Genève internationale : un atout économique sous pression

Genève internationale : un atout économique sous pression

La Genève internationale est à l’origine d’environ deux tiers de la valeur ajoutée du canton lorsque l’on additionne ses impacts directs, indirects et induits. La part de la valeur ajoutée directement et indirectement due au secteur international à Genève a eu tendance à augmenter ces dix dernières années. Mais aujourd’hui, cette manne est sous pression. Directeur de la Fondation pour Genève (FPG), qui œuvre pour le rayonnement de notre canton, Fabrice Eggly en dresse le bilan. 

Dans le nouveau contexte politique, que faut-il entreprendre pour maintenir Genève dans son rôle de capitale du multilatéralisme ?

Genève fait face à des défis majeurs dans un contexte où le multilatéralisme est remis en question. 

L’érosion de la confiance mondiale dans la coopération internationale, accentuée par des tensions géopolitiques et le repli nationaliste de certains États, fragilise la Genève internationale. Cette crise de légitimité s’accompagne également d’une dépendance financière excessive à quelques contributeurs historiques. Par ailleurs, le multilatéralisme, historiquement façonné par l’Occident, peine encore à refléter pleinement la diversité du monde actuel. Enfin, le soutien à la Genève internationale est également un enjeu central dans notre pays, comme en témoignent les débats à Berne sur le financement de certaines organisations ou institutions emblématiques. 

Cependant, toute crise offre également des opportunités. La crise actuelle doit être un catalyseur pour réaffirmer l’importance du multilatéralisme et rappeler qu’un monde stable et structuré est dans l’intérêt de tous. Le monde a besoin d’un ordre mondial. À Genève de montrer qu’elle a tous les atouts pour le faire vivre. 

La Genève internationale doit-elle se réinventer ?

Il est évident que Genève doit évoluer pour rester un acteur central de la gouvernance mondiale. Il est nécessaire également de mettre l’accent sur des enjeux impactant fortement nos sociétés, telles que le numérique et l’intelligence artificielle. 

L’innovation doit être au cœur de cette transformation. Le Geneva Science and Diplomacy Anticipator (GESDA), créé en 2019, a par exemple initié une démarche inédite en cherchant à anticiper les mutations sociétales induites par les nouvelles technologies afin d’en tirer parti pour le bien commun.

L’une des pistes pour l’avenir de la Genève internationale réside dans la création de nouvelles alliances. On constate que le multilatéralisme construit en 1945 peine à répondre efficacement aux nouveaux défis. Il devient impératif de mieux intégrer des acteurs comme les BRICS (groupe de dix pays - Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Iran, Égypte, Émirats arabes unis, Indonésie et Éthiopie - ayant pour but de rivaliser avec le G7) afin de garantir une représentation plus équilibrée et d’éviter une fragmentation des instances de gouvernance.

De plus, la collaboration avec le secteur privé doit être renforcée. Bien que cette dynamique ait déjà été initiée il y a plusieurs années, elle doit aujourd’hui être intensifiée pour faire face aux enjeux actuels. Des philanthropes et des acteurs privés ont en effet prouvé que d’autres sources de financement pouvaient jouer un rôle clé dans des initiatives internationales majeures. 

Le rôle de Genève est-il menacé ou renforcé dans ce contexte d’affaiblissement du multilatéralisme ?

Forte de 40 organisations internationales, dites « techniques », plus de 460 ONG et 180 missions permanentes, la diversité de l’écosystème de la Genève internationale lui confère une certaine résilience. Elle bénéficie en effet d’une concentration exceptionnelle d’acteurs internationaux dans des domaines variés, de la santé aux droits humains, en passant par le commerce et l’innovation. Genève est la « cuisine » du système international, tandis que New York en est la « salle à manger » : ce qui se décide à Genève impacte chaque jour les citoyens du monde, souvent loin des projecteurs médiatiques. Sa neutralité, son rôle de facilitateur de dialogue et son expertise en font un acteur central du multilatéralisme. 

Si Genève n’est donc pas directement menacé, les institutions présentes pourraient toutefois être fragilisées par la diminution des financements et le désengagement croissant des États membres. L’étude de la Fondation pour Genève publiée en 2024 indique que 39 % des ONG interrogées envisageraient de quitter notre canton si d’autres organisations importantes actives dans leur domaine venaient à partir, entraînant un affaiblissement progressif de la Genève internationale. 

Face aux crises actuelles, Genève doit donc saisir l’opportunité de redéfinir son rôle en s’adaptant aux nouvelles réalités géopolitiques. En diversifiant ses partenariats, en intégrant de nouveaux acteurs et en innovant, elle peut non seulement renforcer sa position, mais aussi consolider sa réputation, en offrant un espace de dialogue pour tous.

Comment qualifier le retrait du financement des États-Unis de l’OMS ?

Le retrait des financements américains à l’OMS est un signal très préoccupant pour la coopération internationale. Ce désengagement, qui a été suivi notamment par celui du Conseil des droits de l’Homme et d’autres ONG de coopération, affaiblit non seulement les actions de l’organisation en matière de santé mais reflète une tendance plus large de retrait de certaines grandes puissances. On peut craindre un effet domino préjudiciable pour la Genève internationale, surtout lorsque l’on considère qu’elle représente près de 34 000 emplois directs, dont 2 600 dépendent directement de l’OMS. 

Mais loin de marquer la fin du système multilatéral, ce retrait américain pourrait devenir un catalyseur pour de nouvelles alliances et une réorganisation des financements, où la diversification et la résilience deviennent des principes essentiels. 

Agissons avec détermination. Ce retrait doit être perçu comme le point de départ d'une nouvelle ère, où ceux qui croient aux valeurs essentielles du multilatéralisme se rassemblent, s’engagent davantage et explorent de nouvelles voies de coopération, plus robustes et plus représentatives des équilibres mondiaux. 

Genève offre un écosystème international unique au monde. L’attractivité de Genève et de la Suisse repose sur une bonne politique d’accueil, une qualité de vie élevée, une forte stabilité politique, ainsi que sur des conditions fiscales avantageuses.

Plus d’informations ici : https://www.fondationpourgeneve.ch/wp-content/uploads/2024/03/Etude-impact-du-secteur-international_FPG_web.pdf

Otmane Yassine

Président Fondateur chez Akal | Marque et label international

6 mois

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