chambre. Bien que beaucoup plus tardif, il est possible que Sofonisba Anguissola ait vu le portrait de François Clouet. En effet, dans la composition, comme dans la représentation du modèle (âge, expression, délicatesse…), on retrouve un certain nombre de caractéristiques déjà présentes chez le peintre de la cour française. — BIBLIOGRAPHIE M. Kusche, Retratos y retratadores Alonso Sánchez Coello y sus competidores Sofonisba Anguissola, Jorge de la Rúa y Rolán Mays (2003).
  • 26. 26
  • 27. 27 Fig. 4 Alonso Sánchez Coello Isabel de Valois 1560 Peinture sur toile 163 x 91,5 cm Vienne Kunsthistorisches Museum, (Inv. 3182) [Picture Gallery, Kunsthistorisches Museum] ATTRIBUTION L’attribution à Alonso Sánchez Coello ne semble pas être contestée. Ce fut sans doute la première opportunité pour cet artiste de peindre un grand portrait de cour. Ce premier portrait était celui qui déciderait de son futur à la cour espagnole et c’est assurément ainsi que le peintre l’a compris. — ÉTUDE DE L’OEUVRE La robe que porte Élisabeth nous permet de dater plus au moins l’œuvre. En effet ce vêtement est une robe à la française, telle que les portait la reine lors de son arrivée et de son installation en Espagne. La première robe en soie est de couleur saumon et elle est brodée
  • 28. 28 avec du fil d’or. En dessous, on distingue les manches et la seconde robe en damas blanc. La jupe correspond à la mode française avec une grande ouverture qui laisse voir le jupon. Le décolleté est recouvert par un tissu légèrement transparent orné de pierres et de perles. Le jeu de bijoux est très important dans ce vêtement : le décolleté se termine par une splendide bande de perles et de rubis incrustés en or, qui est répétée dans la coiffure et dans la ceinture. La combinaison de joyaux atteint son paroxysme avec le collier auquel est pendu, au centre, la perle Pérégrina, très prisée par les reines espagnoles. La jeune reine est placée à côté d’une fenêtre qui se termine par une colonne de jaspe. De cette fenêtre, situé dans l’Alcazar, on distingue le Tage et l’un de ses ponts. Le fond droit est très sombre, on ne distingue rien. Alonso Sánchez Coello propose une vue de la reine en légère contre-plongée, ainsi il donne l’impression qu’elle est plus grande, plus majestueuse (elle devient reine alors qu’elle n’a que 14 ans). Le cadrage assez rapproché montre la reine en pied, mais la jupe sort du cadre et entre presque dans l’espace du spectateur. La carnation d’Élisabeth est pâle (comme souvent dans les portraits de ce peintre de cour), de plus elle arrive tout juste de France et fut sans doute affaiblie par le voyage (cernes, peau terne et sans fraîcheur, visage fatigué). Le peintre, dans un esprit de véracité, reste fidèle à la réalité, mais il tente de chasser cette morosité avec l’éclat doux d’une gamme chromatique rouge. Le bras gauche complètement recouvert paraît presque sans vie, avec une main nerveuse qui presse le mouchoir (souvent présent pour donner une contenance) et le gant (représentatif du pouvoir). — ÉTUDE TECHNIQUE Ce portrait est réalisé à la peinture à l’huile sur toile, ce qui permet de donner toute leur texture aux différentes matières, et également d’apporter cet aspect éclatant et brillant qui donne une somptuosité à l’œuvre. Il semble que les quatre côtés du tableau furent coupés après l’achèvement de la toile, mais ne nous savons pas de quelles dimensions étaient les parties qui furent ôtées. L’état de conservation est plutôt satisfaisant, quelques petites pertes de peinture mais qui n’empêche pas d’admirer le portrait dans son entier et dans sa qualité d’origine. — ŒUVRES À METTRE EN RELATION Titien, Isabelle du Portugal, 1548, peinture à l’huile sur toile, 117 x 93 cm, Madrid, Musée du Prado (Inv. P00415) [Galeria Online Musée du Prado] (Fig. 4a) Alonso Sánchez Coello s’inspire indiscutablement du grand maître vénitien pour l’importance donnée au coloris, bien visible dans ce portrait d’Isabelle du Portugal. Mais il utilise aussi la méthode remarquable de Titien pour unir le corps du modèle avec le fond du tableau. Et, bien sûr, l’idée de représenter la reine à côté d’une fenêtre, ouvrant ainsi le champ visuel, n’est autre qu’un héritage du célèbre Titien. Rappelons qu’il fut le peintre de cour de la famille royale espagnole durant le règne de Charles Quint et sera très actif sous Philippe II. Il marqua largement la manière espagnole de peindre, dans la technique, la composition, la couleur, la position du modèle, etc.
  • 29. 29 Anthonis Mor, Juana de Portugal, 1560, peinture à l’huile sur toile, 195 x 105 cm, Madrid, Musée du Prado (Inv. P02112) [Galeria Online Musée du Prado] (Fig. 4b) Le peintre de cour, Alonso Sánchez Coello, fut un élève de Anthonis Mor, pourtant en comparant ces deux portraits datant de la même année, on voit clairement que le peintre espagnol s’est doucement éloigné du style de son maître hollandais. Anthonis Mor, contrairement à Alonso Sánchez Coello, ne cherche pas à créer un rapprochement entre le modèle et le spectateur, à l’inverse, il installe une distanciation élégante mais sévère. De plus, la position du modèle, presque de profil, comme pour montrer le moins possible de sa personne, ne s’accorde pas avec la volonté du peintre espagnol de montrer une reine accessible et l’intention de faire quasiment un portrait psychologique. Le cadrage aussi est beaucoup plus large, on retrouve ici la distance importante que mettaient les souverains de la péninsule ibérique entre eux et le peuple, ce qu’Élisabeth va un peu changer en Espagne. Sofonisba Anguissola, Infanta Isabella Clara Eugenia, 1599, Peinture sur toile, dimensions non renseignées, Madrid, Musée du Prado [Kusche M., 2003] (Fig. 4c) Ce portrait de la fille d’Élisabeth à l’âge de 23 ans reprend la pose de sa mère. Bien que le cadre soit complètement différent, tout comme le jeu de couleur très sombre ici, la princesse, déjà souveraine des Pays-Bas, pose sa main droite sur une chaise de la même manière qu’Élisabeth sur le bord de la fenêtre. Le bras gauche suit également la même typologie, laissé détendu le long du corps en tenant un mouchoir dans la main. Les deux tableaux respectent donc le schéma très conventionnel du portrait à la cour espagnole. Cependant Isabella Clara Eugenia à l’air moins tendue, plus à l’aise, peut-être car elle a grandi dans cette cour et connaît tous ses protocoles. Elle porte la même perle Peregrina, peut-être un héritage de sa mère, en tout cas cela atteste le goût porté à cette époque pour cette pierre. L’ambiance générale du portrait, en même temps obscur et chaleureux, n’a rien à voir avec celui d’Élisabeth. — BIBLIOGRAPHIE M. Kusche, Retratos y retratadores Alonso Sánchez Coello y sus competidores Sofonisba Anguissola, Jorge de la Rúa y Rolán Mays (2003).
  • 30. 30
  • 31. 31 Fig. 5 Anthonis Mor van Dashorst Isabel de Valois v. 1560 Peinture sur bois 104 x 84 cm Collection Varez Fisa [Kusche M., 2003] PROVENANCE Reginal Cholmondeley, Condover Hall Shrewsbury ; Christie’s, lote 59 (6 mars 1897) ; sans doute revenu à la famille qui le lègue aux derniers possesseurs. Acquis par l’actuel propriétaire à Monaco, le 15 juillet 1986. — ATTRIBUTION Maria Kusche, dans un article sur la portraitiste Sofonisba Anguissola en Espagne8 , parle de portrait en disant « [retrato] sobrecargado en vestimenta y algo insipido de expresion, atribuido a veces a Moro, pero que, seguramente, es de Jorge de la Rúa [Joris Van der Straaten], el tercer pintor retratista de la corte »9 . Max J. Fredländer pense, cependant, qu’il 8 M. Kusche, « Retratista en la corte de Felipe II junto a Sánchez Coello y Jorge de la Rúa », en Archivo Español de Arte, n°248, 1989, pp. 391-420. 9 « [portrait] surchargé de vêtements et avec quelque chose d'insipide dans l’expression, attribué parfois à Anthonis Mor, mais qui est sûrement de Jorge de la Rúa [Joris Van der Straaten], le troisième peintre portraitiste de la cour » (nous traduisons).
  • 32. 32 s’agit d’une œuvre de Anthonis Mor10 et Margrit A. Jay l’inclue également dans le groupe d’œuvres attribuées à Mor11 . Dans sa notice du catalogue d’exposition Alonso Sánchez Coello y el retrato en la corte de Felipe II12 , Élise Bermejo déclare que la réapparition de ce portrait, à Monaco en 1986, « nos produce la satisfacción de contar, en Espana, con esta magnifica pintura que creemos […] salida de los pinceles del gran maestro holandés quien, mas aún que Tiziano, influye en la fecunda escuela de retratistas espanoles. Las caracteristicas que se aprecian en la tecnica y modelado del rostro, el tratamiento de las telas y de los cabellos y, sobre todo, la intensidad de comunicacion con el espectador de la mirada del modelo son, absolutamente, tipicos de la manera de hacer de Antonio Moro »13 . Le débat pour l’attribution de ce tableau est donc encore présent. Dans son livre publié en 200314 , Maria Kusche réaffirme sa position. Mais les attributions de cette historienne sont bien souvent contestées. On restera donc avec la prise de position la plus courante en donnant sa paternité à Anthonis Mor. Cependant rappelons qu’il existe plusieurs portraits d’Élisabeth de Valois qu’on dit réalisés par ce peintre hollandais et on ne sait pas avec certitude quel est l’original. — ÉTUDE DE L’OEUVRE Ce portrait a dû être peint en Espagne dès les premiers mois de l’année 1560, c’est-à- dire juste après l’arrivée d’Élisabeth dans la péninsule ibérique et au moment de son mariage avec le roi Philippe II, à Guadalajara (au sud de Madrid). C’est grâce à une autre œuvre du même peintre qu’on peut dater cette toile, un portrait de Jan Van Scorel (maître de A. Mor), en forme de tondo et conservé à la Société des Antiquaires de Londres. Il est signé et daté (ANT. MORUS PHI. HISP. REGIS PICT. A.M.D.L.X). On pense que le peintre l’aurait réalisé juste à son retour des Pays-Bas. La jeune Élisabeth, fiancée ou tout juste mariée, est représentée jusqu’aux genoux et légèrement tournée vers la droite. Cette pose est très fréquente dans les portraits d’Anthonis Mor. La main gauche du modèle est appuyée sur une table, couverte par un napperon vert foncé, mais elle se laisse subtilement tomber du bord de la table. C’est un détail à prendre en compte car c’est la principale différence avec le portrait de Alonso Sánchez Coello (fig. 5a) où la main apparaît avec la paume parfaitement déposée sur la table. Le bras droit est relâché le long du corps et, dans la main droite, on trouve un mouchoir blanc. Le vêtement en soie, rouge carmin et brillant (par la richesse des broderies en or avec des perles ou par la magnificence des bijoux qui brillent autour du cou, à la ceinture et qui ornent la chevelure) correspond parfaitement à la somptuosité présente à la cour espagnole de l'époque. Pour l’étude du costume, on se reporte à l’étude de Carmen Bernis, spécialiste du costume espagnol. Il s’agit d’une robe de grand apparat, sans doute celle qu’Élisabeth portait le jour de son mariage. Carmen Bernis se rapporte à un portrait de la Duchesse d’Alba de la collection Finat15 . Elle déclare que la robe peut « ilustrar... los vestidos que llevaban las damas... en las bodas del Duque de Sesa y en las de la Condesa de Niebla celebradas ambas en 1541... llevaban bajo las mangas de la saya unas manguillas de tela de plata o de oro 10 M. J. Fredländer, Earl Netherlandish Painting. Antonis Mor and his Contemporaries, Vol XIII, Leyden- Bruselas, 1975 (Commentaires et notes H. Pauwels et G. Lemmens), n°397, lam. 191. 11 M. A. Jay, Antonio Moro : A Royal Court Painter, 1519-1576, Dep. H. Texas Christian University. Publ. University Microfilms International. Ann Arbor, 1983. 12 E. Bermejo, « Notice du portrait d’Élisabeth de Valois peint par Anthonis Mor vers 1560 et conservé au Musée du Prado », dans Alonso Sánchez Coello y el retrato en la corte de Felipe II, Madrid, 1990, pp. 131-132. 13 « nous produit la satisfaction de voir, en Espagne, cette peinture magnifique que nous considérons comme sorties des pinceaux du grand maître hollandais, celui qui, encore plus que Titien, a eu une influence sur l'école des portraitistes espagnols. Les caractéristiques de la technique et du modelé du visage, le traitement des tissus et des cheveux et, surtout, l'intensité de communication entre le regard du modèle et sont, absolument, typiques de la manière de faire d'Anthonis Mor » (nous traduisons). 14 M. Kusche, opus cit., note 7. 15 C. Bernis, Indumentaria española en tiempo de Carlos V, Madrid, 1962.
  • 33. 33 recubiertas de red y gorguera haciendo juego con las mangas16 ». Elle ajoute une chose très importante « Las caprichosas mangas de encima, de la Duquesa, se repiten en retratos del reinado de Felipe II »17 . Si l’on compare l’illustration, que C. Bernis publie, avec le portrait d’Élisabeth de Valois, on remarque rapidement la similitude des formes sophistiquées des manches des deux robes. On peut donc pousser la conclusion jusqu’à penser qu’il devait s’agir, pendant plusieurs années, d’une mode réservée pour les cérémonies officielles. — ÉTUDE TECHNIQUE Dans le catalogue d’exposition Alonso Sánchez Coello y el retrato en la corte de Felipe II, dont nous avons déjà cité une notice18 , nous pouvons également trouvé une étude technique de cette œuvre, avec à l’appui les radiographies du portrait étudié (et de sa copie principale, celle d’Alonso Sánchez Coello). Grâce à celles-ci, nous voyons que les détails sont très précis et minutieux, il n’y a pas de place à l’improvisation. La façon de peindre le costume est largement étudiée. La robe est délimitée au moyen de coups de pinceau blancs, longs et minces. Les lumières sur les plis sont fortement marqués par de rapides traits réalisés grâce à un pinceau fin. On peut voir ainsi ces lumineux coups de pinceau dans le tissu carmin du vêtement, dans les ouvertures blanches des manches ou encore dans ces manches sophistiquées. Les broderies de perles et d’or du costume rouge, ainsi que le zigzag dorés sur les manches blanches, provoquent un fort contraste, et apportent une clarté au tableau. De plus, l’étude radiographique montre que c'est une œuvre bien élaborée et travaillée en profondeur. Elle a été réalisée sans rectification importante. Nous pouvons, cependant, remarquer la petite correction du majeur de la main droite, peint finalement plus ouvert que dans un premier temps. Le bord de la main a également légèrement varié. Grâce à l’infrarouge, on peut voir apparaître des traits fins de dessin autour des mains ou sur le visage pour marquer les yeux, la bouche, le nez, le contour, etc. L’état de conservation de la peinture est assez bon, bien qu’en quelques endroits elle soit un peu endommagée, principalement sur le visage, sur le sourcil, à la base du nez et au menton (surtout du coté droit). Le support est d'un bois de chêne. La plus grande partie étant recouverte d'un papier, dans la tradition des peintures hollandaises. Il est formé par trois montants de dimensions similaires, unis au moyen de chevilles du même bois. — COPIES Alonso Sánchez Coello, Isabel de Valois, v. 1560, Peinture à l’huile sur toile, 113 x 94 cm, Madrid, Collection Varez Fisa, [Kusche M., 2003] (Fig. 5a) Ce portrait, réalisé par Sánchez Coello, est une copie de l’œuvre peinte par son maître, Anthonis Mor. Mais plus qu’une copie, on peut parler d’une deuxième version du tableau, Sánchez Coello reproduit la composition et l’interprétation du peintre hollandais, mais il donne à Élisabeth une nouvelle expression. Une des différences entre les deux tableaux est l’agrandissement du cadrage dans la version du peintre espagnol. Il a environ 10 cm de plus dans la hauteur comme dans la largeur. Le haut, le bas et le côté droit du cadre sont donc un peu plus développés. Le bord gauche a, lui, gardé le même cadrage. Cette amplification permet de voir une plus grande partie du mouchoir blanc que Élisabeth tient dans sa main droite. Sa main gauche est également légèrement modifiée, elle ne se laisse plus tomber de manière nonchalante de la table, mais, on l’a vu, elle est posée de tout son long sur son 16 « illustrer... les vêtements que portaient les dames... aux noces du Duc de Sesa et à celles de la Comtesse de Niebla, célébrées toutes deux en 1541... Elles portaient sous les manches de la jupe quelques petites manches en tissu en argent ou de l'or (…) et de gorgerette en faisant un jeu avec les manches » (nous traduisons). 17 « Les manches particulières, de la Duchesse, se répètent dans des portraits du règne de Philippe II » (nous traduisons). 18 Alonso Sánchez Coello y el retrato en la corte de Felipe II, op. cit. note 12.
  • 34. 34 support. La lumière vient frapper plus fortement le costume, sur lequel on voit de nombreux reflets. D’après Stéphanie Breuer-Hermann19 , le portrait de l’élève est d’une meilleure qualité. Les effets de matière sont représentés de manière plus réaliste, le visage est plus distingué, majestueux et distant. La différence de support (le premier en bois, le second en toile) différencie aussi largement le rendu final de l’un et l’autre. On remarque enfin une plus grande distanciation dans la deuxième version, qui correspond aux normes de l’étiquette à la cour espagnole avec une quasi divinisation de la figure des souverains. Ainsi, Sánchez Coello ne fait pas sienne la technique flamande, qu’il a appris avec Anthonis Mor. Au contraire, il s’inspire plus de l’esprit italien qu’on retrouve dans les peintures espagnoles du XVIe siècle. Alonso Sánchez Coello, portraitiste de cour, a sans doute, reçu la commande de reproduire le tableau peint par Anthonis Mor afin de l’envoyer dans les cours européennes, et plus particulièrement dans celles ayant des relations familiales avec la cour de Philippe II. Juan de la Rúa, Isabel de Valois, vers 1560, peinture sur toile, dimensions non renseignées, New-York, commerce [Kusche M., 2003] (Fig. 5b) Cette version du portrait largement amplifiée est attribuée, par Maria Kusche20 , à Juan de la Rúa. Nous ne savons pas précisément quel fut le lien de ce peintre avec l’original ou avec la copie de Alonso Sánchez Coello. Sauf bien sûr qu’il fut lui aussi peintre à la cour du roi d’Espagne et lui aussi au service d’Élisabeth. Ce qui est somme toute une explication suffisante. Le cadrage, considérablement allongé vers le bas, prend désormais en compte la quasi-totalité de la robe, il s’agit d’un portrait en pied (le mouchoir est alors complet). Le meuble sur lequel la main gauche repose est, lui aussi, agrandi vers le bas en répétant le même motif. Un élément a également été rajouté : le tissu en velours verdâtre. Au XVIe siècle, la présence d’un rideau a, généralement, pour but de marquer une distinction entre l’espace royal (celui de la reine) et l’espace public (celui du spectateur). De plus, celui-ci est fait dans un tissu noble et cher, mais aussi lourd, ce qui appuie le caractère de richesse et de convention. La position et la tenue du modèle sont identiques. Cependant on peut voir dans l’élaboration de la robe, et surtout de la jupe, que le talent du peintre n’est pas comparable à celui du maître flamand ou de son élève espagnol. Ici, le tissu paraît strictement droit, comme un aplat de couleur, alors que dans les 19 S. Breuer-Hermann, « Notice du portrait d’Élisabeth de Valois peint par Alonso Sánchez Coello vers 1560 et conservé au Musée du Prado », dans Alonso Sánchez Coello y el retrato en la corte de Felipe II, op. cit. note 12, pp. 132-133. 20 M. Kusche, op. cit. note 7.
  • 35. 35 deux versions précédentes (même si on ne voit que le haut de la jupe) le volume est beaucoup plus présent, avec un jeu de lumières et/ou de reflets. Il manque le damassé du tissu. Les détails que l’on apprécie dans les exemplaires courts ne sont pas ou peu présents. Le visage de la reine est également moins personnalisé, il est comme idéalisé ou rajeuni. Il s’apparenterait presque plus au portrait réalisé par Clouet et conservé dans l’Ohio (fig. 4). Mais nous ne savons pas si ce tableau a pu être vu par Juan de la Rúa. Pierre Novelliers, Isabel de Valois, v. 1600, peinture sur toile, dimensions non renseignées, New-York, collection particulière [Kusche M., 2003] (Fig. 5c) Ce portrait est indiscutablement une copie de celui de Juan de la Rúa. Il reprend à la fois le cadrage (portrait en pied), les ajouts (amplification du meuble, de la robe et du mouchoir, ainsi que la présence du rideau), la représentation des textures, des matières tout comme la forme et l’expression du visage. Cependant la qualité paraît plus faible. Le visage, les mains et les gants sont peu travaillés et les nœuds des pointes sont peints de manière monotone. Maria Kusche propose qu’il soit de la main de Pierre Novellier21 , peintre de cour de l’Infante Isabelle Clara Eugénie. Le lien avec la fille de la reine est assez évident car on sait qu’à la fin du siècle, alors qu’elle se trouve aux Pays-Bas, elle est en possession d’un exemplaire de cette représentation. Sans pour autant savoir s’il s’agit d’une copie ou de l’original, et sans savoir non plus de quel format il s’agit. Peut-être existait-il deux originaux dès l’origine de Moro un court et un en pied ? Anthonis Mor (?), Isabel de Valois, v. 1560, Huile sur bois, 107,1 x 78,6 cm, Musée du Liechtenstein, [Galerie on-line du musée du Liechtenstein] (Fig. 5d) Cette œuvre est, d’après le site du musée du Liechtenstein, attribuée à Anthonis Mor. Cette attribution nous paraît cependant contestable, au vu du débat précédemment cité. On remarque des différences par rapport à l’œuvre dite originale, la principale étant l’apparition de la fenêtre (à la manière de Rubens dans la figure 8a). Les cheveux d’Élisabeth de Valois paraissent ici plus roux. Les différents tons du tableau sont plus ternes et plus foncés que dans les versions vues précédemment. Pierre Paul Rubens, Isabel de Valois, v. 1609, Dessin sur papier blanc, dimensions et lieu de conservation non renseignés, [Kusche M., 2003] (Fig. 5e) Ce dessin du maître flamand fut réalisé sur une feuille de papier blanc qui porte une dédicace aux ancêtres bourguignons des Habsbourg. Il a du être réalisé aux Pays- 21 M. Kusche, op. cit. note 17.
  • 36. 36 Bas, durant la présence de Isabelle Clara Eugénie qui, donc, avait sans doute emmené avec elle le portrait de sa mère. Cette copie pose question : Rubens développe le bas du corps sans pour autant ne faire davantage qu’une esquisse. Il dessine le mouchoir en entier, alors que dans la version de Anthonis Mor, il est coupé. On ne peut donc savoir si Rubens s’inspire de l’original ou de la copie d’Alonso Sánchez encore sur la version de Juan de la Rúa Coello ou de Pierre Novelliers ? Remarquons que la main gauche d’Élisabeth suit la proposition faite par Sánchez Coello. Cependant le support n’est pas représenté (ce qui ne nous aide pas à savoir si l’artiste s’appuie sur l’une ou l’autre des œuvres). Cette main semble ainsi être suspendue dans le vide. — ŒUVRES À METTRE EN RELATION Alonso Sánchez Coello, Anne d’Autriche, reine d’Espagne, 1571, peinture à l’huile sur bois, 176 x 98 cm, Vienne, Kunsthistorisches Museum, (Inv. GG 1733) [Wikimédia] (Fig. 5f) Ce portrait d’Anne d’Autriche (successeuse de Élisabeth à la couronne d’Espagne) n’est pas similaire à celui de notre reine, mais il est comparable, principalement au niveau de la composition et par rapport aux portraits en pied d’Élisabeth. Le modèle est tourné de la même façon (à l’opposé cependant), avec un corps légèrement en rotation dans un sens alors que la tête pivote de l’autre côté pour regarder le spectateur. La présence du rideau sur le côté droit du tableau est également semblable, et remplit la même fonction. On retrouve également le jeu des bras, un tendu, l’autre plié, qui permet de donner du mouvement, et donc de la vie dans un corps qui pose de manière noble et quasiment statique. En étudiant les bras, la similitude de lignes dans les manches est visible, c’est-à-dire que dans les deux portraits la robe présente des ouvertures au niveau des bras qui laissent percevoir le vêtement dessous. On peut noter qu’il s’agit d’une mode qui restera dans les coutumes du costume espagnol. Enfin, on note la présence du mouchoir, beaucoup plus luxueux et donc plus travaillé que dans le portrait de la troisième épouse de Philippe II. Il remplit lui aussi la même fonction : tout simplement donner une contenance à la reine. —
  • 37. 37 BIBLIOGRAPHIE Alonso Sánchez Coello y el Retrato en la Corte de Felipe II, juin-juillet 1990, Madrid, Musée du Prado (1990). M. Kusche, Retratos y retratadores Alonso Sánchez Coello y sus competidores Sofonisba Anguissola, Jorge de la Rúa y Rolán Mays (2003), pp. 125-129. El retrato del Renacimiento (dir. Miguel FALOMIR FAUS), Notice de l’oeuvre écrite par Leticia Ruiz Gómez, Madrid (2008), pp. 344-346.
  • 38. 38
  • 39. 39 Fig. 6 Sofonisba Anguissola Isabel de Valois 1561 Peinture sur toile 206 x 123 cm Madrid, Musée du Prado (Inv. 1031) [Galeria online, Museo Nacional del Prado] PROVENANCE Collection royale d’Espagne. — ATTRIBUTION L’attribution de cette œuvre fut assez discutée. Elle a tout d’abord été attribuée à Alonso Sánchez Coello, puis à Pantoja de la Cruz (attribution qui est d’ailleurs toujours mentionnée
  • 40. 40 dans le cartel présentant l’œuvre au Musée du Prado et dans la notice sur le site Internet de ce musée22 ) tout en précisant qu’il s’agit franchement d’une copie d’un original de Sánchez Coello ou de Sofonisba Anguissola23 . En effet la souveraine ressemble grandement au portrait de trois quarts que Pantoja de la Cruz a peint d’après l’original de Sofonisba Anguissola pour la galerie du Pardo. M. Kusche propose aussi la théorie suivante : ce tableau serait le deuxième portrait de pied d’Élisabeth peint par Sofonisba Anguissola, le premier (disparu) étant celui peint en 1561 et ayant été envoyé au pape Pie IV. Nous prendrons ici l’attribution choisie dans le catalogue de l’exposition de 199024 en donnant la maternité de ce tableau à Sofonisba Anguissola. — ÉTUDE DE L’OEUVRE L’artiste a dû peindre ce portrait aux environs de 1561, c’est-à-dire peu de temps après le mariage royal de 1560. La robe nous aide à dater cette toile. A cette époque la forme du col évolue. Le rabat du col est ici ouvert par-devant, vers 1565 la fraise deviendra plus large. La toile serait donc peinte avant 1565. En étudiant ce col, on peut également voit l’apport d’Élisabeth dans la mode du costume espagnol, un liseré en or cousu sur les petites pointes blanches du col sont un détail que la reine a apporté de France et qui est devenu à la mode en Espagne. Dans une notice de la base d’images Joconde, il est proposé la datation de 1565 et l’attribution à Sofonisba Anguissola, dame d'honneur et peintre attitrée de la reine. Elle aurait peint Élisabeth lors de "l'Entrevue de Bayonne" avec sa mère et son frère, roi de France, ce tableau illustrerait alors le rôle de la reine comme ambassadrice de son époux le roi d'Espagne Élisabeth est représentée en pied dans un espace réel, composé d’une pièce (on voit le sol, le mur du fond ainsi que l’espace d’une fenêtre) et d’un piédestal ou d’une colonne sur laquelle la reine est appuyée (symbole du pouvoir, particulièrement dans la famille Habsbourg). Elle est richement vêtue et tient dans la main un médaillon (ou un camée) comportant une miniature du portrait de Philippe II. La composition du tableau suit les normes du portrait de cour établies par Titien et par Anthonis Mor, elle est compacte sans être monotone. La technique est fine, douce et détaillée, elle reflète un ensemble harmonieux. La lumière illumine le visage, et est renvoyée par les manches blanches et brodées, ainsi que par la doublure. — ÉTUDE TECHNIQUE Pour cette étude nous nous servirons une fois de plus du catalogue de l’exposition madrilène de 199025 . Les détails de la peinture sont très précis mais ont peu de contraste. La densité du fond et la faible couche de peinture font que la délimitation des contours est à peine visible. L’attention portée dans la facture et la précision n’est pas égale dans la globalité de l’œuvre. Le visage ou les mains par exemple ne furent pas autant travaillés qu’on pourrait s’y attendre. Les broderies des vêtements, comme les nombreuses joailleries, ont été peintes par de petites touches de peinture, peu chargées en matière, suivant une technique maniériste. La radiographie de la toile nous permet de supposer, par la présence de traces claires dans le fond, que la première idée du peintre fut d’élaborer une composition différente, peut- être avec le modèle un peu plus à droite. Il existe également un changement de composition à la base de la colonne. Le soubassement carré actuel a été initialement peint en forme 22 http://www.museodelprado.es/coleccion/galeria-on-line/. 23 M. Kusche, Juan Pantoja de la Cruz, Madrid, éd. Castalia, 1964, p. 193 et S. Breuer, Alonso Sánchez Coello, Munich, 1984, pp. 11, 171 et 285. 24 S. Breuer-Hermann, « Notice du portrait d’Élisabeth de Valois peint par Sofonisba Anguissola vers 1561 et conservé au Musée du Prado », dans Alonso Sánchez Coello y el retrato en la corte de Felipe II, op. cit. note 12, p. 133. 25 Alonso Sánchez Coello y el retrato en la corte de Felipe II, op. cit. note 12.
  • 41. 41 échelonnée et légèrement pyramidale. La radiographie exprime clairement les lignes de son élaboration architectonique. Cette étude scientifique nous permet également de voir que l’état de conservation de la peinture n’est pas très bon. Il y a de nombreux endroits où il manque de la matière, principalement du côté droit, autour de la fenêtre. Cependant ces imperfections ne se voient pas forcément à l’œil nu. Le tissu original peut directement être vu sur les bords du châssis, où il dépasse de 3 cm après avoir été retendu. Sur le bord supérieur et sur le latéral gauche, le tissu a été doublé (la peinture présente est toutefois originale) alors que les bords droit et inférieur sont restés intacts. — COPIES Gaspare Oselli, Élisabeth de Valois, 1569, gravure, dimensions non renseignées, Austriacae gentis imaginum, [Édouard S., 2009] (Fig. 6a) Cette gravure, qui date de quelques années après notre peinture, s’en inspire largement. On retrouve la position de la reine, qui tient, dans une main droite légèrement relevée, une miniature, qui semblerait être également le portrait de son époux Philippe II. La position du bras et de la main gauche est exactement la même que dans l’œuvre de Sofonisba Anguissola. La robe aussi paraît avoir été inspirée par celle portée par Élisabeth. Cependant la représentation des couleurs n’est plus la même (bien que la gravure soit en noir et blanc, la robe apparaît claire et non plus foncée). Les textures aussi sont modifiées, alors que, dans la peinture, le tissu est présenté comme assez souple. Ici il est représenté plus lourd, moins flexible. Le costume statufie un peu la position de la reine. D’autres modifications peuvent être remarquées,. La coiffure, par exemple, est ici coiffée d’une couronne, exprimant clairement le statut de souveraine. Et, bien sûr, le cadre, dans lequel Élisabeth est représentée, a été complètement modifié. Ici, elle est montrée sur une estrade. Dans le fond on perçoit une architecture qui sert à encadrer le modèle. Celui-ci devient ainsi presque une sculpture, une statue. — ŒUVRES À METTRE EN RELATION Anthonis Mor, Marie d’Autriche, épouse de l’empereur Maximilien, 1551, peinture à l’huile sur toile, 181 x 90 cm, Madrid, Musée du Prado (Inv. P02110) [Galeria online, Museo Nacional del Prado] (Fig. 6b) Ce portrait est celui de Marie d’Autriche qui est la sœur de Philippe II, autrement dit la belle-sœur d’Élisabeth de Valois. Il fut réalisé huit ans avant que cette dernière accède au trône espagnol. La filiation dans ces deux portraits est, semble-t-il, assez claire. Tout d’abord, on retrouve quasiment la même composition, la reine est en pied, avec sur sa droite une colonne, représentant le pouvoir de la famille des Habsbourg (à laquelle toutes deux appartiennent, l’une
  • 42. 42 par sang, l’autre par alliance). Mais ce n’est pas tout, les deux vêtements peuvent être aussi rapprochés, toutefois uniquement si l’on s’intéresse à la jupe. A partir de la ceinture, en or et pierres précieuses, la jupe reprend le même patron, les mêmes couleurs (toujours très sombres dans cette famille) et les petites touches d’or qui suivent le centre du corps. A l’inverse, le haut de la robe est complètement différent. Alors que la robe d’Élisabeth la couvre entièrement ne laissant rien voir de son décolleté, Marie d’Autriche offre sa peau à la vue de tous, tout en respectant une ligne très sobre. Anonyme d’après Anthonis Mor, Jeanne d’Autriche, avec un esclave, 1553, peinture à l’huile sur toile, 99 x 81,5 cm, Bruxelles, Musées royaux des beaux-arts de Belgique (Inv. 1296) [Galerie web des musées royaux des beaux-arts de Belgique] (Fig. 6c) Ce portrait présente Jeanne d’Autriche, autre sœur de Philippe II. Il est également peint par Anthonis Mor, ou plutôt d’après un des portraits de celui-ci (le site web des musées royaux de Belgique l’attribue d’ailleurs à Cristóvão de Morais, mais sans certitude). On retrouve la même composition que dans le portrait d’Élisabeth avec la colonne et la position du modèle (les bras droits ont la même ligne, celui de Jeanne s’appuyant sur la tête d’une petite fille, celui d’Élisabeth sur la colonne). Mais ce qui nous intéresse ici, c’est donc le costume. Ce portrait est postérieur de deux ans à celui de sa sœur, pourtant la robe est beaucoup plus semblable à celle portée par la troisième épouse de Philippe II. Bien que la mode ait pu changer rapidement, il faut plutôt y voir une habitude vestimentaire de la péninsule ibérique. D’ailleurs on pourrait sans doute rapprocher la silhouette de la robe de Marie d’Autriche avec les robes françaises de l’époque. François Clouet, Elisabeth de Valois, av. 1559 (voir fig. 4) Ce portrait fait par François Clouet a pu inspirer Sofonisba Anguissola, au niveau de la forme, des traits et de l’expression du visage, de ce qu’il transmet. Bien que la technique du dessinateur n’a rien à voir avec l’interprétation hispanisante (idéal courtisan) de la peintre italienne. Sofonisba Anguissola, Diane d'Andoins dite "Corisande", comtesse de Guiche, et sa fille, 1565, peinture à l’huile sur bois, 170 x 120 cm, Bayonne, Musée Basque et de l'Histoire de Bayonne (Inv. G2) [Base Joconde] (Fig. 6d) La portraiture de la comtesse et de sa fille peut nous rappeler celui d’Élisabeth, dans le costume, la composition ou encore les traits physiques de la mère. Diane d’Andoins est habillée avec un vertugadin cloche à l’espagnole que l’on voit très peu en France, mais qu’Élisabeth de Valois porte à la cour d’Espagne à partir des années 1560. Il s'agit d'une "saya" à broderies de perles et de fils d'or, avec collier et ceinture de
  • 43. 43 pierres précieuses. La fillette porte le même genre de vêtement, qui est proche de celui que porte Élisabeth dans notre tableau (exceptée la couleur). Les accessoires de la mère sont aussi similaires : les bagues sont portées aux mêmes doigts, la ceinture en joaillerie est très proche. Le collier possède un motif identique à celui de la reine d'Espagne. La composition du portrait de face, en pied, à côté d'une colonne de marbre, est explicitement copiée sur le tableau du Prado. Enfin la physionomie de la comtesse n’est pas sans nous rappeler celle de la reine. Les cheveux sont implantés quasiment au même endroit, son front et son nez sont également ressemblants. La structure osseuse du visage est cependant plus maigre. Sofonisba Anguissola, Isabel de Valois, après 1581 (voir fig. 11) On peut comparer ce tableau, bien que beaucoup plus tardif, avec la peinture de 1561. Cette peinture est dans un très mauvais état de conservation mais on voit tout de même la similitude de la forme du visage et dans ses traits (les sourcils élevés, les pâles carnations, presque sans ombres). Seules les joues roses et le léger sourire ébauché sur sa bouche donnent un minimum de plasticité à la figure. Sofonisba Anguissola, Infante Isabelle Clara Eugénie, 1599, Peinture à l’huile du toile, dimensions non renseignées, Madrid, Musée du Prado [Kusche M., 2003] (Fig. 6e) La robe portée par la fille d’Élisabeth, Isabelle Clara Eugénie portraiturée à la fin du siècle, peut nous rappeler celle portée par sa mère dans ce portrait en pied d’Anguissola. La ceinture serait d’ailleurs exactement la même puisque Isabelle Clara Eugénie l’a reçue comme héritage de la reine. Cependant, on voit quelques modifications, par exemple au niveau du col qui suit l’évolution dont nous avons déjà parlée. La ceinture est assez ressemblante. — BIBLIOGRAPHIE Alonso Sanchez Coello y el retrato en la corte de Felipe II au Musée du Prado (1990). S. Breuer, Alonso Sánchez Coello (1984). M. Kusche, Juan Pantoja de la Cruz (1964). M. Kusche, Retratos y retratadores Alonso Sánchez Coello y sus competidores Sofonisba Anguissola, Jorge de la Rúa y Rolán Mays (2003). El retrato del Renacimiento (dir. Miguel Falomir Faus), Notice de l’oeuvre écrite par Leticia Ruiz Gómez, pp. 402-403 (2008). L. Campbell, Portraits de la Renaissance : la peinture des portraits en Europe aux XIVe, XVe et XVIe siècles, (1991).
  • 44. 44
  • 45. 45 Fig. 7 Juan Pantoja de la Cruz, copie selon Sofonisba Anguissola de 1561 La reina Isabel de Valois, tercera esposa de Felipe II v.1605 Peinture à l’huile sur toile 121,1 x 84 cm Madrid, Musée du Prado (Inv. P01030) [Galeria online, Museo Nacional del Prado] PROVENANCE Coïncide avec la description qui figure dans la « memoria de retratos que se han hecho para la Casa Real de El Pardo26 » du 4 décembre 1612, qui remplace les toiles qui ont brûlé dans l’incendie du 13 mars 1604. — ATTRIBUTION 26 « mémoire des portraits qui ont été fait pour la Maison Royale du Pardo » (nous traduisons).
  • 46. 46 Ce portrait a toujours été considéré comme une copie de Pantoja de la Cruz d’après une œuvre de Sofonisba Anguissola. Pantoja peignit le portrait de la reine, et trente-deux autres, pour remplacer ceux qui ont brûlé dans l’incendie de la Galerie des Portraits du Palais du Pardo en 1604. Grâce à Argote de Molina, nous savons quels étaient les portraits qu’il y avait dans le Pardo, entre lesquels on trouve un représentant « Doña Ysabel Reyna de España, tercera muger del Rey don Felipe… de mano Sophonisba, Dama que truxo de Francia, excellentissima en retratar, sobre todo los peintores desta edad »27 . Nous avons aussi une note de Philippe II qui ordonne au peintre de chambre Pantoja de la Cruz de réaliser des copies des originaux du Pardo. On peut donc déduire que ce portrait d’Elisabeth de Valois fut peint d’après un original, aujourd’hui perdu, de Sofonisba Anguissola, bien que le portrait de Sánchez Coello montre le visage du modèle de manière complètement différente. — ÉTUDE DE L’OEUVRE Élisabeth de Valois est peinte dans un espace composé d’une chaise (symbole du trône) et d’un rideau (symbole de haut rang ou qui peut être utilisé comme séparation entre l’espace royal et le reste). Elle appuie son bras droit sur un fauteuil courtois, symbole de sa position élevée à l'intérieur de la cour (elle est tout de même la reine). Elle soutient avec ses deux mains une chaîne élégante en l'or, qui s’achève par une riche pièce du même métal et avec des pierres précieuses. La Reine est habillée avec un vêtement de teinte austère en velours noir, qui suit la mode espagnole de l'époque. Ce portrait révèle une certaine contradiction : l’harmonie de la composition, la facture libre de la dentelle et des manches, le modelé décidé des yeux ne correspondent pas avec l’aplatissement de la silhouette contre le fond et la dureté de la robe. Cela donne l’impression que la grâce du portrait est rattrapée par la rigidité du costume et du fond. Le mouvement de la chaîne, ajouté aux tons rouges de noeuds et des manches, octroient au portrait une certaine variation et un dynamisme. Pantoja utilise ces qualités pour s’éloigner de la rigidité étatique présente dans l’art du portrait espagnol. Cependant, il suit les directives définies aux temps de Philippe II, accentuant la solennité de l'image royale au moyen du geste froid et impassible du personnage. — ÉTUDE TECHNIQUE La radiographie confirme l’hypothèse de la copie d’un original perdu. Quand un peintre crée une œuvre, l’élaboration est supérieure à une réplique. Ceci est d’autant plus vrai si la copie est réalisée par un autre peintre. Elle nous permet de percevoir une tache blanche particulièrement dense, autour de la tête, un peu à gauche. Cette zone peut avoir deux explications. Soit il s’agit d’une intention technique pour donner une plus grande luminosité à cette partie, soit elle correspond à une conception antérieure du tableau. La toile est assez bien conservée. Les pertes les plus importantes de préparation et de couleur se trouvent l'une en dessous de l’épaule gauche, et l'autre sur le bord et près l'index de la main du même côté. Les quatre cotés ont des usures et des manques de peinture qui correspondent au frottement du tissu sur un ancien châssis. Sur le côté droit, la marque coïncide avec un ajout original de tissu (environ 4 centimètres). Au centre du tableau, sous la barre transversale du châssis, on remarque également des dégradations. — COPIES 27 « Dame Elisabeth Reine d’Espagne, troisième femme du Roi Philippe… de la main de Sofonisba, Dame venue de France, excellentissime en portrait, surtout en comparaison aux peintres de cette époque » (nous traduisons).
  • 47. 47 Pierre Paul Rubens (atelier), Isabel de Valois, 1603, huile sur toile, dimensions non renseignées, Toledo, Collection privée, [Kusche M., 2003] (Fig. 7a) En 1603, le duc de Mantua envoie Rubens en Espagne dans une mission diplomatique. À son arrivée, il entre en contact avec le duc de Lerma et a peut-être copié certains des portraits peints par Sanchez Coello ou Pantoja de la Croix entre lesquels nous trouverions celui-là. La reine apparaît habillée exactement suivant le modèle du portrait de Juan Pantoja de la Cruz. Son corps se découpe devant une balustrade (derrière laquelle on peut contempler un paysage) et des rideaux. Élisabeth appuie son bras gauche sur un fauteuil avec une fine tapisserie. Le style, très détaillé et minutieux, est d'inspiration flamande, rappelant les œuvres d'Anthonis Mor. — ŒUVRES À METTRE EN RELATION Anthonis Mor, Marquise de las Navas, XVIe siècle, huile sur toile, dimensions non renseignées, Tolède (Espagne), Hôpital de Tavera, Musée du duc de Lerma, [www.oronoz.com] (Fig. 7b) En étudiant cette œuvre de Anthonis Mor, on peut voir comment le style de ce peintre a été utilisé dans la création du portrait de cour espagnol. La position du corps du modèle est approximativement la même que celle d’Élisabeth, seul le bras gauche a été modifié par Sofonisba Anguissola. On retrouve la chaise et les deux femmes appuient leur bras droit dessus (on ne retrouve pas dans la tradition iconographique espagnole des portraits assis comme ceux de Titien par exemple). Le costume et les couleurs sont également assez semblables, avec une austérité, une certaine rigidité et une distanciation très présentes à cette époque dans le royaume hispanique. Anthonis Mor, Anne d’Autriche, reine d’Espagne, 1570, huile sur toile, 161 x 110 cm, Vienne, Kunsthistorisches Museum, (Inv. P01137) [Wikimédia] (Fig. 7c) Ce portrait réalisé après la mort d’Élisabeth par le maître hollandais, nous montre la continuité de cette composition et de ce style dans l’art de cour espagnol. Bien que plus austère que le portrait de la troisième épouse de Philippe II, qui entre le costume, les bijoux et les tissus nous montre la magnificence de la reine, on retrouve les couleurs (noir et un dégradé d’oranges), la chaise, ou encore le patron de la robe qui a, somme toute, quelque peu évolué.
  • 48. 48 Alonso Sánchez Coello, La infanta Isabelle Clara Eugénie, 1579, huile sur toile, 116 x 102 cm, Madrid, Musée du Prado (Inv. P01137) [Galeria online, Museo Nacional del Prado] (Fig. 7d) La fille d’Élisabeth de Valois et de Philippe II, est représentée à l'âge de treize ans, avec un geste distant et élégant. Le cadrage la montre en pied et de trois quarts, selon la même typologie que l’œuvre copiée de Juan Pantoja de la Cruz, étendue chez les portraitistes de cour de ce moment. On retrouve une similitude, avec sa mère, dans ses vêtements (cf. fig. 8, pour les manches) et dans ses accessoires (bijoux, ceinture…). La position debout à côté d’un fauteuil avec le bras comme négligemment abandonné reprend une fois encore la composition courante de l’époque. L'œuvre montre la dépendance de Sanchez Coello au modèle du portrait de cour créé par Anthonis Mor, en détachant ses qualités pour capter les détails de bijoux et de tissus. — BIBLIOGRAPHIE Alonso Sanchez Coello y el retrato en la corte de Felipe II au Musée du Prado (1990). S. Breuer, Alonso Sánchez Coello (1984). M. Kusche, Juan Pantoja de la Cruz (1964) . M. Kusche, Retratos y retratadores Alonso Sánchez Coello y sus competidores Sofonisba Anguissola, Jorge de la Rúa y Rolán Mays (2003). L. Roblot-Delondre, Portraits d’Infantes XVIe siècle (1913).
  • 49. 49 Fig. 8 Alonso Sánchez Coello Isabel de Valois 1570 Peinture sur toile 51,5 x 44,5 cm Florence, Musée des Offices (Inv. 9955) [www.myartprints.com] ATTRIBUTION Anciennes attributions à l’école de Frans Pourbus le Jeune ou à l’école flamande du XVIe siècle. — ÉTUDE DE L’OEUVRE Cees anciennes attributions sont sans doute le fait que cette œuvre est très ressemblante à l’œuvre de Anthonis Mor (fig. 6). De plus, comme nous l’avons déjà vu, Alonso Sánchez Coello, fut l’élève de ce maître des Pays-Bas, il y a donc, dans sa technique, une certaine similarité avec l’art hollandais (même si parfois il s’en écarte largement). Ce portrait fut vraisemblablement réalisé une décennie après celui d’Anthonis Mor, et donc après la mort d’Élisabeth de Valois. L’inspiration paraît d’autant plus plausible que le modèle n’est plus là
  • 50. 50 pour poser. Tout en vieillissant légèrement les traits du visage de la reine, le peintre espagnol reprend parfaitement la pose du portrait plus large. La rotation de la tête est la même, le jeu d’ombres et de lumière également. On retrouve jusqu’à l’oreille droite qui se déforme sous la pression du col. Néanmoins, Élisabeth paraît marquée, fatiguée, comme malade, ses yeux n’ont plus cet aspect doucement malicieux qu’ils avaient lors que sa jeunesse. Le costume aussi est emprunté au portrait de 1560, cependant les couleurs paraissent beaucoup plus éclatantes. La richesse de la robe, avec perles, pierres et or, est parfaitement bien rendue. Les matières semblent concrètes, elles donnent envie de toucher la toile pour effleurer leur douceur. Ce portrait réalisé après la mort de la reine, et on le verra énormément copié, a peut-être eu une fonction de portrait post-mortem, pour diffuser et conserver l’image de la reine dans toute l’Europe. On remarquera d’ailleurs que la composition peut nous faire penser à celle des icônes religieuses du Moyen-Âge. — ÉTUDE TECHNIQUE La technique, somme toute assez nouvelle à cette époque de la peinture à l’huile, n’est pas exploitée ici dans toutes ses capacités. La brillance que provoque cette matière est très bien maîtrisée dans l’élaboration du costume, cependant elle entraîne des nuances quelque peu curieuses sur le visage. Il se peut qu’il n’en fût pas ainsi à l’origine, mais que avec les années et le temps qui passent le verni et la peinture aient relativement mal réagi créant des taches qui ne sont pas d’origine. L’état de conservation n’est pas très bon, en plus de ces marques, on remarque des manques de peinture dans certains endroits (principalement en bas à droite). — COPIES Jacques Le Boucq, Élisabeth de Valois, v. 1560, Dessin à la pointe de graphite, dimensions non renseignées, Arras, Bibliothèque municipale (Inv. MS 266), [A. Châtelet, 2007] (Fig. 8a) D’après Albert Châtelet, ce dessin de Jacques Le Boucq pourrait être « d’une notation sur le vif due à Antonio Moro, en vue d’un portrait qui n’a probablement jamais été exécuté ou dont tous les exemplaires auraient disparu. L’original pourrait dater du mariage de la princesse en 1560, alors qu’elle était âgée de quatorze ans »28 . Cependant, on peut émettre quelques doutes à cette affirmation, en rapprochant ce dessin de l’œuvre d’Alonso Sánchez Coello où on peut remarquer une ressemblance importante. Le cadrage est à peu de chose près le même, la position du modèle également, tout comme le costume et les bijoux (colliers, diadème…). Ne tirons pas de conclusions hâtives, en proposant de parler d’une copie du dessinateur français sur le peintre espagnol. Nous pouvons au contraire proposer plusieurs hypothèses : s’agit-il d’une copie du portrait 28 A. Châtelet, Visages d'antan : le Recueil d'Arras, Lathuile (Haute-Savoie), éd. du Gui, 2007.
  • 51. 51 peint dit ???? Serait-ce l’inverse, Sánchez Coello aurait imaginé un portrait peint en s’appuyant à la fois sur le dessin de Jacques Le Boucq et sur le portrait que nous avons déjà vu attribué à Anthonis Mor ? Ou s’agit-il de deux copies d’après un original d’Anthonis Mor? Supposition qui rejoindrait donc celle de Albert Châtelet. Cette dernière proposition paraît la plus probable. L’auteur des Portraits d’Antan montre que comme « Anthonis Mor était un contemporain de Le Boucq et il a bien pu lui ouvrir son atelier »29 , il serait alors tout à fait possible que le français « ait eu accès à des études préparatoires [du peintre néerlandais], [des] notes prises sur le vif à partir desquelles [le peintre réalisait ses] tableaux »30 . Rappelons que Alonso Sánchez Coello fut élève d’Anthonis Mor, il a donc tout à fait pu avoir accès dans l’atelier de son maître à cette ébauche. Jacques Le Boucq, Élisabeth de Valois, v. 1560, Dessin à la pointe de graphite, dimensions non renseignées, Bibliothèque municipale (Inv. MS 266), [A. Châtelet, 2007] (Fig. 8b) La présence, dans ce même recueil, d’un portait au crayon du roi d’Espagne, époux d’Élisabeth, Philippe II, peut nous amener à penser qu’il existe peut-être un pendant au portrait de la reine. Suivant l’étude du dessin précédent, peut-être qu’Anthonis Mor aurait exécuté un portrait de chaque époux, selon la même formule et tourné l’un vers l’autre (Philippe II vers la droite, Élisabeth vers la gauche). Alonso Sanchez Coello aurait alors pu s’inspirer des portraits de son maître pour les diffuser, cependant nous n’avons pas encore retrouvé la trace d’une œuvre de cet artiste correspondant à ce dessin. Anonyme, d’après Alonso Sanchez Coello, Élisabeth de Valois, femme de Philippe II, roi d’Espagne, XVIe siècle (2ème moitié), peinture à l’huile sur bois, 45 x 34 cm, Musée du Louvre, Département des Peintures (Inv. 1721), [Base Joconde] (Fig. 8c) Cette copie qui suit parfaitement l’original dans la composition, dans la pose ou encore dans les couleurs, paraît pourtant d’une facture beaucoup moins maîtrisée. Le visage est un peu plus idéalisé, le costume brille trop pour être réel, enfin le cadrage est un tant soit peu rapproché. Sans doute que cette copie a eu pour fonction de diffuser ce portrait. Si la diffusion était la recherche principale du commanditaire, il n’a peut-être pas prêté grande attention à la qualité du peintre. Ce qui a du être important, ce sont ses capacités à reproduire une œuvre assez fidèlement et rapidement. Ceci expliquerait la sensible idéalisation du modèle, pour diffuser une image belle et agréable d’Élisabeth de Valois. 29 A. Châtelet, loc. cit. 30 A. Châtelet, loc. cit.
  • 52. 52 Anonyme, d’après Alonso Sanchez Coello, Élisabeth de Valois, date, technique et dimensions non renseignées, Leeds Museums and Art Galleries, [www.artprints.leeds.gov.uk] (Fig. 8d) Certains attribuent cette œuvre au maître espagnol lui-même. Cependant cette attribution ne tient pas lorsqu’on fait une comparaison avec l’œuvre originale du Musée des Offices à Florence. Certes l’artiste respecte à peu près le cadrage et la position du modèle, mais la technique paraît gauche. La tête d’Élisabeth est perdue dans ce costume qui est démesurément grand pour elle, les proportions ne sont pas respectées. Le rendu des textures et des matières est, lui aussi, d’une qualité bien inférieure. Ici, tout paraît lisse, de la peau du visage aux tissus du costume. Le jeu des couleurs et des brillances est mal imité. On ne comprend plus la raison de ces changements de couleurs. Les contrastes entre les nuances sont beaucoup plus marqués que dans l’œuvre d’Alonso Sanchez Coello, et suppriment l’ambiance douce et suave de l’original pour quelque chose de beaucoup plus rigide. Le peintre a aussi ajouté une inscription pour identifier le modèle, ce qui est une preuve de diffusion de cette œuvre, il faut préciser qui est le modèle pour éviter des confusions. Anonyme (école espagnole), Élisabeth de Valois, XVIe siècle, Peinture à l’huile sur bois, 27,5 x 22 cm, Madrid, Fondation Lazaro Galdiano (Inv. 2726), [Catalogue de la Fondation Lazaro Galdiano] (Fig. 8e) Une fois encore, la copie est de médiocre qualité. Le cadrage et la pose sont toujours respectés, la ressemblance du costume est là, mais ce sont bien les seuls éléments qu’on retrouve dans les deux œuvres. Ici, la physionomie ne ressemble pas à celle d’Élisabeth, de plus, elle paraît beaucoup plus jeune que dans l’original. Il n’y a quasiment plus de jeu d’ombre, tout est lisse et aplati. On ne perçoit plus le volume et les textures, ni des tissus, ni de la peau, ni les bijoux. Il reste quelques traces de la douceur du visage mais le vêtement est anguleux et piquant. — ŒUVRES À METTRE EN RELATION Anthonis Mor, Maria de Guimaraes, Duquesa de Parma, 1550, huile sur toile, 49,5 x 34 cm, Parme, Pinacothèque [Wikimedia] (Fig. 8f) Si on compare ce tableau avec le portrait d’Élisabeth de Valois réalisé par Alonso Sanchez Coello, la filiation entre le maître et l’élève apparaît assez clairement. Bien que le cadrage descende un peu plus bas
  • 53. 53 dans le portrait d’Anne d’Autriche, la composition est parfaitement la même, le modèle est exactement positionné de la même manière. Le point difficile est alors de différencier ce qui vient de la filiation de ce qui vient de la mode de l’époque. Cependant rappelons que Anthonis Mor a largement contribué à créer le genre du portrait royal à la cour espagnole. Les deux notions sont donc entremêlées l’une dans l’autre. Notons tout de même que la similitude de ces deux portraits va jusqu’au petit mouvement du col qui, sur le côté droit de l’ouverture, décrit une délicate petite courbe. Les visages ont également la même expression neutre, voire un peu renfermée. Alonso Sánchez Coello, Anne d’Autriche, reine d’Espagne, 1580, peinture à l’huile, dimensions non renseignées, Barcelone, Collection privée, [Kusche M., 2003] (Fig. 8g) Cette œuvre du même peintre, réalisée dix ans plus tard, représente la reine d’Espagne qui succèdera à Élisabeth de Valois. On retrouve exactement le même caractère noble, luxueux et sobre à la fois. L’expression du visage impassible, le regard presque dans le vide et le jeu des lumières sont repris. Dix ans plus tard, le prototype du portrait de cour n’a pas changé. Il est repris et adapté à la souveraine, avec sa physionomie et son costume (costume qui n’est pour autant pas si éloigné de celui d’Élisabeth). — BIBLIOGRAPHIE A. Châtelet, Visages d'antan : le Recueil d'Arras (2007). M. Kusche, Retratos y retratadores Alonso Sánchez Coello y sus competidores Sofonisba Anguissola, Jorge de la Rúa y Rolán Mays (2003).
  • 54. 54
  • 55. 55 Fig. 9 Anonyme Philippe d’Espagne et Elisabeth de Valois Miniature du Livre d'Heures de Catherine de Médicis Entre 1559 et 1589 Peinture sur papier Dimensions non mentionnées Paris, Musée du Louvre (f°166v) [Banque d’images de la BNF] PROVENANCE Collection de Louise de Lorraine, collection des ducs de Vendôme, collection de la duchesse de Berry, et enfin en 1864 acquis par l’État Français pour être déposé aux collections du Louvre. — ATTRIBUTION Le commanditaire de cette œuvre n’est autre que Catherine de Médicis, afin de compléter son livre d’Heures avec tous les portraits de sa famille (on y trouve aussi d’ailleurs
  • 56. 56 des portraits de Isabelle-Claire-Eugénie et Catherine-Michelle, les deux filles de Élisabeth de Valois et de Philippe II). Cependant l’auteur de ces miniatures n’est pas connu. Il paraît évident qu’il s’agit d’un peintre français, sans doute même un peintre de cour, mais aucune identification n’est avancée avec certitude. Il semblerait que ce ne soit pas François Clouet, on ne reconnaît pas sa manière de peindre, son geste. — ÉTUDE DE L’OEUVRE Il est difficile de dater cette miniature. Elle est incontestablement postérieure au mariage de Philippe II et d’Élisabeth, qui date de 1559, et antérieure à la mort de Catherine de Médicis en 1589, puisqu’elle en est le commanditaire. Certains historiens proposent la date de 1572 mais sans avancer de réels arguments. Les deux époux souverains d’Espagne sont représentés en habits de sacre et couronnés. Les habits suivent la mode espagnole. On retrouve d’ailleurs chez Élisabeth la perle Pérégrina qui montre qu’elle a déjà adopté des traditions espagnoles. Cependant, le tissu de sa robe est bleu et orné de lys d’or qui n’est bien pas sans évoquer la royauté française, et donc ses origines. On voit ainsi le trait d’union que va exercer la reine espagnole, elle n’oubliera jamais son enfance en France et son attachement à sa famille, à une mode ou à des coutumes françaises. Néanmoins, elle acceptera aussi rapidement les façons de faire à l’espagnole. Elle porte des bijoux qu’on retrouve dans plusieurs de ses autres portraits, le collier de perle, celui d’or orné de pierres précieuses ou encore la pièce qui sublime sa coiffure, un peu cachée par la couronne. La position des deux modèles (mains jointes), tout comme la présence de croix au sommet des couronnes, montre clairement l’esprit de cette représentation : il s’agit d’une miniature dans un livre d’Heures. Ils doivent donc être représentés en bons chrétiens et en souverains sous le regard de Dieu, car c’est lui qui leur a donné leur pouvoir. Même si Philippe II et Élisabeth de Valois sont figurés dans un même cadre, il s’agit plus de deux portraits en pendant que d’un portrait de deux personnes. Ils ont à peu près la même pose tout en étant inversés, et donc tournés l’un vers l’autre (Philippe II vers le droite, Élisabeth vers la gauche). Le corps du roi est positionné devant celui de la reine, mais il n’y a aucun contact. La reine est représentée un tout petit peu plus petite que son époux pour respecter la tradition. Les deux visages ne sont pas très ressemblants et assez grossièrement représentés. Leur expression est légèrement morne, sans enthousiasme, sans joie de vivre. Cette miniature intégrée dans le Livre d’Heures de Catherine de Médicis répond clairement à la volonté de créer une galerie de portraits de famille afin de montrer la grandeur de celle-ci. C’est pourquoi les deux personnages sont représentés en habit de sacre, leur fonction est ainsi distinctement proclamée. — ÉTUDE TECHNIQUE Cette miniature fut tout d’abord peinte sur une feuille de papier, une feuille volante, puis elle fut ensuite collée sur le vélin du recueil. Il en est ainsi pour quasiment toutes les miniatures rajoutées par Catherine de Médicis, en fait la seule exception à ce procédé est le portrait de Louise de Savoie, mère de François 1er . La peinture fut donc intégrée dans le livre dans un espace vierge prévu à cet effet dès la création de l’ouvrage par François 1er , en tête du septième psaume. Sur une garde est ajoutée : Philippe segond roy d’Espagne et Elisabeth de France sa femme qu’on appela en Espagne Elisabeth de la paix (Louis Dimier31 ) Ces portraits (comme tous les autres) furent d’abord réalisés aux crayons, sans doute pour une ébauche réalisée sur le vif, puis copiés et colorés pour les intégrer au Livre. 31 L. Dimier, op. cit. note 5, vol. 3, p. 373.
  • 57. 57 L’état de conservation est très satisfaisant. Le Livre d’Heures passa de collection en collection, mais il fut toujours très bien protégé, ce qui nous permet aujourd’hui d’admirer encore ses miniatures. — ŒUVRES À METTRE EN RELATION Anonyme, Henri de Navarre et de Marguerite de Valois, Miniature du Livre d'Heures de Catherine de Médicis, entre 1559 et 1589, peinture sur papier, dimensions non renseignées, Paris, Musée du Louvre (f°168v), [Banque d’images de la BNF] (Fig. 9a) Cette miniature est la suivante dans l’ordre du Livre d’Heures. Elle reprend exactement le même schéma, Marguerite de Valois (sœur d’Élisabeth) et Henri de Navarre, son époux, sont représentés en habit de sacre et comme des personnes très religieuses. Le roi est une fois encore représenté devant son épouse, et il ne semble pas non plus y avoir de contact entre eux. Enfin, le cadrage est similaire. Le changement important se situe au niveau des habits. Même si les tissus des robes de deux sœurs sont semblables, le patron de la robe est complètement différent. Alors qu’Élisabeth est représentée avec une robe qui la couvre largement et l’emprisonne presque, Marguerite, elle, expose un large décolleté avec un col très ouvert qui laisse montrer sa peau très claire. De même, la coiffure est très différente, Marguerite ne porte d’ailleurs que la couronne. Les bijoux de cette dernière sont un peu plus discrets mais restent très présents (la blancheur du cou fait ressortir le collier) et luxueux. En comparant les deux sœurs et surtout en dégageant les oppositions, on peut concevoir ce qui différencie à cette époque la mode française (ou plutôt la mode de Paris perçue par la cour de Navarre) et la mode espagnole. Anonyme, François II et Marie Stuart, Miniature du Livre d'Heures de Catherine de Médicis, entre 1559 et 1589, peinture sur papier, dimensions non renseignées, Paris, Musée du Louvre, [wikimédia] (Fig. 9b) Voici une autre des miniatures représentant le frère d’Élisabeth de Valois, François II. Il est représenté avec sa future épouse Marie Stuart. Ce couple est également habillé en tenue de sacre, par contre, fait nouveau, ils ne sont pas tournés l’un vers l’autre, mais dans des directions opposées. Peut-être qu’au moment de l’exécution de ces portraits, ils ne sont pas encore mariés, mais savent déjà que c’est leur destinée. Cette fois-ci, c’est bien évidement François II qui porte le tissu bleu avec les lys
  • 58. 58 de France, car c’est lui le descendant de cette couronne. Le col de Marie Stuart ne correspond ni à celui d’Élisabeth, ni à celui de Marguerite. Enfin, remarquons que la reine d’Écosse ne regarde pas le spectateur, contrairement à tous les autres modèles dans les portraits que nous voyons ici. — BIBLIOGRAPHIE L. Dimier, Dessins français du XVIe siècle (1924-1927). A. Zvereva, La collection des portraits au crayon de Catherine de Médicis, Reconstitution et analyse socio-culturelle, dir. D. Ctouzet et A. Mérot (2005).
  • 59. 59 Fig. 10 Sofonisba Anguissola Isabel de Valois Après 1581 Peinture à l’huile sur toile 68 x 54 cm Vienne, Kunsthistorisches Museum (Inv. 3351) [Picture Gallery, Kunsthistorisches Museum] PROVENANCE Acquis en 1910. — ATTRIBUTION L’œuvre est signée de la main de Sofonisba Anguissola, mais avec son nom de femme mariée : Sofonisba Anguissola Lomellina. — ÉTUDE DE L’OEUVRE L’œuvre de Sofonisba Anguissola est datée d’une époque où l’artiste est rentrée dans son pays natal, l’Italie. Nous ne savons pas la date exacte, sans doute dans la décennie 1580. Élisabeth est donc, à cette date, morte depuis plus de 10 ans, Sofonisba s’inspire à la fois de l’image qu’elle garde de la souveraine, ainsi que des nombreux portraits de celle-ci qu’elle a déjà réalisé, auxquels on peut ajouter les effigies peints ou dessinés par d’autres artistes.
  • 60. 60 La robe qu’Élisabeth porte est représentée pour la première fois (du moins avec les représentations que nous connaissons jusqu’à maintenant), et est difficilement identifiable à un vêtement décrit dans les inventaires étant donné le peu d’informations que ce portrait nous donne. On ne peut donc savoir s’il s’agit d’un costume réel qu’Élisabeth a porté, ou d’une invention de Sofonisba Anguissola. Néanmoins, le schéma global du haut de la robe correspond précisément à la mode en vigueur durant les années où Élisabeth était présente en Espagne, et s’inscrit parfaitement dans la série des tenues de la reine que nous connaissons. Alors que la peintre italienne a exercé une grande partie de sa carrière à la cour d’Espagne, et donc en compagnie d’Alonso Sanchez Coello, Juan Pantoja de la Cruz ou encore Juan de la Rua, la composition générale de ce portrait tend plus à se rapprocher de la composition française (et de la « formule Clouet ») que de la composition espagnole (inspirée de Titien et Anthonis Mor). Le cadrage correspond à celui utilisé par François Clouet dans le portrait d’Élisabeth daté d’avant 1559. L’artiste reprend aussi la douceur des traits du visage, la forme et la position de la fraise. Ajoutons que dans quasiment tous les portraits français Élisabeth est tournée vers la gauche. En Espagne l’inclination alterne. Dans les portraits de pied, elle est également tourné vers la gauche, alors que dans les portraits coupés (où on ne représente que le buste), elle est tournée vers la droite (comme d’ailleurs le portrait d’Anne d’Autriche, par Alonso Sanchez Coello, fig. 10g). Serait-ce donc également une inspiration française ou un choix personnel de l’artiste sans influence particulière ? Nous ne savons pas quelle fut la fonction de ce portrait, il n’y a apparemment pas de commanditaire et on se demande même si S. Anguissola ne l’aurait pas réalisé simplement pour elle. De plus, remarquons la surprenante sensibilité présente dans ce portrait. La peinture marque doucement la ligne du buste, une impression de délicatesse, presque sensuelle qui n’a pas sa place dans un portrait de cour. Enfin, le regard n’a plus du tout la malice qui le caractérisait au début, la joie de vivre se révèle absente. — ÉTUDE TECHNIQUE L’état de conservation extrêmement mauvais de cette œuvre ne nous permet pas de faire une analyse technique très poussée. Le visage, la collerette et le haut du vêtement sont les seuls éléments à peu près bien conservés. Le fond du tableau et le bas de la toile sont, au contraire, très abîmés, la peinture étant partie en de nombreux endroits. Toutefois, la technique est légère et moussante, on sent que le coup de pinceau est assuré, celui d’une peintre mûre et sûre de son geste. — COPIES Selon, Maria Kusche, il semblerait qu’il existe plusieurs copies de cette œuvre, cependant elle n’en cite concrètement aucune. — ŒUVRES À METTRE EN RELATION Sofonisba Anguissola, Infanta Catalina Micaela, 1585, peinture sur toile, dimensions non renseignées, Madrid, Musée du Prado, [M. Kusche, 2003] (Fig. 10a et fig 10b, détail) Cette peinture de la même peintre peut être rapprochée du portrait d’Élisabeth datant d’après 1581. Si l’on se préoccupe que du visage et du haut du buste en reprenant le cadrage du portrait de la reine, on comprend clairement les similitudes.
  • 61. 61 Le visage est exactement positionné de la même manière et a la même expression neutre, sans joie, sans vie. La composition est semblable avec un buste très légèrement tourné vers la gauche et un regard fixé sur le spectateur. Enfin le costume n’est pas tout à fait le même, mais la structure est fort semblable et il renvoie les mêmes impressions. L’aspect sombre du tableau est compensé par la présence de la fraise claire qui encadre le bas du visage et celle de bijoux qui, dans le portrait de sa mère, ont perdu leur éclat. On observe la ressemblance du collier de perles blanches, il est possible qu’il s’agisse du même et que Catalina Micaela l’ait reçu en héritage. Par contre, la coiffure est complètement différente, ni les cheveux, ni le bijou la couronnant ne peuvent provenir d’une inspiration du portrait de la reine, sa mère. — BIBLIOGRAPHIE M. Kusche, Retratos y retratadores Alonso Sánchez Coello y sus competidores Sofonisba Anguissola, Jorge de la Rúa y Rolán Mays (2003). M. Kusche, « Sofonisba Anguissola en España. Retratista en la Corte de Felipe II junto a Alonso Sánchez Coello y Jorge de la Rúa », Archivo Español del Arte (1989).
  • 62. 62
  • 63. 63 Fig. 11 Pompeo Leoni Tombeau de Philippe II Après 1598 Sculpture en bronze El Escorial, Monastère del Escorial (près de Madrid) [www.art-antiquites.eu] PROVENANCE Cette sculpture fut dès sa conception imaginée pour orner le tombeau de Philippe II au monastère de l’Escorial, quatre siècles qu’il est là. — ATTRIBUTION En général on attribue ces bronzes à Pompeo Leoni, sculpteur d’origine italienne attitré de Philippe II et d’Anne d’Autriche. Mais le nom de son père, Leone Leoni, n’est jamais bien loin car c’est lui qui a formé son fils. Bien des fois, on ne sait dans quelles dimensions le père a aidé le fils. Ceci étant Leone Leoni est mort en 1590, l’attribution de ce monument revient donc à son fils, Pompeo Leoni.
  • 64. 64 — ÉTUDE DE L’OEUVRE Ces bronzes réalisés pour orner le tombeau de Philippe II, représentent le roi et ses quatre épouses, par ordre chronologique, Marie Manuelle du Portugal, Marie 1ère d’Angleterre, Élisabeth de Valois et Anne d’Autriche. En étudiant le portrait de Élisabeth, on se rend compte qu’il respecte tout à fait la tradition iconographique des tableaux espagnols comme français. Élisabeth est représentée en robe richement ornée, avec un col qui monte jusqu’au menton, tel qu’on le voit dans le portrait de François Clouet (fig. 5) ou dans tous les portraits de la cour d’Espagne la représentant en tant que reine. Elle est également couverte d’un manteau, qui par contre n’apparaît pas dans les portraits qu’on connaît. Sur cette cape est représenté un certain nombre de drapeaux ou d’emblèmes, on reconnaît par exemple les lys en or sur un fond bleu roi, qui est bien sûr une référence à son ascendance, en tant que princesse de France. — Pompeo Leoni, Tombeau de Philippe II, ap. 1598, Sculpture en bronze, Madrid, Monastère del Escorial, [wikimédia] (Fig. 11a, détail) Pompeo Leoni, Tombeau de Philippe II, ap. 1598, Sculpture en bronze, Madrid, Monastère del Escorial, [www.art-antiquites.eu] (Fig. 11b, détail) Pompeo Leoni, Tombeau de Philippe II, ap. 1598, Sculpture en bronze, Madrid, Monastère del Escorial, [wikimédia] (Fig. 11c) BIBLIOGRAPHIE E. Plon, Leone Leoni sculpteur de Charles-Quint et Pompeo Leoni sculpteur de Philippe II (1887).
  • 65. 65 PORTRAITS D’ÉLISABETH DE VALOIS DONT L’IDENTIFICATION POSE QUESTION
  • 66. 66
  • 67. 67 Fig. 12 Anonyme, Atelier de François Clouet Élisabeth de Valois 1557 ? Dessin à la pierre noire Dimensions non renseignées Cabinet des estampes de la Bibliothèque Nationale de France [ Banque d’images de la BNF] ATTRIBUTION Nous ne connaissons l’auteur de ce portrait, il doit s’agir d’un artiste appartenant à l’entourage des Clouet sans autre précision. Le dessinateur maîtrise tout de même beaucoup moins bien la technique du portrait au dessin que les maîtres du genre. — ÉTUDE DE L’OEUVRE Ce dessin au crayon nous présente une jeune fille de douze, treize ans environ. S’il s’agit bien d’Élisabeth de Valois, on peut le dater autour de l’année 1557. Néanmoins, en
  • 68. 68 comparant les différents portraits de la princesse, on peut émettre quelques doutes. Le portrait de 1559 (fig.3) ne date que d’un ou deux ans plus tard et la physionomie de la jeune femme est complètement différente. Nous ne savons s’il s’agit réellement d’une mauvaise attribution ou si l’artiste n’a pas réussi à faire un portrait ressemblant, car pour autant la technique du visage est assez précise. C’est une représentation de la princesse à une période de sa vie, l’adolescence, où le corps se modifie et perturbe sa ligne morphologique. Sa figure s’est quelque peu transformée aussi. Âge ingrat qui nous montre un visage complètement différent, de l’agréable minois qu’elle a dans les portraits postérieurs. Le dessinateur a consacré tout le soin de sa technique au visage, le corps et le costume eux ne sont que de simples traits à peine ébauchés. On retrouve grossièrement le patron des robes à la mode à l’époque pour les jeunes filles (fig. 1, fig. 1c ou fig. 3). La coiffure reprend aussi une forme courante avec les deux mèches de devant enroulée et un voile qui tombe sur le dos. Le cadrage est très rapproché, le haut de la coiffe est d’ailleurs coupé. Une fois de plus l’artiste se concentre exclusivement sur le visage, le reste n’est qu’apparat et décoration. L’inscription au bas du portrait semble être postérieure. — ÉTUDE TECHNIQUE Ce dessin réalisé à la pierre noire sur papier beige n’est que très peu relevé par d’autres couleurs. Les cheveux tendent vers le jaune et on perçoit sur les lèvres des reflets de rouge. Rien à voir, toutefois, avec le surprenant jeu de crayons de couleur de François Clouet ou Germain Le Mannier, qui créent de véritables nuances et ainsi des textures et des volumes dans un simple dessin en deux dimensions. Le portrait paraît avoir était exécuté assez rapidement, les traits de crayons sont brefs et rapides. Comme nous l’avons dit, seul le visage et les cheveux ont eu le droit à un traitement de faveur et sont crayonnés avec attention. La coiffe ou la robe ne sont qu’esquissées. On reconnaît par contre la touche de l’école des Clouet avec les hachures pour dessiner les ombres ou les surfaces plus sombres. L’état de conservation de ce portrait est relativement mauvais. Le haut surtout est largement endommagé par l’humidité qui s’y est déposé, on remarque d’ailleurs une grande ligne qu’elle a laissée. Le bas est lui mieux conservé, mais ce n’est pas là que se concentre l’essentiel de l’œuvre. — ŒUVRES À METTRE EN RELATION Anonyme (école française), Portrait en buste de madame de Lorraine, XVIe siècle, dessin au crayon noir et sanguine, 33,4 x 22,6 cm, Bayonne, Musée Bonnat (Inv. NI2, AI215) [Galerie online de la Réunion des Musées Nationaux] (Fig. 12a) Ce portrait en buste de Madame de Lorraine est assez proche au niveau de la composition de celui d’Élisabeth. On retrouve évidemment la même formule, « la formule Clouet », mais aussi quelques traits physiques. Les deux jeunes filles présentent les mêmes caractéristiques, elles pourraient être représentées à peu près au même âge. Dans un portrait, comme dans l’autre, le costume n’est que très sommairement esquissé. Cependant, la technique utilisée pour le visage semble être beaucoup mieux maîtrisée dans le portrait. Le dessin est plus fin et plus précis.
  • 69. 69 Anonyme (école française), Claude de France, XVIe siècle, dessin au crayon noir et sanguine, dimensions non renseignées, Paris, BNF [Banque d’images de la BNF] (fig. 12b) Ce portrait nous fait inévitablement penser à celui d’Élisabeth. La pose, le costume et même les traits du visage se ressemblent énormément. Peut-être s’agit-il juste d’une ressemblance entre sœurs, mais la physionomie est tellement proche qu’on peut se demander si le portrait identifié comme celui d’Élisabeth de Valois n’est pas en fait celui de sa petite sœur Claude. — BIBLIOGRAPHIE A. Gonzalez de Amazua, Isabel de Valois, Reina de España (1546-1568), vol. 1&3 (1949). L. Roblot-Delondre, Portraits d’Infantes XVIe siècle (étude iconographique) (1913).
  • 70. 70
  • 71. 71 Fig. 13 François Clouet Elisabeth de France 1559 Dessin à la pierre noire et sanguine sur papier 33,8 x 23,5 cm Paris, Cabinet des Estampes (Inv. Na 22) [Base BNF] PROVENANCE Collection de la bibliothèque Sainte-Geneviève (L.2259), transféré en 1861 au Cabinet des Estampes — ATTRIBUTION Se reporter à l’attribution du portrait attribué à l’atelier de François Clouet également daté des environs de 1559 (Fig. 2). —
  • 72. 72 ÉTUDE DE L’OEUVRE Ce portrait pose question quant à son identification. En effet, si l’on compare le visage d’Élisabeth dans le portrait présenté au Musée Condé et celui-ci, on voit clairement qu’il est différent. Serait-ce une question d’âge ? Elle paraît, par exemple, plus âgée que dans le portrait conservé à la Bibliothèque Nationale de France (fig. 3). Pourtant, dans les catalogues de deux musées correspondant, tous deux sont dits exécutés en 1559. Henri Bouchot propose, lui, une autre version32 : le portrait de la Bibliothèque Nationale serait un peu plus tardif, il le date de 1562 lors d’une possible « fugue » d’Élisabeth, qui est alors déjà reine d’Espagne, en France33 . Il est clair que ce portrait n’est plus le portrait d’une enfant, mais d’une femme en devenir. Son vêtement, même s’il nous rappelle celui qu’elle porte dans l’autre portrait daté de 1559, correspond plus à celui d’une jeune femme. Il est fermé jusqu’à la collerette montante qui borde le col, la seule partie de peau visible est celle du visage. La confection de la robe se complexifie tout en étant plus stricte, peut-être une évolution du costume due à ses années en Espagne, si l’on suit la version de Henri Bouchot. La coiffure est, elle aussi, une évolution de l’autre. La même forme est reprise, mais les cheveux ont changé de texture, ils apparaissent ici lisses et soyeux. Enfin, l’escoffion à résille bordé de perles et orné de joyaux a quelque chose de plus majestueux. Son visage montre une certaine maturité, avec une expression franche et une physionomie douce et légèrement taquine. Comme dans l’autre portrait de 1559, le cadrage est rapproché, les mains ont également disparu et les manches du costume ne sont pas entièrement visibles. La pose est aussi très similaire avec le regard clairement tourné vers le spectateur. — ÉTUDE TECHNIQUE La technique utilisée respecte la tradition avec principalement de la pierre noire et de la sanguine. On remarque aussi l’utilisation de crayons de couleur afin de donner vie au visage, de lui donner une carnation, un volume et une expression. Le geste paraît sûr et précis, sur le haut du front on pourrait presque compter les racines des cheveux. Le coup de crayon rend parfaitement la douceur d’Élisabeth dont parlent ses contemporains. Plus qu’une esquisse le dessin prend tout son sens et apporte sa contribution à la réussite et à la beauté de l’œuvre. L’état de conservation de ce portrait sur papier beige est notable. Les tampons des conservations antérieures viennent quelque peu l’altérer, mais l’état général est très appréciable. — ŒUVRES À METTRE EN RELATION Jean Decourt, Marie Stuart, reine d’Écosse, XVIe siècle, dessin à la pierre noire, dimensions non renseignées, Paris, Cabinet des Estampes, [L. Dimier, 1924] (Fig. 13a) On peut voir sur ce dessin français de la Reine d’Écosse, quasiment la même robe que celle portée par Élisabeth, elles ont la même structure. En effet, Marie Stuart fut élevée à la cour française, à la maison des enfants. La coiffure des deux jeunes filles de sang royal est sensiblement la même, bien que la texture des 32 H. Bouchot Quelques dames du XVIe siècle et leurs peintres : ouvrage illustré de 16 planches gravées en fac- similé, Sceaux, 1888. 33 Cette hypothèse paraît peu probable, comment une reine pourrait-elle fuguer ?
  • 73. 73 cheveux soit très différente. Sans doute le reflet d’une volonté véridique (cette texture ressemble plus aux cheveux d’Élisabeth dans le portrait conservé à Chantilly, et daté de 1559). François Clouet, Élisabeth d'Autriche, reine de France, 1571, dessin à la pierre noire sur papier, rehauts de couleur, dimensions non renseignées, Bibliothèque Nationale de France, département Estampes et photographies, [Banque d’images de la BNF] (Fig. 13b) Ce portrait réalisé onze années plus tard nous rappelle largement celui d’Élisabeth de Valois. Le cadrage, la pose et l’expression du modèle sont semblables. La coiffure et la robe ne sont pas non plus sans avoir de nombreux points communs. Sans être exactement similaires, elles reprennent le même prototype, le même patron. Ceci montre que le portrait français n’a pas été beaucoup modifié pendant cette période. Les deux dessins sont issus du même atelier, ce qui explique les ressemblances. On voit ainsi se détacher un schéma de composition qui restera privilégié. Ajoutons qu’à cette date Élisabeth d’Autriche a déjà épousé Charles IX et que cela correspond à la date de son sacre en tant que reine de France. Donc, si nous réexaminons le portrait d’Élisabeth de Valois avec cette donnée, on peut supposer que dans cette portraiture, elle n’est plus représentée en tant que princesse française mais déjà en tant que reine d’Espagne, une reine impériale. Elle épouse Philippe II en 1559 donc cette interprétation ne peut nous aider pour la datation du dessin, bien qu’il semble plus probable qu’il date d’à peu après 1559. — BIBLIOGRAPHIE J. Adhémar, Les Clouet et la cour des rois français, de François 1er à Henri VI (1970). H. Bouchot, Quelques dames du XVIe siècle et leurs peintres : ouvrage illustré de 16 planches gravées en fac-similé (1888). Dessins de la Renaissance, Collection de la Bibliothèque Nationale de France, catalogue d’exposition (2004). L. Dimier, Dessins français du XVIe siècle (1924-1927).
  • 74. 74
  • 75. 75 Fig. 14 Anonyme (école française) Élisabeth de Valois, reine d’Espagne 1565-1566 ? Technique et dimensions non renseignées Angleterre, Bowes Museum [L. Roblot-Delondre, 1913] Cliché en couleur introuvable ATTRIBUTION Anciennement attribué de manière erronée à Clouet. — ÉTUDE DE L’OEUVRE Ce portrait est présenté par Louise Roblot-Delondre comme celui d’Élisabeth de Valois, trente-cinq ans plus tard Augustin Gonzalez de Amazua cite cette représentation dans sa liste rassemblant, d’après lui, toute l’iconographie de cette reine. Cependant, il ne place pas de reprographie dans le contenu de la bibliographie (ce qu’il fait avec quasiment tous les portraits identifiés) il doute donc de son identification.
  • 76. 76 Si on compare les traits du visage de ce modèle, avec ceux d’Élisabeth dans les dessins réalisés à l’époque (fig. 7 et 8), ils ne se ressemblent absolument pas. La femme représentée ici paraît plus âgée, plus mûre, et avec une ossature plus développée, une femme déjà formée. Ce n’est pas le portrait de la reine encore une enfant quand elle arrive en Espagne. Le rapprochement ne tient pas, la physionomie est incontestablement différente. Nous ne pouvons pour autant pas éliminer toute identification à Élisabeth de Valois, ne connaissant pas le nom de l’artiste auteur de cette œuvre. Il se peut, comme le propose Augustin Gonzalez de Amazua, qu’il s’agisse de la copie d’un original aujourd’hui disparu. Copie réalisée par un peintre de médiocre qualité, ou en tout cas incapable de reproduire fidèlement la physionomie de son modèle. — BIBLIOGRAPHIE A. Gonzalez de Amazua, Isabel de Valois, Reina de España (1546-1568), vol. 1 & 3 (1949). L. Roblot-Delondre, Portraits d’Infantes XVIe siècle (étude iconographique) (1913).
  • 77. 77 Fig. 15 Anthonis Mor (?) Elisabeth ou Marguerite de Valois (?) 1565-1569 ? Technique non renseignée 214 x 148 cm [L. Roblot-Delondre, 1913] Cliché en couleur introuvable PROVENANCE Il est passé par une collection espagnole, mais aucune précision n’est donnée pour savoir le nom de celle-ci. — ATTRIBUTION Les spécialistes de l’œuvre de Anthonis Mor ne lui attribuent pas ce portrait.
  • 78. 78 — ÉTUDE DE L’OEUVRE Portrait en pied qui représente la reine de trois quarts avec le visage de face. Elle porte un vêtement moins somptueux que ceux avec lesquels elle a l’habitude d’être représentée. La position du modèle ne nous n’est pas complètement étrangère. Elle pose la main gauche sur un buffet qui ressemble étrangement à celui imaginé par Juan de la Rúa et Pierre Novelliers (fig. 6b et 6c). De la main gauche, elle tient une chaîne, comme dans le portrait de Juan Pantoja de la Cruz (copie selon Sofonisba Anguissola de 1561, fig. 8), bien qu’ici ce soit la même que celle qui lui sert de ceinture. Malgré tous ces éléments l’identification paraît douteuse. Louise Roblot-Delondre déclare que lorsque l’œuvre fut acquise en Espagne, c’était sous le nom de Marguerite de Valois. Néanmoins, même si cette identification est validée par Henri Bouchot ou encore Augustin Gonzalez de Amazua, une comparaison avec des portraits de Marguerite adulte n’est pas entièrement convaincante. — BIBLIOGRAPHIE H. Bouchot, Quelques dames du XVIe siècle et leurs peintres : ouvrage illustré de 16 planches gravées en fac-similé (1888). A. Gonzalez de Amazua, Isabel de Valois, Reina de España (1546-1568), vol. 1 & 3 (1949). L. Roblot-Delondre, Portraits d’Infantes XVIe siècle (étude iconographique) (1913).
  • 79. 79 Fig. 16 Anonyme (école française) Élisabeth de Valois Fin du XVIe siècle Gravure Dimensions non renseignées Musée municipal de Madrid [A. Gonzalez de Amazua, vo. 1, 1949] PROVENANCE Recueil d’estampes offert par D. Felix Boix. — ATTRIBUTION Cette gravure n’a aucun monogramme et aucune indication qui pourrait servir à identifier son auteur. Elle semble être réalisée par la main d’un français. — ÉTUDE DE L’OEUVRE Cette pièce est très rare et elle fut pour la première fois citée dans la biographie d’Élisabeth de Valois écrite par Augustin Gonzalez de Amazua en 1949. Tout dans cette gravure est arbitraire et falsifié, tel le vêtement. Les traits de la reine sont enlaidis et vieillis et ne ressemblent en aucune façon à sa véritable douce physionomie.
  • 80. 80 Ceci remet en question l’identification, bien que l’inscription qui identifie le modèle semble avoir été réalisée à l’intérieur même de la gravure. Nous ne savons d’ailleurs pas donner un modèle, une oeuvre originale sur laquelle cette gravure aurait pu s’appuyer pour cette représentation. Dans cette gravure, la Reine porte une coiffure francisée. — ŒUVRES À METTRE EN RELATION Alonso Sánchez Coello, L’infante Isabelle Clara Eugénie, 1579 (voir fig. 8d) C’est deux œuvres sont très semblables, tant dans la composition, dans le costume et même dans l’apparence du modèle et de son visage. On peut alors émettre l’hypothèse que la femme de la gravure identifiée comme Élisabeth de Valois n’est pas un portrait de la reine mais de sa fille. Peut-être être une gravure d’après le tableau d’Alonso Sanchez Coello. — BIBLIOGRAPHIE A. Gonzalez de Amazua, Isabel de Valois, Reina de España (1546-1568), vol. 1 & 3 (1949).
  • 81. 81 PORTRAITS D’ÉLISABETH DE VALOIS DISPARUS OU INCONNUS
  • 82. 82
  • 83. 83
  • 84. 84 Dans sa longue investigation consacrée à Élisabeth de Valois et publiée en 1949, Augustin Gonzalez de Amazua a répertorié ses différents portraits34 , tout en survolant l’étude de son iconographie. Il regroupe 81 représentations de la princesse, les divisant par technique (dessins, gravures, peintures, médailles, autres). Toutes ces représentations ne peuvent trouver place dans notre étude car nous excluons toute œuvre qui n’est pas du XVIe siècle ou qui ne fut pas réalisée par un artiste français ou espagnol (ou d’après l’un d’eux). Cependant, nous nous concentrons principalement sur les portraits encore visibles aujourd’hui, alors que bon nombre d’entre eux (et qui entrent dans nos critères) ont disparu ou n’ont jamais été connus que par des témoignages écrits. Nous leur consacrons alors ce chapitre. Pour réaliser cette liste de portraits perdus ou matériellement inconnus, nous nous sommes largement appuyées sur celle réalisée par Augustin Gonzalez de Amazua traduisant ses propos en français. Tous les textes, citations et commentaires sont ceux de l’auteur espagnol, les nôtres seront, si nécessaire, rajoutés grâce aux notes de bas de page. a. Août 1549. Le 29 août 1549, Catherine de Médicis afin de remercier Mr de Huymière de lui avoir envoyé les portraits du Dauphin et de son frère le Duc d’Orléans. Elle écrit : « Aussy vous prye de m’envoyer les painctures35 de mes autres enffans, ainsi que le painctre les dépeschera… » (Lettres de Catherine…, I, p.31)36 b. Août 1550. Portrait dessiné par une des dames de Catherine de Médicis appelée Isabelle37 et envoyé à Londres pour être donné à Edward VI, selon l’ambassadeur espagnol Simon Renard. c. Juin 1552. Catherine de Médicis demande à nouveau des portraits dans une lettre à Madame d’Huymières : « … et aussy vous me fauldrez de faire paindre au vif par la painctre que vous avez par delà tous mes ditz enfans, tant filz que filles, avec la Royne d’Escosse, ainsi qu’ilz sont, sans riens oblier de leur visaiges, mais il suffist que ce soir un créon, pour avoir plus tost faire, et me les envoiez le plustost que vous pourrez. » (Lettres de Catherine…, I, p62). Ces portraits faits au crayon sont soit l’œuvre de Clouet ou d’un de ses disciples de son école. d. 1550-1555 ? Dans l’inventaire des biens de la princesse Dona Juana, on lit au numéro 101 : « Un autre portrait au pinceau, sur bois, de sa Majesté la Reine Élisabeth quand elle était une petite fille, qui a une longueur d’un quart de doigt et une largeur d’un peu plus » (Papeles de Pérez Pastor : Memorias de la Real Academia Española, XI-371). e. 1555-1557 ? Brantôme, dans sa biographie de Catherine de Médicis, fait référence à un peintre de Lyon, appelé Corneille qui avait peint une fresque dans une salle de la ville dite représentant 34 A., Gonzalez de Amazua, Isabel de Valois, Reina de España (1546-1568), Madrid, 1949, III, pp. 497-512. 35 Catherine utilise le terme « painctures » pour parler de portraits dessinés. 36 Ce n’est pas parce que Catherine de Médicis demande un portrait qu’il est systématiquement exécuté, mais Augustin González de Amazúa part de cette supposition. 37 « Cette attribution est improbable » selon Sylvène Édouard, Le corps d’une reine…, Rennes, 2008.
  • 85. 85 les portraits de la Reine et de ses filles, séparément et avec une grande préciosité et brillance (Brantôme, Œuvres…, X, pp. 42-43). f. 1559 ? Dessin de François Clouet. Il représente la Reine très jeune, à mi-corps, vêtue d’un corsage simple, très ajusté, et des manches ornées de plis sphériques, portant un diadème qui couvre une partie de ses cheveux et ajusté à son cou par un large collier. Le visage est très joli, mais inexpressif. On ignore le lieu de conservation de ce dessin. g. 1559 ? Dans l’inventaire du Palais Royal Espagnole de 1610, entre les peintures […] on fait référence à la suivante : 274. Autre portrait, de pied, à l’huile sur toile, de la Reine de France, femme du Roi Henri, avec quatre portraits, trois de ses fils et l’autre sa fille. La mère a le portrait de son mari dans la main droite, et la fille le portrait du prince Don Carlo notre seigneur dans les mains […] ». Le doute est possible [sur l’identification], dans ce curieux cadre plein d’intérêt historique qui ne fut pas conservé, même si, par l’association du prince Don Carlo à la fille portraiturée, elle semble plus être la célèbre Margot qu’Élisabeth. Cependant, ce pourrait aussi être un tableau envoyé par la cour française à la cour espagnole au moment du début des négociations pour le mariage entre le prince Don Carlo avec la princesse Élisabeth […], il s’agirait alors d’un nouveau et inconnu portrait de celle-ci dans sa jeunesse. h. Mayo 1559. Portrait fait en France peu avant le mariage d’Élisabeth. L’ambassadeur vénitien Tiepolo al Senado donne cette notice de ce portrait : « Il Re Christianissismo hà mandato a questo Serenissimo Re [Felipe II] per Marcantonio Sidonio, venetiano, home piacevole et faceto, il retratto de sua figliola che ha de ser moglie di S. Mtà Catholica, la quale lo ha molto volontieri ricevuto et fatto poner nella camera sua dove dorme » (Romier, Les origines politiques des guerres de religions…, II, p377). i. Mars/Avril 1560. Portrait que Élisabeth a envoyé au Cardinal de Lorraine avec une lettre, sans date, dans laquelle elle disait : « Je vous envoie la peinture d’une dame de se pais ; je ne says si vous la connoitrés » (Paris, Négociations…, p559) j. Mai 1560. Portrait qui était à l’Alcazar de Tolède. Se référer au Journal de Mad. De Clermont qui relate la journée de la Reine du 12 mai 1560 avec ces mots : « Après disner elle… alla au dorteur veoyr sa paincture… » (La Ferrière, Deux années…, p 235). k. Septembre 1561. Portrait peint par Sofonisba Anguissola pour le Pape Pie V. Palomino (en El Museo Pictorico…, tomo III, pp. 373-374) raconte l’histoire de ce cadre. L’annonceur du Pape en Espagne ayant manifesté le désir de celui-ci d’avoir un portrait d’Élisabeth, la peintre italienne accepta cette charge […]. Elle envoya sa peinture au Pape, avec une lettre qui disait « si avec le pinceau on pourrait représenter les yeux de Votre Béatitude la beauté qui anime la Reine, on ne pourrait voir chose plus merveilleuse ». Pour la remercier le Pontife lui écrit une
  • 86. 86 autre lettre, recopiée par Palomino : « la peinture nous fut très agréable tant pour la personne représentée, laquelle nous aimons de façon paternelle, que pour les respects de la bonne religion et les autres beautés qui l’animent, et aussi pour être très bien faite de votre main et avec beaucoup d’attention. ». Mad. Roblot Delondre pense que ce tableau se trouve dans la Colection Borghese de Rome. Madame de Vineux parle de ce portrait dans une lettre à Catherine, datée du 30 septembre 1561 à Madrid : « Elle [Dona Isabel] pasoit son temps la plus part a paindre, a quoi elle prand grand plaisir, de sorte que ie pense devant que soit un an quelle en sera si bonne mestresse que celle qui laprant [Sofonisba], qui est des meilleures du monde. Elle a faict la paincture de la Royne, que le Nonse qui est ici a anvoié au Pape, qui le resamble que pas une que iaye encore veu ». l. 1560-1651 ? Portrait d’Alonso Sanchez Coello ? Dans les comptes de la Maison de la Reine apparaît ceci : « A Alonso Sanchez, portraitiste, le paiement de 325 ducats qu’on lui doit pour des portraits et des dessins qui ont été faits pour être envoyés à S. M. ». Se réfère-t-on ici à des portraits que le peintre aurait déjà exécutés ? Notons que quand il s’agit de portraits de Philippe II peints par Sanchez Coello ou Manuel Dionis, cela est dit ainsi. Il est possible alors qu’il s’agisse de plusieurs portraits d’Élisabeth peints par le grand artiste vénitien que nous connaissons et d’autres disparus. m. Février 1561. Autoportrait ? Mr. De Limoges, dans une carte à Catherine de Médicis depuis Tolède, le 9 février 1561, déclare qu’il a vu Élisabeth peindre une ébauche de portrait très rapidement. Serait-ce un autoportrait ? n. Avril 1562. Portrait d’un peintre inconnu. Dans une lettre à sa mère, datant de la mi-avril 1562, Élisabeth lui dit « ma penture n’est encore achevée, et sependant Saint-Sulpice nous porte ma peinture ». (Cartas de San Petersburgo…, ms. cit., fol. 95 revers). La phrase est ambiguë, et elle peut renvoyer aussi bien à un portrait qui fut fait pour la Reine qu’à une peinture de sa propre main.
  • 87. 87
  • 88. 88 PORTRAITS DE REINES OU DE PRINCESSES DE LA FIN DU XVIE SIÈCLE
  • 89. 89
  • 90. 90 Fig. 17 Jakob Seisenegger Archiduchesse Anne d’Autriche, fille de Ferdinand I v. 1545 Huile sur toile 190 x 94,5 cm Vienne, Kunsthistorische Museum [Site wed du Kunsthistorische Museum] Le portrait de cour espagnol fut établi sous Charles Quint et Philippe II, principalement par trois artistes étrangers : Jakob Seisenegger, Titien et Anthonis Mor. Ce sont ces trois peintres-là, qui par leur venue en Espagne ou dans les Pays-Bas vont former, directement ou indirectement, les portraitistes d’Élisabeth de Valois, il est donc important de voir des exemples de leurs œuvres. Ce portrait d’Anne d’Autriche est caractéristique de la peinture de l’autrichien Jakob Seisenegger, qui à cette époque était au service de Charles Quint. Le modèle appartient à la famille des Habsbourg et son portrait fut sans aucun doute vu par les portraitistes espagnols. On notera la présence du gant qui montre le pouvoir de l’empire, le rideau derrière pour la distanciation, tout comme le fait que l’archiduchesse ne regarde pas directement le spectateur. Le costume peut nous faire penser aux robes portées en France, avec un décolleté en arceau et des manches bouffantes. Cependant la jupe n’a rien à voir avec les jupes portées par les Françaises. Le col assez haut peut, lui, faire penser à la mode espagnole. Pour autant, l’inspiration des peintres pour les portraits d’Élisabeth n’est pas directe. Le modèle en pied ne dégage pas du tout les mêmes émotions, le même message. La composition est complètement différente, bien qu’Anne d’Autriche ne soit pas représentée sur un fond sombre ou neutre, cela n’a rien à voir avec la composition spatiale qui est mise en jeu derrière Élisabeth (qui serait plutôt une reprise sur les portraits de Titien). Au niveau de la technique
  • 91. 91 non plus il n’y a pas de similitude. Le volume de la robe n’est pas du tout représenté de la même façon, il a ici quelque chose de plus artificiel.
  • 92. 92 Fig. 18 François Clouet Catherine de Médicis Entre 1559 et fin du règne d’Henri III Huile sur toile 194 x 100 cm Florence, Palais Pitti, Galerie Palatine [www.portrait-renaissance.fr] Cet exemplaire est l’unique portrait de Catherine de Médicis en pied daté d’une époque contemporaine à la reine. Ce type de composition est extrêmement rare en France dans la deuxième moitié du XVIe siècle. Certes, il se peut qu’il en ait existé d’autres qui ne sont pas arrivés jusqu’à nous, mais de toute façon ce n’était pas le genre le plus courant. Voilà pourquoi tous les portraits d’Élisabeth de Valois en pied que nous avons sont attribués à des peintres espagnols, dans la péninsule ibérique c’est une composition courante. Dans ce portrait Catherine de Médicis, reine de France, est représentée dans un accessoire typiquement français : une guimpe38 . Elle est fait d’étoffe transparente qui couvre le décolleté et parfois le cou. La robe est composée du corps de la robe et d’une jupe entrouverte, qui sont toutes deux couvertes de pierreries. Les manches à revers sont en fourrure de lynx attachées à la robe par des aiguillettes. On retrouve grossièrement la forme des robes portées par Élisabeth, celle des deux cônes inversés (un pour le buste, l’autre pour la jupe). Elle aussi d’ailleurs porte une jupe entrouverte sur le corps d’une robe dans un portrait (fig. 6). Le décolleté a le même patron que ceux dont Élisabeth est vêtue dans ses portraits au crayon, lorsqu’elle est une enfant, et encore qu’une princesse de France. La position de la reine de France est inversée par rapport à celle qu’on retrouve dans les portraits d’Élisabeth. Catherine de Médicis a le corps presque de face et le visage de trois quarts, Élisabeth le corps de trois quarts et le visage quasiment de face. On retrouve, par contre, le même jeu de positionnement des bras qui permet de créer un mouvement dans le corps. 38 Voir le site de Alexandra Zvereva, www.portrait-renaissance.fr, onglet vêtement.
  • 93. 93 Fig. 19 Anthonis Mor Marie Tudor, reine d’Angleterre, 1554 Huile sur panneau 109 x 84 cm Madrid, Musée du Prado [Web Gallery of Art] Ce portrait est celui de la deuxième épouse de Philippe II, qui est également reine d’Angleterre. Il est d’une date tout juste postérieur à celle de son mariage avec le roi espagnol. Il est important d’étudier ce portrait car c’est une iconographie d’une souveraine espagnole qui précède tout juste l’accession au trône d’Élisabeth. Pour autant, alors qu’on peut rapprocher ce tableau des œuvres de Titien pour la composition, il est très difficile d’y voir un rapprochement iconographique avec les portraits d’Élisabeth. A notre connaissance, il n’y a pas eu de portrait de la troisième épouse de Philippe II assise, elle est, par contre, représentée à côté d’une chaise du même style (fig. 8). La robe de Marie 1ère d’Angleterre est difficile à analyser par la position du modèle. Cependant, il semble qu’elle soit bien différente que les robes que portées par Catherine de Médicis dans son portrait en pied (fig. 15) ou par Élisabeth (fig. 5). Cette robe est plus proche du style anglais. Seule la robe de dessous présente un tissu espagnol. A l’opposé, les robes de la reine venant de France sont très richement décorées, ornées de pierres précieuses, d’or et de perles. Ici Marie Tudor opte pour une représentation très épurée. La reine porte quelques bijoux, mais leur brillance et leur éclat n’est pas représenté. Seuls le fauteuil et la fleur ont vraiment une couleur qui tranche, ils restent néanmoins dans des tons foncés et ne peuvent contredire l’aspect ténébreux de cette oeuvre. N’oublions cependant pas de préciser, que plus que reine d’Espagne, Marie Tudor est reine d’Angleterre. C’est donc plus comme la représentation d’une reine européenne que nous devons regarder ce tableau et non exclusivement comme l’effigie de la femme de Philippe II.
  • 94. 94 Fig. 20 Alonso Sanchez Coello Dona Juana, Princesse du Portugal 1557 Huile sur toile 116 x 93 cm Bilbao, Musée des Beaux-Arts [Web Gallery of Art] Ce tableau est réalisé par un des portraitistes de la cour d’Espagne, qui, à cette époque, était encore au près d’Anthonis Mor à la cour portugaise pour apprendre son métier. Ce portrait est très sombre et très austère, aucune place n’est laissée à la représentation de la magnificence, à la somptuosité, à la richesse de la couronne. Somme toute, la princesse est représentée avec un gant et un mouchoir montrant son pouvoir (ce qui sera repris quelques années plus tard pour les portraits d’Élisabeth, montrant une fois de plus qu’elle s’inscrit dans la continuité des représentations royales de l’époque). Le haut de la robe et la coiffure peuvent aussi nous faire penser à notre reine. Le col et les deux mèches enroulées encadrent le visage de la princesse qui garde une expression sévère. Enfin le bijou, qui permet de fermer et de maintenir en place le tissu, est une miniature, ce qui nous rappelle bien entendu la miniature du portrait de Philippe II que tient Élisabeth dans un portrait peint par Sofonisba Anguissola (fig. 8).
  • 95. 95 Fig. 21 Alonso Sanchez Coello Isabelle Claire Eugénie et Catherine Michelle 1570 Huile sur toile 194 x 100 cm Florence, Palais Pitti, Galerie Palatine [Site web du Musée de Cahors] Lorsque les deux petites filles de Philippe II et d’Élisabeth de Valois sont ainsi représentées, leur mère est déjà morte depuis deux ans. De nombreux historiens de l’art notent l’influence qu’a eue l’iconographie des portraits de leur mère sur leur représentation. Il est vrai qu’on peut noter des similitudes dans les vêtements portés, les manches de couleurs sont un reste de l’expression de la gaieté présente à la cour lors de la présence d’Élisabeth. Le patron des costumes reprend aussi celui des habits d’Élisabeth avec cette forme de cône trouvant son sommet au haut de la tête et sa base dans le bas de la jupe. Enfin, on remarquera que contrairement aux enfants français, de véritables portraits peints sont consacrés aux infantes espagnoles alors que celles-ci ne sont encore que des petites filles. Alonso Sanchez Coello, Isabelle Claire Eugénie et Catherine Michelle, 1571, Huile sur toile, 135 x 149 cm, Madrid, Musée du Prado [Web Gallery of Art] (fig 21a)
  • 96. 96 Fig. 22 Hilliard Nicholas Élizabeth I, Reine d’Angleterre 1575-1576 Huile sur panneau 79 x 61 cm Londres, National Portrait Gallery [Web Gallery of Art] Élisabeth I remplace sa sœur Marie Tudor sur le trône d’Angleterre en même temps que Élisabeth de Valois la remplace à la couronne d’Espagne. C’est donc une souveraine européenne exactement contemporaine à Élisabeth. Pour cette raison, la comparaison de leurs portraits est intéressante. On retrouve dans ce portrait le faste et la somptuosité du costume présents dans ceux d’Élisabeth de Valois, mais la reine d’Angleterre va encore plus loin. Prenons l’exemple de la fraise qui est beaucoup plus exubérante. Ceci nous permet de comprendre, que tout en recherchant à montrer son statut et son pouvoir, Élisabeth, dans ses portraits au moins, respecte la tradition espagnole qui refuse l’opulence et le trop d’apparat. Tradition qui applique vigoureusement les principes de la Contre-Réforme. La composition du tableau expose un style qui n’est pas du tout d’actualité en Espagne, mais qui se rapproche un peu plus de la « formule Clouet » à la française, sans pour autant la copier. Le visage est représenté de manière très différente. A la finesse des traits et des volumes, de l’ombre et la lumière présentes dans les représentations des cours françaises et espagnoles, s’opposent ici la grossièreté de la ligne et les aplats qui représentent une peau sans vie.
  • 97. 97 Fig. 23 Sanchez Coello Catherine Michelle 1582-1585 Huile sur toile 70 x 50 cm Saint Petersbourg, Musée de l’Hermitage [Web Gallery of Art] Avec ce portrait, on voit comment environ 15 ans après la mort d’Élisabeth, l’iconographie espagnole a déjà changé. Même si on retrouve un cadrage qui ne nous est pas inconnu, tout comme la position, la coiffure. Le costume ou encore l’expression du visage ont légèrement été modifiés. Les couleurs sont moins vives que celles utilisées pour la mère, et la profusion de pierres précieuses (qu’on voyait encore dans les portraits des deux princesses de 1570 et 1571, fig. 19 et 19a) a été supprimée pour laisser seules les broderies au fil d’or. Cependant, ce qui apparaît au premier abord comme un aspect plus sombre et plus simple qui peut cacher autre chose. La collerette de Catherine Michelle, par exemple, est beaucoup plus élaborée et recherchée que celles de sa mère. Il s’agit peut-être simplement de modifications de la mode, on sait d’ailleurs qu’en France, Henri II publia des décrets pour que l’habillement se simplifie. Il en fut de même en Espagne comme dans toute l’Europe à des dates différentes.
  • 98. 98
  • 99. 99 PORTRAITS DE PHILIPPE II ET DE SON FILS DON CARLOS
  • 100. 100
  • 101. 101 Fig. 24 Le Titien Philippe II v. 1554 Peinture à l’huile sur toile 185 x 103 cm Galerie Palatine (Palazzo Pitti), Florence [Weg Gallery og Art] Ce portrait, réalisé par le portraitiste en titre de la cour de Charles Quint, père de Philippe II, est une représentation de l’État et de la monarchie espagnole. On retrouve, comme dans certains portraits d’Élisabeth de Valois, la colonne, symbole du pouvoir royal de la famille des Habsbourg. La composition est caractéristique de l’œuvre de Titien. C’est lui qui apporte à la cour d’Espagne le cadrage en pied, qu’on voit d’ailleurs dans les représentations d’Élisabeth. Les couleurs obscures revoient à la qualification du règne de Philippe II, un règne sombre et obscure.
  • 102. 102 Fig. 25 Anthonis Mor Philippe II, roi d’Espagne v. 1554 Peinture à l’huile sur panneau de chêne 41,5 x 33 cm Budapest, Szépmûvészeti Múzeum [Web Gallery of Art] Ce portrait nous montre une composition qui sera réutilisée par Alonso Sanchez Coello (et selon certains historiens par Anthonis Mor lui-même) pour un portrait d’Élisabeth de Valois (fig. 9). C’est également un peu la reformulation de la « formule Clouet ». Cependant une fois encore, les couleurs vives ont disparu pour laisser place à un dégradé de marron et brun.
  • 103. 103 Fig. 26 Juan Pantoja de la Cruz Philipe II - Peinture à l’huile - Monasterio de San Lorenzo, El Escorial [Web Gallery of Art] Sur ce portrait, on peut voir un certain nombre d’éléments qui sont également présents dans les portraits d’Élisabeth, la colonne, le fauteuil, le rideau et même les couleurs. En effet, la colonne a toujours la même signification : l’emblème de la famille Habsbourg et de son pouvoir, le fauteuil est, lui, la représentation du trône et le rideau marque une distinction entre espace public et espace royal. Les couleurs enfin, on retrouve le noir dans la tenue vestimentaire, couleur sombre pour marquer une austère élégance. Le rouge/orange présent ici dans les éléments du décor est celui que les effigies de la reine utilisent pour ses vêtements, ou encore le rideau vert qui est exactement le même que dans les portraits réalisés par Juan de la Rúa et Pierre Novelliers (fig. 6b et 6c).
  • 104. 104 Fig. 27 Alonso Sánchez Coello, Le prince Don Carlos 1555-1559 Peinture à l’huile 109 x 95 cm Madrid, Musée du Prado [Galeria online, Museo Nacional del Prado] Dans ce portrait Dan Carlo est représenté enfant. On voit bien l’aspect totalement différent entre la représentation d’un enfant en Espagne et en France. La composition est complètement distincte, cependant dans les deux cas, la recherche est la même. Tout en montrant encore qu’il est un enfant, par sa physionomie, la forme et les couleurs des vêtements qu’il porte, on souhaite montrer son statut et sa prestance. Son expression est sévère et sa pose bien tenue. On le montre comme un enfant qui connaît déjà son statut et sait tenir son rang. A travers la fenêtre, on peut distinguer la figure de Jupiter et un aigle portant la colonne d’Hercule, symbole de la famille des Habsbourg, référence évidente à la succession dynastique. Bien que Don Carlo ne soit encore que prince, il est le prince héritier et doit donc être représenté en temps que futur roi. Ce portrait est donc déjà un portrait d’État, un portrait qui vise à diffuser l’image du futur roi (à l’époque, mais Don Carlo ne fut jamais roi car il mourut avant son père, à l’âge de 22 ans). Dans ce portrait, les traits du visage et le corps du prince sont un peu idéalisés, car en réalité il est né avec de graves malformations physiques, probablement dues à la consanguinité de ses parents.