condition d'allaitement et cancer du sein

Pr N. Feghoul
Allaitement et
cancer du sein

Introduction
• Le cancer du sein est plus agressif chez les femmes jeunes et son risque de
récidive est doublé en comparaison avec celui des femmes ménopausées.
• L’allaitement réduit le risque de cancer invasif du sein, particulièrement s’il est
prolongé et même chez les patientes porteuses de la mutation BRCA1
• Plusieurs mécanismes physiopathologiques sont impliqués dans cette réduction
de risque
• Les bienfaits de l’allaitement pour la mère et l’enfant devraient inciter médecins
et sages-femmes à encourager l’allaitement maternel prolongé dans leur
pratique médicale.

Effet de l’allaitement sur le risque ultérieur
de cancer du sein
1- Effet de l’allaitement et de sa durée sur le risque du cancer du sein :
Une méta-analyse regroupant 47 études épidémiologiques réalisées dans 30 pays,
incluant 50 302 femmes atteintes de cancer du sein et 96 973 femmes indemnes, a été
publiée dans le Lancet
Le but était de savoir si la parité, l’allaitement et la durée de l’allaitement constituaient
un facteur protecteur de cancer du sein.
Il apparait que l’allaitement est un facteur protecteur de cancer du sein indépendant
de la parité avec une diminution du risque de 3,8 % par enfant allaité plus de 12 mois (p
< 0,0001).

La durée de l’allaitement apparaît comme un élément important :
la diminution du risque semble d’autant plus forte que la durée de
l’allaitement est longue.
• Des études portant sur la durée de l’allaitement rapportent que
l’allaitement pendant moins de 6 mois, pendant 6-12 mois et pendant plus
de 12 mois étaient associés à une réduction du risque de carcinome
mammaire de 7%, de 9% et de 23% respectivement.
de cancer du sein

2- Effet de l’allaitement sur le cancer post ménopausique du sein :
• Pour certains, l’effet protecteur de l’allaitement ne serait observé qu’avant la ménopause,
mais les études sont contradictoires
• Dans trois études rétrospectives cependant , une réduction du risque de 30 à 80 % a été
observée chez les femmes âgées de 50 à 79 ans ayant allaité leurs enfants.
• Newcomb et al. ont mené une étude cas– témoins afin d’étudier les relations entre la
lactation et le cancer du sein après la ménopause
- Selon les informations recueillies, le RR de présenter un cancer du sein après la
ménopause est de 0,87 lorsque la femme a allaité pendant au moins deux semaines.
- Ce RR est de 0,73 chez les femmes qui ont allaité pendant deux ans et plus
de cancer du sein

3 – Effet de l’allaitement sur les cancers génétiques :
• En 2012, le groupe d’étude sur les cancers héréditaires du sein (Hereditary Breast
Cancer Clinical Study Group [HBCCSG]) a publié une étude cas-témoins regroupant 1
243 femmes ayant une mutation de BRCA1 et 422, de BRCA2
En cas de mutation de BRCA1, l’allaitement pour une durée d’au moins 1 an a été
associé à une réduction du risque de 32 %
• Parmi les patientes porteuses d’une mutation BRCA2, l’allaitement n’est pas associé à
une réduction significative du risque de survenue d’un cancer du sein.
 Cela pourrait suggérer que l’allaitement serait susceptible d’avoir un rôle
protecteur plus marqué en cas de cancer triple-négatif par rapport aux cancers
luminaux, comme certaines études l’ont observé
de cancer du sein

4- Effet de l’allaitement selon le type histologique (invasif ; in situ)
• En juillet 2011, l’étude Women’s Health Initiative (WHI) cherchait a identifier les facteurs de
risque ou protecteurs de carcinome canalaire in situ (CCIS) du sein chez les femmes
ménopausées, et cherchait a savoir notamment si les facteurs liés a la reproduction avaient le
même impact sur les cancers in situ et sur les cancers invasifs
• Les auteurs précisent que, pour les cancers invasifs, les femmes multipares avec une première
grossesse jeune dont les récepteurs hormonaux sont positifs (RE+ : récepteurs aux estrogènes
positifs et RP+ : récepteurs a la progestérone positifs) ont un risque de cancer réduit,
• Alors que ce n’est pas le cas pour les patientes dont les récepteurs hormonaux sont négatifs
(RE– ; RP–).
 Le risque de développer un CIS augmente légèrement avec
le nombre d’enfants allaités, ainsi qu’avec la durée d’allaitement
de cancer du sein

5- Effet de l’allaitement sur les cancers triple négatifs :
Une méta-analyse de 2016 rapporte qu’il existe une réduction de 21% du risque de
développer un sous-type de cancer du sein triple négatif chez les femmes qui avaient
déjà allaité
L'hypothèse selon laquelle l'allaitement protège de manière causale
contre le cancer du sein triple négatif est une hypothèse
qui n'est pas encore étayée par des preuves biologiques
de cancer du sein

Mécanismes étiopathogéniques
Les raisons biologiques de l’impact de l’allaitement sur le risque de cancer du sein
restent inconnues, bien que diverses hypothèses soient émises :
1- Diminution des cycles ovulatoires :
• Pendant l’allaitement, la tétée est un stimulus qui entraîne un arrêt transitoire
des cycles menstruels.
• La durée de la période d’aménorrhée est variable d’une femme à l’autre.
• L’arrêt des cycles menstruels constitue une des hypothèses qui expliquerait l’effet
protecteur de l’allaitement contre le cancer du sein.

2- Le lait, voie d’excrétion de substances carcinogènes :
 Une hypothèse serait que le lait permettrait l’excrétion de
substances carcinogènes comme les xénoestrogènes et en particulier
les organochlorés.
• Le lait est une voie d’excrétion importante de ces substances
lipophiles en raison de sa composition élevée en graisses.
• Il a ainsi pu être démontré que les organochlorés présents dans le
tissu mammaire diminuent chez les femmes ayant allaité leurs enfants
• Grâce à l’excrétion de ces carcinogènes stockés dans les cellules
adipeuses du sein, le lait pourrait donc participer à la diminution du
risque du cancer du sein.

3- Différenciation mammaire :
• Le sein subit des changements de taille, de forme et de fonction en association
avec la croissance, la vie reproductive et la ménopause.
Ces changements ont une influence sur le risque de développer un cancer du sein
• Une étude menée en 2001 a étudié les relations possibles de la structure et du
développement de la glande mammaire sur le risque de cancer du sein
• Les auteurs ont montré que l’initiation du carcinome mammaire nécessitait
l’interaction d’un carcinogène avec un épithélium mammaire indifférencié et
hautement prolifératif.
Ainsi, pendant la grossesse tout comme pendant l’allaitement, qui sont des états
physiologiques caractérisés par une différenciation de la glande mammaire,
il y aurait inhibition de l’initiation de la carcinogenèse mammaire.

Allaitement pendant le traitement
La possibilité d’allaiter ou non va surtout se faire
en fonction du traitement mis en place
• L’allaitement est déconseillé avant une chirurgie mammaire, car il a tendance à
engendrer des fluctuations de l’organe mammaire et une hyper vascularisation
pouvant entraîner des complications
• Par mesure de précaution, l’allaitement durant la chimiothérapie est interdit.
• Lorsque d’autres thérapies médicamenteuses sont utilisées, telles
que l’hormonothérapie, le risque d’intoxication de l’enfant via le lait maternel
demeure élevé, et l’arrêt de l’allaitement est inévitable.

Allaitement après cancer du sein
• La plupart des professionnels de santé interrogés a estimé que la pratique de
l’allaitement après cancer du sein était bénéfique en termes :
- De réduction de risque de récidive
- D’augmentation de la survie globale
• Ceci n’est cependant pas un fait établi.
En effet, peu de travaux scientifiques ont étudié l’influence de l’allaitement sur le
pronostic des patientes antérieurement traitées pour un cancer mammaire.
• Le traitement d’un cancer du sein peut entraver la capacité d’allaiter.
• La ligature des galactophores, partielle ou totale en est un exemple.

• La radiothérapie peut altérer le potentiel fonctionnel du sein traité, en provoquant
dans le sein une fibrose et une sténose des canaux galactophores.
L’élasticité du mamelon peut en être affectée, ce qui peut empêcher le nourrisson
de téter correctement.
• Dans le cas d’une mastectomie unilatérale complète, ou celui d’une hypogalactie du
sein traité, la patiente peut allaiter d’un seul sein.
• Même si cela est plus compliqué, allaiter son bébé à l’aide de son sein opéré peut
aussi être possible, bien que cela varie en fonction du traitement reçu et des
séquelles engendrées par la thérapie.
Allaitement après cancer du sein

Conclusion
• Les allaitements de longue durée semblent avoir un rôle protecteur quant au risque
ultérieur de développer un cancer du sein.
• Ce rôle serait cependant différent en fonction des sous-types de cancer du sein :
certaines études ont retrouvé une réduction du risque pour les cancers triple-
négatifs, mais pas pour les cancers RE+ ou sur exprimant HER2.
Il a été retrouvé en cas de mutation de BRCA1 mais pas en cas de mutation de
BRCA2.
• Il n’y par ailleurs pas de contre-indication à allaiter après avoir eu un cancer du sein.

Références
• Breast cancer, parity and breastfeeding - Aude Recoules-Arché*,
Virginie Fourchotte**
• Breastfeeding and breast cancer - C. Freund a, L. Mirabel a, K. Annane
b, C. Mathelin b,c,*
• Allaitement et cancer du sein - Breastfeeding and breast cancer - M.
Espié*, S. Da Costa*, S. Frank*
• Allaitement après cancer du sein : enquête auprès des professionnels
de santé hospitaliers en Alsace§

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Notes de l'éditeur